Harkis : Emmanuel Macron
prononce son « discours du Vél' d’Hiv »
Lors d’une cérémonie à
l’Élysée, soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, le chef de l’État a
« demandé pardon » aux harkis au nom de la France.
La scène fut pour le moins historique et singulière. Aussi
singulière que ce destin des harkis, dont le président de la République, mais
aussi les quatre intervenants, tous harkis, qui l’ont précédé de manière
parfois très émouvante, ont justement souligné la singularité. Emmanuel
Macron venait tout juste d’annoncer qu’avant la fin de l’année, le
gouvernement porterait une loi sur « la reconnaissance et la
réparation » du drame des harkis,
quand une femme, encore jeune, l’a interrompu, rappelant comment elle avait été
brûlée dans un des camps mis en place sur le sol français par la République
après 1962. Elle faisait partie de la centaine d’invités harkis, présidents
d’association, de groupes d’entraide, qui, pour la première fois depuis 1962,
ce lundi 20 septembre, étaient reçus solennellement à l’Élysée au nom de
leur « communauté de destin ».
Mais cette femme n’avait pas vu son dossier reconnu par
l’administration française et, tout haut, déplora d’être « une Marguerite
dans les champs abandonnée ». La douleur contenue des harkis depuis
60 ans, trahis par la République, a soudain explosé sous les ors dorés,
perturbant le cérémonial. Au moment où cette même République annonçait et
énonçait son geste ultime envers les harkis, l’une d’entre elles laissait libre
cours à une douleur mêlée de colère que rien ne pouvait plus contenir. Puis
c’est un autre homme qui s’est avancé vers le président, lequel, affirma-t-il,
« lui avait fait des promesses » et qui menaça de parler aux
journalistes. « On en a assez d’être des mendiants », affirma-t-il,
parole reprise par d’autres dans la salle. On tenta de le calmer en le faisant
asseoir au premier rang, là même où quelques minutes auparavant se tenait le
président.
Une forme d’impuissance
Il y eut un moment de flottement. Emmanuel Macron a perdu le fil
de son discours, mais pour en saisir un autre immédiatement, qui, au fond,
correspondait bien au sens de ce qui est en jeu depuis de nombreuses
années : vous ne vous reconnaissez pas dans la douleur de l’autre, vous
estimez que la vôtre est plus forte, plus unique, que celle de votre voisin, ce
qui épuise vos associations mêmes. D’abord pris de court, il a ensuite grondé
gentiment cette femme. « Il faut accepter collectivement que votre colère
se projette dans le goût de l’avenir. » Le président était dans son
rôle. Rappeler l’écart inévitable entre les destins individuels et l’action
collective d’un État, du politique, qui doit tracer une voie,
« avancer », mot qu’il a martelé. Mais la « marguerite »,
emmurée dans son chagrin, n’a pas voulu avancer avec lui. L’avenir ?
« On a perdu espoir », a-t-elle crié. Le président a dû admettre
alors, sans démagogie, une forme d’impuissance. « Je ne peux rien y faire.
Aucun mot ne réparera vos brûlures. Je ne pourrai pas réparer avec des
mots. » Puis d’autres voix s’élevèrent dans la salle :
« Continuez, Monsieur le Président. »
Guerre
des mémoires : les préconisations de Benjamin Stora
C’est pourtant
une loi de « reconnaissance et de réparation » qu’Emmanuel Macron a
annoncée. Ce matin, à l’Élysée, il fut répété ici et là que le drame des harkis
serait irréparable. On voit toute la difficulté d’un président qui a décidé de
faire un pas de plus que ses prédécesseurs, qui étaient allés jusqu’à
reconnaître, avec François Hollande, en 2016, « la responsabilité de la France
dans les conditions d’accueil inhumaines ». Emmanuel Macron va plus loin
avec une loi réclamée depuis longtemps par les associations harkies. Elle
prendra effet principalement grâce à une commission nationale d’évaluation qui
aura deux objectifs : recueillir les témoignages et enclencher
« le processus de réparation ». Réparer la première génération, en
augmentant les allocations pour les anciens combattants vivants ou leurs
veuves. Réparer la seconde génération, qui a grandi dans les camps, les hameaux
de forestage ou les foyers, et qu'on a empêchée d’aller à l’école. On touche du
doigt la force nouvelle et dangereuse de ce mot, qui fait florès et domine désormais
notre politique mémorielle : réparer.
La dette de la République
Sans doute le livre à succès de Maylis de
Kerangal n’y est-il pas pour rien, Réparer les vivants. Ce terme,
« réparation », apparu après la Première Guerre mondiale avec les
réparations allemandes, « l’Allemagne
paiera », voilà qu’il est devenu notre mantra. Mais un mantra ambigu. La
réparation est désormais un « processus », avant tout une
compensation, mais dont notre premier magistrat avoue qu’il ne peut réparer
vraiment. Qu’est-ce qu’une réparation qui ne répare pas ? C’est là qu’intervient
le supplément d’âme symbolique de la République qui s’appelle une loi et qui
doit en l’occurrence rembourser « la dette que la République a
contractée ». « L’abandon par la France, on le reconnaît dans les
discours, on le refuse dans une loi », avait souligné juste auparavant
Mohand Hamoumou, ancien maire de Volvic. Voilà que cette loi, malgré
l’embouteillage législatif de cette fin de quinquennat, va être portée par le
gouvernement, seule manière d’aboutir rapidement. Et le choix d’anticiper de
cinq jours la traditionnelle journée en hommage aux harkis instaurée
chaque 25 septembre depuis 2001 s’expliquait justement par la
mise en avant cette fois d’une loi pérenne, dépassant largement le cadre de la
journée annuelle.
Mais Emmanuel Macron n’ignore rien des lois mémorielles, qui,
a-t-il rappelé, ne doivent pas dire l’Histoire réservée aux historiens.
Allusion à la controverse de 2005 sur la loi sur l’esclavage.
Deuxième raison avancée par Macron pour souligner que cette loi ne doit pas
dire l’Histoire : « Nous devons essayer de réconcilier nos mémoires,
je ne veux pas qu’il y ait des concurrences mémorielles, que les militaires,
que les rapatriés, ensuite, puissent… » Le président sait combien le
terrain de la mémoire de la guerre d’Algérie
est miné. Mais depuis cinq ans, il a décidé d’avancer sur ce terrain.
Le général François Meyer encore décoré
Jusque-là, il a donné plutôt des gages à des figures du FLN ou
proches. Nul doute que les militaires, les rapatriés (terme administratif pour
désigner les pieds-noirs), ne manqueront pas de se manifester dans les mois à
venir, juste avant la présidentielle. Comment réagiront-ils au fait que le
général François Meyer, déjà décoré par Nicolas Sarkozy, a été aujourd’hui,
dans la foulée de son discours, élevé à la dignité de grand-croix de l’ordre du
Mérite, lui qui a préféré « désobéir » plutôt que d’être dans le
déshonneur, en assurant à ses risques et périls le rapatriement de près
de 350 de ses hommes sur le plateau du Larzac ? L’armée aura
sans doute son mot à dire sur le fait qu’on décore un homme qui fait preuve de
« grandeur d’âme et de bonté de cœur », mais qui a désobéi. Emmanuel
Macron a bien conscience de la finesse périlleuse de sa ligne de crête, mais il
continue à systématiser son « en même temps », disant assumer
pleinement « la multiplicité de nos mémoires et de leurs destins,
irréconciliables, qu’il faut toutes reconnaître ». Réconcilier
l’irréconciliable. Réparer l’irréparable. Il monte au front de la mémoire, une
grenade à la main, un extincteur dans l’autre.
Cette loi dont il
a lui-même prévu qu’elle « réveillerait tant de débats », cette loi,
qui doit en finir avec le silence et l’oubli « sans que cela enlève quoi
que ce soit aux autres mémoires, parce qu’il faut s’écouter, se reconnaître
mutuellement », ne doit pas dire l’Histoire. Certes. Pourtant, après avoir
affirmé cela, Emmanuel Macron a établi qu’elle devrait reconnaître deux faits « têtus,
cruels » : l’abandon militaire et la maltraitance sur le sol
hexagonal des familles. C’est donc qu’elle dit aussi l’Histoire, puisqu’elle
reconnaît des faits. Sur le dernier point des familles, il est allé, dans son
discours, plus loin que ses prédécesseurs : « La France des Lumières,
des droits de l’homme, a manqué à ce qu’elle est, veut être, doit être… Elle ne
fut fidèle ni à son histoire ni à ses valeurs. » Mais à ce sujet, il
a explicitement, en son nom propre, mais non pas au nom de la France,
« demandé pardon ». Pourtant, n’avait-il pas dit auparavant :
« Votre histoire, c’est la nôtre, l’histoire de France, des
Français. » Un pas en avant, mais pas deux.
« Je ne sais pas ce que j’aurais fait à la place des
politiques »
On pourrait du reste discuter de cette notion d’« abandon
militaire ». Les historiens ont établi que l’abandon avait été politique,
sur la base des télégrammes des 12 et
17 mai 1962 signés Pierre Messmer et Louis Joxe, mais, en
évitant de prononcer le mot « politique », il n’a pas engagé la
discussion sur le jugement de la France politique d’alors, ce qui pourrait
amener à évaluer le rôle du général de Gaulle. « Ce n’est pas mon rôle de
président », a-t-il répété, avant d’ajouter cette phrase très honnête,
mais assez troublante, évidemment, dans la bouche d’un président de la
République : « Je ne sais pas ce que j’aurais fait à la place des
politiques. »
Benjamin
Stora : « Il y a un mythe gaullien du “grand décolonisateur” »
Quid de
l’Algérie ? Là aussi, Emmanuel Macron s’est montré très prudent. Une seule
allusion, lorsqu’il a parlé « de l’obsession des dirigeants, encore
aujourd’hui, à vous empêcher de vous recueillir sur les tombes de vos
ancêtres ». Mais rien sur la responsabilité de l’Algérie dans le massacre
des harkis abandonnés ou renvoyés de l’autre côté de la Méditerranée.
« Ce ne fut pas une parenthèse dans notre Histoire, ce fut la
République, on doit le reconnaître. » Cette phrase lâchée par
Emmanuel Macron au terme de son discours ne peut manquer de nous faire penser
au régime de Vichy et au discours marquant prononcé
en 1995 par Jacques Chirac pour les 50 ans de la rafle du Vél'
d’Hiv. Avant Emmanuel Macron, Serge Carel, ancien supplétif harki, a
parlé du général François Meyer comme d’un Juste. Mohand Hamoumou, dernier
intervenant, qui a lui-même en cette qualité appelé à une loi, avait
conclu son intervention sur une citation de Dominique Schnapper datant de
1993 : « Comme le statut des juifs, comme la rafle du Vél' d’Hiv,
l’abandon des harkis est une tache dans l’histoire de France. Ce que les juifs
ont demandé, les harkis peuvent aussi le demander. » Ils l’ont
longuement demandé. Ils ont été enfin écoutés, et la France, comme jadis avec
la communauté juive, va mettre en place une commission d’évaluation. Le terme
de « singularité » du destin tragique des juifs dans la Shoah,
longtemps et toujours revendiqué par cette communauté, s’applique donc
désormais aux harkis.
Sens de l’Histoire
Sans doute Emmanuel Macron a-t-il, ce 20 septembre 2021,
prononcé son « discours du Vél' d’Hiv », 60 ans – et non
plus 53 – après le drame des harkis. En 1995, Chirac l’avait tenu
près de l’ancien Vél' d’Hiv, lieu emblématique de la déportation des juifs assumée
par le régime de Vichy. Aujourd’hui, il l’a tenu à l’Élysée, cœur de la
décision politique, occupé jadis, au moment des faits, par le général de
Gaulle. Mais il l’a prononcé à sa manière, prudente et empathique, cherchant à
réconcilier l’irréconciliable, à apaiser les douleurs, tel le roi thaumaturge,
mais thaumaturge désormais de la mémoire, rôle qu’on lui demande de jouer et
que les institutions se plaisent à faire jouer à nos présidents. N’a-t-il pas
qualifié les harkis « d’apatrides mémoriels et de justice » : un
néologisme assez juste, mais lourd de sens.
À l’évidence, cette matinée à l’Élysée ne fut pas comme les
autres. Sans doute aurait-on pu s’en douter dès les premiers mots d’Emmanuel
Macron, qui n’a pas hésité à enlever d’emblée la petite pancarte installée
devant le micro où se succédaient les intervenants : Hommage aux harkis.
Un de ces gestes imprévisibles, iconoclastes, comme il les affectionne.
Qu’allait-il dire pour justifier cet « enlèvement de pancarte »
glissée sous ses feuilles ? « Vous avez rendu hommage aux harkis,
mais désormais, il faut rendre hommage à la vérité. Ce n’est pas un rendez-vous
avec les harkis, mais avec la vérité, avec la France, avec une part de
nous-mêmes. » « Quand la vérité est en marche, on ne peut plus
l’arrêter », rappelait Mohand Hamoumou, citant Zola.
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Mais qui fait feu de tout bois d’événements
regrettables de notre histoire contemporaine post coloniale pour alimenter sa
campagne électorale avant l'heure !
Mais il se sert de ce problème des Harkis (pas
à l'honneur de la France c’est un fait, tout comme pour les supplétifs soldats de
l’Indochine française en 1954 à 20 000 morts français, 11 000 légionnaires, 15 000 Africains et 46 000 Indochinois
, 1 900 officiers français, dont deux généraux) par
son attitude bienpensante hypocrite donneur de leçon pour des gains électoralistes
à l’élection présidentielle et de politiquement correct hypocrite bien plus
préjudiciable dont il est souvent enclin à utiliser !
Car depuis l’indépendance de l’ALGERIE En 2019,
l'INSEE recensait 846 400 immigrés algériens résidant sur le
territoire français. La même année, l'INED estimait à 1 207 000
le nombre d'enfants d'immigrés algériens résidant en France ?!
Qui semble-t-il sont mieux loti que chez eux ?!
Et pourtant depuis des lustres tout est bon par leurs gouvernements
dirigeants et même aussi le peuple de critiquer voire demander mont et
merveilles à la France !
Sans compter le fait que depuis les accords d’Evian en 1962
et la fin de cette guerre avec la France les relations avec les dirigeants de
ce pays devenu libre n’ont jamais été cordiales et même tendues pour employer un
langage diplomatique !
Donc cette compassion habituelle de notre président à l’encontre
des Harkis peut-elle plaire aux algériens et à l’Algérie actuelle, ce qui explique
peut-être la lenteur de nos gouvernements et dirigeants passés qui ont hésité
si longtemps ?!
Et aussi il faut parler des rapatriés français lambda d’ALGERIE
(surnommé pieds noirs) qui ont fui et tout perdu que l’on n’a pas traité si
bien que cela !?
La repentance hypocrite est une tare de bienpensants actuels
qu’ils utilisent pour se donner bonne conscience encore pire quand c’est à but
électoral !
Jdeclef 21/09/2021 11h04LP

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