Michel
Barnier : « La droite gagne quand elle ressemble à la France »
ENTRETIEN.
À l’occasion de la sortie de son livre, le négociateur du Brexit
dévoilait ses ambitions et sa vision de la France. Le voici candidat à la
présidentielle.
Le
jeu est encore très ouvert à droite à un an de la présidentielle et Michel
Barnier, fort de sa légitimité internationale et de sa longue carrière
politique, s’apprête à jouer sa carte. Bien sûr, l’homme du Brexit doit
auparavant rassembler sa famille, Les Républicains, et arrondir les angles avec
le courant souverainiste des LR. Après le bras de fer avec les Britanniques,
c’est une entreprise de séduction et de conviction dans laquelle il se lance
avec l’énergie tranquille d’un homme qui aborde le dernier combat de sa vie
politique. En tout cas, il n’a pas cédé aux appels du pied des macronistes. Il
n’a pas non plus renoncé à son style : sobre, sérieux, travailleur. Pas
d’esbroufe chez ce gaulliste social qui pense que le pays a désormais
besoin de dignité et d’apaisement. Le voici officiellement
candidat. Entretien.
Le Point : Quelle a été votre méthode pour maintenir l’unité
des Vingt-Sept pendant la longue négociation du Brexit ?
Michel Barnier :
Sur l’ensemble des sujets qui étaient sur la table, on a tout dit à tout le
monde – aux 27 États membres ainsi qu’au Parlement européen – et en même
temps. Il n’y avait aucun engagement préalable en ce sens. Pourtant, j’ai
estimé que cette méthode, qui passe par le respect de chacun et la
transparence, était absolument nécessaire.
Pourquoi Bruxelles et la Commission n’ont-elles pas fonctionné de
cette manière avant ?
La Commission est quelquefois trop sûre d’elle-même. J’y ai
travaillé quinze ans, et j’y ai rencontré des
fonctionnaires certes très compétents mais parfois très arrogants. À
Bruxelles comme à Paris, quand les bureaucrates prennent le pouvoir, c’est
que les hommes politiques le leur laissent. L’une des erreurs fondamentales de
l’Europe fut l’ultralibéralisme, qui s’est exprimé par cette vision naïve – que
personne d’autre n’a eue dans le monde – selon laquelle les échanges allaient
tout régler, que le commerce allait nourrir l’Afrique, qu’on pouvait se faire
confiance, qu’on pouvait, nous, ouvrir les portes de l’Europe en grand et que
les autres allaient en faire autant. Et les autres s’en sont bien gardés !
Qu’il s’agisse des Américains, des Chinois, ou des Russes. Certes, on a besoin
de la finance, des grandes banques, mais on doit les mettre au service de
l’économie réelle. Beaucoup de régions britanniques ont voté contre cette
mondialisation-là. Si je suis libéral, c’est comme l’était Adam Smith, avec une
éthique et une morale.
Est-ce que vous diriez que Boris Johnson est un dirigeant
populiste ?
La campagne du référendum a été une campagne populiste qui a
utilisé le sentiment populaire ou la colère sociale qui existe au Royaume-Uni
comme chez nous. Mais il ne faut pas confondre le sentiment populaire avec le
populisme. Les brexiteurs, dont faisaient partie Johnson, Farage et d’autres,
ont utilisé tous les arguments, y compris de faux arguments, des mensonges,
pour gagner le référendum. Aujourd’hui, la gestion du gouvernement par Boris
Johnson est beaucoup plus sérieuse. Il est pragmatique, intelligent. Je ne l’ai
jamais sous-estimé.
Pensez-vous qu’il réussira son pari du « Global
Britain » ?
Je souhaite le succès du Royaume-Uni ! Good
luck ! Mais je n’ai jamais compris ce qui aurait empêché le
Royaume-Uni d’être une « Global Britain » dans l’Union. Qu’on nous
l’explique. Rien n’a empêché l’Allemagne d’être une « Global
Germany », grâce à sa robuste compétitivité. Je repense au tableau que me
présenta un jour David Cameron sur l’évolution des dix premières puissances
mondiales d’ici à 2050. En 2010, il y a quatre pays européens : Allemagne,
Royaume-Uni, France, Italie. Et, tous les dix ans, l’un des quatre est éjecté
du classement. Je n’accepte cette fatalité ni pour la France ni pour
l’Europe ! Si on ne travaille pas ensemble, on est foutus. On devient définitivement
sous-traitant et sous influence des Américains et des Chinois. Je me suis
engagé en politique à l’âge de 14 ans derrière le général de Gaulle pour
que l’avenir de mes enfants et petits-enfants ne se décide pas à Washington ou
Pékin.
Comment pouvez-vous essayer de réconcilier Les Républicains avec
l’Union européenne sachant que votre parti est travaillé par des courants
souverainistes, comme celui animé par Bruno Retailleau ?
Ma famille politique gagne quand elle ressemble à la France. Quand
elle se recroqueville, elle perd. Si l’on veut gagner, il faut réduire cette
fracture entre la droite et l’Europe. Nous l’avons fait en 2009, quand, sous
l’impulsion de Nicolas Sarkozy, j’ai conduit la liste de la majorité aux
européennes en Île-de-France. C’est d’ailleurs la dernière élection nationale
que nous avons collectivement gagnée à droite.
Bruno Retailleau souhaite affaiblir la Commission, et Xavier
Bertrand se dit contre l’accord commercial avec le Canada. Que faites-vous dans
cette famille politique ?
Toutes les grandes familles politiques sont traversées par ces
débats. Bruno Retailleau et Xavier Bertrand ont une parole très utile, mais je
ne veux pas oublier tous les autres. Je suis bien placé pour savoir qu’il y a
des choses à changer pour redonner de la liberté aux États, réduire le poids de
la bureaucratie bruxelloise, ou augmenter le contrôle démocratique. Mais on a
besoin d’une institution qui soit au milieu du jeu pour proposer et appliquer
les décisions. Charge à la France d’y être influente et de savoir convaincre,
ce qui est moins le cas depuis dix ans. En la matière, l’Allemagne est plus
réaliste et plus efficace.
L’Union européenne avait une occasion en or de démontrer son
efficacité à travers les précommandes collectives des vaccins. Or, quelques
mois plus tard, nous sommes derrière les Britanniques et derrière les
Américains. Qu’est-ce qui a péché ?
Bien sûr, c’est plus facile de décider tout seul qu’à 27. Il y a
eu assurément des erreurs, des retards, des atermoiements. Cela n’empêche pas
que l’Europe demeure la bonne dimension pour appréhender le problème, y compris
du point de vue sanitaire. Elle est dans son rôle lorsqu’il s’agit de
mutualiser pour les Vingt-Sept les commandes de vaccins, pour les négocier à un
meilleur prix et en assurer une distribution équitable plutôt que de laisser
les plus petits pays à leur sort. J’observe, en passant, que la France aurait
été bien incapable de pratiquer une sorte de patriotisme vaccinal puisque nous
n’avons pas pu produire de vaccin français. Nous sommes donc liés les uns aux
autres.
Pourquoi citez-vous Konrad Adenauer disant à Winston Churchill
que, pour être un homme d’État, il faut « grandeur de pensée et profondeur
des sentiments » ?
Il faut aimer les gens et les écouter. En 2008, alors que j’étais
ministre de l’Agriculture et de la Pêche, j’ai rencontré, à Étables-sur-Mer,
des pêcheurs dont le bateau, le Mon Bijou, venait de couler. Dans le naufrage, un
jeune pêcheur était mort. Les bateaux sont équipés d’une balise sur leur mât.
Quand ils coulent, le mât émet. Les secours arrivent ainsi à localiser les
bateaux, mais pas forcément les pêcheurs, qui, eux, risquent de dériver dans
l’eau, de s’éloigner du mât et de ne pas être retrouvés. Je discute avec ces
pêcheurs sous le choc, et l’un d’entre eux me dit : « Vous êtes élu
en Savoie. Pourquoi ne sommes-nous pas équipés comme les pisteurs secouristes,
qui ont une balise individuelle sur leur anorak ? » Ce pêcheur m’a
donné une idée que personne ne m’avait suggérée jusqu’alors. Nous avons fait équiper,
dans la foulée, les 20 000 pêcheurs français. Quand on est un homme
politique, on n’a pas la science infuse. On doit mettre son autorité, toujours
temporaire, au service des bonnes idées, d’où qu’elles viennent. Le pouvoir, ce
n’est pas de se mettre en avant, mais d’agir avec les autres.
Comment comptez-vous remédier à votre image de premier de la
classe et à votre déficit de notoriété auprès des Français ?
J’ai rarement été premier de la classe ! Mais je connais
cette réputation faite par certains journalistes et politiques du microcosme
parisien. Je n’ai jamais lancé de petites phrases, je n’ai jamais construit mon
parcours contre les autres. On peut gagner sans ça. Depuis ma première élection
cantonale en Savoie et en trente ans de vie politique, j’ai toujours fait
campagne sans citer le nom ni critiquer mes concurrents. On est toujours mieux
élu sur ses idées que sur le rejet des autres. En ce qui concerne l’image, on
peut s’en préoccuper, mais non la changer et la travestir. Je ne vais pas modifier
mon image à mon âge pour faire plaisir. J’ai une ligne, un fil bleu, et je ne
compte pas le perdre de vue. La politique doit s’accompagner de dignité. Je ne
suis pas à l’aise quand on me demande de raconter des histoires ou de faire
rire les gens. Je n’ai pas cette conception-là de la politique. J’aime mettre
des gens ensemble pour construire.
Êtes-vous prêt à vous jeter dans une campagne présidentielle, sa
violence, ses mauvais coups, sa démagogie ?
La politique est violente. Je l’ai su très tôt, en m’engageant
comme militant gaulliste à 14 ans. J’ai fait beaucoup de campagnes dans ma
vie. L’année dernière encore, le Daily Mirror m’a accusé d’être le patient zéro pour
l’équipe de négociation britannique ! Je ne crois pas qu’il soit
obligatoire de donner des coups de poignard pour réussir en politique. La
situation actuelle appelle davantage d’énergie positive et moins de polémiques.
Qu’est-ce qui fait que vous pourriez vous présenter à la
présidentielle de 2022 ?
Dans l’état actuel du pays, ce que je représente, ce que je sais
faire, mon sens du travail en équipe peuvent être utiles pour remettre notre
pays sur le droit chemin. J’ai construit une expérience locale, nationale et
internationale, j’ai été beaucoup plus longtemps sur le terrain qu’à Bruxelles,
à la rencontre des Français. Il n’y a aucune fébrilité de ma part.
Si vous faisiez le choix de vous présenter, passeriez-vous par la
primaire ?
Je pense que ma famille peut choisir son candidat sans passer par
la primaire. Il y a beaucoup de vrais talents à droite, parmi Les Républicains
ou juste à côté de nous. Mais nous n’arrivons pas encore à rassembler ces
talents individuels pour en faire une force collective. L’expérience des
primaires de 2016 a été à l’origine de divisions et de rancœurs personnelles
qui rendraient aujourd’hui le rassemblement de notre famille politique beaucoup
plus difficile.
Quand connaîtra-t-on votre décision ?
À l’automne.
Pourquoi ne vous jetez-vous pas à l’eau tout de suite ?
Pour se jeter à l’eau, encore faut-il qu’il y ait de l’eau.
La société française est de plus en plus fragmentée, radicalisée,
repliée sur elle-même. Vous prônez le consensus, l’apaisement. Comment la
rencontre avec les Français pourrait-elle se faire ?
Les Français souffrent des tensions et des passions avivées par
les stratégies personnelles et de court terme. Les Français sont dos à dos. Je
suis convaincu que la France doit être apaisée. Il faut remettre du respect
entre nous et de la raison. C’est en travaillant collectivement que nous
pourrons redonner un horizon commun à tous les Français. J’ai envie de porter
ce projet d’ambition française et de rassemblement du pays. Par ma famille et
mon parcours, j’ai appris à avoir un respect profond pour le tissu associatif,
les élus, les petites entreprises, pour tous ces responsables anonymes qui font
la France.
Le discrédit des politiques ne vient-il pas toujours du gouffre
entre les paroles et les actes ?
Au fond, on attend d’un homme politique qu’il remonte la ligne
d’horizon. Il faut expliquer pourquoi les changements sont bénéfiques et
pourquoi les réformes demandent du temps et ne se font pas en cent jours.
Sinon se crée un fossé dévastateur entre les attentes et les actes.
L’effet de suivi est aussi important que l’effet d’annonce. J’ai toujours suivi
ce que j’ai fait. Quand les citoyens lèvent les yeux, il faut qu’ils voient
quelque chose. S’ils lèvent les yeux et ne voient rien, alors c’est le chacun
pour soi qui ouvre les portes à la démagogie, aux extrêmes, à la rhétorique.
J’ai appris tout cela avec Jean-Claude Killy, durant les dix ans d’organisation
des Jeux d’Albertville de 1992. Nous avions mobilisé 8 000 volontaires.
Chacun a eu l’impression de s’améliorer individuellement en participant à un projet
collectif. Dans Le
Nœud gordien, Georges Pompidou parle d’une « morale de
l’action ». Les gens n’ont pas les mêmes idées, ne viennent pas forcément
du même lieu, ne se rendent pas forcément aux mêmes endroits, mais ils savent
se réunir par la « morale de l’action ». Dans les débats qui
viennent, je dirai ce que je crois : la France peut et doit devenir dans
dix ans la première puissance économique européenne. Il faut s’en donner les
moyens et tracer une perspective, en ayant à cœur de changer ce qui peut l’être.
Nous devons avoir une immense ambition pour la France.
Si vous entrez en campagne présidentielle, qu’est-ce que vous
n’êtes pas prêt à faire ?
Mentir.
Quelles sont vos relations avec Emmanuel Macron ?
Je l’ai connu avant qu’il ne soit président de la République et
j’ai de bonnes relations avec lui, comme avec les 26 autres chefs de
gouvernement avec lesquels j’ai eu à travailler presque quotidiennement
pendant cinq ans, de Viktor Orban à Angela Merkel.
À ce stade, comment jugez-vous sa présidence ?
J’ai vu quelqu’un d’intelligent, mais rarement dans le partage et
dans la confiance. Il a une gestion trop solitaire du pouvoir. Entre la
solitude et l’arrogance, la frontière est parfois mince. Quand vous dirigez, il
faut que les gens que vous représentez se sentent considérés. Aussi bien ceux
qui vous font confiance que ceux qui ne vous font pas confiance. Je me souviens
d’une homélie du pape Benoît XVI durant laquelle il avait prononcé quatre mots
qui, mis ensemble, ont une force inouïe : « Chaque homme est
nécessaire. » C’est ce que je pense profondément. Chaque citoyen, chaque
entreprise, chaque territoire est nécessaire.
Quel regard portez-vous sur la politique économique d’Emmanuel
Macron ?
La politique économique de la France a été bousculée par la crise
du Covid. Elle a obligé le gouvernement à ouvrir les vannes, à emprunter et à
distribuer en grande quantité. Est-ce que cela explique ou justifie qu’il n’y
ait pas l’effort souhaitable en matière de réforme de l’État, de maîtrise de
certains postes de dépense publique ? Est-ce que tout le monde a compris
le sens de certaines diminutions d’impôts ? Il aurait été préférable de
mettre l’accent sur la diminution plus forte des impôts de production, sur le
coût du travail et sur les transmissions d’entreprises pour revenir dans la
moyenne européenne et redonner de la compétitivité à nos entreprises, petites
ou grandes, qui veulent travailler et produire en France. La clef, c’est de
faire résolument le pari de l’activité. Il n’a jamais été fait en France. À cette
condition, nous aurons une croissance à la fois plus juste – pour les jeunes,
pour les territoires, pour les petits salaires – et plus écologique, par
l’innovation et l’investissement.
Que vous inspire le parcours de Joe Biden ?
Il est américain ; je suis français. La France et les
États-Unis ne sont pas comparables. Mais, après des années de tumulte, les
Américains ont souhaité placer à leur tête quelqu’un qui remette le calme et le
respect au centre du jeu. Je me retrouve dans sa persévérance.
Vous êtes un montagnard. Qu’est-ce que cela dit de vous ?
Nous sommes sobres, tenaces, solidaires dans l’épreuve et dans
l’effort. Nous ne faisons pas d’esbroufe.
Quand on entre en campagne, il faut pourtant se déboutonner.
Êtes-vous prêt à cela ?
En pleine crise sanitaire et économique, croyez-vous que les
Français attendent ce strip-tease ? Moi, non ! Depuis trop longtemps,
la crédibilité politique souffre de trop de surenchères et
d’incantations ! Pour ma part, je suis déterminé à rester moi-même. Et je
pense que les Français veulent de la dignité de la part de ceux qui les
représentent, de l’élu local au président de la République.
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Là,
les français ne diront plus qu’ils n’ont plus le choix !?
Si
la droite LR retrouvait son intelligence, elle présenterait M.BARNIER comme
candidat naturel et économiserait une primaire hasardeuse qui leur a couté en
2017 une défaite cuisante !
Et
que ces pseudo leaders de droite LR et autres gonflés d’orgueils mal placés
laissent de côté leurs égos et retrouvent leur bon sens politique, ce serait
mieux pour la France malade et pas seulement à cause de la pandémie pour que les
français lambda est enfin un homme d’état pour les diriger et les protéger !
Mais
bien sûr, il ne faut pas trop rêver connaissant la mentalité de nos élus de
tous bords qui ne pensent qu’à eux, plutôt qu’à la France, car on les a vu à l’œuvre
dans les quinquennats précédents et même depuis 40 ans avant !
Reste
et ce n’est pas la moindre difficulté que tous les français aillent voter en
masse dès le 1er tour pour balayer l’extrême droite du RN de M.LE
PEN et les autres extrémistes déjantés illuminés LFI, EELV les verts et les
anciens partis de cette gauche moribonde PS/PC pour sortir de l’ornière la France
qui est bien basse et qui doit encore affronter la peut-être (possible) fin de
la crise sanitaire qui n’est pas terminée à la rentrée !
Pour
une fois, les français ont leur destin entre leurs mains, dans 8 mois qu’ils ne
ratent pas le coche et votent mieux que d’habitude en oubliant leur versatilité
et leur « chacun pour soi » !
Jdeclef
27/03/2021 09h10
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