lundi 11 mars 2019

ALGERIE : cette jeunesse qui constitue la majorité des algériens a son destin en main, mais il leur manque la volonté de le prendre !


Algérie : « Mon vrai diplôme serait de vivre dans un pays libre »

La jeunesse algérienne est en première ligne de la contestation contre le pouvoir. Récit d'une renaissance.


Elle marche vite, slalomant entre les groupes d'étudiants massés devant la fac, laissant flotter son écharpe derrière elle, mais sans regret. Ce matin du 3 mars, la tension est à son comble. Quand Lamia, 25 ans, arrive à l'université de Mostaganem, à l'ouest du pays, des centaines d'étudiants sont déjà en marche dans plusieurs autres villes du pays. Comme tous les Algériens, les jeunes retiennent leur souffle et regardent le ciel où le ballet des hélicoptères de la police dessine des rondes nerveuses, traquant de possibles lieux de rassemblement.
Lamia n'avait jamais manifesté avant le 26 février. Ce jour-là, elle est partie à la fac la boule au ventre. « Toute la nuit, on a échangé, entre copines de fac, sur Internet. On avait peur de la réaction de la police, mais aussi de celles de nos parents, de l'administration de la faculté. » C'est la raison pour laquelle la jeune fille nous a demandé de changer son prénom et de taire sa spécialité. Certaines de ses camarades craignent les représailles, on est en pleine période d'examens. « On peut nous saquer, ils se vengeront », répètent-elles.
« Je ne suis pas une héroïne, mais je vois bien que ma vie s'assombrit face à ce système alors que je n'ai pas encore 30 ans. On me parle des diplômes, de la peur des enseignants et de l'administration revancharde, des policiers déguisés en agents de sécurité au sein de la fac pour nous ficher et nous arrêter, mais je suis déterminée. Mon vrai diplôme serait de vivre enfin dans un pays libre, poursuit la jeune fille. On voulait manifester contre le cinquième mandat de Bouteflika et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux. »
À l'entrée de l'université, ce 26 février, les agents de sécurité fouillent les étudiants sans ménagement. Tout le monde y passe. Dans le sac à dos de Lamia, l'agent trouve un drapeau algérien, soigneusement plié, acheté la veille, et une pancarte « Libérez mon Algérie ». « J'ai dit au gars : Ce ne sont pas des bombes, OK ?! » Les étudiants finissent par se réunir dans la cour de la fac et, avant de scander des slogans contre un cinquième mandat, ils restent tous, un moment, silencieux. « Nous tenions à observer une minute de silence pour nos martyrs, tous nos martyrs. » Ceux de la guerre de libération, qui inspirent aux manifestants « le courage de se battre pour ses idéaux et se sacrifier, si jeunes ». Mais aussi ceux des années de terrorisme, dès 1992. « Nous avons tant lutté contre les monstres intégristes pour vivre dignes et libres, on ne peut rien lâcher. »
Hold-up. Lamia parle doucement, comme si elle était en train de revivre chaque minute. « Ensuite, ça s'est passé… Je ne sais pas, on a crié aussi fort qu'on pouvait, contre le système, le cinquième mandat, la fac qui ne nous laisse pas organiser des activités culturelles, la censure des médias, les atteintes aux libertés… Comme une libération. Autour de moi, mes camarades riaient, chantaient, drapeaux algériens déployés au-dessus de nos têtes… Nous étions pleins d'amour et de force. » Lamia raconte qu'elle s'est sentie exister, intensément, et que quelque chose changeait dans les yeux de ces étudiants, ces « sans-voix » jusqu'alors. « Il n'y avait plus de peur, on n'avait plus peur de rien, ni des agents de sécurité, ni du rectorat, ni de Ouyahia, ni de ses menaces de retomber dans la décennie noire. »
C'est là que le souffle de la jeunesse, sans aucun romantisme, a pris le pouvoir. Dans tout le pays, même les forces antiémeutes ont dû reculer, devant la déferlante de ces centaines de milliers de jeunes. « Face aux policiers dans les stades, on était seuls. Aujourd'hui, face au pouvoir, on est tous là : les barbus, les familles, les étudiants, les riches, les pauvres, les gens d'Alger, ceux d'ailleurs… » La politique ne l'intéresse pas. Nadir ne le dit pas, mais ce qu'il veut, ce sont juste des horizons de vie. Alors pour ce jeune homme de 25 ans, habillé de jaune et de noir, les couleurs de l'USMH, le club de football d'El-Harrach, il était impossible de rester là, à regarder l'Histoire passer sans y participer.
  Espoir. A Alger, le 3 mars. Un nouveau souffle envahit le pays, porté par une jeunesse qui, dit-elle, n’a peur de rien. « On voulait manifester contre le cinquième mandat et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux », déclare une étudiante.
 
  Espoir. A Alger, le 3 mars. Un nouveau souffle envahit le pays, porté par une jeunesse qui, dit-elle, n’a peur de rien. « On voulait manifester contre le cinquième mandat et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux », déclare une étudiante.
 
  Espoir. A Alger, le 3 mars. Un nouveau souffle envahit le pays, porté par une jeunesse qui, dit-elle, n’a peur de rien. « On voulait manifester contre le cinquième mandat et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux », déclare une étudiante.
 
  Espoir. A Alger, le 3 mars. Un nouveau souffle envahit le pays, porté par une jeunesse qui, dit-elle, n’a peur de rien. « On voulait manifester contre le cinquième mandat et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux », déclare une étudiante.
  • Espoir. A Alger, le 3 mars. Un nouveau souffle envahit le pays, porté par une jeunesse qui, dit-elle, n’a peur de rien. « On voulait manifester contre le cinquième mandat et tout le système mafieux qui a brisé nos projets, nos idéaux », déclare une étudiante.
Pourtant, dans cette banlieue d'Alger de Baraki, où il habite - considérée comme un « territoire libéré » par les groupes islamistes armés -, les murs, les rues ou les récits familiaux sont tous marqués par les violences des années 1990. Mais les traumas dont il a hérité ne l'ont jamais empêché de participer aux affrontements avec la police lors des matchs de foot, les stades ayant toujours été de véritables exutoires à la colère des jeunes. Ce n'est pas un hasard si les supporteurs de l'USMA, un des plus grands clubs d'Alger, ont écrit une chanson, « Casa d'El-Mouradia » (en référence au palais présidentiel), détournant la célèbre série espagnole « Casa del papel », pour comparer le cinquième mandat à un hold-up. « Quand je perds ma puce de téléphone, j'ai peur d'aller au commissariat pour faire une déclaration de perte. Parce que la police nous considère, nous les jeunes, comme des ennemis. Alors que nous sommes majoritaires dans ce pays ! », s'emporte Nadir.
Sur son mur Facebook, la veille de la grande manifestation du 1er mars, le jeune photographe Redouane Chaïb écrit : « Demain, on marchera tous sur Mars », comme pour signifier le décalage entre cette génération du XXIe siècle et une classe dirigeante déphasée. Dépassée. En 2016, pourtant, voilà ce que le président du Sénat lisait au nom de Bouteflika : « L'Algérie d'aujourd'hui n'est plus celle des années 1990. Notre génération a la conviction d'avoir fait ce qu'il fallait faire, au moment où il fallait le faire et avec les moyens qui s'offraient à elle. Une autre génération, qui aura peut-être une vision différente de la nôtre, continuera, avec d'autres idées, d'autres moyens et d'autres manières, ce qui a été commencé par leurs aînés. » En 2012, Bouteflika, dans un de ses derniers discours, assurait que sa génération était arrivée à terme, que son « jardin était enfin mûr. »
Chantage. Face à un « système qui ne gouverne que les vieux et les vieilles », pour reprendre l'expression du sociologue Nacer Djabi, la jeunesse ne peut plus croire ses discours. Sur une des pancartes de la manifestation du 1er mars, à Alger, on pouvait lire : « J'ai 30 ans : dix ans de terrorisme et vingt ans de Bouteflika. » Cette tragique arithmétique résume le vécu de millions d'Algériens, dont une écrasante majorité a moins de 30 ans.
« Quand ça a éclaté en Tunisie, en Égypte [début 2011]… Nos propres parents nous disaient : "Attention, ne faites pas de bêtises, ne sortez pas dans la rue, il ne faut pas retomber dans les années 1990" », raconte Farid, un jeune entrepreneur sorti manifester ce 1er mars. Le croquemitaine des années 1990 avec ses dizaines de milliers de morts et la guerre civile déchiquetant tout, même au sein d'une seule famille, est souvent convoqué. Les autorités aussi y ont recours. « L'Algérie a beaucoup souffert, a beaucoup pleuré, nous ne voulons pas le retour du chaos », répétait le Premier ministre Ahmed Ouyahia, le 28 février, devant les députés. Il compare même la situation en Algérie, ébranlée par des manifestations géantes, avec les débuts du conflit en Syrie.
« Les années 1990 sont dans ma chair, je les ai vécues à travers mes parents, qui les ont subies. Le pouvoir n'a pas à venir me baratiner avec la décennie noire. Je refuse ce chantage », s'insurge le poète et traducteur Salah Badis, 24 ans. « Quand ils parlent des "réalisations'' de Bouteflika, ils comparent l'Algérie avec la Suède, mais quand on sort dans la rue protester contre leur bêtise, ils comparent le pays avec la Syrie », ironise Farid, qui s'active sur sa page Facebook pour préparer la prochaine manifestation du 8 mars.
Fantôme. « Les médias disent à tort que n'ayant pas connu la décennie noire, on ne craint pas les violences. C'est faux. On a peur. Mais on en a surtout marre que le monde entier se moque de nous », s'énerve Tahar, étudiant en médecine. « Je regarde les chaînes arabes et les chaînes françaises. Partout, les Algériens sont ces gens qui n'ont aucune estime de soi parce qu'ils se laissent gouverner par un fantôme. Il faut que ça cesse… » Son camarade Youssef résume : « On a toujours dit que le jour où le pouvoir ne pourrait plus acheter la paix sociale, les Algériens seraient capables de sortir dans la rue. Comme si nous étions tous achetés ! Nous venons de prouver que finalement, il y a plus important que ça. Il y a notre dignité. » Avec d'autres amis, Farid tient son QG dans un café huppé, à Alger-Centre. Il y a là des étudiants en fin de cycle, des designers, des créateurs de start-up, etc. Filles et garçons discutent à bâtons rompus. « Ce que nous ne comprenons pas, c'est que le système refuse de nous voir, voir qui nous sommes réellement », s'indigne Farid, grand gaillard sec, habillé avec soin, qui vous regarde à travers ses grosses lunettes de geek.
« Mes parents ont le même discours : en Algérie, il n'y a que des assistés ou des harraga [les migrants clandestins, NDLR], voilà comment ils voient les jeunes. » Autour de la table, l'assemblée bruyante garde aussi les yeux sur les écrans des smartphones. Ça bipe, ça pianote ferme et souvent on montre l'écran à son voisin : « Tu l'as vue celle-là ? » Images des mobilisations à travers le pays. « Ce pouvoir ne nous connaît pas. Avec ces manifestations, on se présente, on fait connaissance… lâche Farid, ému. Oui, moi jeune Algérien, instruit, fier de mon pays, aimant son drapeau, son ciel, sa terre, ses gens… Et toi, tu es qui ? »
Carcan. Pour le sociologue Nacer Djabi, si l'ancienne génération ne prépare pas son départ, les risques d'un embrasement sont réels. La jeune génération, née dans la violence et les frustrations, empêchée de s'épanouir dans une société-carcan, « imposera à la vieille un départ forcé, voire violent : un processus qui serait engagé en dehors des institutions comme les partis », déclarait-il à un journal algérois. « Cela éloignerait l'Algérie, au moins en partie, de l'idée politique de la nation et impliquerait une violente rupture générationnelle. »
Retour à Mostaganem, cette petite ville où Lamia et ses camarades de fac ont couru le pavé toute la matinée du 3 mars autour de l'université. Drapée de l'emblème algérien, elle portait une pancarte dessinée par elle-même. Bouteflika dans son fauteuil roulant face à des mains qui disent « non ». « Nous sommes tous en colère, dit la jeune fille. Mais autour de moi je n'ai jamais vu autant de force et de bienveillance chez mes amis. Nous sommes demain. » !
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En essayant de faire de leur pays une vraie démocratie (en dehors de la religion) s'ils le peuvent car c’est important !

Il est temps qu'ils se débarrassent de cette ancienne diaspora totalitaire grabataire à l'image de leur vieux président qui veut se représenter pour un cinquième mandat qui profite en oubliant le peuple un peu comme beaucoup des africains des anciennes colonies ex AOF/AEF après la fin de la guerre avec les français depuis leur indépendance, il y a 57 ans !

La Tunisie leur voisin l’a bien fait !

Et tourner la page de la colonisation qu'ils n'ont pas connue, ce qui est un avantage en cessant de jouer aux assistés et en émigrant en France pour certains, plutôt que de se plaindre, et réagir, ils en ont les moyens dans leur pays qui est riche, il leur faut simplement du courage et travailler au changement qui est à leur porte en se retroussant les manches en devenant des adultes responsables !

En devenant vraiment un pays souverain en cessant de compter sur la France, qu'il n'aime pas en fait, ça peut se comprendre puisqu'ils ont fait leur révolution d'indépendance pour se séparer d'elle, mais quand même beaucoup de leurs ressortissants sont toujours présents dans notre pays et cela ne diminue pas alors ?!

Et qui est aussi un problème indirect pour la France de par son immigration grandissante qui n'a jamais cessé, boulet que l’on traîne !

Jdeclef 10/03/2019 09h49 LP

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