La revanche anti-woke de l’Amérique trumpiste
Dans une
Amérique clivée, les outrances de la rhétorique progressiste ont servi Donald
Trump.
De notre
correspondante aux États-Unis, Claire
Meynial
Publié le
24/01/2025 à 12h30
Une fois toutes
les quatorze minutes, dès qu'un sénateur républicain prend la parole, le mot
revient : « woke », ou wokeness (wokisme). « Nos
militaires veulent se concentrer sur la létalité, le combat, et dégager de
l'armée toutes les prérogatives woke, du politiquement correct, de la justice
sociale et de la politique », déclare Pete
Hegseth, que Donald Trump veut placer à la tête du Pentagone. Sous les
lambris de la commission de la Justice du Sénat, chaque membre, en alternant
démocrates et républicains, a sept minutes pour auditionner l'animateur de Fox
News, ancien militaire décoré. Le candidat promet de réformer « l'armée
woke de Biden » et de « couper à la racine les initiatives DEI
[diversité, équité, inclusion]et CRT
[théorie critique de la race]des institutions ».
Le terme
« woke » et le phénomène sont pourtant en perte de vitesse aux
États-Unis, ce que la victoire de Donald Trump n'a fait que confirmer. En
novembre, au Capitole, le mot en vogue parmi les républicains était
« mandat ». Comme Tom Emmer, coordinateur de la minorité à la Chambre
des représentants, en conférence de presse : « Nous venons de
recevoir un mandat des électeurs pour, en priorité, rejeter les politiques
d'extrême gauche du gouvernement Biden-Harris. »
L'immigration, préoccupation majeure
Ou Ted Cruz,
sénateur du Texas, dans un couloir : « Le président a reçu un
mandat, les résultats sont clairs. » Puis : « Les
électeurs veulent une frontière sûre. Ils veulent un retour de l'économie. Ils
veulent un contrôle de l'inflation. Ils veulent libérer l'énergie américaine et
ils veulent un retour à la paix et à la prospérité ». Nulle mention de
questions culturelles. Selon un sondage NBC News début janvier, l'immigration
était une préoccupation essentielle pour 89 % des électeurs, l'économie,
pour 81 %, la politique étrangère, pour 56 %. Mais les républicains
triomphent, forts du vote populaire (et pas seulement du collège
électoral), qu'ils voient comme une validation de leurs valeurs.
« Une
haineuse d'extrême gauche » : Trump réclame des excuses à une évêque
de Washington
Les démocrates
sont abasourdis et dans le déni. « C'est intéressant, cette idée des
républicains qu'ils auraient un mandat écrasant, lance Hakeem Jeffries,
alors chef de la majorité. Nous avons battu plus de républicains sortants
qu'ils n'ont vaincu de démocrates sortants. » Puis, interrogé sur les
progrès de Donald Trump auprès des électeurs des minorités : « On
tente encore d'analyser ça… » Les démocrates seraient bien inspirés
d'explorer la piste des idées, qui ont influencé le vote même si elles n'en
constituaient pas la motivation principale.
L'hebdomadaire The
Economist a publié les conclusions du chercheur David Rozado, qui a traqué,
sur la période 1970-2023, 154 expressions vues comme woke
(« intersectionnalité », « micro-agression »,
« oppression », « transphobie »…) dans les six principaux
journaux américains. Dans tous, à l'exception du Los Angeles Times, leur
utilisation s'est écroulée. « Privilège
blanc » figurait 2,5 fois pour 1 million de mots dans le New
York Times en 2020, 0,4 fois en 2023.
Le pic « woke » est fini
Le pic
« woke » a été atteint en 2021 à la télévision et en 2022 dans les
titres de best-sellers, avant une baisse en 2023 et une chute libre en
2024. Le nombre de professeurs cancelled à l'université a, lui, culminé
en 2022. Le 29 juin 2023, la Cour suprême a mis fin à la politique des
quotas d'étudiants sur la base de la race. La chaîne de supermarchés Walmart
mais aussi Ford, McDonald's, Meta (Facebook), Harley-Davidson et le FBI ont
arrêté plus récemment leurs programmes de DEI, encore maintenus par Apple,
Costco et Target.
Dès
son investiture, Trump fait entrer les États-Unis dans une nouvelle ère
Tout cela
traduit une perte de vitesse de la politique identitaire (identity politics)
et la fatigue qu'elle a entraînée, notamment chez les minorités. Trump a
remporté 43 % du vote des Latinos (dont 55 % des hommes) et a
retourné à son profit la vallée du Rio Grande, à la frontière mexicaine. Cela
fait grimacer les démocrates. « Le pouvoir de la désinformation est
stupéfiant, assure Veronica Escobar, élue du district d'El Paso, au Texas,
devant la Chambre des représentants. Beaucoup de ceux qui ont voté pour
Trump ne consultent plus les sources d'information traditionnelles. »
Elle concède que
la question trans a pu rebuter les Latinos : « Peut-être…
sûrement, c'est quelque chose auquel nous devons réfléchir. Tout comme à la
façon dont les républicains exploitent les gens vulnérables pour accéder au
pouvoir. » Salud Carbajal, élu de Californie, pense qu'il faut se
concentrer sur « les besoins essentiels », à savoir
l'économie, et que « les raisons pour lesquelles les gens ont voté pour
Trump ne sont pas claires ». Sam Liccardo, de Californie lui aussi,
estime que « Trump a exploité la politique de la peur de façon très
efficace » et que la question trans « a été exagérée ».
Ces idées ont
surtout coûté aux démocrates le vote ouvrier, que celui des diplômés urbains ne
peut pas compenser. « Depuis la fin des années 1990, le Parti démocrate
se préoccupe moins des électeurs syndiqués. Cela a commencé avec l'Alena [Accord
de libre-échange nord-américain, NDLR], signé par Bill Clinton malgré
l'opposition du mouvement ouvrier, et qui a supprimé des millions d'emplois
dans les usines », raconte Dustin Guastella, directeur du syndicat de
chauffeurs routiers Teamsters Local 623 à Philadelphie et chercheur au
Centre des politiques de la classe ouvrière. Joe Biden, avec son histoire
familiale de cols bleus de Scranton, en Pennsylvanie, a tenté de réorienter le
parti, trop tard.
« Package » de classe
En 2024,
l'inflation était le thème central de l'élection. « Les démocrates
auraient pu contrer l'insistance des discours sur l'inflation avec un
message populiste, ouvrier, poursuit Guastella. Mais cela aurait
impliqué de dire “fuck you” à la base progressiste. De dire qu'ils
n'allaient pas se comporter comme le Parti démocrate woke. Ils ne l'ont pas
fait. » Trump a donc récolté « la plus grande partie du vote
col bleu, y compris noir, que les républicains aient jamais obtenue ».
Il
détaille : « Cela devient impossible de faire passer un message
économique populiste s'il est associé à un message culturel fondamentalement
élitiste. Ça m'exaspère quand j'entends qu'on oppose les valeurs progressistes
aux valeurs conservatrices, car ce sont des valeurs de classe. » Le
fait que le plus grand syndicat de routiers n'ait pas adoubé la candidate
démocrate, à rebours de la tradition, a produit un choc.
Guastella
explique : « Les chauffeurs disent : “Vous me méprisez parce
que je crois aux choses en lesquelles je crois et que je vis comme je vis. Et
vous me dites que c'est arriéré ou conservateur ou troglodyte et que je dois
être d'accord avec votre vision et vos valeurs sur ce que devrait être le
monde ?” » Pour lui, questions économiques et questions sociales
et culturelles font partie du même package de classe.
John Judis,
stratège démocrate, avait prévu dans un livre, en 2002, le basculement
inéluctable du pays à gauche en raison du poids démographique croissant des
minorités. Avec le même coauteur, Ruy Teixeira, en novembre 2023, il en a
sorti un autre*, qui tente de cerner la cause de leur erreur. Un an
plus tard, la victoire de Trump, acquise notamment grâce aux minorités,
conforte sa thèse selon laquelle les idées progressistes du parti sont trop
extrêmes pour la base démocrate.
Colum McCann :
l'Amérique entre sidération et libération
Certes, Kamala
Harris était une « mauvaise candidate, sans position claire sur
l'économie et la politique étrangère ». Pourtant, elle proposait des
mesures qui auraient bénéficié aux classes moyennes : aide aux
primo-accédants, aux jeunes parents, construction de logements… « Mais
les démocrates se sont tellement identifiés aux aspects culturels les plus
avant-gardistes, aux perspectives culturelles des fondations, des groupes de
réflexion comme l'Aclu [American Civil Liberties Union, influent institut
de défense des droits] que les électeurs qui, sinon, sympathiseraient avec
leurs positions économiques ne les écoutent tout simplement pas »,
analyse Judis.
Il prend pour
exemple Sherrod Brown, candidat démocrate de l'Ohio au Sénat, qui a perdu, avec
46,4 % des voix, contre le républicain Bernie Moreno, 50,2 %. « Brown
a tout fait pour adopter la bonne ligne sur toutes les questions économiques,
du point de vue démocrate. C'était un candidat idéal pour conquérir les cols
bleus. Mais Moreno a diffusé des publicités l'attaquant parce qu'il était en
faveur des droits des transgenres et de l'immigration illégale. »
Brown a voté en faveur de la participation de trans aux compétitions de sport
féminines. « Même si vous adoptez une position économique forte qui
bénéficierait ostensiblement aux électeurs de la classe ouvrière de cet État,
l'identification culturelle avec les démocrates au niveau national est devenue
si toxique qu'il est impossible de conquérir des électeurs en dehors des
grandes zones métropolitaines », poursuit Judis.
Trump
en croisade contre l'immigration illégale dès le lendemain de son investiture
« Kamala est pour iel/iels,Trump est pour vous
! »
Harris et les
candidats locaux ont tout fait pour s'éloigner de ces thèmes. Mais les
républicains les ont rappelés aux électeurs. La publicité pour laquelle Trump a
dépensé le plus d'argent – au moins 19 millions de dollars –
était : « Kamala est pour iel/iels, le président Trump est pour
vous. » D'après l'Institut Future Forward, ces 30 secondes,
diffusées plus de 30 000 fois dans chaque État pivot, ont fait monter
le score de Trump de 2,7 points parmi ceux qui l'ont vue. La publicité
reprenait une interview de 2019 au Centre national pour l'égalité
transgenre, où Harris promettait des soins de transition en prison aux frais du
contribuable. Dans un questionnaire de l'Aclu, elle incluait les clandestins
emprisonnés. Attaquée par Trump à ce sujet lors du débat du 10 septembre,
elle s'est contentée de répondre : « Je respecterai la loi. »
Elle a rappelé que de tels soins avaient été prodigués sous Trump.
La question
trans est devenue le symbole de l'insularité culturelle des démocrates.John
Judis, stratège démocrate
« Lorsque
vous demandez aux gens de nommer les problèmes importants, la question trans
arrive en dernier, commente Judis. Mais
elle est devenue le symbole d'un problème bien plus vaste, celui de
l'insularité culturelle des démocrates. » Elle lasse même les
démocrates traditionnels. Judis rappelle les déclarations de Seth Moulton, élu
du Massachusetts, au New York Times après l'élection :
« J'ai deux filles. Je ne veux pas qu'elles soient écrasées sur un terrain
par un athlète masculin ou ex-homme. Mais, en tant que démocrate, je suis censé
avoir peur de dire ça. » Il a été insulté sur les réseaux sociaux et
des manifestants ont demandé sa démission devant chez lui.
À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Mais si
Moulton s'est permis ces propos, c'est qu'il connaît ses administrés,
démocrates bostoniens modérés. « En tant qu'ancien sportif, avec des
filles qui font du sport, sa position me semble évidente, note Judis. Mais,
pour de nombreux démocrates, ce n'est pas le cas, et en particulier pour les
lobbies, Human Rights Campaign, Aclu, etc., dont la vision bien plus permissive
s'est greffée au parti. » Après la victoire du républicain George H.
W. Bush en 1988, la direction du Parti démocrate avait décidé de se
distancier des positions les plus extrêmes pour en arriver à un candidat comme
Bill Clinton, centré sur l'économie, qui l'a emporté en 1992. « Mais,
avec tous ces think tanks, ça va être beaucoup plus difficile », pense
Judis. À moins d'erreurs majeures des républicains, il voit mal comment les
démocrates regagneraient du terrain.
* « Where Have All the Democrats
Gone ? » (non traduit),
par John Judis et Ruy Teixeira (éd. Henry Holt and Co., 336 p.,
21,95 €).
Joe Rogan, roi du podcast
Poids lourds. Joe Rogan et
Donald Trump au Madison Square Garden, à New York, le
16 novembre 2024. © Jeff Bottari/Zuffa LLC/GETTY
« Voilà ce que je pense. On prend le Canada, et ensuite direction le
Mexique ! » Joe Rogan est
une star médiatique aux États-Unis. Son podcast est le plus écouté du monde,
très loin devant les contenus proposés par des médias traditionnels.
L'ex-champion d'arts martiaux, qui s'est fait connaître en commentant des
matchs de MMA, ne rechigne pas à donner son opinion sur l'annexion d'un pays
voisin. Son audience considérable a fait de lui un rouage de la galaxie de
Donald Trump, avec qui il aime afficher sa proximité. L'entretien avec
celui qui était encore le candidat républicain, mis en ligne dix jours
avant la présidentielle, est l'épisode le plus écouté de son « Expérience » (le
nom de son « show »). Parmi les autres « hits » : trois interviews avec Elon
Musk (au cours de l'une d'elles, le patron de X fume un joint) et deux
avec l'essayiste canadien anti-woke Jordan Peterson (lire p. 58). Dans
le top 10 des meilleures audiences, pas une femme à l'horizon § julien peyron
Le problème c’est que
TRUMP est un aboyeur tribun rodé mais ce n’est PAS comme chez nous comme par
exemple un MELENCHON aboyeur de foire déjanté et stupide car lui est au pouvoir
d’un des plus grand pays du monde libre et démocratique et il ne faut pas
croire qu’il puisse agir seul il a une administration tentaculaire et un système
politique sénat congrès etc… qui peuvent le freiner voir le stopper dans l’immense
maelstrom de mesures qu’il veut mettre en place de plus il est âgé et être président
de ce grand pays n’est pas une sinécure et pas immortel car on a déjà essayé de
le tuer et son mandat de 4 ans pouvant être revu après 2 ans à mis course !?
Donc oui il y aura des changements
aux USA sur leur politique générale car ils sont demandeurs le peuple américain
mais il ne pourra pas tout faire car les sujets sont très nombreux alors même
pour l’Europe la France et les français il ne faut pas rêver car il est pour
les américains avant tout avec son America first et pas forcement pour l’Europe
le plus intéressant peut-être est-ce qu’il pourra faire avec la RUSSIE et
surtout Poutine voir l’UKRAINE !?
Pour nous en France nous
sommes la dernière roue du carrosse Otan et Europe malgré que les USA soient
notre allié historique mais TRUMP nous a déjà demandé d’augmenter notre
participation aux finances de notre défense ce qui a semble-t-il été accepté
par nos autorités français déjà pas capable de faire le budget de notre pays (LOL) !?
Donc il faut laisser le
temps au temps pour nos médias insipides démocratiques de s’égosiller SVP et
nos dirigeants dépassés depuis longtemps à cause de nous Français lambda qui laissons
faire des incompétents patentés depuis 1958 dans notre FRANCE et notre Veme
république !?
Jdeclef 24/01/2024
15h29
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