Economie
EMPLOI Pour faire baisser le chômage, le contrôle
les demandeurs d’emploi n’est pas la panacée selon les économistes…
Contrôle des chômeurs: «Cela ne va pas faire baisser le chômage»
Renforcer le contrôle des chômeurs pour stimuler les demandeurs d’emploi, c’est le postulat de Pôle emploi qui a annoncé mercredi la généralisation d’un dispositif déjà testé dans trois régions en 2013 et 2014. Dès le mois d’août, des équipes seront chargées de traquer les chômeurs « inactifs », par mail, téléphone et par entretien en face-à-face.La mesure passe mal auprès de certains syndicats et des associations de chômeurs, dans un contexte de chômage record. Le gouvernement défend un dispositif permettant de repérer et de mieux accompagner les chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an), estimés à 2,25 millions de personnes fin 2014.
20 Minutes a sollicité l’éclairage de trois économistes sur l’efficacité de cette mesure.
Un impact limité dans un contexte de chômage de masse
« C’est une mesure saine, logique et légitime », estime Gilbert Cette*, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille. « Dans la mesure où certaines personnes bénéficient de prestations financées par les dépenses publiques, il est logique de vérifier si elles remplissent les conditions d’éligibilité à ces allocations. Mais ce n’est pas une solution miracle », s’empresse-t-il d’ajouter.Reste que les économistes ne s’attendent pas à ce que ce contrôle renforcé ait un impact significatif sur les statistiques de l’emploi. De l’aveu même de Pôle emploi, la fraude est un phénomène marginal, qui représente 0,3 % des allocations versées en 2013. « Sur le budget total de l’Unedic, qui s’élevait en 2013 à 34,2 milliards d’euros, cela représente tout de même un peu plus de 100 millions d’euros », souligne néanmoins Gilbert Cette.
Dans un contexte de chômage de masse, Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), doute que cette mesure répressive ait un véritable impact. « Le vrai problème, c’est la création d’emplois. Pour créer de l’emploi, il faut de la croissance. Depuis la crise de 2008, 1,5 million de personnes se sont retrouvées sans emploi du fait de la contraction du marché du travail », rappelle-t-il.
Stigmatisation et effets pervers
Plus sceptique, Frédéric Lerais, économiste à l’Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES), s’inquiète d’une éventuelle « présomption de fraude, qui renforce la stigmatisation des demandeurs d’emploi », et d’une « politique des chiffres ». Cette mesure répressive pourrait avoir d’autres effets pervers, en incitant un chômeur à accepter un emploi inadapté à ses qualifications, ou sous-payé par rapport à ses prétentions salariales. Un tel phénomène peut avoir sur le long terme des conséquences néfastes pour le marché du travail, avec une pression à la baisse des salaires, précise l’économiste.« Il faut questionner cette logique qui veut que le chômage découle de l’arbitrage de certaines personnes qui refuseraient de reprendre un emploi », estime Frédéric Lerais, favorable aux initiatives telles que l’école de la seconde chance, qui font la part belle à l’éducation et la formation professionnelle dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
La formation, un levier capital
Gilbert Cette note qu’en Allemagne, le renforcement du contrôle des chômeurs a été « l’une des pierres de la réforme globale du dispositif pour les demandeurs d’emploi ». Il estime qu’il faut accompagner cette mesure de moyens supplémentaires pour l’accompagnement et le conseil des chômeurs.Pour Mathieu Plane, un contrôle accru permettra peut-être d’éviter le « décrochage » des « chômeurs découragés ». Mais sans l’augmentation des moyens en matière d’accompagnement, son impact restera limité, voire négligeable. Il met en garde : « dans une économie qui ne crée pas d’emploi, faire baisser les chiffres du chômage revient à augmenter la précarité ».
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