Sophie Nahum :
« Avec le devoir de mémoire, on perd les jeunes » !?
Depuis près
de sept ans, la créatrice du projet « Les Derniers » va à la
rencontre des ultimes témoins de la Shoah. Pour faire entendre leur vision du
présent et de l’avenir. Et leurs cris d’alarme.
Publié le
29/01/2024 à 06h30, mis à jour le 29/01/2024 à 06h48
Il n’y a
que voir ou écouter ce qu’ils disent ou crient quand ils manifestent voire
vandalisent périodiquement dans ces banlieues d’IDF et villes moyennes ainsi qu’en
province ?!
CAR NOS
DIRIGEANTS DE TOUS BORDS POLITIQUE DEPUIS + DE 60 ANS NE FONT QUE PARLER SANS
AGIR ET « LA MACRONIE DU EN MEME TEMPS » TIENT LA PALME ?!
Sophie
Nahum est réalisatrice de documentaires. Après avoir œuvré pour de nombreuses
sociétés de production et de chaînes de télévision, comme Arte, elle a décidé,
voilà sept ans, de se vouer entièrement au projet « Les Derniers ».
Web-série, films documentaires, conférences, livres, podcasts, site Internet,
bientôt plate-forme vidéo (qui sera
lancée ce 31 janvier 2024) et application géolocalisée, Les Derniers,
consacrés aux ultimes survivants de la Shoah, sont multisupports. Avec, pour
cible, les nouvelles générations et, comme motivation, l'idée que rendre
accessible la voix des témoins grâce aux nouvelles technologies est une urgence
absolue.
Dans un premier temps, par la production d'une série de documentaires courts
– parfaits pour une « consommation » sur les réseaux sociaux, où
chaque épisode est diffusé en accès libre et gratuit. Des petits films où l'on
voit Sophie Nahum rendre visite, chez lui, à l'un des « Derniers »
pour qu'il lui raconte, autour d'un café ou d'une vatrouchka, son enfance, la
guerre, mais aussi et surtout l'après et le présent. Sa vie.
Avec une centaine d'épisodes accumulant des millions de vues, des dizaines
de milliers d'abonnés sur les réseaux sociaux et trois livres en librairie, le
projet rencontre aujourd'hui un franc succès et est utilisé par de nombreux
professeurs en France. Depuis 2022, Les Derniers sont internationaux grâce à
Leslie Benitah, soutien de la première heure et réalisatrice aguerrie de
documentaires installée à Miami, qui prend le relais de Sophie Nahum aux
États-Unis, au Canada et en Israël.
Marie
Vaislic : « D'où je revenais, la vie, la mort, ça n'avait aucune
importance »
Le Point : Comment vous est venu ce projet ?
Sophie Nahum : Je peux vous prendre la journée ?
Non, sérieusement, j'y consacre l'introduction de mon premier livre [« Les
Derniers. Rencontres avec les survivants des camps de concentration »,
Alisio, 2020, NDLR] et cela me demande une vingtaine de pages, donc autant
vous dire que ce fut multifactoriel. Pour un résumé à l'os, concrètement, j'ai
rencontré en 2010, et pour la première fois de ma vie, un ancien déporté,
Jacques Altmann. Et je m'étais posé un tas de questions. Comment faut-il lui
parler ? Faut-il être sérieux, solennel, comme on en a l'habitude de le
voir ? Et, finalement, face à lui, je me suis rendu compte de
l'évidence : qu'on était sur les dernières années des derniers témoins –
tous avaient déjà près de 90 ans –, que mes enfants n'auraient pas la
possibilité d'en rencontrer quand ils seraient en âge de comprendre – enfin,
surtout de s'intéresser au sujet. Et là où Jacques m'a impressionnée, c'est sur
ce qu'il avait à dire sur l'après, sur le présent. Cela m'a sauté au visage :
voilà quelqu'un qui avait construit une vie après ça, avec un courage, une
élégance hallucinante. Ensuite, quand je suis allée à Auschwitz avec Jacques,
j'ai encore un peu progressé dans ma prise de conscience. Sur le fait que
survivre aux camps, c'est une accumulation de miracles. Mais la prouesse, c'est
de construire après, malgré ça. Voilà l'essence de mon projet, porté par le
sentiment qu'en se focalisant sur les faits de la Shoah, l'Histoire et la
guerre on manquait peut-être l'essentiel : la vie, après, et la vie tout
court.
« Je
ne croyais pas revivre cela » : les derniers rescapés des camps
nazis témoignent
Vous n'avez, de fait, pas du tout une démarche d'historienne…
Non, je ne suis pas du tout historienne, je ne suis même pas du tout une
passionnée d'histoire. Ce qui me porte, c'est le présent et l'avenir, dans une
démarche d'ailleurs assez politique. Dans une société assez victimaire et
défaitiste, avoir pour les jeunes des héros de cette trempe, présenter des gens
qui te disent, en gros, que tout est possible dans la vie, que, même après le
pire du pire, tu as quand même ton destin en main, voilà quelque chose qui
était hyperimportant. En tout cas, moi, c'est ce que je voulais montrer à mes
enfants – même s'ils n'existaient pas à l'époque.
Depuis le 7 octobre 2023, difficile de ne pas saisir tout ce
qu'il y a de présent dans ce passé.
Oui, que ces gens gagnent à être entendus, c'est évidemment encore plus
clair aujourd'hui. Mais le fait est que, tout de suite, j'ai eu le sentiment
qu'ils ne témoignaient pas du tout pour qu'on pleure avec eux, pour qu'on les
aime, pour qu'on s'apitoie sur leur sort – en résumé, tout ce qu'on nous
présente à la télévision, avec des films documentaires très factuels, la rafle
du billet vert ou celle du Vél' d'Hiv heure par heure, etc. –, mais
pour qu'on entende leur vision du présent et de l'avenir. Cette espèce de cri
d'alarme, dès le départ, qui est de dire : « Voilà, nous, on est là,
on témoigne pour vous alerter. On a vu, on sait jusqu'où l'homme peut aller. Et
on veut vous prévenir des mécanismes qui ont été mis en œuvre et qu'on voit à
l'œuvre encore aujourd'hui. » Ils veulent aussi nous alerter sur le fait
que malgré, le mantra « plus jamais ça » rien n'a changé. Tel est
l'angle qui m'avait semblé passer complètement sous les radars, parce que
« problématique », un peu dangereux… En tout cas, ce n'était pas
l'ambiance en 2010 : il y avait une manière d'aborder la Shoah très
consensuelle, très polie, très policée. Cette idée que la haine ne découle que
de l'ignorance, que si on apprend l'Histoire, si on impose le devoir de
mémoire, si on écoute les déportés, alors, d'un coup, la haine va disparaître
et tout ira merveilleusement bien. Ce qui est totalement illusoire.
Edith
Bruck, survivante de la Shoah : « Nous n'avons rien appris du
passé »
C’est trop facile de faire des milliers de
documentaires sur les Juifs morts il y a quatre-vingts ans et de ne pas
broncher quand on crie “Mort aux Juifs !” dans la rue en 2014.
On entend d'ailleurs de plus en plus que le devoir de
mémoire aurait été contre-productif. Qu'en faisant de la mémoire une
contrainte, on ne peut qu'appeler une réaction de rejet.
Oui, c'est sûr qu'on perd les jeunes quand on utilise cette formule. Après,
le fait est que ce devoir de mémoire est relativement récent. Cela date des
années 1990-2000, de Chirac et de son discours du Vél' d'Hiv, et un peu avant
avec la sortie de Shoah, de Claude Lanzmann. C'est
ce qui a déclenché la parole des anciens déportés. D'une part parce que
jusque-là on les avait fait taire, implicitement ou explicitement. Voilà des
gens qui empêchaient la France de se réconcilier, qui étaient des cailloux dans
la chaussure de cette vision héroïque d'une France résistante. Donc au mieux,
on ne les a pas écoutés et, au pire, on leur a fait comprendre que s'ils s'en
étaient sortis, c'est qu'ils avaient été eux-mêmes des ordures. Il y a eu
beaucoup de suspicion – ou de déni de réalité – à la Libération. D'autre part
parce qu'ils ont parlé, justement, une fois leur vie refaite, quand ils ont eu
eux-mêmes des enfants, des petits-enfants.
On en a trop fait avec la Shoah ? Mal fait ?
Je ne sais pas, mais il ne faut pas oublier le tournant qu'a été l'arrivée
des négationnistes dans le débat public. Face à la panique des anciens
déportés, on s'est dit que l'essentiel était de transmettre les chiffres, les
dates. On s'est raccroché à cette idée qu'il fallait une approche totalement
scientifique, que la science pouvait avoir une prise sur le réel et que si on
démontrait, alors, on allait régler le problème. Et c'était tout à fait
légitime, il fallait évidemment faire tout cela. Sauf que les négationnistes,
moi, j'en ai tous les jours : ce sont des causes perdues ! Ils s'en
cognent de la réalité des événements et des chiffres. En se focalisant sur la
preuve scientifique, sur le témoignage historique purement factuel, le tout
finalement par peur du négationnisme, je pense qu'on a loupé ce qu'il fallait
faire passer aux gens qui étaient à même d'entendre ces messages, cette
transmission. Je crois même me souvenir qu'à une période, avant le numérique,
quand on filmait avec des bobines, on se forçait à montrer qu'il y avait
plusieurs caméras pour qu'on ne puisse pas soupçonner qu'il y avait eu des
coupes, un montage… Mais le niveau de délire ! On travaillait pour les
négationnistes. Moi, je ne travaille pas pour eux. Je travaille pour les gens
qui sont encore dans une forme de déni de réalité.
Qu’est-ce qu’il faut qu’il nous arrive pour
que le monde réagisse sur le moment et pas cinquante ans après ?
C'est-à-dire ?
Autant pour ceux qui pensent que la Shoah a été une anomalie de l'Histoire
que pour ceux qui croient que la résistance au nazisme a été la norme. C'est
sans doute là que le devoir de mémoire a le plus dysfonctionné. On n'a rien
appris de l'Histoire, sur le fait que les mécanismes qui ont permis la Shoah
sont toujours intacts. Un exemple : on en a fait des tonnes avec les
Justes. Évidemment, ce sont des individus extraordinaires, leurs actions ont
été admirables et il faut leur donner toutes les médailles du monde. Mais on
parle de combien de gens ? Quelques milliers de personnes dans un pays qui
compte plusieurs millions d'habitants. Ce n'est pas satisfaisant ! À côté,
moi, je rencontre des témoins qui ont été balancés par la voisine, qui était une
amie de leur mère… Il y a eu des millions de lettres de délation pendant
l'Occupation. Je veux qu'on parle des petits accommodements, des petites
collaborations actives ou passives, car ça a été et ça reste une réalité.
Aujourd'hui, ne pas vouloir le voir, c'est passer à côté de ce qui a provoqué
et permis la Shoah. Elle n'a pas été le fait de monstres, mais d'hommes
ordinaires, comme l'explique très bien le livre du même nom [« Des
hommes ordinaires », de Christopher R. Browning, ouvrage traduit par Élie
Barnavi et paru aux Belles Lettres en 2022, NDLR]. Et ce déni, il est
partout. Je me souviens d'Élie Buzyn qui racontait que son père avait lu Mein
Kampf, mais sans y croire, qu'il lui disait : « Ce sont des
conneries ! Jamais Hitler ne fera ce qu'il écrit ! » Il s'agit
évidemment d'un mécanisme de défense humain, sauf que si on n'entend pas, si on
ne prend pas au sérieux les menaces, on est morts ! Qu'est-ce qu'il faut
qu'il nous arrive pour que le monde réagisse sur le moment et pas cinquante ans
après ?
Vous avez revu des « derniers » depuis le 7 octobre
2023 ? Qu'est-ce qu'ils vous disent ?
Oui, j'ai eu quelques nouveaux tournages depuis. Ils ne sont pas étonnés,
ils sont dévastés et, surtout, ils se sentent excessivement seuls. Et moi, j'ai
honte. Parce qu'on parle de gens qui ont tout bien fait comme il faut, qui ont
gardé une dignité incroyable, qui ne se sont jamais vengés – et certains en ont
eu vraiment la possibilité. C'est la honte qu'à la fin de leur vie, après avoir
prêché la bonne parole, après avoir raconté et reraconté qui la mort de leur
mère, qui de leur frère, de leur sœur, sans jamais ménager leurs efforts, c'est
la honte qu'ils aient à revoir, à revivre ça. C'est trop facile de faire des
milliers de documentaires sur les Juifs morts il y a quatre-vingts ans et de ne
pas broncher quand on crie « Mort aux Juifs ! » dans la rue en
2014, de ne pas descendre dans la rue quand Mohammed Merah tue des enfants
juifs à bout portant dans la cour d'une école. Si tu fais des films sur la
mémoire de la Shoah et que tu ne te scandalises pas quand on tue Charlie Hebdo, tu
fais partie du problème. Si on dit « plus jamais ça » en croyant que
le « ça », ce sont les nazis, et qu'on attend que les nazis
reviennent avant de bouger, alors, on n'a rien compris et on ne se protège de
rien. On ne fait qu'attendre que l'Histoire se répète.
« LE DEVOIR DE MEMOIRE » : quelle
belle expression de bienpensant que l’on utilise (trop peu) dans notre
enseignement national d’état bien que certains de nos fonctionnaires en ont encore
le courage de l’enseigner cette histoire de notre France dite laïque avec ses défauts
et qualité de liberté et égalité qui ne sont pas l’exacte réalité actuelle car
les religions sont entrées en ligne de compte et s’oppose indirectement dans
les collèges ou lycées à des jeunes avec des professeurs qui ont peur de heurts
de plus en plus fréquents !?
La décolonisation de nos empires Africains et
nord africains des échecs dont on en si mal à tourner la page à cause de
dirigeants bienpensants pleutres trop jeunes qui ne l’ont pas connu et surtout
la fin de cette guerre d’ALGERIE meurtrière inutile pour les jeunes Français et
Algériens de ces années 1954/62 qui n’a servie à rien dans ce Maghreb qui nous détestent
toujours en nous envoyant indirectement leurs migrants qui ne supportent pas
leurs régimes nationaux totalitaires !?
Alors si on veut parler de cette SHOA cette horreur
sans nom et qui ne savent même pas ce que cela veut dire chez certains jeunes
Français lambda (hormis les familles juives de France de par leur religion et
leurs anciens qui l’ont subi !?)
Et qui croit que c’est seulement le nazisme hitlérien
le responsable alors que l’antisémitisme a toujours été présent en France donc
il faut enseigner la vraie histoire de France sans en faire une tribune politique
diverse édulcorée par nos bienpensants donneurs de leçons hypocrites !?
Jdeclef 29/01/2024 13h30
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