ENTRETIEN. Pour réorienter une Union
européenne aujourd’hui trop dépendante des États-Unis, la France doit renouer
avec l’esprit de la Ve République, estime l’historien Arnaud
Teyssier.
Propos recueillis par Samuel Dufay
Publié le 04/02/2025 à 20h00
Temps de lecture : 8 min
Sa biographie
du grand Charles (L'Angoisse et la Grandeur, Perrin), parue en
septembre, aurait pu s'intituler « De Gaulle visionnaire ».
L'historien Arnaud Teyssier y développait en effet une thèse
contre-intuitive, à l'heure où États-Unis et Chine se disputent la maîtrise de
l'IA, où un Premier ministre adepte du compromis vivote à
l'Assemblée : loin d'être une encombrante vieillerie, une doctrine
poussiéreuse et à jamais associée à la nostalgie des Trente Glorieuses, le
gaullisme demeure plus que jamais d'actualité. Selon l'essayiste, seule
une France enfin sortie de son marasme politique pourra peser sur le destin
d'une Union européenne qui s'est engagée sur la « mauvaise
voie » : celle d'une « entité économique et financière
subordonnée à la puissance américaine », plutôt qu'une Europe des États.
Entretien.
Le Point : Si les Français s'inquiètent du
retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, ils lui font crédit, selon les
sondages, de son volontarisme politique. Faut-il voir là une vague nostalgie du
gaullisme ?
Arnaud Teyssier : Les citoyens attendent
qu'on leur offre un horizon et qu'on refuse le fatalisme face à la
globalisation et ses conséquences. Donald Trump traduit, même si c'est avec
beaucoup de théâtralité et un mauvais goût affirmé, cette aspiration naturelle
des sociétés démocratiques. La sève politique française est bien différente de
la sève américaine. La tradition gaullienne repose, elle, sur le respect du
peuple. Aucune théâtralité en l'occurrence, mais un langage de vérité et
d'effort. Trump stigmatise ses adversaires en les rendant responsables de tout.
De Gaulle, qui n'en pense pas moins, ne s'attarde pas sur ces considérations,
et appelle à l'effort dans l'union nationale, dans la réconciliation. C'est
plus qu'une nuance !
Face aux appétits des États-Unis et de la
Chine, l'Union européenne est-elle condamnée au déclin économique et
technologique ?
L'Europe a choisi la mauvaise voie, en
commençant par l'union économique et financière au lieu de l'union politique,
et en confiant son destin tout entier au parapluie américain. Le général de
Gaulle voulait bâtir une Europe des États, à la fois alliée et indépendante des
États-Unis. Son projet d'Europe des Six, fondé sur l'axe franco-allemand, a été
mis en échec, en 1962, avec le rejet du plan Fouchet. C'est la conception
euroatlantique de Jean Monnet, celle d'une entité économique et financière subordonnée
à la puissance américaine, qui l'a emporté. Contre l'Europe des États. Aujourd'hui,
nous revenons à la case départ, avec bien des doutes sur l'engagement
américain, et privés de la grande Europe politique que voulait de Gaulle. Il
faudrait que l'Union européenne développe enfin une forte identité politique,
mais il est bien tard. On voit mal comment elle peut le faire avec des pays
membres aussi nombreux et aux intérêts aussi divergents… C'est à la France,
toutefois, encore et toujours, de peser pour la réorienter. Elle a besoin, pour
cela, de retrouver sa dynamique politique et institutionnelle – oserais-je dire
sa puissance. Et la foi en elle-même, en ses institutions, en son histoire.
Donald Trump, guerrier
tarifaire sans stratégie
Comment ?
Pour de Gaulle, la politique et la diplomatie
ne sont pas une partie d'échecs opposant deux intelligences dont l'une
triomphera de l'autre sans l'intervention du hasard, mais plutôt un jeu de
cartes, voire une « patience », où il faut compter avec l'inattendu,
le rapport de force subi, y compris celui que peuvent susciter ses propres
alliés. La Constitution de la Ve République prévoit
justement des institutions et un gouvernement forts, pour que la France puisse
exister dans le monde, pleinement. Elle prévoit que le chef de l'État dispose
d'un rôle considérable en matière de défense et de politique étrangère, en
étant adossé à une administration puissante et à une société unie.
Or, tous ces éléments se sont affaiblis, ont
même été affaiblis, dans certains cas délibérément – je pense à
l'administration, garante de l'intérêt public et considérée comme une
empêcheuse de tourner en rond à l'heure du marché global. Il est vital que la
France retrouve une véritable solidité politique, économique et sociale. Si on
lui a prêté si longtemps à des taux d'intérêt si bas, c'est parce qu'elle avait
un État fort, ou encore réputé tel, capable de lever les impôts et d'assurer
l'ordre dans la rue. Et une société cohérente. Le capitalisme n'aime pas les
régimes qui chancellent… et la France était à cet égard le contre-modèle de la
Grèce. Pour combien de temps ?
Avec un président qui envisage de recourir au
référendum et un Premier ministre plus autonome vis-à-vis du chef de l'État, ne
revenons-nous pas aux fondamentaux de la Ve République ?
Nous sommes en train de résoudre notre problème
institutionnel par l'absurde. La clé de voûte de la Ve République,
son épine dorsale et sa source première d'énergie, c'est le président. Or,
celui-ci a été extrêmement affaibli par le passage au quinquennat, et ensuite
par la dérive présidentialiste qui a commencé avec Nicolas Sarkozy et qui s'est
accentuée sous Emmanuel Macron. Aujourd'hui, le chef de l'État a les mains
liées, et semble privé de la confiance du peuple. Dans l'esprit de De Gaulle,
le chef de l'État doit pourtant vérifier à intervalles réguliers, par le
référendum, sa légitimité et sa capacité à agir. Emmanuel Macron, lui, si j'ai
bien compris, veut atomiser le référendum en plusieurs questions, au lieu d'en
poser au pays une seule, claire, comme l'a fait le général de Gaulle sur
l'indépendance de l'Algérie ou l'élection du chef de l'État au suffrage
universel (1962), ou deux à la rigueur sur la création des régions et la
rénovation du Sénat (1969). Il faut aussi un minimum d'intensité dramatique,
pour que les Français se sentent engagés à l'égard d'un pouvoir qui s'engage
lui-même.
Quant à François Bayrou, il reste, chacun le
sait, à la merci d'une motion de censure en l'absence de majorité. Il essaie de
bricoler dans un contexte difficile, il sait naviguer entre les forces
parlementaires, mais son mode de gouvernement ne correspond évidemment pas à la
logique originelle de la Ve République. De façon générale, le
« compromis » n'est pas conforme à l'esprit des institutions, qui
prévoient un président légitime et reconnu et un gouvernement disposant d'une
majorité forte au Parlement et définissant des orientations puissantes. La Ve,
c'est la démocratie de la volonté, pas celle du marchandage à la petite
semaine. Quant au scrutin proportionnel, il ne ferait que renforcer
l'instabilité politique, en l'installant dans la durée… Il nous ramènerait
directement et définitivement à la IVe République. Quel
modèle !
« L'Europe
risque de décrocher » : les prévisions du numéro
deux de Goldman Sachs
La France peut-elle faire l'économie d'une
remise en cause de son modèle social et de
son État-providence ?
Loin d'être omnipotent, l'État est aujourd'hui
affaibli dans ses fonctions régaliennes, qui sont au service de la cohésion
sociale. Il a été confronté à des phénomènes qu'il n'a pas su maîtriser :
le vieillissement de la population, mais aussi la pression migratoire, qui
entraîne un déséquilibre de nos comptes sociaux et contraint la puissance
publique à recruter des agents pour faire face à une demande sociale en
croissance exponentielle (des enseignants, des soignants, des forces de
l'ordre, etc.). Cela m'amuse de voir tant de gens à droite se lamenter sur
la « submersion » tout en réclamant en même temps une cure
d'amaigrissement drastique pour l'État – y compris au RN. Ces gens ne
savent-ils donc pas raisonner ? Ne voient-ils pas le lien entre les deux
phénomènes ? Pensent-ils sérieusement qu'on peut à la fois accueillir la
misère du monde et ne pas en tirer les conséquences – ne serait-ce
qu'humainement – en matière de services publics ?
Quant aux retraites… Pour sauver le système de
retraites par répartition – le seul fiable et sûr – et refonder la solidarité
entre générations sur des bases saines, il faut que les Français travaillent
plus longtemps, puisqu'ils vivent plus vieux. C'est d'ailleurs la voie qu'ont
empruntée la plupart des pays développés dès le début des années 1980 :
celle du bon sens. Simplement, nous, nous avons eu la période, totalement
contracyclique, du mitterrandisme, puis celle du jospinisme avec la réduction
du temps de travail. Et la droite n'a jamais eu le courage de remonter la
pente. Il faut redonner à l'État sa vitalité, et à notre État social le
contrôle de lui-même. On ne peut pas renoncer à ce dernier, qui est le grand
acquis de l'après-guerre, et qui ne périclite que parce qu'il a été vampirisé
et qu'on en a oublié les fondamentaux, la logique de solidarité, en étatisant
la sécurité sociale.
De Gaulle voyait poindre une
crise de la civilisation consacrant la suprématie de la technique, au
risque de l'asservissement de la personne humaine. Nous y sommes…
À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre De Gaulle a
bien sûr vécu dans une époque où on ne voyait pas poindre encore le spectre des
technologies artificielles et de l'intelligence numérique. Mais il discernait
dans le progrès technologique un risque d'aliénation du travail humain et de
négation de la personne. Il était aussi hanté par la fragilité des démocraties.
À ses yeux, le déclin étant une menace permanente, il fallait armer les
sociétés contre leurs propres faiblesses. Dans sa conception de l'Histoire,
plus le temps s'écoule, plus les choses se dégradent, plus les chances de
remonter la pente sont minces. Il vivait dans l'angoisse que le temps le
rattrape, que la corruption du siècle écrase son œuvre politique. Il
percevait la culture comme un rempart contre cette décivilisation. C'est le
sens de sa grande politique culturelle, menée avec André Malraux, dont on a
oublié la portée et l'ambition démocratique.
Aujourd'hui, face au risque du
nivellement mondial, la question fondamentale est de savoir si l'État peut
garantir le même accès à la culture. Ne l'oublions jamais, l'esprit gaullien
consiste à ne jamais désespérer, à faire confiance à « l'esprit national ».
Pour de Gaulle, le pire n'est jamais sûr. Le mot-clef, chez lui, c'est
« l'espoir ». Mais encore faut-il avoir la conviction que l'Histoire
de France n'est pas achevée, qu'elle se poursuit, et savoir tout sacrifier à
cette idée.
Ce dirigeant notre chef d’état bien Français n’a
fait que du mal aux citoyens de « la plèbe surtout d’en bas » qu’il dédaigne
et dont il se moque car les croyant surement stupides aux vues qu’ils sont malléables
à souhait avec ces discours creux quand il en fait ce qui est moins le cas
maintenant car il n’a plus grand chose à dire de concret qui soit bénéfique au
peuple et à la France !?
C’est désespérant et grave mais les Français sont
en train de perdre ce qui leur reste de libertés bien qu’ils croient encore en
avoir dans notre pays un des plus démocratique du monde dit-on d’ailleurs les
USA le grand frère d’outre atlantique notre allié depuis nos guerres mondiales
passées vient de s’offrir un pseudo dirigeant ave TRUMP à la limite de l’extrémisme
pour ne pas dire vraiment dictateur mais pas loin d’ailleurs car il s’en vante !?
Donc résumons le monde déjà instable et même
des pays démocratiques changent et deviennent dangereux globalement et on s’aperçoit
qu’on n’a pas tenu compte du passé de la part d’une poignée de dirigeants de
tous bords qui ne pensent qu’a eux et çà c’est le défaut principal des humains
si différents !?
Sauf que pour le monde animal il s’agit de se
nourrir et survivre l’homme lui si déjà différent entre eux c’est pour dominer tous
les autres y compris toutes les espèces sur terre en avoir toujours plus que ce
soit territorial ou richesses diverses monétaires énergétiques ou autres
diverses !?
Il n’y a pas de quoi être fier personnellement
je suis content d’être en fin de vie mais je plaints ceux qui resterons après !?
Jdeclef 06/02/2024 15h05
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