Le ministre de
l’Intérieur Bruno Retailleau a relancé la polémique autour d’un
concept fondamental, clé de voûte de la démocratie. « Le Point »
rouvre le débat.
Par Nicolas
Bastuck et Samuel Dufay
Publié le 13/10/2024 à
13h00
Le
ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau lors d'une séance de
questions au gouvernement au Sénat, à Paris, le 9 octobre 2024. © Alexis
Jumeau/Abaca
«L'État de droit, ça
n'est pas intangible ni sacré. [Sa] source, c'est le peuple
souverain » : en
quelques mots au détour d'un entretien au JDD, le ministre de
l'Intérieur, Bruno Retailleau, a ravivé la controverse autour d'un concept
aussi souvent invoqué que mal compris.
Si elle nous semble
familière, l'idée d'État de droit est assez récente. « Historiquement,
l'État, plus généralement le détenteur du pouvoir, n'est pas soumis au droit
qu'il crée », rappelle Rémy Libchaber, professeur de droit privé à
l'université Paris-1-Panthéon-Sorbonne. Le concept d'État de droit instaure
précisément une soumission des autorités publiques au droit.
Bruno Retailleau,
l'homme qui bouscule la droite« En Europe, il y a deux traditions
juridiques qui ont assuré le développement de l'État de droit : le common
law anglais et la culture juridique germanique, distingue Aurélien Antoine,
professeur à l'université Jean-Monnet, à Saint-Étienne. Le principe de rule of
law – ou de prééminence du droit – plonge ses racines dans l'Angleterre
médiévale et a eu pour effet de soumettre assez tôt le monarque à des droits et
obligations. En Allemagne et en Autriche, de nombreux juristes de renom ont,
dès le XVIIIe siècle, cherché à réfléchir à l'encadrement du
pouvoir de l'État par le droit. » Les Allemands élaboreront la notion de
Rechts–staat (État législatif), qui connaîtra une nouvelle impulsion après les
ravages du nazisme.
Le tournant de la
« Liberté d'association »
En France, pays
traditionnellement dominé par un fort pouvoir étatique, la diffusion du concept
est plus tardive. L'expression est utilisée pour la première fois dans la
littérature savante par Raymond Carré de Malberg, dans sa Contribution à la
théorie générale de l'État, en 1920.
Ce juriste et
constitutionnaliste alsacien y différencie l'État autoritaire, d'essence
administrative et policière, et l'État libéral, où règne la règle de droit. La
Ve République, avec la création d'un Conseil constitutionnel,
va promouvoir ce principe dans la doctrine juridique française.
La décision
« Liberté d'association » (16 juillet 1971), dans laquelle il
censure un projet du gouvernement visant à instaurer un contrôle administratif
sur la déclaration des associations, constitue un tournant.
Oui,
l'État de droit est un principe sacré à protéger en France et en Europe
Elle permet non
seulement de faire figurer la liberté associative au nombre des
« principes fondamentaux reconnus par les lois de la République »
mais elle étend surtout au préambule de la Constitution, mais aussi à la
Déclaration des droits de l'homme de 1789 et au préambule de la
Constitution de 1946, le corpus juridique sur lequel les Sages vont désormais
exercer leur contrôle.
« Jusque-là, le
Conseil constitutionnel s'assurait surtout que le Parlement n'empiétait pas sur
le terrain du pouvoir exécutif ; il incarnait une méfiance vis-à-vis du
parlementarisme », rappelle Rémy Libchaber.
Avec ce nouveau
« bloc de constitutionnalité », le Conseil constitutionnel se place
en défenseur des droits fondamentaux des citoyens. « Le juge
constitutionnel endosse un rôle totalement inédit, celui de producteur de
normes », complète l'historien Arnaud Teyssier, spécialiste de la Ve République
et récent biographe de Charles de Gaulle (Charles de Gaulle. L'angoisse et la
grandeur, Perrin).
Garanties
Cette décision fait
progresser l'État de droit français, formule que le président François
Mitterrand popularise en 1985 dans la lettre de mission qu'il adresse à la
philosophe Blandine Kriegel, à qui il confie un rapport sur la modernisation de
l'État.
Instaurée en 1981, la
possibilité offerte aux citoyens de saisir la Cour européenne des droits de
l'homme avait marqué une autre étape. Depuis 2008, la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) permet à un justiciable de contester la constitutionnalité
d'une loi.
Devenu un slogan
politique, réduit – à tort – à la seule défense des droits de l'homme, le
concept galvaudé d'État de droit mérite que l'on revienne à ses sources.
« Ce principe renvoie à une conception limitée, et donc libérale, du
pouvoir. Le pouvoir est limité du fait de sa soumission à la règle de droit.
C'est un État qui est soumis au respect des droits fondamentaux des
citoyens », résume Olivier Beaud, professeur de droit public à
l'université Paris-Panthéon-Assas, auteur de L'État d'urgence sécuritaire et
sanitaire (avec Cécile Guérin-Bargues et Samy Benzina, Dalloz).
État de
droit en Europe : les bons et les mauvais pointsAssimilé par certains
à un carcan juridique qui priverait les gouvernants de moyens de défense et
d'action face à certains périls, l'État de droit bénéficie pourtant d'une
plasticité qui lui permet de s'adapter aux circonstances. Il n'a pas empêché
l'instauration d'un état d'urgence après la vague d'attentats de 2015 ou
durant la pandémie de Covid – le Conseil constitutionnel a néanmoins exercé un
contrôle vigilant sur cet état d'urgence sanitaire en imposant qu'il soit mis
fin au passe sanitaire dès lors qu'il n'était plus nécessaire. Du reste,
l'article 16 de la Constitution offre des pouvoirs exceptionnels au
président de la République en cas de crise grave menaçant les intérêts vitaux
de la nation.
« De Gaulle l'a
actionné en 1961 parce qu'il estimait que les “circonstances”
l'exigeaient, mais cette suspension provisoire de l'État de droit, prévue par
la Constitution, est très encadrée. Ce n'est pas quelque chose que l'on manie à
la légère », rappelle Olivier Beaud.
Déchéance de
nationalité
« Il y a un État
de droit, mais l'État a aussi des droits, notamment pour assurer la supériorité
des intérêts publics sur les intérêts privés et, en dernier ressort, pour
assurer la survie de la collectivité nationale », insiste Arnaud Teyssier.
De Gaulle avait rappelé les priorités à son garde des Sceaux Jean Foyer :
« Il y a d'abord la France, ensuite l'État, enfin, autant que les intérêts
majeurs des deux sont sauvegardés, le Droit. »
Bruno Retailleau, joue-la
comme Sarko ! (Il invente rien !?) ?
S'ils ont imposé la
présence de l'avocat en garde à vue, consacré le « principe de
fraternité » pour justifier l'aide aux migrants et considéré que la
protection de l'environnement et de la santé avait « valeur
constitutionnelle », les Sages n'ont rien eu à redire, en 2015, à la
déchéance de nationalité d'un individu condamné pour crime terroriste, estimant
que cette mesure n'était pas « disproportionnée ».
Les attaques contre
l'État de droit se constatent dans toute l'Europe. La Grande-Bretagne, après
avoir quitté l'UE, a vu naître un courant hostile à la Convention européenne
des droits de l'homme, qui s'est manifesté encore récemment contre le droit de
vote des prisonniers politiques. La dialectique est toujours la même : les
gouvernants revendiquent le droit de… reprendre la main sur le droit, vécu
comme une contrainte.
Ligne rouge
La critique n'est pas
nouvelle. En 1993, le ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, s'emporte –déjà
– contre le Conseil constitutionnel, qui avait partiellement censuré sa loi sur
l'immigration. Son Premier ministre, Édouard Balladur, reproche au Conseil de
« contrôler la conformité de la loi au regard de principes parfois plus
philosophiques et politiques que juridiques ». Robert Badinter, alors
président du Conseil constitutionnel, réplique : « L'impatience qui
saisit toute majorité politique face au juge constitutionnel est celle de tout
pouvoir face à un contre-pouvoir. »
Un dernier rendez-vous avec
Robert Badinter
« On peut
évidemment critiquer la loi et la règle de droit. Là où ça devient dangereux,
c'est quand le principe même de l'État de droit est remis en question »,
considère Olivier Beaud. Quelle serait la ligne rouge à ne pas franchir ?
« La Hongrie et,
dans une moindre mesure, la Pologne sont des cas d'école de la manière dont
l'État de droit peut être démantelé. Les premières attaques sont toujours les
mêmes : d'abord, elles portent sur l'indépendance de la justice, puis sur
la liberté de la presse. Ce sont les deux moyens les plus courants dans le
glissement vers un État autoritaire. On s'en prend ensuite à la loi électorale,
manipulée aux fins de museler l'opposition. En la matière, Viktor Orban s'est
révélé un orfèvre, pour raffermir son pouvoir. ».
Le populisme se
caractérise peut-être ainsi par « une relation systématiquement
conflictuelle avec la règle de droit », selon Aurélien Antoine. Au risque
de supprimer des garanties précieuses. « La première insécurité, c'est
l'insécurité juridique, autrement dit le règne de l'arbitraire, pointe la
philosophe Monique Canto-Sperber. L'État de droit ne relève pas d'un fétichisme
des règles : il offre des garanties juridiques à tous les citoyens. »
Un équilibre à
retrouver
Ce principe est-il pour
autant intangible ? Non, semble indiquer Arnaud Teyssier quand il dresse
ce constat : « Dans une conception très extensive de l'État de droit,
l'État tend à devenir un justiciable comme les autres. On s'éloigne de la
conception de Gambetta, qui disait qu'on ne devait pas “mettre l'État au
greffe”. » Et l'historien de regretter : « Le Conseil
constitutionnel est devenu le gardien d'un édifice de normes de natures
différentes et qui s'imposent à tous les gouvernements. Or, c'est le peuple
souverain qui est le législateur. »
Sans renoncer à cet
acquis, il convient peut-être de rétablir un équilibre entre les garanties
juridiques fondamentales et la prise en compte des aspirations du peuple. Ce
que fait valoir l'historien et philosophe Marcel Gauchet dans un entretien
accordé au Figaro en 2020, après l'assassinat de Samuel Paty : « Il
faut certes que la souveraineté du peuple n'opprime pas les droits individuels,
problème classique qui justifie le rôle protecteur des juges. Mais il ne faut
pas non plus que les droits individuels conduisent à la liquidation de la
souveraineté du peuple, et spécialement dans sa dimension primordiale de droit
de se défendre comme peuple. »
Marcel
Gauchet : aux sources du malheur français
« L'État de droit
est la condition de la démocratie et ne doit pas être confondu avec l'état du
droit, qui, lui, bien sûr, peut être modifié », a rappelé le président du
Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, jeudi 3 octobre, en réponse aux
propos de Bruno Retailleau. À condition de respecter les règles. « La
règle de droit, souvent contraignante, peut être changée et doit s'adapter mais
en respectant le cadre, les règles procédurales prévues pour cela. Si amender
la règle de droit revient à y injecter du droit autoritaire, on est dans la
négation de l'État de droit », considère Olivier Beaud.
Le levier du référendum
Monique Canto-Sperber
distingue les « exigences formelles de l'État de droit », autrement
dit ses principes fondateurs (séparation des pouvoirs, égalité des citoyens
devant la loi, hiérarchie des normes, liberté d'expression…), et le « contenu
substantiel des lois et de l'état du droit dans notre situation
actuelle ». À l'intérieur de ce cadre, nous avons toute latitude pour
agir.
Reste à exploiter ces
possibilités. « Nous n'avons pas besoin de changer l'État de droit, mais
il faut redonner le pouvoir à la loi ; la seule solution, c'est le
référendum, à condition qu'il soit précédé d'un vrai débat national. Une
décision approuvée par référendum ne saurait être contestée par aucun
juge », plaide Arnaud Teyssier.
Immigration :
Bruno Retailleau trouve des alliés en Europe
Dans une tribune du Figaro,
l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Éric Schoettl
propose de « déplacer le curseur à l'intérieur de l'État de droit ».
« Depuis une quinzaine d'années, le curseur s'est déplacé plusieurs fois
en faveur de l'ordre public, notamment pour lutter contre le terrorisme,
suscitant, à chaque fois, des critiques sur une prétendue atteinte à l'État de
droit », rappelle-t-il. « D'autres curseurs peuvent aujourd'hui être
déplacés en matière régalienne, sans se heurter à la Constitution ou aux traités
[que la France a ratifiés] », ajoute-t-il.
Inflation normative
Modifications relatives
à la prolongation de la rétention des étrangers en instance d'éloignement,
réduction du nombre d'interventions du juge des libertés et de la détention,
législation plus rigoureuse en matière de justice des mineurs… Autant de réformes
possibles, selon lui, après le meurtre de Philippine, dans lequel est mis en
cause un jeune ressortissant marocain sous le coup d'une obligation de quitter
le territoire français.
Ce
volontarisme suppose toutefois de lutter contre l'inflation normative qui nous
paralyse. « La loi est de plus en plus obèse, mal écrite et, partant,
inintelligible et imprévisible, déplore Olivier Beaud. Plutôt que de dénoncer
le gouvernement des juges, nos gouvernants devraient s'attaquer à ce fléau,
contre lequel aucune action concrète n'a été menée à ce jour. » Un défi
pour le gouvernement Barnier.
C’est malheureux pour
le peuple FRAN9AIS car l’état de droit n’est plus sacré et s’il-l ‘a été car
piloté par des dirigeants et politiciens élus de tous bords au summum de l’égoïsme
SE PRENANT POUR DES MONARQUES SANS COURONNE !? Car ne pensant qu’à eux avec
leurs privilèges étriqués de petits bourgeois
hérités de cet ancien régime monarchique qu’on a mis à bas :
Mais qui a résisté
après notre révolution de 1789 en commençant par la suite avec des EMPIRES NAPOLEONIENS
et un semblant de restauration monarchique et nos républiques jusqu’à cette
VEME en place obsolète car usée de + de 66 ans !?
Et avec Mr MACRON petit
bourgeois fat grand bavard donneur de leçons hypocrites qui a trouvé le moyen avec
sa dissolution inutile de semer le souk dans
notre constitution (qu’il faudrait changer) et qui a réussi d’être indéboulonnable
jusqu’en 2027 à cause des Français eux-mêmes bien qu’étant dans une démocratie des
plus libres du monde que certains nous envient car ils votent bien sûr mais si
mal et si divisés par leurs différences et égoïsmes n’ont pas été capable de
choisir dans cette classe politique lamentable leurs élus au parlement car lui
notre président s’en fiche en continuant de se moquer d’eux sans vergogne en les
dédaignant car n’étant PAS soi-disant selon lui de leur monde mais alors que
fait-il chez nous ?!
Moi je ne fais aucune politique
mais constate seulement que les FRANÇAIS en majorité ne semble y comprendre
rien ET NULS et çà c’est préoccupant !?
Car notre pays maintenant
va très mal et est sur le chemin d’une faillite car cachée économique grave c’est
tout même dommage pour ceux qui réfléchissent encore mais pas assez nombreux alors
tant pis pour nous !?
JDECLEF 13/10/2024
19h21
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