Comment les réseaux du régime algérien
déstabilisent la France :
ENQUÊTE. Consulats, mosquées, réseaux sociaux…
Comment le pouvoir algérien veut déstabiliser la France.
Par Géraldine
Woessner, Bartolomé
Simon, Sandra
Buisson et Erwan Seznec
Publié le 16/01/2025 à 06h30
Dans le petit appartement de la banlieue
parisienne où il nous reçoit, devant sa bibliothèque encombrée de livres,
Ghilas Aïnouche a la voix qui tremble. « On a fui le pouvoir et les
voyous, et on les retrouve ici. Est-ce que je vais devoir demander l'asile aux
États-Unis ? » Trente-six ans, une gueule d'ange, et une batterie
de crayons qu'il trimbale depuis des années dans une boîte en plastique, d'un
bord à l'autre de la Méditerranée. Persécuté en Algérie pour ses dessins de
presse, le jeune caricaturiste, que le journal
satirique Charlie Hebdoavait repéré dès 2014, croque aussi bien le
président Abdelmadjid Tebboune que les chefs de l'armée – des dessins
jugés si offensants qu'en 2017 son journal est fermé. Ghilas Aïnouche est
passé à tabac, licencié…
Il débarque en France en 2020. Un réfugié
politique, fan inconditionnel de Coluche (« la vraie voix du peuple,
sans haine, jamais vulgaire »), qui continue sur quelques titres en
ligne et sur sa page Facebook à moquer le pouvoir, à grands coups d'ironie et
de crayon graphite ? Insupportable pour Alger, qui le condamne en
2022 à dix ans de prison ferme pour « apologie du
terrorisme ». En France, aucune autorité ne s'en émeut. Mais, dans les
vidéos agressives d'influenceurs prorégime qui circulent au sein de la
diaspora, son nom est souvent cité… « Je reçois continuellement des
menaces, c'est devenu une habitude. J'évite les terrasses de café, je change
souvent d'itinéraire pour rentrer chez moi… Mes sœurs en Algérie, harcelées,
ont émigré elles aussi, aux États-Unis. On a connu le terrorisme islamiste, on
voit maintenant arriver la terreur nationaliste. Je ne comprends pas que la
France laisse faire depuis des années… »
Interpellations
Alors que plusieurs influenceurs algériens
appelant à la violence contre les opposants au régime ont été arrêtés ces
derniers jours en France, une partie de l'opinion découvre, effarée, la
présence sur son sol d'individus ouvertement hostiles et animés contre elle
d'intentions féroces, n'hésitant pas à lancer à visage découvert d'authentiques
appels au viol et au meurtre. Le ministre de l'Intérieur, martial, a promis une
réponse foudroyante après les révélations du blogueur kabyle Chawki Benzehra, dont
les signalements ont permis plusieurs interpellations. Le lanceur d'alerte,
qui se terre aujourd'hui à son domicile, n'a pourtant pas eu à fouiller
longtemps les méandres du Web…
Exilé et menacé. Ghilas Aïnouche, dessinateur
de presse, à son domicile en région parisienne, le 11 janvier.© Sébastien
Leban pour Le Point
Satirique. Une caricature de Ghilas Aïnouche
qui raille le régime algérien.
Au sein de la diaspora de Montpellier, les
opposants au régime avaient depuis longtemps repéré Boualem Naman, cet agent de
nettoyage de 59 ans surnommé « Doualemn »,
dont l'expulsion ratée vers Alger a
« humilié la France », selon le ministre de l'Intérieur, Bruno
Retailleau. « On se moquait de son agressivité sur les réseaux
sociaux, parce qu'il n'avait même pas de passeport algérien, témoigne une
connaissance. Puis un jour, subitement, ce monsieur a obtenu du consulat un
passeport tout neuf, et il est parti en vacances en Algérie. Avec quel
argent ? On a tous compris qu'il avait été pris en main par les
services. » Dans une vidéo consultée par Le Point,
capturée par un membre de la communauté algérienne, on le voit tenter de
convaincre son interlocuteur de rejoindre les rangs des influenceurs prorégime
en agitant une épaisse liasse de billets.
« Le
régime algérien tente de provoquer des troubles en France »
« Allez en enfer, sale race de
Juifs. »Sofia
Benlemmane, mise en examen à Lyon après ses vidéos haineuses sur TikTok,
est aussi une figure de la diaspora connue pour avoir « espionné dès
2019 le mouvement du Hirak et les opposants. Elle a toujours été dans les
sales coups montés par le consulat de Lyon dans la communauté
algérienne », persifle une source marseillaise.
Hirak
Ces influenceurs belliqueux aux profils
éclectiques auraient-ils été « téléguidés » par des réseaux liés au
pouvoir algérien en France, engagé dans une spirale nationaliste qui semble
l'entraîner vers le point de rupture ? « Nous n'en avons pas la
preuve formelle », confie une source de haut niveau. Mais des contacts
existent. Selon nos informations, les influenceurs algériens auraient été « convoqués »
et « mis en réseau » dans le courant du premier semestre
2024 par les services de la présidence algérienne, qui leur aurait
formellement donné consigne de « se mobiliser autour du président
Tebboune », qui depuis plusieurs mois tient des propos d'une violence
inédite contre la France. La plupart des personnes interpellées étaient déjà
connues des services de renseignement français.
Lanceur d’alerte. Le blogueur Chawki Benzehra
pointe Zazou Youssef, l’un des « influenceurs » pro-régime algérien
interpellés début janvier.
« Le pouvoir algérien a été très ébranlé
par le
mouvement du Hirak, au cours duquel des millions de personnes sont
descendues chaque vendredi dans la rue,
décrypte l'ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier
Driencourt. Le président Tebboune m'a confié un jour que le Covid et le
confinement avaient sauvé le régime… Et qu'il veillerait à ce qu'un tel
mouvement ne se reproduise plus. »
Sansal emprisonné
Le
cas de l'influenceur Doualemn, expulsé par la France et renvoyé par
l'Algérie, a attisé une crise qui a conduit les deux pays, depuis l'arrestation
de l'écrivain
franco-algérien Boualem Sansal, au bord de la rupture. Balayés, les gestes
mémoriels appuyés d'Emmanuel Macron « pour sortir des obsessions du
passé », ponctués à l'été 2022 par une visite d'État. Mal élu,
fragilisé, le pouvoir algérien a muselé sa société civile et multiplié les
provocations à l'égard de la France, accusée de « trahison »
sur le dossier du Sahara occidental. « L'économie progresse peu en
dehors du secteur des hydrocarbures, la jeunesse algérienne n'a pas de travail
et veut partir, l'Algérie s'est brouillée avec ses voisins », liste
Ghilas Aïnouche, qui ajoute : « Pour se maintenir, le pouvoir
active la fibre nationaliste, et tous ceux qui demandent un changement
pacifique sont traités de terroristes, ou accusés d'être à la solde d'Israël,
des Juifs, de la CIA, de la France… Mais ces discours ne prennent plus auprès
d'un peuple qui voit bien que ses routes se dégradent et que ses hôpitaux ne
fonctionnent plus. Alors le pouvoir projette cette propagande à
l'extérieur. »
Boualem
Sansal emprisonné en Algérie : « Un jour sa prison sera la
nôtre, alors libérons-le ! »
Alors que les relations économiques entre Paris
et Alger, fortement dégradées, se résument aujourd'hui à l'achat de gaz (moins
de 10 % de notre approvisionnement) et au commerce de petites entreprises,
la diaspora de France, perçue par le pouvoir algérien comme sa base arrière,
reste étroitement surveillée. Estimée sur trois générations à plus de
2,5 millions de personnes, dont 900 000 immigrés algériens
présents, selon l'Insee, sur le sol français, elle constitue un important enjeu
de pouvoir – et d'influence – pour le régime, qui a historiquement
tenté de la mettre au pas.
« Il
n'y a plus de doute sur les intentions algériennes vis-à-vis de la
France »« L'Amicale des Algériens de France, créée dès
1962 à partir du bureau politique de la Fédération de France du FLN, a
longtemps tenu ce rôle d'encadrement de l'immigration et surveillé les ouvriers
algériens, explique un pilier de la diaspora. Ces réseaux ont peu à peu
disparu, mais ils ont été remplacés par d'autres structures »,
diplomatiques, culturelles ou religieuses. Autant de points d'entrée pour les
agents des services algériens, que les autorités françaises estiment
(officieusement) à une cinquantaine sur le territoire. « Un chiffre
peut-être sous-estimé, mais déjà considérable », souligne une source
bien informée.
Enlèvement et séquestration
Amir Boukhors, un opposant connu sur YouTube
sous le nom d'Amir DZ, est convaincu d'avoir échappé de peu à une exfiltration
vers Alger, ourdie par ces « services », lorsqu'il est kidnappé le
29 avril 2024 par quatre hommes se présentant comme des policiers,
devant son domicile du Val-de-Marne. « Ils m'ont menotté, jeté dans une
voiture et conduit dans une sorte de décharge, en Seine-et-Marne, où ils m'ont
drogué et retenu dans un conteneur. » Vingt-sept heures plus tard, il
est relâché sous un pont, près de Pontault-Combault. Il porte plainte pour
enlèvement et séquestration.
L'enquête, pour l'instant, n'a rien donné.
Pas plus que celle conduite après son passage à tabac en
novembre 2022, place de la République, par un mystérieux homme masqué.
Trente jours d'ITT. « Mon obsession, c'est la corruption du
régime », raconte celui qui s'est fait une spécialité depuis la
France, où il a obtenu l'asile politique, de dévoiler la vie privée des
dignitaires du régime. « Je les attrape à l'aéroport et je les suis
dans Paris quand ils emmènent, en voiture diplomatique, leur maîtresse chez
Vuitton et Prada. Regardez celui-là, il a passé trois jours à l'hôtel
Le Scribe, à 2 370 euros la nuit. Alors que des familles meurent
en Méditerranée ! » La vidéo, sur YouTube, a été visionnée plus
de 1,5 million de fois. À maintes reprises condamné par le régime, ciblé
par les influenceurs, il se dit directement menacé. « Les services
recrutent des imbéciles, des petites frappes pour jouer les barbouzes. Ce ne
sont pas des militants. Ces influenceurs sont payés », croit-il. Sans
– il faut le souligner – en apporter aucune preuve.
Asile politique. Amir Boukhors, le
10 janvier. Cet opposant à réchappé à un tabassage en règle en
2002 et à un kidnapping en avril 2024. © Sébastien Leban pour Le Point
Surveiller les opposants
« La France fantasme sur une “guerre”
sciemment menée par Alger contre Paris, ce qui est complètement faux,
s'agace un ex-diplomate algérien. Nous n'avons sur le sol français ni les
moyens d'un soft power positif comme les pays du Golfe ou les Marocains, ni
d'un hard power pernicieux et antifrançais comme Erdogan. Je rappelle juste que
ce n'est pas nous qui avons espionné Macron et ses ministres grâce à un
logiciel israélien, ni nous qui faisons chanter l'Europe avec des menaces
migratoires en lançant des milliers de clandestins sur Ceuta »,
affirme un ancien opérationnel des services algériens.
Algérie : l'arme de la
diaspora
Alger entretient en France un réseau dense
d'une vingtaine de consulats disséminés sur l'ensemble du territoire. Promu en
septembre dernier à la tête de la Direction générale de la documentation et de
la sécurité extérieure (DGDSE), le général Rochdi Fethi Moussaoui dirigeait
auparavant le bureau de la sécurité à l'ambassade d'Algérie à Paris. Un poste
sensible, sa mission consistant à « surveiller étroitement les
activités des opposants, des journalistes et autres militants que l'actualité
algérienne intéresse de près », décrypte alors le média Le Matin
d'Algérie.
(C’est qu’encore on n’a pas évolué depuis 1958
et notre V eme république dite gaullienne) pour ce conflit mortifère avec cette
ex colonie Africaine dont avait voulu faire un département français erreur
impardonnable qui aurait dut être traitée comme nos ex colonies africaines en
leur accordant tout simplement l’indépendance d’ailleurs on a commis les même
erreurs avec MAILOTTE ou la NOUVELLE
CALEDONIE !?
Sauf que pour l’ALGERIE elle n’a pas supporté
cette guerre inutile et pays qui nous déteste viscéralement d’ailleurs en nous
envoyant toujours une immigration de leurs ressortissants ne supportant pas leur
pouvoir totalitaire en place dans leur pays !?
Et ce n’est pas notre président Macron trop
jeune à l’époque qui changera cela car n’y comprenant rien (comme sur bien d’autres
sujets politiques mais il n’y a pas que lui car ses prédécesseurs n’ont pas
fait mieux !?)
Car on doit subir sa présence de donneur de
leçons bienpensant hypocrite à la tête de l’état jusqu’en 2027 car on n’a pas
été capable de s’en séparer ou même de changer notre constitution pour essayer
de rénover ce qui ne marche plus dans cette Veme république obsolète usée de +
66 ans déjà plus que l’âge de la retraite déjà contesté actuel !?
Que dire de plus avec des citoyens Français apathiques
incurables qui ne savent plus choisir ou voter pour leurs dirigeants et
politiciens de tous bords alors nous sommes perdus continuons à regarder notre
pays sombrer dans un trou sans fond car on n’a pas d’excuse dans un des pays
(dit) les plus démocratiques du monde avec des médias orientés vers le pouvoir
en place qui n’aident pas et en font des gorges chaudes !?
Jdeclef 16/01/2025 16h15
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