Nicolas Sarkozy : les révélations "dévastatrices" de Patrick
Buisson
Le site de "L'Express" publie des extraits de "La Cause
du peuple" en librairie ce jeudi. Des passages ont également fuité sur la
Toile et les réseaux sociaux.
Son nom rime avec trahison. En 2007, Nicolas Sarkozy avait fait de lui son conseiller pour accéder à l'Élysée. Sept ans plus tard, Le Point révélait les pratiques déloyales de Patrick Buisson, auteur d'une série d'enregistrements du président à l'insu de ce dernier lorsqu'il œuvrait au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré. En pleine campagne de la primaire de la droite, l'ancien directeur de Minute, aujourd'hui répudié, sort d'un long silence avec La Cause du peuple, un ouvrage volumineux de 464 pages au titre provocateur.
Retour en septembre 2014. Invité du JT de 20 heures de France 2, l'ex-chef de l'État s'exprime sans détour au sujet de son ancien mentor : « Dans ma vie, j'en ai connu des trahisons. Mais comme celle de Patrick Buisson… (Il marque une pause) Rarement… » À l'époque, l'intéressé, qui s'abstient de tout commentaire, préfère se faire oublier. Plus tard, il déclarera : « J'admets la rupture, mais pourquoi la défroque de l'ignominie ? » Lui ne voit dans cette mise au placard qu'une stratégie politique. Ni plus ni moins. « Sarkozy sait que la présence de Marine Le Pen au second tour de la prochaine présidentielle est acquise, on jette donc la ligne Buisson aux poubelles de l'histoire. Mon utilité devient nulle. »
« Je
ne suis pas Valérie Trierweiler »
Le tribunal de grande instance de Paris condamne rapidement le journaliste – déjà mis en examen dans l'affaire des sondages de l'Élysée – à verser 20 000 euros à Nicolas Sarkozy et à Carla Bruni pour atteinte à la vie privée, mais aussi et surtout parce qu'il a agi sans le « consentement » de l'ex-président, soit « un trouble manifestement illicite ». Patrick Buisson prendra soin d'indiquer que seul le chèque au nom de la première dame a été encaissé…
Depuis la fin du quinquennat 2007-2012, des maisons d'édition, parmi lesquelles Albin Michel, approchent ce précieux témoin. Jusqu'ici silencieux, il décide de substituer la plume à la parole, se donne un an pour rédiger un livre longtemps gardé secret et dépose le titre, pied de nez manifeste aux maoïstes. Le manuscrit atterrit finalement aux éditions Perrin, avec pour sous-titre sulfureux « L'histoire interdite de la présidence Sarkozy » et pour ligne de conduite : « Je ne suis pas Valérie Trierweiler ». Loin d'avoir accouché d'une « chronique malveillante », l'ancien conseiller livre ici réflexions et anecdotes. Ne figure dans La Cause du peuple aucune information susceptible de déférer qui que ce soit devant la justice. Du moins pour cette fois. Car, à en croire L'Express, qui s'est procuré le recueil en exclusivité, cette réserve d'aujourd'hui vaut sans conteste « d'avertissement pour demain ».
Réponse minimaliste de Nicolas Sarkozy le 26 septembre sur Europe 1 : « Ça ne m'intéresse nullement. »
Sur la compagne du candidat, Patrick Buisson écrit : « [Carla] a eu un rôle politique considérable, et un rôle sur Nicolas Sarkozy, car l'intime a privatisé la fonction. » À son propre sujet, il confie : « Si j'ai tout enregistré, c'est donc que ce que je dis est vrai. » Dès le prologue, l'auteur justifie ses agissements dans un plaidoyer interminable de onze pages : « Le fait d'enregistrer certaines réunions importantes était pour moi la garantie de pouvoir disposer d'un verbatim fidèle et d'accomplir mon travail en fournissant les arguments et les éléments de langage les plus appropriés. […] Et, s'il y avait bien réfléchi, Nicolas Sarkozy aurait eu d'autant moins de raisons de s'en formaliser que de notre collaboration je n'avais pas tiré la matière d'un ouvrage à chaud, comme il en alla d'un grand nombre de ses conseillers et de ses ministres dans l'année qui suivit sa défaite. »
La
jeunesse instrumentalisée
Une des révélations de ce récit concerne les manifestations anti-CPE de 2006, qui voit celui qui n'est encore que ministre de l'Intérieur s'opposer au Premier ministre d'alors, Dominique de Villepin. celui-ci doit faire face à la fronde de la jeunesse en raison d'un contrat censé favoriser leur entrée dans le monde du travail. L'une des manifestations, le 26 mars, se termine par des émeutes aux Invalides, à Paris. « Pour Nicolas Sarkozy, les Invalides furent l'équivalent d'Austerlitz pour Napoléon Bonaparte, écrit Patrick Buisson (...) À tout le moins s'il faut en croire l'histoire qu'il aimait à raconter en petit comité : Nous avions pris la décision de laisser les bandes de blacks et de beurs agresser les jeunes Blancs aux Invalides, tout en informant les photographes de Paris Match de la probabilité de sérieux incidents. »
« Nous avions tremblé à l'idée qu'il puisse y avoir un blessé grave. Mais, au fond, ça valait la peine d'endurer pendant une demi-journée les sarcasmes des médias », aurait ajouté M. Sarkozy, toujours selon l'ancien directeur de Minute. M. Buisson lui fait également dire, lors d'une autre manifestation anti-CPE : « On laissera (les casseurs) faire leurs courses chez Darty et à Go Sport. » Le ministre de l'Intérieur était ensuite apparu sur les lieux, « fier de montrer à quel point il maîtrisait la situation face à un Premier ministre englué dans un affrontement mortifère avec la jeunesse ».
« Des
valeurs communes avec le FN »
Patrick Buisson revient aussi sur « les accointances de Nicolas Sarkozy avec le Front national ». Du début à la fin de leur collaboration, l'historien affirme que la position de son ex-mentor à l'égard du FN n'a pas évolué. « Les valeurs du Front national sont celles de tous les Français ; c'est la manière dont le FN les exprime qui est choquante. Les Français n'aiment pas les plats trop pimentés qui emportent la gueule », aurait lancé l'ancien président lors d'une réunion en 2005. Puis, en 2012, s'emportant contre François Fillon qui évoque « l'incompatibilité des valeurs » entre le FN et la droite républicaine, le président-candidat questionne : « Qu'est-ce qu'il raconte, Fillon ? Bien sûr que nous avons des valeurs communes avec le FN.
Une chose demeure certaine : Patrick Buisson ne s'engagera pas dans la joute des 20 et 27 novembre prochains. Lui qui a fait de l'analyse politique sa marotte n'ira même pas aux urnes à l'occasion de la primaire. L'élection présidentielle relève pour lui de l'énigme, du mystère. Il ignore qui va l'emporter. Ce livre sera son unique engagement du moment. Le résultat, écrit L'Express, est « dévastateur ».
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