Derrière
la « kamalamania », qui est vraiment Kamala Harris ?
Pragmatique
pour les uns, coquille vide pour les autres : la philosophie politique de
la vice-présidente de Biden et candidate démocrate à la présidentielle
américaine est difficile à cerner.
De notre
correspondant à New York, Alexis
Buisson*
Publié le
16/08/2024 à 18h00, mis à jour le 16/08/2024 à 19h29
La vice-présidente et
candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine, Kamala Harris, lors
d'un discours de campagne à Las Vegas, le 10 août 2024. © Kevin
Mohatt / REUTERS
Quand on
demande à Matthew Rothschild de définir la philosophie politique de Kamala
Harris, cet ami de longue date de la vice-présidente hésite. « Vous savez,
dit-il, il est difficile de la mettre dans une case. » Tout au long de sa
carrière, de procureur de San Francisco en 2003 jusqu'à candidate
du parti démocrate à la Maison-Blanche en 2024, on lui a pourtant collé
d'innombrables étiquettes, souvent contradictoires.
« Progressiste » pour les
uns, « modérée » ou « centriste » pour les autres, elle est
aujourd'hui considérée comme une dangereuse
« gauchiste radicale » par Donald Trump, responsable de
« l'invasion » du pays par des millions de migrants en situation
irrégulière. Elle aurait également été, selon lui, une procureure laxiste qui
aurait abandonné la police. Qu'importe si, il y a encore quatre ans, les
démocrates progressistes, le nom donné à la gauche de la gauche, faisaient
circuler des mèmes sur le thème de « Kamala The Cop » (« Kamala
la flic ») pour dénoncer son intransigeance.
Kamala Harris, le rebond
démocrate ?
Où est la vérité ? « Elle
me fait
penser à Barack Obama », tranche Corey Cook, professeur de sciences
politiques à l'université Saint Mary's College of California et fin connaisseur
de la scène politique de San Francisco. « Comme il n'avait pas une
approche idéologique, il était difficile de cerner sa philosophie. C'est la
même chose pour Harris. Elle a fait de la justice et l'équité ses chevaux de
bataille, mais se veut pragmatique sur le plan politique. »
Se poser en « procureure
progressiste » de San Francisco
Pour comprendre sa pensée, il faut
remonter au San Francisco du début des années 2000, période où elle émerge sur
la scène publique. À l'époque, « la Paris du Pacifique » est une
véritable jungle démocrate où l'on est plus ou moins à gauche, progressiste ou
centriste, mais surtout pas républicain. Ceux, comme l'ancienne sénatrice
Dianne Feinstein et l'ex- « speaker » Nancy Pelosi, qui
parviennent à maîtriser l'art de la synthèse de ces courants aux intérêts
parfois divergents en sont les rois. « Quand on est candidat à un poste
local à San Francisco, il faut savoir bâtir des coalitions entre des clubs
démocrates de sensibilités différentes, les intérêts économiques, les
syndicats, les élus, les leaders de communautés diverses (chinoise, hispanique,
noire…) sans oublier la population LGBTQ, résume Matthew Rothschild. Bref, si
vous parvenez à être élu à San Francisco, vous pouvez l'être n'importe où.
C'est un coupe-gorge ! »
En 2003, quand Kamala Harris se
présente au poste de procureur de la ville, « premier flic » de
« SF », la localité est en proie à une hausse de la criminalité. Les
grandes fortunes locales (dans la tech, l'immobilier…), qui s'inscrivent dans
le courant modéré du parti, sont exaspérées par le candidat sortant, le
bouillonnant Terence Hallinan, une personnalité très à gauche ayant un penchant
pour les bagarres dans les bars et considéré comme laxiste et désorganisé.
« Kamala
Harris prépare le coup d'après »
Kamala Harris a travaillé pour lui.
Révoltée par son incompétence, l'ambitieuse décide de le défier en se
positionnant comme un substitut plus efficace et ferme, qui augmentera les taux
de condamnations. Mais dans une ville aussi démocrate, impossible de se montrer
trop dur. Soutenue par les grands argentiers locaux du parti, dont la veuve de
Steve Jobs, elle axe sa campagne sur le rétablissement de la loi et de l'ordre
tout en prônant la mise en place d'alternatives à la prison pour les petits
délinquants afin de réduire la population carcérale. Ce message séduit. Elle
parvient à déloger son ancien « boss » au terme d'une élection
serrée.
Ceux qui la côtoient à l'époque
affirment sans hésitation qu'elle n'est pas du tout la « gauchiste
radicale » que Donald Trump essaie de dépeindre. « Elle n'est pas
animée par une idéologie », résume Louise Renne, l'une de ses anciennes
supérieures. Une fois aux commandes, Kamala Harris tente de se poser en
« procureure progressiste », porteuse d'une voie médiane entre la
tolérance zéro et le laisser-faire total dans la lutte contre la criminalité.
Tout en mettant en place un programme avant-gardiste d'alternative à la prison
pour les primodélinquants (« Back on Track »), elle se montre
inflexible sur la question de l'absentéisme, qu'elle considère comme l'une des
sources de la formation de gangs, un problème important dans le San Francisco
de 2003.
Contre l'avis de certains membres de
son équipe, elle menace ainsi les parents d'élèves manquant trop fréquemment
l'école de les envoyer en prison. Une tactique jugée cruelle envers les
familles pauvres monoparentales, souvent issues des minorités. En ce sens, la
« proc » incarne donc une justice dure, typique pour l'époque aux
États-Unis, mais montre qu'elle veut aussi tourner la page du tout-carcéral, à
la différence de ses homologues dans le reste du pays. « Elle n'était pas
une procureure progressiste, mais elle était tout de même plus à gauche que les
autres », résume Corey Cook.
Réparer sa brouille avec la police
Ses rapports avec la police
illustrent sa capacité à faire des grands écarts. Dès 2004, peu de temps après
son entrée en fonction, elle provoque une vive colère chez les forces de
l'ordre de San Francisco en refusant de demander la peine de mort contre un
homme qui avait tué un agent en civil, Isaac Espinoza, dans un quartier
défavorisé de la ville. Cette prise de position lui vaut d'être critiquée par
la classe politique locale. À l'image de la maire de San Francisco, Dianne
Feinstein, qui lui remonte les bretelles lors des funérailles de l'agent,
auxquelles Kamala Harris assiste sans rien dire. Les policiers eux-mêmes se
mettent à lui tourner le dos quand ils la voient dans les couloirs du palais de
justice.
Plutôt que de s'enfermer dans une
relation conflictuelle, elle tente pendant des années de réparer les liens
brisés, en décorant les agents les plus méritants et musclant son discours
pro-police. Dans son ouvrage Smart on Crime, sorti avant qu'elle ne se
présente au poste de procureur général de Californie en 2010, le chef de
l'appareil judiciaire de l'État, elle écrit : « Si on demande aux
gens qui veulent voir plus de policiers dans les rues de lever la main, je n'hésiterai pas.
Une présence plus stratégique et visible dissuade les criminels. » En
2014, elle est réélue à ce poste avec le soutien des principaux syndicats.
Elle n’est pas du genre à faire des
coups d’éclat. […] Si elle est élue présidente, je ne pense pas qu’elle
gouvernerait par décrets.Corey Cook, professeur de sciences politiques à
l’université Saint Mary’s College of California
Dans le même temps, le parti
démocrate commence à virer à gauche. Cette année-là, le
mouvement antiraciste Black Lives Matter voit le jour à la suite du meurtre
de l'Afro-Américain Michael Brown à Ferguson (Missouri) par un policier blanc.
Les propos de la « proc » la mettent en décalage avec les jeunes
militants qui réclament la réforme des méthodes policières et la fin du
« racisme systémique ». Quand des affaires de brutalité impliquant
des agents explosent en Californie ou que des propositions de loi sur la
responsabilisation de la police sont débattues au Parlement de l'État, elle se
refuse à prendre position. Quitte à s'attirer les foudres d'élus noirs et des
militants.
Elle renonce également à s'exprimer
sur des référendums d'initiative populaire ou d'autres propositions de textes
législatifs sur des sujets chers à son camp, comme l'allégement de certaines
peines liées à la possession de drogue ou la réforme du système des
« three strikes » (loi des trois prises), au nom duquel des individus
accusés de trois crimes font l'objet de sanctions alourdies pouvant aller
jusqu'à la prison à perpétuité, et ce, quelle que soit la sévérité desdits
crimes. Kamala Harris met notamment en avant son devoir de réserve pour
justifier son silence, mais ses détracteurs lui reprochent de ne pas utiliser
son pouvoir pour changer les lois existantes, à l'origine de l'incarcération
massive de Noirs et d'autres populations non-blanches.
Abandon de mesures
« radicales »
Pis : certains expliquent son
inaction par sa volonté de cajoler l'électorat conservateur de Californie en
vue de futures élections. En 2016, quand elle se présente au poste de sénateur
de l'État, le Los Angeles Times lui apporte son soutien, mais lui
reproche d'être trop prudente, adjectif que ses proches détestent. « Trop
souvent, elle s'est montrée mesurée au point de commettre des erreurs,
peut-être pour éviter de mettre en péril son ascension politique, écrit le
comité éditorial. Nous aimerions qu'elle prenne les positions fortes dont la
Californie a besoin. »
Le professeur Cook est moins sévère.
Pour lui, Kamala Harris s'attache avant tout à trouver des solutions durables à
des problèmes précis à travers la recherche de compromis, plutôt que de se
lancer dans des chantiers radicaux, de grande ampleur, sans lendemain.
Difficile de ne pas voir dans cette philosophie des petits pas l'influence de
sa mère, Shyamala, chercheuse de renom dans le domaine du cancer du sein qui
lui a inculqué l'importance d'être mesurée et méthodique, à la manière d'une
scientifique. « Elle n'est pas du genre à faire des coups d'éclat, elle va
plutôt rechercher un terrain d'entente avec ses interlocuteurs pour faire
avancer ses idées. Si elle est élue présidente, je ne pense pas qu'elle
gouvernerait par décrets, par exemple. »
« Ces
types font peur » : à Philadelphie, Tim Walz se pose sans chichi
en colistier de Kamala HarrisIllustration de cette méthode : la mise
en place en 2015 de la plateforme Open Justice, un tableau de bord en
ligne sur l'activité de la police en Californie. Destiné à responsabiliser les
agents, l'outil a reçu le soutien à la fois de militants progressistes
favorables à la réforme des méthodes d'intervention des forces de l'ordre… mais
aussi des syndicats de policiers. Ce n'est pas « sexy », mais la
plateforme existe toujours. « Le pragmatisme n'est pas de la modération. Il
s'agit de déterminer sur quel terrain la majorité peut se retrouver »,
poursuit Corey Cook.
Cette posture explique en partie
pourquoi elle a échoué à se démarquer lors de la campagne
des primaires démocrates pour la présidentielle de 2020. Lors de ces
scrutins internes auxquels participent les partisans les plus engagés, il est
tentant de se montrer plus extrême qu'on ne l'est vraiment. C'est ce que la
sénatrice a fait en épousant des propositions jugées révolutionnaires
outre-Atlantique, comme la mise en place d'une couverture médicale publique
universelle, idée également défendue par le
sénateur démocrate socialiste Bernie Sanders, figure de proue de la gauche de
la gauche.
Rapidement, elle est apparue comme
incapable de défendre cette idée face à des adversaires plus convaincants et
convaincus. Y croyait-elle vraiment ? Une chose est sûre : elle l'a
abandonnée depuis, tout comme d'autres mesures « radicales » qu'elle
a avancées pendant cette primaire marquée par un glissement à gauche du
parti : interdiction de la fracturation hydraulique, programme de rachat
de certaines armes à feu, redirection d'une partie des fonds alloués aux forces
de police… Autant d'éléments que Donald Trump utilise contre elle aujourd'hui.
Le « pragmatisme » de
Harris, un atout face à Trump
Ce revirement, destiné à marquer sa
distance avec les éléments les plus extrêmes de sa famille politique,
confortera certainement ceux qui pensent que Kamala Harris est une coquille
vide, qui retourne sa veste au gré de l'humeur du moment. Une critique que
réfute Matthew Rothschild. « Elle n'est pas du genre à mettre son doigt en
l'air pour voir dans quel sens souffle le vent, affirme-t-il. Elle a des
principes forts, comme l'a montré son refus de demander la peine de mort pour
le tueur du policier en 2004. »
Comment combattre Donald
Trump ? Corey Cook est d'accord avec cette analyse. C'est d'ailleurs
ce qui, à ses yeux, la distingue de Hillary Clinton. « Il y avait toujours
un soupçon de calcul politique qui planait au-dessus de l'ex-première dame.
Beaucoup d'électeurs ne sont pas allés voter en 2016 car ils étaient
mal à l'aise avec cet aspect de sa candidature. Kamala Harris ne dégage pas le
même sentiment. Si elle avait voulu être plus politique, elle aurait fait des
choix différents, notamment le soutien à la peine de mort pour l'homme qui a
abattu l'agent Espinoza », fait-il remarquer.
Pour l'expert, le
« pragmatisme » sera une force dans l'élection présidentielle.
« Dans un contexte comme les primaires de 2019-2020, où elle était opposée
à une vingtaine de personnes, ce n'était pas sexy de parler de l'importance de
bâtir des coalitions à la télévision ! En plus, elle n'a pas les talents
oratoires d'un Obama et n'enthousiasme pas les différents courants du parti
comme lui. En revanche, face à un adversaire extrême comme Donald Trump, être
pragmatique est un atout indéniable. » Pour Brian Brokaw, membre de son
équipe de campagne en 2010, il serait faux de dire qu'elle « manque
d'idéalisme ». « Elle est engagée, mais elle est réfléchie,
observe-t-il. Elle ne va pas convoquer des conférences de presse pour ne rien
dire. Elle est rigoureuse, c'est le plus important pour elle. En ce sens, elle
est aux antipodes de Donald Trump. »
Le peuple américain est aussi nul
que nous Français pour choisir leurs dirigeants et en fait aussi les Europeens
de cette (dite) Union Européenne libre et soi-disant la plus démocratique du
monde dont les USA et ces américains du nord de ce continent d’outre atlantique
historiquement font partie depuis leur indépendance de 1796 bien aidée par la couronne
royale Française de l’époque ancien régime qui tombera ensuite comme quoi ces
années post révolutionnaire on marquée l’histoire du monde moderne contemporain
car ce sont nos cousins d’Amérique comme on dit ce qui est vrai ?!
D’ailleurs ils sont similaires à nous
et ont augmenté leur puissance après la guerre mondiale de 39/45 en utilisant les
PREMIERS la bombe atomique pour vaincre le JAPON leur ennemi de l’époque !?
Arme nucléaire que tout le monde a
maintenant dans les pays développés sans oublier « la cerise sur le gâteau
empoisonné » de la Russie poutinienne et sa guerre d’invasion de l’UKRAINE
menaçante et ces USA qui vont peut-être réélire ce TRUMP (aussi dérangé que
POUTINE) quand on voit qu’ils vont peut-être le réélire cet aboyeur de foire
alors qu’ils l’ont déjà eu au pouvoir !?
Et nous pauvre petite France on
compte les points avec un petit Mr MACRON procrastinateur pathologique et « sa
macronie fantôme » qui ne sait pas décider pour la nomination d’un 1er
ministre dont on se demande l’utilité d’ailleurs (quand on a vu les précédents)
car avec un président nullissime qui attend 2027 soi-disant décide de tout mais
de rien en fait depuis 2017 et sa réélection en 2022 et continue à tergiverser !?
Si les Français acceptent çà car étant
(encore) dans un pays libre et bien tant pis (ont avale et on digère tout lol) !?
Jdeclef 17/08/2024 12h40
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