EXCLUSIF. Sébastien Lecornu : « Nous
devons armer l’Ukraine sur le long terme » !?
Dans une interview au « Point », le
ministre des Armées appelle à un réarmement d’une ampleur inégalée depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
Propos recueillis par Julien Peyron
Publié le 05/03/2025 à 15h00, mis à jour le
06/03/2025 à 11h07
Branle-bas de combat dans le bureau du général
de Gaulle, à l'hôtel de Brienne. L'effervescence est montée d'un cran au
ministère des Armées depuis deux événements récents, perçus ici comme des
« déflagrations » : le
discours à Munich du vice-président américain, J. D. Vance, puis
l'esclandre Trump-Zelensky
à la Maison-Blanche. L'agenda du ministre Sébastien Lecornu est plus serré
que jamais, entre une visioconférence avec ses homologues anglais, allemand,
polonais et italien et un débat à l'Assemblée nationale sur l'Ukraine.
.
Le départ de l'allié américain, il s'y prépare
depuis longtemps, lui, le Normand qui a toujours entretenu une relation
« hybride » avec les États-Unis. « Petit-fils de résistants dans
le Calvados, j'ai grandi en allant sur les plages du Débarquement et dans la
reconnaissance que les Français doivent au peuple américain. En même temps, ces
résistants étaient de grands gaullistes qui ont toujours considéré que
l'autonomie française n'avait pas de prix, que 1940 était un traumatisme
qu'on n'aurait jamais dû subir. Il ne faut donc compter que sur
nous-mêmes. » À l'heure où la France et l'Europe se retrouvent à nouveau
seules face à leur destin, il appelle au réarmement. L'objectif de 3 % du
PIB pour la défense ? Très insuffisant selon lui.
Le Point : Les États-Unis ont annoncé une
suspension de leur aide militaire à l'Ukraine. L'Europe a-t-elle les moyens de
se substituer à l'Amérique ?
Sébastien Lecornu : Les décisions
américaines appartiennent au président américain. En tant qu'Européens, non
seulement nous devons continuer d'aider militairement l'Ukraine à faire face à
l'agression sur cette ligne de front gigantesque – car les négociations de paix
doivent se faire sur la base d'un rapport de force – mais notre aide devra
continuer pour l'après. Nous devons armer l'Ukraine sur le long terme, car
c'est la première des garanties de sécurité pour une paix durable. Nous devons
apprendre des cessez-le-feu précédents et tirer les conclusions du comportement
de la Russie depuis 2008.
Pourquoi Trump
déteste Zelensky depuis des annéesQuel type d'armement ou de munitions la
France pourrait-elle envoyer rapidement en Ukraine ?
L'Ukraine profite de la modernisation de notre
armée, car nous lui fournissons les matériels anciens que nous retirons de nos
unités ou des munitions qui arrivent à péremption. En ce début d'année, nous
allons avoir une centaine de VAB (véhicules de l'avant blindé) et plusieurs
dizaines de chars AMX-10 RC qui vont être retirés de l'armée de terre
française pour être remplacés par des nouveaux équipements comme le Griffon ou
le Jaguar.
L'Ukraine va bénéficier de ce renouvellement.
Quant aux missiles complexes qui arrivent en fin de parcours, nous les rénovons
pour augmenter leur durée de vie et les livrons à l'Ukraine, comme nous l'avons
fait pour les missiles Scalp. L'enjeu, c'est d'assurer la soutenabilité
financière dans la durée, et les produits des avoirs gelés russes nous y
aident.
Quelles
solutions pour l'armée ukrainienne sans aide américaine ?
Le désengagement américain de l'Europe a
commencé depuis des années. Pourquoi certains semblent-ils tomber des
nues ?
Il faut distinguer l'Europe de la France. Dès
les années 1960, le général de Gaulle prédisait que les États-Unis pourraient
refuser d'entrer en guerre pour l'Europe. C'est pourquoi la France s'est dotée
de la dissuasion nucléaire, d'une puissante industrie de défense souveraine et
que nous avons un rôle à part dans l'Otan. Contrairement à d'autres pays
d'Europe, la France a refusé de déléguer sa sécurité à Washington, pour ne pas
dépendre du bon vouloir d'un locataire de la Maison-Blanche.
Un effet drapeau pour
Macron et Bayrou ? Combien d'années faudra-t-il à l'Europe pour
acquérir son autonomie stratégique ?
Je constate qu'il y a eu un changement de
mentalité au sein de l'UE : ceux qui militaient pour des activités à
faible impact écologique au Parlement européen il y a trois ans estiment
aujourd'hui qu'on ne produit pas assez d'armes ! De son côté, la
Commission européenne ne doit pas dicter aux États membres leur stratégie de
défense, mais elle peut lever certains freins aux industries de défense et
permettre de conquérir une autonomie industrielle beaucoup plus forte.
Il faut produire plus vite pour proposer des
solutions à nos voisins.
Nous pouvons mutualiser des factures, notamment
pour la remontée en puissance des lignes de production et le financement des
stocks stratégiques de matières premières ou de produits manufacturés. Le
domaine spatial doit être traité en urgence : l'Europe risque de
disparaître dans la course à l'espace face aux Américains mais aussi face aux
Russes, aux Indiens et aux Chinois. La question est de savoir si nous
sommes condamnés à utiliser Starlink pour les communications sur certains
théâtres ou si nous sommes capables d'accélérer le développement de notre
propre galaxie de satellites de communication, à travers le projet européen
Iris2, par exemple.
Ursula
von der Leyen annonce un plan de 800 milliards d'euros pour réarmer
l'Europe
On parle de dix ans pour devenir
effectivement autonome…
Nous, nous avons les capacités industrielles.
Après, il faut produire plus vite pour proposer des solutions à nos voisins, et
cela dépend des systèmes d'armes. On peut aller beaucoup plus vite sur les obus
de 155 millimètres que sur les missiles complexes. Il y a aussi un débat
sur la relocalisation à avoir, car les pays de l'Union européenne ont parfois
laissé partir des productions de composants critiques en dehors de l'UE.
Ce que l'on fait à Bergerac en est un bon
exemple : entre la décision de relocaliser et les premiers grammes de
poudre explosive produits, il se sera passé moins de trois ans. Ce mouvement de
relocalisation peut aller beaucoup plus vite si on s'y met à plusieurs.
Donald Trump
veut-il vraiment vassaliser l'Europe ? L'objectif de 3 % du PIB
consacré à la défense apparaît à la fois sous-dimensionné et difficile à
atteindre étant donné l'état des finances publiques. Où faut-il mettre le
curseur ?
Le budget consacré à la défense était de
32 milliards d'euros en 2017 ; il est de 50,5 milliards en 2025,
et la loi de programmation militaire nous amène à 67 milliards d'euros en
2030. C'est une augmentation énorme. Pour autant, est-ce suffisant ? Non,
il faut encore augmenter. Un budget de 5 % du PIB représenterait environ
140 milliards d'euros par an dans les conditions économiques actuelles, ce
qui n'est pas non plus crédible à court terme.
Le président de la République n’a jamais dit
qu’il partagerait la dissuasion nucléaire.
En revanche, un « poids de forme » de
l'armée française à un peu moins de 100 milliards d'euros de budget annuel
permet de durcir notre modèle d'armée : Emmanuel Macron m'a demandé de lui
proposer plusieurs scénarios de montée en puissance. La défense est la raison
d'être même de l'État. Cela impliquera de faire des choix et d'établir nos
priorités.
Sans remettre en cause la doctrine française
sur le nucléaire, le président s'est dit prêt
à « ouvrir la discussion » sur une dissuasion nucléaire
européenne. Qu'entend-il par là ?
Il est difficile d'avoir un débat éclairé sur
ce sujet, car il est soit caricatural sur le terrain politique, soit évoqué par
des personnes qui n'y connaissent rien. Le président de la République n'a
jamais dit qu'il partagerait la dissuasion nucléaire, elle est souveraine et le
restera. En revanche, depuis plusieurs mois, des capitales européennes
demandent à la France ce que nous pouvons offrir en matière de sécurité si les
Américains se retirent.
Sébastien Lecornu et une partie de ses
collaborateurs se rendent à l’Assemblée nationale le 3 mars 2025 pour un
débat sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe. © Sébastien Leban
pour « Le Point »
Le président de la République souhaite que ces
conversations stratégiques puissent avoir lieu parce que c'est l'intérêt de la
France que la dissuasion nucléaire soit comprise non seulement de nos
compétiteurs mais aussi de nos alliés. Il est normal que les capitales
européennes se posent des questions sur notre stratégie de défense, puisque
nous avons la première armée d'Europe. Il est étonnant en revanche que
certaines formations politiques françaises, qui ne cessent de parler d'un
prétendu déclin français, s'émeuvent que l'Europe se tourne vers la France…
Le stock de l'arsenal nucléaire français est-il
suffisant ?
La stricte suffisance existe dans notre
doctrine, et nos forces nucléaires sont taillées pour être crédibles. Il n'y a
pas de schéma dans lequel les forces nucléaires ne seraient pas à leur format.
L'Otan peut-elle survivre à un départ des
États-Unis ?
Il faut se préparer à un potentiel
désengagement américain en Europe. Pour nous, Français, cela ne change pas
grand-chose : il n'y a plus de troupes américaines en France depuis 1966,
notre dissuasion est 100 % française, et nous sommes habitués à mener des
opérations seuls, comme en Afrique pour la lutte antiterroriste. C'est notre
intérêt d'aider le reste de l'Europe à se réveiller et à gagner en autonomie
stratégique.
Il est urgent de
reconstruire la défense de la FrancePeut-on se passer de l'Amérique en
matière de renseignement ?
Nous avons été complètement dépendants pendant
des années, ce qui a guidé la décision de créer la Direction du renseignement
militaire (DRM) après la première guerre du Golfe, en 1992. Depuis plus de
vingt ans, il y a un combat pour l'autonomie de notre renseignement qui porte
ses fruits, que ce soit en matière de renseignement militaire, de lutte
antiterroriste, d'intelligence économique ou de surveillance de la
prolifération nucléaire.
Oui, on peut être défait sans être envahi.
Le renforcement de la DGSE, de la DRM et de la
DRSD [les trois services de renseignement sous tutelle du ministre, NDLR]
représente une part importante de la programmation militaire, avec des sommes
considérables. L'intelligence artificielle doit aussi nous aider à changer
d'échelle, c'est pourquoi j'ai souhaité qu'on crée une agence pour
« arsenaliser » rapidement certaines technologies. En matière de
renseignement, le traitement de la masse de données est un point clé qui permet
de massifier l'analyse. La DGSE sera probablement l'un des premiers
bénéficiaires de l'IA dans l'État.
EXCLUSIF.
Rendez-vous avec le patron de la DGSE dans la salle de crise
Dans votre livre Vers la guerre ? La
France face au réarmement du monde, vous écrivez que la France pourrait
être défaite sans être envahie. Sommes-nous vulnérables en matière de guerre
hybride ?
Une des thèses du livre est qu'il faut faire
attention à ne pas investir massivement pour se préparer à la guerre d'hier, ce
qui peut être une tentation chez les Européens à cause des lobbys industriels
d'armement ou de la volonté de remplir des stocks pour rassurer les opinions
publiques. Nous sommes une puissance nucléaire. Le principal risque d'une
puissance nucléaire est de voir sa dissuasion nucléaire contournée par le bas,
c'est-à-dire par des menaces que la dissuasion ne permettrait pas de déjouer :
menaces hybrides, intérêts civils détournés à des fins militaires, comme
l'énergie ou les denrées agricoles, cyberattaques massives, manipulation de
l'information…
« Notre
modèle de sécurité s'écroule » : le cri d'alarme du général Vigilant
À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Nous vivons un moment curieux : nous avons
des troupes en Roumanie pour faire de la réassurance et empêcher une invasion
de chars russes, mais, pendant ce temps, les services du Kremlin tentent
d'influencer l'élection présidentielle roumaine… Donc, oui, on peut être défait
sans être envahi. C'est pourquoi nous devons avoir un débat politique sur la
part d'argent que nous sommes prêts à mettre dans notre défense, pas seulement
dans sa partie militaire, mais aussi dans la cybersécurité des hôpitaux, des
entreprises, des rédactions de presse, des collectivités locales…
Quelles mesures de précaution prendre pour
protéger le débat démocratique présidentiel de 2027 ? Quelles sont les
menaces hybrides qui peuvent peser sur les Outre-mer ? Il faut qu'on se
réarme, et ce n'est pas à perte, car nous allons créer les conditions de la
protection du développement de notre économie et même de notre modèle social.
Nous revenons à l'essence même de ce qu'est l'État : garantir la sécurité
et les libertés.
Les Francais s’inquiètent
Sondage Cluster17, réalisé pour Le Point du
25 au 28 février auprès d'un échantillon de
1 518 personnes.
65 %
des Français craignent un conflit armé en
Europe.
Le retour de Trump est jugé négativement par
52 % d'entre eux, seul l'électorat Reconquête y voit un signe positif
(54 %).
93 %
souhaitent que l'UE achète des armes
européennes.
89 % des Français souhaitent même que la
préférence européenne soit obligatoire pour les achats d'armement.
42 %
se disent prêts à payer plus.
Moins de la moitié des Français sont prêts à
payer davantage d'impôts pour augmenter le budget de la défense.
Car on ne fait pas du neuf avec du vieux à l’exemple
du couple actuel MACRON réélu par des Français qui ne savent plus voter ou choisir
et qui s’en désintéressent ou qui ne comprennent rien et notre 1er
ministre le vieux BAYROU « prêchi prêcha bigo franc comme un âne qui recule »
mais totalement inutile ?!
Car quoi qu’en pense les Français n’ont plus la
parole : il faudrait peut-être un référendum mais faut-il savoir poser la
bonne question plutôt les bonnes mais l’exercice n’est PAS adapté à cela !?
Seule peut être semble-t-il un changement de
cette vieille VEME REPUBLIQUE USEE FRANCAISE de 1958 de 67 ans serait une
solution mais il faut attendre 2027
voire après?!
Mais il ne faut pas rêver les places sont si
bonnes pour nos politiciens et dirigeants de tous bords que des électeurs si naïfs
et ignares ont plébiscités ce qui est pitoyable !?
Alors attendons le pire puisque maintenant on n’hésite
plus à parler de guerres (mêmes mondiales) et tout cela à cause des peuples
libres et démocratiques les 27 de cette EUROPE OCCIDENTALE DITE UNIE incapable
en fait de s’unir pourtant 450 millions de ressortissants plus que les USA de
cet excité de TRUMP l’affairiste qui ne prône que l’argent roi et le profit de
son America First !?
Ce qui prouve et confirme qu’on est mal gouverné
et surtout mal protégé ce qui est grave pour la paix du monde !?
Jdeclef 06/03/2026 12h13
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