lundi 10 août 2015

COMME D'HABITUDE DANS NOTRE MONDE DE BIEN-PENSANTS HYPOCRITES ON DÉTOURNE LA NOTION DE"PEINE DE MORT" !

Guerre contre le terrorisme - Permis de tuer


Dans la guerre qu'elle mène en Afrique, la France, comme les États-Unis, élimine des "cibles". Récit dans les coulisses des opérations très spéciales.

L'État de droit a sa part d'ombre. Le président de la République a le droit de tuer, malgré l'abolition de la peine de mort. Monarque républicain, le chef des armées possède la faculté de baisser le pouce en décidant, seul et de sang-froid, de faire passer un homme de vie à trépas. Ce droit est incontestable, parce qu'il n'est écrit nulle part. Et parce que son exercice n'est ni discuté, ni partagé, ni contrôlé. En a-t-il usé, en personne, en désignant directement à des agents français civils ou militaires, hors de tout processus judiciaire, un ou plusieurs objectifs humains ? L'Histoire le dira un jour. Mais, pour l'instant, rien ne vient le démontrer.
Les moyens humains de conduire de telles actions existent, avec une chaîne de commandement identifiée et entraînée, aboutissant soit à des forces discrètes, celles du Commandement des opérations spéciales (COS), soit à des unités clandestines appartenant au service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Au sein même de cette dernière entité, il existe une unité plus mystérieuse et encore mieux cachée que les autres. Ces agents Alpha - à moins qu'ils aient un autre nom - ont été créés au tournant des années 80 par le général Jean Heinrich, alors chef de la direction des opérations de la DGSE, pour enfouir leurs éventuelles actions dans les ténébreux replis du monde des ombres. Dans son livre Les tueurs de la République (Fayard), le journaliste Vincent Nouzille leur prête un rôle que contestent des fonctionnaires bien informés. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ils suscitent les fantasmes. Dans un roman à clés publié en 2005, La vie mélancolique des méduses (Grasset), l'ancien ministre de la Défense François Léotard se glissait dans la peau d'un agent Alpha. La vérité est sans doute ailleurs. Mais pas dans une "liste de personnes à abattre" que François Hollande tiendrait dans sa poche. "Cette liste n'existe pas", glisse au Point un homme qui connaît le sujet.

Chance

À chacun son truc. Barack Obama utilise des drones armés quand il veut tuer un méchant. Depuis qu'il est au pouvoir, il a fait exécuter par la CIA plusieurs centaines de cibles au Pakistan, au Yémen, en Somalie et en Afghanistan. Entre autres. François Hollande a bien acheté de tels drones pour l'armée française, mais sans les missiles qui vont avec. Pourtant, c'est un dur. Dans la guerre qui se déroule en Afrique sahélo-saharienne, il cogne non point sans discernement, mais sans tergiversation. Quand il s'est agi de remonter vers le nord du Mali au début de 2013, affirme un fonctionnaire installé dans le circuit de commandement, "il a demandé : "Foncez vers le nord ! Ne vous arrêtez pas !" Il voulait piéger les terroristes dans l'Adrar des Ifoghas, on l'a fait".
Mais, avant de tuer un ennemi, il faut le trouver. Le renseignement est la clé de tout et les militaires comme les services secrets français agissent en synergie. La Direction du renseignement militaire (DRM) et la DGSE traquent le renseignement stratégique avec d'une part les satellites-espions Hélios et d'autre part tous les systèmes d'interception et d'espionnage imaginables. Les chasses à l'homme ne se font qu'à partir de renseignements recoupés, techniques mais aussi humains. Ces actions puissantes, délicates, sont surtout le fait des forces spéciales. Elles ne disent de leurs actions que ce qui les arrange, ne rendent compte à personne, hormis aux commandants des opérations, et regardent ailleurs quand le politique utilise leurs exploits pour démontrer sa fermeté. Parfois, la chance est au rendez-vous. Ainsi, en avril, en libérant l'otage néerlandais Sjaak Rijke, les "opérateurs" français du COS sont tombés sur des systèmes de communication (radios et GPS) qui, une fois désossés, ont livré leurs secrets. Depuis, les caches d'armes et d'explosifs sont découvertes les unes après les autres...

Cibles "neutralisées"

La révolution, ce sont les drones. Le Drian avait acquis la conviction, en puisant des avis dans différents cercles, que les engins pilotés à distance étaient indispensables et que l'achat de MQ-9 Reaper aux États-Unis s'imposait. Mais, tout ministre qu'il soit, Le Drian n'est pas décideur. Il a donc présenté le dossier à François Hollande, sous cette forme puisée à bonne source : "C'est un drame national, nous n'avons pas de drones !" Le président a dit oui, dans la seconde." Ces trois engins basés à Niamey sont utilisés pour rechercher les cibles, puis les surveiller en permanence et enfin les frapper après leur "désignation". Le Reaper vole à 16 000 mètres, très au-dessus des avions de ligne, et peut patrouiller vingt-quatre heures. Il a permis aussi bien de repérer des djihadistes "neutralisés" par la suite, que la zone de crash de l'avion d'Air Algérie, en juillet 2014.
Tué au Mali en mai par les forces spéciales françaises, Abdelkrim le Touareg - un chef local d'Aqmi qui avait revendiqué l'assassinat des deux journalistes de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon - se cachait depuis des mois dans les sables. Une interception a permis de le localiser, mais ce n'était que le début de la traque. Un officier connaissant cette affaire raconte : "Nous avons dû prendre pied au coeur des katibas touareg d'Aqmi. Pour comprendre le milieu, trouver le bon fil à tirer, attendre le moment favorable, il a fallu cinq mois..." Toute la panoplie a été déployée : des avions militaires et civils, ainsi que des drones silencieux fournissant des photos et des vidéos d'une précision insensée pour repérer deux motos dans une mer de sable. "Secouer" la cible en montant une pseudo-opération distante pour la faire bouger, mobiliser 100 hommes du COS, sans oublier un chien... Abdelkrim le Touareg avait beau être prudent en dormant chaque soir dans un lieu différent, il a été éliminé.

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