Ce que
mijote Édouard Philippe pour 2022
ENQUÊTE.
Neuf mois après avoir quitté Matignon, l’ex-Premier ministre structure ses
réseaux et se tient prêt à toute éventualité. Quelle que soit la date.
Il
a repris ses longues marches le nez au vent dans Paris, parfois escorté par un
élu qu'il sonde sur les scrutins à venir et l'humeur du pays. Comme au temps où
il se plaisait à rentrer à pied à Matignon après les séances de questions à
l'Assemblée. «
C'est son truc, il appelle ça son bureau mobile », raconte un des
privilégiés, convié à partager une flânerie sur les quais de la Seine. Avec
eux, loin des murs aux oreilles indélicates, Édouard Philippe parle politique,
état de la droite et présidentielle. « Il craint un accident démocratique », confie
l'un de ces promeneurs éphémères, qui le dit tourmenté à l'idée que la patronne
du Rassemblement national s'empare dans un futur proche du palais de l'Élysée. « Il m'a
demandé si je pensais qu'Emmanuel Macron avait la capacité de se représenter si
la situation sanitaire ne s'améliore pas et s'il était le mieux placé pour
battre Marine Le Pen. Il teste le champ des possibles », raconte un
autre.
Comme ces heureux élus, le président du Sénat, Gérard Larcher, et
l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve ont eu droit il y a peu à un
entretien particulier, de même que le sarkozyste Frédéric Péchenard, le député
Robin Reda, proche de Valérie Pécresse, ou le sénateur centriste Hervé
Marseille. Le 18 mars, une halte chez Anne-Marie et Jean-Pierre Raffarin, dans
leur demeure de Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime), a dû être annulée in
extremis pour cause de reconfinement. Et il ne se passe pas une semaine sans
que Philippe appelle ou glisse une tête chez ses complices du gouvernement,
Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin. « J'ai retrouvé mon ami », dit en souriant, espiègle,
le ministre de l'Intérieur.
« Une question d'élégance, d'honneur ». Cette
agitation taraude la macronie, qui épie le moindre de ses gestes et attend non
sans appréhension la sortie de son livre. « À chaque fois qu'il frétille, le Château veille »,
constate, amusé, un sénateur LR. Que mijote-t-il en coulisses ? Et s'il n'était
pas si loyal ? S'il trahissait ? Autour d'Emmanuel Macron, les basses
mesquineries et chuchotements des visiteurs du soir ont repris. Tantôt, c'est
un intime du président qui le traite de « planqué » et vante un Jean Castex sachant prendre
les coups, «
lui » ; tantôt, c'est un habitué de l'Élysée qui égratigne : « C'est un
éternel numéro deux, il n'a pas l'étoffe pour aller plus haut. » « Édouard
est trop orgueilleux pour trahir », serine un autre, lui rappelant
qu'il doit absolument tout au chef de l'État : « Il le soutiendra, avant le
premier tour de la présidentielle. Il a un petit côté aristocratique, il n'a
pas l'âme d'un valet, mais si le président lui demande, il le fera. C'est une
question d'élégance, d'honneur, il lui a donné les clés de la France ! »
Un soutien d'autant plus crucial qu'Édouard Philippe tutoie les
cimes de la popularité dans l'électorat de droite, que le président convoite.
Entre eux, la relation reste fluide. Ils ont dîné ensemble le 9 mars à
l'Élysée, leur deuxième entrevue depuis leur divorce à l'amiable du 3 juillet.
Macron doit lui remettre prochainement la médaille de grand officier de la
Légion d'honneur, cérémonie différée officiellement pour cause de pandémie,
sans que l'on sache si la crise a bon dos. « Le sujet n'est pas tant avec le président qu'avec une partie de
la macronie, qui lui fait des soupçons en déloyauté », décrypte un
ministre attentif aux destinées de l'ancien locataire de Matignon.
« Alors, c'est qui les technos ? »
Une amicale pression qui a le don d'exaspérer l'ombrageux Philippe, vexé par
ces saillies assassines. Elles le confortent dans sa conviction que le temps
est venu de dessiner son propre chemin, de monter sa petite affaire
immatriculée au Havre et de rendre les coups à ceux qui l'ont, si ce n'est
maltraité, du moins méprisé durant trois ans. Lui, un laquais qui se couche au
premier coup de sifflet ? C'est bien mal le connaître. « Édouard
était loyal et maintenant il est libre, complètement libre. On ne peut pas
faire comme s'il ne s'était rien passé le 3 juillet, c'est un fait politique.
Il va falloir que les atrabilaires s'y fassent. En lui demandant d'être aux
ordres, ils renforcent son goût de la liberté. Ils ne devraient pas jouer à
ça, alerte un fidèle. Il n'a jamais raconté l'histoire d'un homme qui prend sa
retraite et se retire sur son Aventin pour s'occuper du Havre. Il a envie de
politique, il prend des rendez-vous, il écoute. Il a des amis, des alliés. Il
fait ses marches dans Paris avec qui il veut. On n'a pas de pudeurs à dire
qu'il s'organise. » La loyauté, oui, le soutien aveugle, non.
Le 19 mars, au lendemain de l'annonce du vrai-faux reconfinement,
Édouard Philippe laissait entendre une discordance inédite, qualifiant sur
Facebook la quarantaine imposée à la Seine-Maritime de « mauvaise
surprise », « pas justifiée » à ses yeux. De là à supposer qu'il
s'agissait d'empêcher les élus de sa petite amicale, pilotée par le maire ex-LR
d'Angers, Christophe Béchu, de le retrouver le 5 avril au Havre pour peaufiner
le lancement de son livre, voire de rendre impossible des séances de dédicaces
qui menaçaient de tourner à la virée électorale… Jamais jusqu'alors il ne
s'était démarqué des décisions sanitaires de l'exécutif. En privé, aucun des
ratés de l'équipe Castex ne lui échappe pourtant, à commencer par la fugace
attestation de sortie, petit bijou de bureaucratie tatillonne. «
Alors, c'est qui les technos ? » se gausse un philippiste. En
février, il a déposé les statuts d'un micro-parti, Le Havre !, dont le nom au
subtil double sens intrigue. Faut-il y voir là un hommage à sa ville de cœur,
ou une invitation à rallier un nouveau refuge politique prometteur ? Après Impressions
et lignes claires, il a d'autres livres en tête, qu'il écrira seul
cette fois, sur la laïcité, notamment. « J'ai encore beaucoup de choses à dire »,
confie-t-il.
Une étroite voie de passage. 2022
? Il aurait tort de ne pas y songer, fort de son titre jalousé d'homme
politique le plus populaire. « S'il en est un qui peut penser que tout est dans le champ des
possibles et qu'il faut envisager toutes les hypothèses, c'est lui. Trois mois
avant de devenir Premier ministre, sa nomination n'était pas envisagée. Tout
peut arriver en politique, mais il est condamné à suivre cette ligne : y penser
toujours, n'en parler jamais », philosophe un compagnon de route.
L'auteur de polars et amateur de séries qu'est Philippe à la ville en
conviendra : le scénario relève d'un feuilleton de politique-fiction, tant la
voie de passage ressemble à une tête d'épingle. Imaginez seulement, phosphorent
certains de ses partisans, qu'un premier sondage donne le président battu par
Marine Le Pen, suivi d'autres enquêtes lui promettant une défaite de plus en plus
nette. Macron ne serait-il pas contraint de se désister en faveur de Philippe,
pour ne pas rester dans l'Histoire comme celui qui aura cédé les clés de
l'Élysée à la fille de Jean-Marie Le Pen ? « Si la vaccination ne se déroule pas comme prévu, si une quatrième
vague de Covid-19 s'abat à l'automne, ça retombera sur Macron »,
prophétise un autre. Fantasmagorie, riposte le sénateur François Patriat,
gardien du temple macroniste : « Même à 10 % dans les sondages, Emmanuel ira. Vous le voyez
renoncer comme François Hollande ? Ça n'existe pas ! »
Il est un fait acquis. Jamais l'ancien Premier ministre n'affrontera le président dans les urnes. Jamais il ne sera Brutus. Question d'éthique personnelle, qui confine, chez ce juppéiste, à la raideur. Et pur pragmatisme, tant il démolirait son image forgée sur la loyauté. Découvrant il y a quelques mois dans la presse un écho qui lui prêtait l'ambition de défier Macron en 2022, Philippe était entré dans une colère noire. « J'étais ancien directeur général de l'UMP et le président me dit : "Tu veux devenir Premier ministre ?" et il y a assez de cons pour penser que je vais aller contre lui ? » Seuls une « tempête politique », un « écroulement », pour reprendre des termes qu'il affectionne, lui dégageraient la voie. « Il ne fera rien contre Macron, mais il ne se fera pas tuer pour lui », résume un poids lourd de LR avec qui il échange. Le money time, ce sera l'automne, selon l'état de l'opinion et l'ampleur de la bourrasque sociale et sanitaire. « Tout ça peut finir en accident électoral, en film d'horreur. Macron lui-même a ouvert un soupirail en déclarant à Brut qu'il ne serait pas candidat à tout prix. Il l'a dit ! Le père Édouard a pris goût au pouvoir. Son bouquin va servir de petit livre rouge. Il fait le tour de chauffe, et il rentrera au paddock si son heure n'est pas venue », achève un de ses récents interlocuteurs.
« Pourquoi pas lui ? ». À droite
aussi, il existe un désir à peine voilé d'Édouard Philippe, malgré la «
trahison » de 2017. Lors d'un bureau politique (BP) du parti, Jean-François
Copé a crevé l'abcès : « Pourquoi pas lui ? » « La moitié du BP acquiesçait.
Christian Jacob n'était pas ravi, se souvient un participant. Il garde une
cote énorme chez nos militants, qui le voient comme le Messie. Ils ont oublié
qu'il a été Premier ministre de Macron, il est sorti au bon moment. »
Beaucoup n'attendent qu'un geste de sa part. « Il suffira d'un signe… », chantonne un sénateur LR. « Il n'y a
pas une semaine sans qu'un député me demande de ses nouvelles ou de lui faire
passer un mot », rapporte la députée Agir Agnès Firmin-Le Bodo,
fidèle du Havrais.
Cette « doudoumania » gagne des élus qui ont ferraillé contre lui
dans l'Hémicycle, saisis d'un improbable syndrome de Stockholm. Philippe soigne
sa droite. Il cajole ses présidentiables, s'enquiert des intentions de Valérie
Pécresse, propose une entrevue à Bruno Retailleau, bavarde avec Xavier Bertrand
ou David Lisnard. Tous sauf Laurent Wauquiez, l'un des rares à avoir toujours
droit à sa plus haute mésestime. Les Marcheurs veulent croire qu'il fait « travailler
la poutre » pour leur ramener des recrues fraîches avant la
présidentielle. Mais quel est son intérêt dans l'affaire ?
« Patron d'une CDU à la française ». Il
y a chez Édouard Philippe quelque chose de Jacques Chirac, qu'il aime à imiter.
Dans son livre, il rend hommage à sa fille Claude pour lui avoir livré, « dans un
moment sensible, écrit-il, le conseil le plus marquant » de son triennat (mais
sans le donner !). De là à s'inspirer de son père ? 1976 : en créant le RPR,
l'ancien Premier ministre prend la droite d'assaut après avoir liquidé les
barons du gaullisme, dictant sa loi à un jeune président centriste jugé trop
monarchique… Nul n'a oublié que Philippe a œuvré, avec Alain Juppé, à l'union
de la droite et du centre au sein de l'UMP. « Il pourrait devenir le patron d'une CDU à la française, une
formation de centre droit qui regrouperait LREM, les centristes - sauf Bayrou -
et une majorité des Républicains », rêve un bon connaisseur de la
droite. François Bayrou alerte le président sur ce danger depuis des mois.
Macron réélu, avec une majorité étriquée, Philippe serait en situation de lui
imposer ses vues. Une tour de contrôle optimale pour préparer la suite en 2027
et empêcher tout concurrent d'émerger.
Macron et Philippe le savent, le train de l'Histoire passe
rarement deux fois. « Ça doit être inconfortable de ne pas savoir s'il faut être
candidat dans six mois ou six ans », soupire un fidèle de l'édile
du Havre. Le président, suspicieux par nature, surveille ses arrières. « Lui qui a
piqué le bureau de Hollande doit mal dormir la nuit, grince un
élu LR. Les
cambrioleurs n'ont qu'une peur, c'est d'être cambriolés aussi ! »
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Qui
a lâché l'affaire de cette fonction de 1er ministre juste au moment où la crise
sanitaire et économique du pays devenait sérieuse en retrouvant sa place de
maire du HAVRE confortable !
En
tant qu’ex 1er ministre inféodé à E. MACRON (se disant fidèle au
président) qu’a-t-il fait de remarquable sortant de l’ordinaire pas grand-chose,
car servile au président dans une France de cette V eme république ou le
pouvoir est concentré dans les mains d’un seul homme, ce que l’on subit de plus
en plus !
Surtout
quand on voit la gestion lamentable de cette pandémie et la vaccination mal
gérée sans compter la crise économique !
Cette
pandémie n’ayant mis en exergue que tous les défauts de tous nos politiciens
élus de tous bords que l’on connait depuis des décennies et les quinquennats
passés !
Cette
épreuve grave que traverse notre pays devrait enfin ouvrir les yeux de tous les
français avant que le pays finisse de sombrer, car hélas ces politiciens
médiocres eux sont toujours là et en 2022 c’est la dernière chance pour un assainissement
politique efficace, en profondeur, en plus de l’éradication de la Covid qui n’est
pas encore acquit !
Il
faut que nos concitoyens lambda se réveillent enfin, car cela fait trop longtemps
qu’ils se font manœuvrer par des poignées d’élus médiocres !
Jdeclef
03/04/2021 14h04
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