Monde
Le vin à l'Élysée,
un motif de tension diplomatique récurrent
DIPLOMATIE Le président
iranien aurait annulé son repas prévu à l'Élysée en raison de la présence de
bouteilles d'alcool à table, annoncent plusieurs médias, une information
démentie par l'Élysée...
Le raisin de la
colère ? Vexés par le refus de la France de débarrasser la table de
ses bouteilles de vin, les Iraniens auraient annulé le repas prévu mardi
prochain à l’Élysée à l’occasion de la visite du président iranien, Hassan Rohani,
en France, selon RTL, une version démentie par l’Élysée.
Un motif dérisoire ? Pas du tout pour les diplomaties française et
étrangères, qui n’en sont pas à leur premier coup d’éclat en la matière. La
preuve par trois dans l’histoire récente.
1999, Chirac fâche Khatami
Une visite du
président iranien, Mohammad Khatami, est prévue en avril. Ses services exigent
alors que le vin disparaisse de la table du banquet officiel au moment des
toasts. Sauf que l’Élysée a pris l’habitude de servir du vin aux convives non
musulmans, en plus des boissons non alcoolisées à ses hôtes de confession
musulmane. Principe contre principe. La France considère le dîner à l’Élysée comme
une vitrine de la France, dont le vin fait évidemment partie, tandis que l’Iran
affirme, dans un communiqué, que « les critères islamiques sont clairs et
habituellement respectés lors des visites du président à l’étranger ». La
même année, l’Italie avait en effet banni le vin des réceptions lors de la
visite de Khatami. Cette fois, les deux parties ne tombent pas d’accord, le dîner est annulé et reporté.
Khatami rendra finalement visite à Jacques Chirac en octobre, à l’occasion…
d’un thé.
2004, le verre de vin
polémique à Bercy
Nouvelle visite de
représentants iraniens en France. Lors d’un dîner organisé au ministère des
Finances, à Bercy, en janvier, le ministre délégué au Commerce extérieur,
François Loos, reçoit le ministre du Commerce iranien, Mohammad Shariatmadari.
Là encore, la présence de bouteilles sur la table pose problème. « Les
invités menacent de quitter les lieux si on ne les ôte pas
immédiatement », raconte l’historien Jean-Marc Albert
dans Aux tables du pouvoir.
Mais une nouvelle fois, la France décide ne pas céder. Avec une issue
différente par rapport à 1999. « Les services du protocole du ministère
finissent par faire admettre aux hôtes iraniens que les usages de la puissance
invitante l’emportent sur les convenances ou les traditions des pays des
invités. » Les bouteilles restent donc en place. Au cours du dîner, le
sujet du port du voile à l’école sera même abordé.2009, Sarkozy dans les pas de Chirac
Le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, est en visite officielle en France, début mai. Un déjeuner est prévu à l’Élysée. Mais quand le chef du gouvernement apprend que du vin figure au menu, son chef de cabinet demande que l’alcool ne soit pas servi. Nouveau refus des Français. Maliki, chiite et croyant, préfère annuler le déjeuner. Mais pas sa visite. « Sa rencontre dans l’après-midi avec Nicolas Sarkozy s’est très bien passée », explique alors une source au Figaro. « Nous avons commis une erreur, on aurait dû signaler ce détail au protocole, avant le repas », explique simplement un diplomate irakien, cité par le même journal.
L’alcool est donc un véritable motif de tension entre la France et les dirigeants de confession musulmane qui lui rendent visite. Et derrière les questions de principe et de coutume, la diplomatie reprend aussi parfois ses droits. C’est ainsi qu’à l’Élysée, « la pratique est de servir le vin dans des carafes opaques », explique Jean-Paul Pancracio, auteur du Dictionnaire de la Diplomatie. « Personne n’est dupe évidemment, mais des deux côtés l’honneur est sauf ! » Ce qui n’empêche pas, en de rares occasions, des tensions d’apparaître.
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