Richard Ferrand au Conseil
constitutionnel : l’histoire secrète d’une nomination
ENQUÊTE. Le chef de l’État doit désigner
l’ancien président de l’Assemblée pour prendre la tête de l’institution de la
rue de Montpensier. Un choix discuté, qui vient parachever dix années
de compagnonnage politique.
Par Mathilde
Siraud
Publié le 07/02/2025 à 12h00
.
En bon Breton, Richard Ferrand voit arriver les
orages. Dans l'univers macroniste dont il fut l'un des créateurs, sa réputation
de personnage contrarié le précède. Il arrive qu'autour du président, le
« grognard grognon », tel qu'on le désigne, casse l'optimisme un peu
béat de la jeune garde. Inutile de s'appesantir donc sur la façon dont il a
(mal) vécu la dissolution. Mis au parfum une poignée d'heures avant la
fracassante annonce, ce fidèle parmi les fidèles a ruminé des heures et des heures
cette décision. « À chaque fois que tu fais une connerie, tu ne m'en
parles pas avant ! » s'est-il fâché. Emmanuel Macron s'en
souvient sans doute encore. Mais Richard Ferrand n'en a rien
dit publiquement, ne manquant jamais à sa loyauté vis-à-vis du chef de
l'État.
L'ancien parlementaire du Finistère – il
a perdu son siège de député en 2022 – a tellement bougonné qu'il en a tiré
un livre. Tout l'été, dans le plus grand secret, il a noirci une grosse
centaine de pages. Sa rencontre en 2015 avec un certain Emmanuel
Macron qui le tutoie d'entrée de jeu, l'incroyable conquête de 2017, le
premier quinquennat, ce maudit 9 juin 2024… Une compilation de souvenirs,
de réflexions personnelles. L'éditeur attendait le manuscrit à la rentrée.
Certains conseillers à l'Élysée étaient au courant et devaient s'atteler à la
relecture. Et puis rien. Richard Ferrand n'est jamais allé au bout. « À quoi
bon ? Je ne vais pas ajouter du bordel au bordel… », a-t-il justifié
auprès d'amis, toujours le sourcil froncé.
« Le couvent des carmélites de la
République »
Peut-être que la profusion littéraire des
macronistes plus ou moins repentis l'en a dissuadé. Richard Ferrand se refuse à
devenir un « mémorialiste ». C'est l'expression qu'avait employée à
l'époque un certain Henri Emmanuelli, dont il fut proche, excédé de voir que
tous les barons socialistes écrivaient alors un livre sur François
Mitterrand. Et puis, il n'est pas du genre à s'épancher. Cela tombe bien :
l'homme qui a passé trente ans au PS avant de s'engager auprès d'Emmanuel Macron s'apprête
à prendre la tête « du couvent des carmélites de la République »,
comme il s'en amuse en privé. Autant dire que le droit de réserve qui incombe
aux membres du Conseil constitutionnel n'est donc pas de nature à le rebuter,
tant s'en faut, lui qui se tient très éloigné des médias depuis sa défaite
électorale. « Si vous êtes quelqu'un de normal, vous n'avez pas envie du
Conseil constitutionnel ! se gondole un éminent haut fonctionnaire. C'est
un cimetière, vous ne pouvez plus dire un mot. Richard va s'ennuyer comme un
rat mort au milieu des juristes pontifiants. »
Voilà des mois pourtant que la succession de
Laurent Fabius anime les discussions des couloirs feutrés du 2, rue de
Montpensier. Le mandat du président de l'institution arrivant à échéance le
7 mars à minuit, c'est à Emmanuel Macron qu'il revient de procéder à cette
nomination cruciale, qui a lieu tous les neuf ans. Celle-ci revêt une gravité
supplémentaire, en raison du contexte politique troublé et de l'éventualité de
voir arriver en 2027 une force populiste au pouvoir, a fortiori le Rassemblement
national, qui se fait fort de vouloir revoir la Constitution et convoquer des
référendums à tout bout de champ, notamment sur l'immigration. Et c'est peu
dire que le penchant naturel du chef de l'État pour la « disruption »
donnait ici ou là quelques sueurs froides. « Pourvu qu'il n'ait pas une
idée farfelue ! » priait-on très fort aux abords des jardins du
Palais royal, où les épisodes mouvementés de la réforme des retraites et de la
loi immigration ont laissé des traces.
Taquin, Emmanuel Macron a un temps caressé
l'idée de proposer
le poste à son ancien Premier ministre Édouard Philippe. Hypothèse
rapidement évacuée, le maire du Havre est en campagne pour la prochaine
présidentielle. Sur ordre de leur patron, plusieurs émissaires élyséens
s'étaient alors mis en quête de tester en toute discrétion quelques
éminentes personnalités. Un proche du chef de l'État s'est ainsi vu opposer une
fin de non-recevoir de la part d'une autre « ex » de Matignon,
Élisabeth Borne. « Le Conseil constitutionnel ? Ça ne m'intéresse
pas. Moi, je veux faire de la politique », a fermement évacué l'actuelle
ministre de l'Éducation, laissant entendre que 2027 pouvait tout
aussi bien faire partie de son champ des possibles. Un autre missi dominici du
Palais a, lui, pris le temps de dîner cet automne avec Bernard Cazeneuve, déjà
approché pour intégrer la juridiction suprême, en 2019, par un certain… Richard
Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale, qui avait finalement nommé
Alain Juppé. À l'époque, il était question de l'y nommer comme simple
membre. Mais l'idée de devenir le premier des Sages n'a pas davantage emballé
le dernier chef de gouvernement de François Hollande, lui aussi en embuscade
pour jouer un rôle de premier plan.
Laurent Fabius tenu à l'écart
Jean-Denis Combrexelle, ex-directeur de cabinet
d'Élisabeth Borne, se serait, lui, vu dans le costume. L'ancien conseiller
d'État, bien connu des sphères du pouvoir, a publié un livre à la rentrée sur
les normes. En quittant Matignon, Élisabeth Borne avait poussé sa
candidature auprès d'Emmanuel Macron. Le nom d'Éric Dupond-Moretti a aussi
circulé, mais
l'ex-garde des Sceaux a choisi une autre vie, comme celui de Bruno
Lasserre, vice-président du Conseil d'État. Laurent Fabius s'est retrouvé
malgré lui tenu à l'écart du processus de désignation et de cette campagne
souterraine. Il a bien tenté, en vain, de pousser son ami Didier Migaud. Nommé
ministre de la Justice par Michel Barnier, l'ancien patron de la Haute Autorité
pour la transparence de la vie publique a disparu des écrans radars depuis
la censure. L'idée n'a de toute façon jamais convaincu Emmanuel Macron qui
décide alors – une fois n'est pas coutume – d'imiter ses récents
prédécesseurs, qui ont chacun pioché dans le vivier des fidèles, de préférence
politique et anciens présidents de l'Assemblée nationale. Jacques Chirac en
désignant Jean-Louis Debré, François Hollande avec Laurent Fabius. Voilà enfin
une règle qui, si elle est informelle, a le mérite de ne pas être inconvenante.
À la fin de décembre, Richard Ferrand se
rend donc à l'Élysée. Le président lui confirme sa volonté de le nommer à
la tête de la juridiction suprême. « Tu as élaboré la loi, tu pourrais
procéder à leur contrôle. Tu es quelqu'un d'indépendant, tu ferais cela très
bien », lui dit-il en substance. Le Breton, aveyronnais de naissance, ne
tombe pas de sa chaise, mais réserve sa réponse. Quand il revoit Emmanuel
Macron à la mi-janvier, le chef d'entreprise – il a fondé sa société de conseil
à l'été 2022 et préside le conseil de surveillance du groupe de
cliniques privées Elsan – accepte formellement la proposition. Et consulte
alors largement, ses proches jusqu'aux personnes qui comptent au sein du
« socle commun ». Mais pas Laurent Fabius, qui a indiqué
qu'il verrait son successeur une fois la chose officielle.
Auprès de ses interlocuteurs, Richard Ferrand,
grand brûlé de la politique, prend la température. « Qu'est-ce que tu en
penses ? Comment ce sera vécu ? » Lui cherche à convaincre qu'il
sera impartial, qu'il envisage son rôle selon la stricte épure de notre
norme suprême, promettant de s'en tenir à des décisions de conformité, à la
protection de l'État de droit. Tout en veillant dans ses échanges à ne jamais
vendre la peau de l'ours : un brin superstitieux et fin connaisseur du
tempérament du président, l'éphémère ministre a en tête qu'une levée de
boucliers ou un grain de sable peuvent toujours se mettre en travers de son
chemin. « Une promesse sous Macron peut vite s'évanouir comme par
enchantement », se méfie un intime de l'heureux élu. « Et ce ne sont
pas toujours les amis qui sont servis… »
Ferrand,
Castaner… le retour des « anciens combattants » d'Emmanuel Macron Le
choix de Richard Ferrand, qui doit être officialisé lundi 10 février (avec
une semaine de délai supplémentaire, à la demande de Gérard Larcher qui, comme
Yaël Braun-Pivet, doit désigner un membre), revêt une « forme
d'évidence », dit-on dans l'entourage élyséen, où l'on met en avant
« l'épaisseur » de l'ancien législateur qui a « le sens de
l'équilibre et du respect des institutions ». « Emmanuel Macron opte
pour le classicisme. On a aussi besoin de faire des choses qui respectent les
traditions républicaines », dit-on en écho autour de
« Richard ».
L'idée d'imposer un proche et un
profil politique à l'heure où son autorité et son pouvoir décroissent
n'est pas pour déplaire au chef de l'État. Reste que l'ancien occupant du
Perchoir (2018-2022) doit passer un grand oral devant les commissions des Lois
de l'Assemblée et du Sénat avant de s'installer rue de Montpensier. En cas
d'hostilité des trois cinquièmes des parlementaires, l'ancien élu breton se
verra barrer la route. Infliger un camouflet au locataire de l'Élysée pourrait
être tentant pour des oppositions virulentes. « La cible qu'il a dans le
dos, c'est l'étiquette Macron », redoute un intime. « Il lui faut des
assurances. » Autour de Richard Ferrand, on fait donc les comptes :
l'épreuve du Parlement ne devrait pas être un obstacle. « Il n'a pas
laissé un mauvais souvenir à l'Assemblée. Il s'entendait bien avec Jean-Luc
Mélenchon, avec Éric Ciotti. N'avait pas de problème majeur avec Marine Le
Pen », rappelle à dessein l'un de ses amis.
« L'homme importe peu », dit Marine
Le Pen
Et pour cause. Interrogée par Le Point,
la patronne des députés Rassemblement national ne semble pas faire de cette
nomination un casus belli. « L'homme importe peu, puisqu'il est
maintenant acquis qu'on ne nomme plus que des politiques. Ce qui importe, c'est
la vision qu'il a du rôle du Conseil constitutionnel et des grands enjeux de
libertés publiques », nous répond-elle. Celle qui brigue l'Élysée n'est
pas sans savoir que les Sages tiennent une partie de son destin entre
leurs mains. Et, hasard du calendrier, l'un des premiers sujets à l'ordre du
jour de l'institution sous l'ère Ferrand la concerne en premier lieu.
D'ici à la fin mars, les membres du Conseil constitutionnel doivent répondre
à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au sujet
de l'application de l'inéligibilité à titre provisoire. Précisément ce que
risque Marine Le Pen, en attente de la décision du tribunal à la suite de
son procès. Au moment de la réforme constitutionnelle de 2018, qui n'a pas
pu être menée à son terme, Richard Ferrand s'était à l'époque opposé à des
dispositions visant à durcir le cadre des peines d'inéligibilité.
« Richard Ferrand sait ce qu'est le droit,
il a lui aussi eu des ennuis avec la justice, il sait ce que c'est d'être
injustement traité. Il aura une certaine retenue », fait savoir un ami.
L'affaire des Mutuelles de Bretagne ressurgit d'ailleurs dans les
commentaires de ses détracteurs. Les révélations l'obligeront à
quitter précipitamment son poste de ministre de la Cohésion des territoires du
gouvernement d'Edouard Philippe, en juin 2017. Deux ans plus tard, il est
mis en examen pour « prise illégale d'intérêts ». La plainte de
l'association Anticor sera finalement classée sans suite, la
Cour de cassation confirmant en octobre 2022 la prescription des faits.
« Nommer un proche réputé pour sa dévotion, mais dont le nom a été associé
dans l'opinion aux affaires, risque fort d'entacher profondément la légitimité
d'une institution plus que jamais centrale dans notre vie politique » s'est ému le constitutionnaliste Benjamin Morel, dans La
Tribune dimanche.
Autre grief exprimé à l'endroit de cet intime
du président : ses propos dans Le Figaro à propos du non-cumul du
mandat présidentiel dans le temps. Richard Ferrand a déploré
en 2023 le fait qu'Emmanuel Macron ne puisse pas se représenter en
2027, frappé par la limite de deux mandats consécutifs. Ses
déclarations avaient fait grand bruit. Et réveillent aujourd'hui les
soupçons de certains, notamment du côté de La France insoumise, qui voient sa
nomination comme le signe qu'en cas de démission surprise du chef de l'État, et
donc de deuxième quinquennat interrompu, le président cherchera à se
représenter grâce à l'assentiment du Conseil constitutionnel. Un cas de
figure hautement improbable.
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Le président continue à se moquer ouvertement
des Français lambda en les insultant indirectement car il les dédaigne « ces
gens de peu ou d’en bas » pas de son monde de petite bourgeoisie il a
raison tellement ils sont stupides et méritent les bâtons pour ce faire battre
en leur imposant en plus de tels personnages de son ancienne clique marconienne
déplorable !?
On se doutait bien enfin ceux qui réfléchissent
encore chez nos citoyens lambda mais pas nombreux malgré sa dissolution inutile
et lamentable qu’il continuerait ses erreurs de petit monarque sans couronne car
il doit regretter de ne pas être un vrai dictateur comme dans d’autres grands
pays connus et continuera avec son orgueil mal placé de semer la zizanie en France
grâce à des Français lambda qui ne croient plus à rien car cette V eme république
dite gaullienne est bien faite pour de tels dirigeants de tous bords depuis +
66 ans à part quelque rares exceptions éphémères !?
Personnellement je suis âgé et outré voir écœuré
mais ma vie est derrière moi alors tant pis…
Car quand on voit comment on a laissé aller
notre pays la France partir à vau l’eau et encore d’ici 2027 car il peut encore
le dégrader « ce petit roitelet » un peu plus puisqu’on lui donné
nous tous trop de pouvoir qu’il utilise mal car le vernis des JO ALIBI s’est écaillé
rapidement logiquement comme sur les ongles d’une jolie femme !?
C’est comme son 1er ministre choisi
par défaut encore par se président et le dernier peut être le vieux BAYROU
politicien chevronné qui admet lui-même que ce budget n’est pas bon (mais il en
fallait un) mais usé inféodé indirectement qui a gagné son bâton de maréchal
tout cela pour rien car les Français eux sont toujours mal gouvernés et mal protégés
ça c’est plus grave ils vont s’en rendre compte assez rapidement mais trop tard
Pauvre France ?!
Jdeclef 07/02/2024 15h45
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