La liberté est-elle
notre faiblesse ?! (OUI Peut être !? CAR TROP DE LIBERTES TUE LA LIBERTE !?)
Avec la
montée des radicalités politiques et religieuses, nous sommes collectivement
tentés par la restriction des libertés. Au risque de renier nos principes
démocratiques.
Publié le 05/12/2023 à
18h00
LES BAVARDAGES CREUX DE
NOS BIEN PENSANTS DE TOUS BORDS SONT EUX LA FAIBLESSE DE LA FRANCE A L’IMAGE DE
NOS DIRIGEANTS ET POLITICIENS QUE NOUS ELISONS ET REELISONS COMME DES NAIFS INCURABLES
DESOLE DE LE DIRE MAIS IL NE FAUT PAS SE TAIRE ?!
La différence entre l'éducation totalitaire et l'éducation
libérale consiste en une distinction des plus simples : la première
prescrit ce qu'il faut penser, la seconde enseigne comment penser. »
C'est pour ce genre de réflexion qu'il est bon de rouvrir, en ces temps plus
pulsionnels que raisonnés, les Mémoires de notre ami – un ancien du Point –
Jean-François Revel. Le maître, mort en 2006, fut l'infatigable défenseur des
libertés, la première d'entre elles étant, selon lui, celle de croire en la
démocratie ou de ne pas y croire. C'est le paradoxe de nos sociétés avancées
que d'accorder à ceux qui veulent les renverser la liberté de formuler leurs
desseins. Le libéralisme est cette « vérité » singulière, et même
unique, qui accepte comme égales, dans leurs expressions, les
« vérités » (socialistes, nationalistes, obscurantistes…) les plus
antagoniques. « Faiblesse ! »
clament les libérosceptiques en Occident, qui se vivent perpétuellement en
guerre et n'admettent pas que l'ennemi réel ou fantasmé puisse avoir voix au
chapitre.
Si bien que, dans le contexte actuel, celui d'un conflit politique
et culturel global, notre tropisme pour la liberté semble faire de nous
« les cons du dîner ». Il est d'ailleurs cocasse d'entendre des
contempteurs de l'Occident, adeptes de régimes autoritaires, faire valoir des
droits à l'expression au sein de cet Occident honni. Faut-il donc négocier
cette liberté ? Est-elle, en effet, une faiblesse, qui arme, à la fin,
Erdogan, Poutine, Xi et l'internationale islamiste ? Les rues de Paris,
Londres et Berlin peuvent-elles ressembler à un immense forum Twitter
(rebaptisé X), régi par le laisser-faire de son propriétaire libertarien, Elon
Musk ? Ou faut-il qu'un pouvoir politique, au nom d'un intérêt commun (et
à ce titre, on peut tout justifier), pose des entraves à la liberté
d'expression ?
La menace terroriste, qu'elle soit intérieure ou extérieure, est une épreuve
de vérité pour les pays attachés aux libertés. L'Homo liberalis,
permissif, est travaillé par le doute et les tiraillements. Tiraillements entre
le désir de voir un État garantir les libertés et la volonté de restreindre
certaines expressions de ces libertés, lesquelles, qui plus est, évoluent,
s'adaptent et empruntent mille stratagèmes pour contourner les limites du
droit. En France, si la loi condamne les incitations à la haine et à la
violence, les propos se font opportunément plus ambigus ou équivoques. Place de
la République, récemment, on pouvait entendre des manifestants clamer leur
soutien à « la résistance palestinienne »
(pour ne pas dire le Hamas, une organisation terroriste), répéter
que la libération de la Palestine doit se faire « par tous les
moyens » (une justification des attentats du 7 octobre)
ou que le futur État palestinien devra s'étendre du « fleuve à la
mer » (marquant ainsi leur volonté d'éradiquer Israël). Un
évitement vieux comme la naissance du synonyme « antisionisme » pour
« antisémitisme »…
Humoristes : libres de rire de tout ?
Prescrire, proscrire. Les pays anglo-saxons, eux, ont fait
le choix de laisser une totale liberté de parole aux soutiens du Hamas, dont
certains, keffieh masquant le visage et drapeau israélien en lambeaux à la
main, ont même l'allure des combattants qui sévissent à Gaza. Aux États-Unis,
le premier amendement de la Constitution garantit cette liberté. Au-dessus, il
n'y a rien, sinon Dieu. À Londres, les appels au djihad lancés du quartier de
Whitechapel sous l'œil de policiers impassibles sont désormais aussi connus que
la relève de la garde royale. En France, si l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen veut que « tout
Citoyen peut […] parler, écrire, imprimer librement »,
Gérald Darmanin n'hésite pas à enjamber ces principes au nom du maintien de
l'ordre. Au lendemain des attentats du 7 octobre en Israël, le ministre de
l'Intérieur français a souhaité l'interdiction des « manifestations
propalestiniennes ». Non pas « pro-Hamas », mais
« propalestiniennes ». Résultat : le soir même, des milliers de
manifestants bravaient l'interdit pour se retrouver place de la République, à
Paris.
Saisi, le Conseil d'État a rappelé qu'il appartient aux seuls préfets
d'apprécier s'il y a lieu d'interdire une manifestation en fonction des risques
de troubles à l'ordre public. La présupposition de tels troubles de la part
d'une autorité politique ne peut pas être admissible en droit. Pensant bien
faire, Emmanuel Macron a justifié l'interdiction de ces manifestations par « un
délai de décence » nécessaire après le 7 octobre. Base
juridique : aucune. Pour reprendre Revel, Macron « prescrit »
ce qu'il faut faire. Interdire reviendrait donc à régler un problème, en
préjugeant de l'intentionnalité fautive des organisateurs. En mars, des
manifestations contre le projet de construction de mégabassines ont été
interdites par la préfecture des Deux-Sèvres. Au moment de la réforme des
retraites, des dizaines d'arrêtés d'interdiction de manifester ont été
prononcés. En juillet, la marche en mémoire d'Adama Traoré a également été
interdite. Ces militants politiques et syndicaux peuvent déplaire pour leurs
idées ou leurs actions, et les violences observées lors de précédents
rassemblements ne plaident pas en leur faveur, mais un État fort devrait
garantir à la fois leur liberté de manifester et la sécurité de tous. En outre,
la peur de la « bavure » policière peut aussi expliquer cette
propension à anticiper le pire.
« Le Spectateur engagé »,
(Entretiens, Julliard, 1981), de Raymond Aron.
« Le Voleur dans la maison
vide », (Mémoires, Plon, 1997), de Jean-François Revel.
« La Liberté d’offenser.
Le sexe, l’art et la morale » (La Musardine, 2007), de Ruwen
Ogien.
« Sans la liberté »
(« Tracts », Gallimard, 2019), de François Sureau.
Dissoudre. « Que les gouvernements, celui
d'aujourd'hui comme les autres, n'aiment pas la liberté, n'est pas nouveau. Les
gouvernements tendent à l'efficacité. Que des populations inquiètes du
terrorisme ou d'une insécurité diffuse, après un demi-siècle passé sans grandes
épreuves et d'abord sans guerre, ne soient pas portées à faire le détail n'est
pas davantage surprenant. Mais il ne s'agit pas de détails »,
avertit François Sureau dans son texte Sans la liberté
(paru en 2019 dans la collection « Tracts », chez Gallimard). Un
récent sondage Ifop pour L'Opinion révèle pourtant que
64 % des Français considèrent que les libertés individuelles se sont
affaiblies ces dix dernières années. Depuis 2017, sous Macron, les
gouvernements successifs ont prononcé une trentaine de dissolutions
d'associations (CCIF, Civitas, Soulèvements de la Terre…). À défaut
d'appréhender tous les lanceurs de pavé afin d'engager leur responsabilité
pénale, l'autorité publique préfère dissoudre l'organisation dans son ensemble.
Cela s'apparente à un déplacement de l'action politique et du combat
idéologique sur le terrain juridique – soit un décret en Conseil des ministres.
Sur la forme, le geste administratif peut paraître salutaire, mais il doit
aussi nous interpeller. Certaines de ces dissolutions, qui parfois ne
s'accompagnent d'aucune poursuite pénale, posent des questions juridiques que
n'a pas manqué de relever le Conseil d'État, notamment dans le cas des
Soulèvements de la Terre. « Quelqu'un que vous avez privé de
tout n'est plus en votre pouvoir. Il est de nouveau entièrement libre »,
écrivait Revel. Une leçon politique à méditer.
Lectures en liberté
Et qu'en est-il de l'humour militant ? L'affaire Guillaume Meurice,
auteur d'une mauvaise blague sur Benyamin Netanyahou (« un
nazi sans prépuce »), qui aurait dû mériter le plus grand des
mépris, révèle encore une fois le travers de la judiciarisation dans la
réplique. Après le dépôt d'une plainte, l'humoriste a été entendu par un
officier de police judiciaire dans le cadre d'une enquête pour « provocation
à la haine et injure publique aggravée ». Ne s'accusant pas d'être
« antisémite », on se demande donc ce qu'il a pu dire aux enquêteurs
soucieux de connaître les dessous de son sketch. L'Arcom, également, a été
saisie et son employeur, France Inter, lui a infligé un avertissement. Depuis,
l'intéressé se victimise, tandis que ses soutiens hurlent à la censure. La même
semaine, l'Arcom recevait plusieurs signalements à la suite d'une chronique de
Gaspard Proust, sur Europe 1, jugée « raciste »…
La liberté de rire n'irait donc plus de soi, y compris pour de grands
esprits, qui vont jusqu'à plaider l'évitement de certains sujets.
Régulièrement, Régis Debray plaide la retenue et même la politesse dans notre
rapport aux autres. « Il faut s'appliquer à soi-même ses
propres limites, explique la philosophe Chantal Delsol. Mahomet
est un personnage sacré pour un grand nombre de nos compatriotes, on n'a pas à
se moquer et à le jeter en dérision. Il y a une décence commune qui me paraît
essentielle. »
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