Dette : un scandale français
Dégradation de la note, procédure
pour déficit excessif, augmentation du spread… Pour la France, les signaux
négatifs se multiplient.
Par Emmanuel
Berretta, Clara Dealberto, François
Miguet et Philippine
Robert
Publié le 03/10/2024 à 06h30
Dette : comment en sortir ? © ANDBZ/ABACA
Nous sommes en 2018. Emmanuel Macron
s'apprête à fêter son premier anniversaire de président de la République. En ce
jour d'avril, il est en visite au CHU de Rouen. À une soignante qui lui réclame
plus de moyens pour l'hôpital, le locataire de l'Élysée répond : « À
la fin, c'est vous qui payez aussi, vous savez. Il n'y a pas d'argent
magique. »
À l'époque, la France vient tout
juste de sortir de la procédure de déficit excessif dans laquelle Bruxelles l'a
placée, à la fin des années 2000. Le jeune et fringant président promet de
mettre de l'ordre dans les comptes du pays et de maîtriser notre dette
publique, qui navigue alors autour de 100 % du produit intérieur brut. « La
dette, c'est nos enfants qui la paieront, ajoute-t-il. Aujourd'hui, nous
vivons à crédit, ça fait des décennies que ça dure. Et donc, si nous ne faisons
rien, ce seront nos enfants, et eux n'auront pas de choix. »
Emmanuel Macron, le président aux
1 000 milliards de dette
Seulement six ans se sont écoulés
depuis ces paroles, prononcées avec détermination et assurance par le tout
nouveau chef de l'État. Et puis, comme s'il était victime d'une malédiction
française, Emmanuel Macron, comme tous ses prédécesseurs depuis cinquante ans,
s'est mué en président dépensier, en vrai panier percé, et a empilé les
déficits.
Dette,
déficit : la France, mauvaise élève de la zone euro
Selon le dernier pointage de
l'Insee, réalisé fin septembre, notre dette s'établissait en juin à
3 228,4 milliards d'euros (112 % du PIB). Soit
948 milliards de dettes supplémentaires depuis l'élection présidentielle
de 2017 ! En avril, l'Institut Molinari avait estimé pour Le Point
que le
seuil fatidique des 1 000 milliards de plus serait atteint entre
janvier 2025 et janvier 2027. Le think tank libéral vient
d'actualiser ses calculs : nous dépasserons ce cap entre la mi-octobre et
la mi-novembre…
L'accélération est vertigineuse.
Pour le gouvernement Barnier, qui vient d'être nommé, concocter un budget qui
nous aide à redresser la barre ressemble à une mission impossible… Entre baisse
des dépenses et hausse des impôts, le cocktail ne sera pas agréable à avaler
pour une France habituée aux largesses budgétaires…
Le
roman noir de la dette : de la glissade de Giscard à la cagnotte de
Chirac
Sommes-nous arrivés au bord du
précipice ? Et si, cette fois, c'était vraiment du sérieux ? Ils ont
été si nombreux à crier au loup, à tirer le signal d'alarme d'un endettement
excessif et dangereux… Pourtant, la France s'en est toujours sortie sans
encombre. En 2005, le rapport Pébereau recommandait déjà de « rompre
avec la facilité de la dette publique ». En 2007, le Premier ministre,
François Fillon, estimait qu'il était « à la tête d'un État qui est en
situation de faillite sur le plan financier ». À l'époque, notre dette
atteignait à peine 67 % du PIB…
La crise des subprimes (2007-2008),
puis celle des dettes souveraines (2010), ne nous a finalement pas emportés,
mais c'est seulement grâce à l'action de la Banque centrale européenne (BCE),
qui a sorti le bazooka pour sauver la zone euro. « Whatever it
takes » avait alors déclaré le boss de l'institution, l'Italien Mario
Draghi, inventeur du « quoi qu'il en coûte ». S'est alors ouverte
une étonnante période de taux d'intérêt au plancher, voire… négatifs ! Une
étrangeté : l'emprunteur était rémunéré par le prêteur. Le monde à
l'envers ! De nombreux économistes ont alors formulé cette
recommandation : empruntons pour financer des investissements d'avenir,
tout en faisant le ménage dans nos pesantes dépenses de fonctionnement, qui
alourdissent chaque année notre déficit et, in fine, notre dette. Il n'en
fallait pas moins pour que certains fassent un raccourci et pensent que l'on
pouvait continuer à s'endetter indéfiniment…
Dette : les
Français plus inquiets que jamais
Emmanuel Macron n'a pas échappé à la
folie dépensière française. Après un début de premier quinquennat où les
cordons de la bourse ont été un peu retenus, le coffre magique s'est vite
ouvert avec la crise des Gilets jaunes, puis la pandémie de Covid et, enfin, la
crise énergétique. Et il ne s'est toujours pas refermé, malgré la fin du
chômage partiel et l'arrêt progressif du bouclier tarifaire… Ces épisodes hors
normes n'expliquent d'ailleurs pas toute la progression de l'endettement. Selon
les calculs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les
crises et les mesures exceptionnelles mises en place pour y faire face – y
compris le plan de relance – représentent 69 % des 12,6 points de PIB
de dette supplémentaire enregistrés depuis l'élection d'Emmanuel Macron, tandis
que les « effets budgétaires structurels directement attribuables aux
choix discrétionnaires durables » représentent 31 % de la hausse…
« Nous ne sommes plus du tout
dans une zone de confort »
Plus de 3 000 milliards
d'euros de dette… Mais peu importe, claironnent les plus optimistes : la
dette n'est pas un problème pour un pays aussi solide et riche que la
France ! Les signaux d'alerte sur nos finances publiques se multiplient
pourtant depuis plusieurs mois. La première fissure est apparue en
avril 2023, quand l'agence de notation Fitch a dégradé la note de la
France. Une première depuis 2014 et les soubresauts de la crise des dettes
souveraines… S&P
a suivi au printemps dernier, reléguant elle aussi la France de AA à AA-.
Et, selon les spécialistes, il ne serait pas étonnant que Moody's, la dernière
des trois grandes agences chargées d'évaluer la capacité d'un emprunteur à
rembourser sa dette, abaisse également la note hexagonale le 25 octobre.
La France se
finance désormais plus cher que la Grèce
Nos partenaires européens commencent
également à tiquer. Avec le retour de règles budgétaires rénovées – elles
avaient été suspendues au moment de la pandémie de Covid –, la France a de
nouveau été placée en procédure pour déficit excessif en juillet et doit
convaincre Bruxelles qu'elle peut redresser la barre. « C'est un moment
de vérité », confie une source proche du dossier. En plus du budget
annuel, la France doit présenter à la Commission européenne d'ici à la fin du
mois d'octobre une trajectoire financière sur quatre à sept ans, assortie d'un
programme d'investissements et de réformes.
Les marchés nous ont également à
l'œil. Depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, le spread, c'est-à-dire
l'écart de taux, entre la France et l'Allemagne, a bondi, jusqu'à atteindre les
80 points de base. « Ce n'est pas encore un seuil inquiétant, mais
nous ne sommes plus du tout dans une zone de confort », analyse
Alexandre Baradez, chef analyste chez IG. Les investisseurs ont désormais plus
confiance dans la dette espagnole ou portugaise. Fin septembre, le taux
d'intérêt sur les obligations françaises à cinq ans est même devenu supérieur
au taux grec, un pays qui a frôlé la faillite il y a quinze ans…
Dérapage incontrôlé
Il faut dire que le moment a de quoi
crisper les observateurs : un budget doit être conçu dans l'urgence et
voté par une Assemblée sans majorité. Tous ont bien compris que la dette de la
France est en train de devenir un problème. « Il n'existe pas de
chiffre magique au-dessus duquel la dette devient dangereuse, rappelle
Thomas Philippon, professeur d'économie à l'Université de New York, mais il
faut tout de même noter qu'aucun pays de la zone euro n'a connu un destin
heureux avec une dette dépassant les 120 % du PIB. Le Covid nous a
rapprochés de ce plafond et le transpercer ne serait pas une bonne idée. »
Notre trajectoire inquiète
également. Contrairement à nos voisins européens, qui ont tous serré la vis
après le Covid, la France continue de déraper. Cette année, notre
déficit devrait dépasser 6 % du PIB, selon les dernières déclarations du
nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. Lors du vote du projet de
loi de finances pour 2024, à l'automne dernier, il était pourtant attendu à
4,4 %… Le retour à 3 % en 2027, l'objectif d'Emmanuel Macron, n'est
plus même difficile, il est devenu complètement utopique. Non seulement notre
bulletin de notes est mauvais, mais nous sommes le dernier de la classe. Même
les Italiens, qui ne sont pourtant pas réputés pour leur sérieux budgétaire,
annoncent un retour sous les 3 % d'ici à 2026… « Entre 2019
et 2023, la croissance de notre taux d'endettement a été l'un des plus
forts de la zone euro. Et, en outre, cela s'est fait sans gain de croissance du
PIB par habitant, contrairement à ce qu'ont connu d'autres pays de la zone.
Donc ce surcroît de dette n'a pas été productif », décortique Olivier
Klein, professeur à HEC Paris et directeur général de Lazard Frères Banque.
Crise
de la dette : Christine Lagarde pourra-t-elle nous tirer d'affaire ?
Peut-être aurions-nous pu vivre dans
l'illusion encore longtemps… Mais la remontée des taux d'intérêt a changé la
donne. « Pendant plusieurs années, le taux d'intérêt était très
inférieur au taux de croissance. Nous pouvions alors stabiliser le ratio de
dette sans faire d'effort budgétaire, analyse Isabelle Job-Bazille,
directrice des études économiques de Crédit Agricole SA et ancien membre du
Haut Conseil des finances publiques. Aujourd'hui, les deux sont quasi
équivalents : il suffirait que la croissance s'essouffle ou que les taux
augmentent pour que la situation bascule. »
Le pire des scénarios
Dans les prochaines années, la
charge de la dette va devenir le plus gros budget de l'État. « C'est
autant d'argent qui ne peut pas être utilisé pour la transition écologique, le
régalien ou la justice : la France a des besoins énormes, mais n'a plus
aucune marge de manœuvre », souligne Éric Dor, directeur des études
économiques à l'Ieseg School of Management. « Peu importe qui sera élu
en 2027, il ne pourra rien faire car la priorité sera de payer les intérêts de
la dette », estime quant à lui Christopher Dembik, conseiller en
stratégie d'investissement chez Pictet AM. Ce n'est pas le seul effet pervers
de la dette. Par ricochet, celle-ci peut finir par peser aussi sur les autres
acteurs économiques. « S'ils ont des anticipations pessimistes – par
exemple s'ils pensent que des impôts seront levés pour rembourser la dette ou
qu'elle sera rachetée par la Banque centrale, ce qui peut conduire à un nouvel
épisode inflationniste –, ils peuvent s'interroger sur l'intérêt de faire un
effort productif, ce qui n'est pas bon pour la croissance », explique
François Facchini, professeur au Centre d'économie de la Sorbonne.
Le pire des scénarios serait celui
de la crise de financement. Heureusement, nous ne sommes pas encore entrés dans
ce cercle vicieux. Les investisseurs exigent une prime de risque un peu plus
importante qu'auparavant, certes, mais ils ne rechignent pas à acheter de la
dette française. Bien au contraire. « La dette française est bien
marketée et c'est un produit recherché. Quand un investisseur veut une dette en
euros liquide et qui rapporte, il n'a de toute façon pas l'embarras du choix,
car la dette italienne n'est pas très liquide et la dette allemande ne paie
pas », nous confiait récemment un fin connaisseur du marché. La zone
euro nous offre également un solide coussin amortissant. « Mais la
protection offerte par les États membres et la BCE vient avec le respect des
conditions du Pacte de stabilité, qui est une contrepartie à la
solidarité », rappelle Xavier Timbeau, directeur de l'OFCE.
Attention, un déficit
peut en cacher un autre
Tout ira bien… jusqu'au
jour où les marchés décideront que la dette française est un problème !« Vous
savez les investisseurs sont un peu comme Dory, le poisson du dessin animé Le
Monde de Dory : ils ont très peu de mémoire et ne peuvent retenir que
deux ou trois sujets à la fois. En ce moment, ils ne pensent qu'à deux
choses : “Est-ce que Nvidia [NDLR : entreprise américaine qui
produit des puces d'intelligence artificielle] va continuer de
croître ?” et “Que va faire la Fed ?”. Rien d'autre ne les intéresse.
Mais, un jour, ils se remettront à se dire que les dettes souveraines sont un
problème. Et, quand ce jour arrivera, les taux vont remonter, les actifs seront
tous réévalués à la baisse, et ce sera compliqué pour la France », juge
un grand investisseur américain.
« Nous n'avons jamais réussi à
prouver que nous pouvions réduire notre dette. La crise est inévitable, car
nous n'avons plus aucune crédibilité », s'inquiète François Langot,
économiste au Centre pour la recherche économique et ses applications. « L'enjeu
est à deux ou trois ans. Si le déficit continue à se creuser et que les marchés
ont un coup de stress, la prophétie deviendra autoréalisatrice »,
ajoute Christophe Boucher, directeur des investissements chez ABN Amro
Investment Solutions. Le coût à payer serait alors très élevé. La BCE finirait
sans doute par intervenir, même si elle n'est pas censée sauver un État qui
aurait décidé de cramer la caisse. Mais il est peu probable qu'elle le fasse
sans demander un effort d'austérité immédiat et important et des réformes
structurelles…
La
feuille de route pour la France de l'ancien chef économiste du FMI Olivier
Blanchard
Pour nous sortir de la zone de
turbulences, l'économiste Olivier Blanchard, ex-chef économiste du Fonds
monétaire international, préconisait l'été dernier dans nos colonnes de ramener
notre déficit primaire (sans compter les taux d'intérêt) à l'équilibre. Une
recommandation qui est également celle d'Adrien Auclert, de Thomas Philippon et
de Xavier Ragot, auteurs d'une note pour le Conseil d'analyse économique sur la
trajectoire de nos finances publiques. Ils conseillent à la France d'économiser
112 milliards d'euros pendant sept à douze ans. « C'est la
condition pour retrouver la maîtrise de notre destin », précise Thomas
Philippon. Reste maintenant au gouvernement à trouver le bon cocktail entre
baisse des dépenses, hausse des impôts et réformes structurelles qui doperont
la croissance… et de le faire adopter par le Parlement. Une mission qui paraît titanesque.
-
Et ce président personnage en plus
que l’on devra supporter jusqu’en 2027 que nous avons réélu en 2022 car on ne
peut s’en débarrasser de lui ni de ce gouvernement BARNIER qui peut être
renversé par des censures à tous moments car il profite lui comme d’autres de même
acabit de ces avantages et privilèges divers d’un autre Age !?
Alors certains se réfèrent à De
GAULLE (qu’ils n’ont pas connus) mais
lui n’a agi qu’à distance que pendant notre dernière guerre mondiale époque
mondiale pour soutenir la France pas encore libre car différente et d’ailleurs
les Français dont la génération avait changé l’on rejeté en 1969 à cause d’un
referendum ou il s’est fait piéger par des citoyens ingrats en qui il avait confiance !?
Pour le reste c’est simple la France
est ruinée à cause des Français et cette « macronie » devenue fantôme
par son président et ceux d’avant comme sous HOLLANDE qui s’est dégonflé dont
MACRON soi-disant économiste sortait de son gouvernement !?
Donc à moins de serrer la vis économique
drastiquement ce que le peuple ne supporterait pas et qui peut se révolter bien
pire que l’épisode des « gilets jaunes » surtout s’ils sont réduits à
faire la queue à des associations caritatives comme dans les années 30 pour
simplement manger (déjà le cas pour certains !?)
Jdeclef 03/10/2024 11h04
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire