Le
Hezbollah tisse sa toile en France
ENQUÊTE.
Le groupe terroriste chiite libanais n’exporte pas que ses idées dans
l’Hexagone et en Europe. Il s’y finance et y a stocké des explosifs.
C'est un
décret d'extradition qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour
l'intéressé. Le 31 mai, Mazen al-Atat, un Libanais installé en France, s'est vu
notifier la décision du gouvernement Castex d'autoriser sa livraison à la
justice américaine, qui l'accuse d'être un agent du Hezbollah. La milice chiite
libanaise , bras armé de l'Iran au Proche-Orient, a des ramifications depuis
longtemps en Europe, notamment en France. Mais ses activités y auraient
augmenté de manière inquiétante ces dernières années. Il serait question, si
l'on en croit les responsables américains, de blanchiment d'argent, d'activités
de propagande, de récolte de fonds, de trafic de drogue, mais aussi de stockage
de nitrate d'ammonium. Ce produit n'est pas anodin : l'explosion d'une énorme
cargaison a dévasté le port de la capitale libanaise le 4 août 2020, faisant
plus de 200 morts et des milliers de blessés.
Si certaines de ses relations sont bien en lien avec le Hezbollah,
Mazen al-Atat, lui, assure que ce n'est pas son cas. Barbe taillée, cheveux
gominés, un tatouage caché sous une belle montre, il nous reçoit à Paris, ses
trois téléphones portables posés sur la table. Cet homme d'affaires d'une
quarantaine d'années a soldé ses comptes avec la justice française. Celle-ci
l'a condamné pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la
préparation d'un délit, dans le cadre de la « Lebanese Connection », une
filière franco-libanaise accusée de blanchir l'argent de cartels de narcotrafic
colombiens. Treize prévenus, dont Al-Atat, ont été condamnés fin 2018 à Paris à
des peines allant de deux ans d'emprisonnement avec sursis jusqu'à neuf ans
ferme. Les membres du réseau collectaient l'argent liquide provenant du trafic
de drogue en Europe. Ils achetaient bijoux, montres ou voitures de luxe, qu'ils
revendaient au Liban ou en Afrique de l'Ouest, avant de reverser l'argent ainsi
blanchi aux Colombiens, après déduction de leur part. Une activité qui ne
connaissait pas la crise : les affaires rapportaient plusieurs millions d'euros
par an, dont 20 % au moins auraient abouti dans les caisses du Hezbollah.
Poids de l'argent. Jusqu'à
ce que les Américains s'en mêlent. L'agence antidrogue Drug Enforcement
Administration (DEA) a monté conjointement avec les services français
l'opération « Cedar » (cèdre, l'emblème du Liban) et démantelé le réseau. Les
services de la DEA sont convaincus que certains accusés étaient en lien avec le
Hezbollah. L'un des principaux prévenus, Mohamad Noureddine, condamné à sept
ans de prison, est lui aussi placé sous écrou extraditionnel. Mais son avocat
dément tout lien avec le parti chiite. « J'ai été contaminé par Noureddine,
plaide de son côté Mazen al-Atat. Certes, je faisais du secrétariat pour lui, ses appels étaient transmis
parfois sur mon téléphone, mais c'est parce que Noureddine avait une maîtresse.
En fait, je le couvrais lorsque sa femme l'appelait »,
soutient-il.
L'ancien officier de police Quentin Mugg a été chargé de l'enquête
Cedar lorsqu'il était en poste à l'Office central pour la répression de la
grande délinquance financière (OCRGDF). « En France, nous nous sommes attachés aux faits
démontrables, souligne-t-il. Les Américains ont certainement des éléments que nous
n'avions pas. » Il insiste sur le poids de
l'argent, généralement supérieur aux convictions politiques ou religieuses pour
les malfaiteurs. « Personne ne
s'est levé un matin en disant "je vais financer le terrorisme via des
transferts d'argent souterrains". Il y a des individus différents avec des
intérêts qui convergent. Au procès, quand le mot "Hezbollah" a été
prononcé, un froid a parcouru la salle d'audience. »
Quentin Mugg, qui vient d'écrire un livre sur les réseaux
internationaux de blanchiment (1), ajoute que certains y voient une méthode
comparable à l'empoisonnement des puits : « Des groupes comme le Hezbollah affaiblissent l'ennemi que
nous représentons pour eux : ils vendent de la drogue à nos enfants et ils
récupèrent notre argent. » L'enquêteur
rappelle que les attentats d'Al-Qaïda à Madrid en 2004, par exemple, ont
largement été financés par le trafic de drogue.
Mais, dans l'affaire Cedar, la justice française n'a pas retenu la
qualification de terrorisme et le parquet antiterroriste n'a pas été saisi. « Nous n'avions pas assez d'éléments dans ce sens »,
confie Baudoin Thouvenot, juge d'instruction chargé de ce qui est considéré
comme l'une des plus importantes réussites en matière de coopération
franco-américaine. « Je ne peux pas
dire qu'il y a un lien direct avec le terrorisme et le Hezbollah, mais je ne
peux pas dire non plus qu'il n'y en a pas »,
dit le juge, aujourd'hui membre d'Eurojust. Aucune enquête n'a été menée au
Liban, où le Hezbollah tient le haut du pavé. La France baisse-t-elle trop la
garde ? Quentin Mugg, lui, plaide l'efficacité : « Il vaut mieux s'assurer qu'un dossier tient la route sur
un plan factuel et donc judiciaire que "partir en étoile" en
spéculant tous azimuts. »
« Banque du Hezbollah ». À
la sortie de la salle d'audience du tribunal correctionnel de Paris, Mazen
al-Atat est interpellé. Il découvre qu'un mandat d'arrêt international a été
émis par les États-Unis. « J'étais sous
le choc », se souvient ce fils de professeurs d'université, plus à l'aise
dans le chic 16 e arrondissement de la capitale qu'au quartier de
haute sécurité à Fresnes. Son conseil, Me William Julié, spécialiste
en droit pénal international, tente aujourd'hui tous les recours possibles pour
faire annuler la procédure américaine. Un juge de New York réclame qu'Al-Atat
soit présenté devant une cour aux États-Unis, pour association de malfaiteurs
en vue de fournir un soutien matériel au Hezbollah. Pour l'avocat, en revanche,
« les États-Unis n'apportent aucun élément
supplémentaire au dossier français, qui pourrait prouver des liens de Mazen
al-Atat avec des individus appartenant à la branche militaire du Hezbollah ».
La France est aussi un pays où des associations proches du
Hezbollah récoltent des fonds. Le 29 décembre 2020, un groupe de pirates
informatiques anonymes, qui se fait appeler « Spiderz », a réussi à hacker les
données de la plus grande organisation de microcrédits du Liban, Al-Qard
al-Hassan. Considérée comme un élément clé de la galaxie du Hezbollah par les
États-Unis, qui l'ont sanctionnée depuis 2007 pour sa contribution au
financement d'activités terroristes, la société n'en a pas moins continué à
prospérer dans un Liban où le secteur bancaire traditionnel s'est effondré.
Encore le mois dernier, le département du Trésor à Washington a publié de
nouvelles sanctions contre sept Libanais liés à la « banque du Hezbollah ». Or,
sur les quelque 100 000 titulaires de comptes dont les noms ont été dévoilés
par les pirates de « Spiderz », plusieurs étaient des entités ou des individus
basés en France.
La France, base commode. Europol,
l'agence européenne chargée de la lutte contre la grande criminalité, mentionne
explicitement l'organisation chiite dans son rapport d'activité 2020. « Le Hezbollah est suspecté de trafic de diamants et de
drogue et de blanchiment d'argent via le marché des voitures d'occasion.
L'argent est expédié au Liban via le système bancaire mais aussi par le
transport physique d'argent liquide via l'aviation commerciale. Les enquêtes se
heurtent à la difficulté d'apporter la preuve que les fonds collectés sont
destinés à l'aile militaire de l'organisation. »
Pourquoi l'aile militaire ? Parce que l'Union européenne et la France
distinguent la branche armée du Hezbollah de sa branche politique . Elles
considèrent la première comme terroriste mais pas la seconde. Un « en même
temps » diplomatique qui est censé permettre à la France de continuer à jouer
un rôle influent au pays du Cèdre - même si l'insuccès des efforts
diplomatiques récents d'Emmanuel Macron a mis au jour l'impuissance de Paris
face au blocage politique - et d'éviter des représailles contre le contingent
français des Casques bleus de l'ONU dans le sud du Liban. Mais cela complique
la tâche des policiers.
L'un des principaux experts mondiaux du Hezbollah, Matthew Levitt,
directeur du programme sur le contre-terrorisme et le renseignement au think
tank Washington Institute, critique cette distinction, qu'il juge
contre-productive. « Le problème du
Hezbollah pour la France est un facteur qui n'est pas seulement lié aux
événements au Liban, mais aussi à la sécurité nationale »,
souligne l'analyste américain. D'après lui, « la France et la Belgique en particulier ont prouvé ces
dernières années qu'elles constituent un centre d'activités impliquant des
citoyens riches et souvent binationaux, franco-libanais ou belgo-libanais,
engagés dans des activités financières illicites »
au profit du Hezbollah. La France est une base commode en raison de ses liens
traditionnels avec le Liban, mais aussi parce qu'elle abrite une communauté
chiite nombreuse, estimée à environ 150 000 à 200 000 personnes. « Nous ne disons pas que tous les chiites soutiennent le
Hezbollah, dit Matthew Levitt. Ce n'est pas le cas ! Mais, dans cette communauté, les supporteurs du
Hezbollah peuvent agir en se cachant un petit peu moins. »
Explosif. Et le parti
chiite n'a apparemment pas de difficulté à trouver des soutiens opérationnels
possédant le passeport français. En 2012, le kamikaze qui a tué cinq touristes
israéliens et leur chauffeur en Bulgarie en faisant exploser sa charge était un
Franco-Libanais. Et en 2015, selon nos informations, un chercheur libanais du CNRS
installé à Annecy a été arrêté par les autorités chypriotes. Il supervisait
plusieurs étudiants qui travaillaient dans une villa de l'île où plus de 8
tonnes de nitrate d'ammonium ont été trouvées. La même année, à Londres, un
citoyen libano-britannique a été arrêté pour avoir amassé 12 500 kits de
première urgence dans un garage londonien, ce qui correspond à environ 3 tonnes
de nitrate d'ammonium. Car les poches de froid instantané à usage médical
contiennent ce produit qui, en grande quantité, peut être très dangereux, comme
l'a prouvé l'explosion du port de Beyrouth. Ces poches sont un des moyens
utilisés par les groupes terroristes pour le transporter légalement. Lorsque
l'Allemagne a interdit les activités du Hezbollah sur son territoire, l'an dernier,
elle a fait savoir que sa décision avait été motivée notamment par la
découverte dans le sud du pays de caches considérables de nitrate d'ammonium
sous forme de poches de gel. Derrière ces stocks, selon Berlin, se trouvait
encore et toujours le parti chiite libanais.
Logistique. Le 17
septembre 2020, le coordinateur de la lutte antiterroriste au département
d'État américain, Nathan Sales, confiait lors d'un séminaire vidéo que « depuis 2012, le Hezbollah a établi des caches de nitrate
d'ammonium à travers l'Europe en transportant des kits de première urgence qui
contiennent la substance ». Et d'aller plus loin : « Je peux révéler que de tels stocks ont été transportés à
travers la Belgique, la France, la Grèce, l'Italie, l'Espagne et la Suisse. Je
peux aussi révéler que des quantités significatives de nitrate d'ammonium ont
été découvertes et détruites en France, en Grèce et en Italie. Nous avons des
raisons de penser que cette activité est toujours en cours. »
Sales a depuis quitté son poste, comme les principaux responsables de
l'administration Trump, et ses dires ne sont pas confirmés, de source
française. Les experts parisiens pensent plutôt que le Hezbollah mène surtout
des activités logistiques et de ciblage en France, et que, si jamais des
explosifs avaient été transportés sur le territoire par des groupes islamistes,
ce ne serait pas forcément sous l'égide du parti libanais. « En l'état, les liens avec le Hezbollah sont supposés mais
rarement démontrés », souligne Quentin Mugg. Difficile
de croire cependant que la France échappe à tout risque : elle est le premier
consommateur de nitrate d'ammonium en Europe et le deuxième au monde.
En Israël, Sarit Zehavi, présidente et fondatrice du centre de
recherches Alma, observe depuis des années la montée en puissance du Hezbollah
au Moyen-Orient comme en Europe, même lorsque les soutiens du groupe cherchent
à se faire discrets : « Il est
possible de créer des associations religieuses et d'avoir des activités
criminelles sans utiliser le terme de Hezbollah. » Celle
qui est aussi lieutenant-colonel de réserve souligne l'enjeu financier pour la
milice chiite : « Seuls 70 % des
fonds du Hezbollah aujourd'hui proviennent de l'Iran. Depuis une décennie, le
groupe terroriste organise son autofinancement… Et l'Europe est l'un de ses
terrains d'action. » Elle estime que les autorités
françaises sous-estiment l'ampleur des risques : « Le Hezbollah comme le Hamas ne sont pas seulement une
affaire israélienne. Ce sont des problèmes entre deux idéologies, et le clash
est violent. La première est celle qui défend les valeurs de l'Occident - comme
celles de la Révolution française - et la seconde croit dans les valeurs
radicales de l'islam chiite. »
« S'essuyer les pieds » sur le drapeau israélien. Le
courant pro-iranien est aussi représenté en France par plusieurs mosquées et
centres culturels islamiques qui seraient liés à la milice libanaise. Dans le
nord de la France, à Grande-Synthe, le centre Zahra a longtemps été dans le
collimateur des services . Son responsable, Yahia Gouasmi, n'a jamais caché son
soutien au Hezbollah. Une position que défend son avocat, Me Hatem :
« La justice française reproche à mon client ses
liens avec le Hezbollah. Ce mouvement est considéré comme un groupe terroriste
alors qu'il s'agit d'un mouvement de résistance, comme les Français ont résisté
aux Allemands pendant l'Occupation en 1940. » Me
Hatem s'amuserait presque de ces accusations : « L'année dernière, le président Macron a bien rencontré au
Liban Mohammad Raad [chef du bloc parlementaire du
Hezbollah, NDLR], il s'est
affiché avec lui ; même mon client ne serait jamais allé jusque-là ! »
Pour entrer dans le bâtiment du centre Zahra , les visiteurs
devaient marcher et « s'essuyer les pieds » sur le drapeau israélien. Dans la
continuité de ses positions, Yahia Gouasmi s'est illustré en 2009 en présentant
une liste « antisioniste » aux élections européennes avec, en tête de liste, Dieudonné
et Soral. Il est aussi à l'origine de la Fédération chiite de France.
Aujourd'hui, à la suite de plusieurs décisions judiciaires, ce soutien de
l'imam Khomeini a dû dissoudre tous ses mouvements, dont le centre Zahra. Le
feuilleton judiciaire n'est pas terminé pour autant. Le 15 juin, la cour
d'appel de Douai doit se prononcer sur le non-dépôt de comptes pour un parti
politique. Désormais, Yahia Gouasmi semble se limiter au 2.0. Le sexagénaire,
suivi par plusieurs dizaines de milliers d'internautes, propose, sur YouTube,
des vidéos religieuses et politiques. Le support a changé, les idées demeurent
les mêmes. La France n'en a pas fini avec le Hezbollah .
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Le
Hezbollah est le pire mouvement terroriste à consonance religieuse islamique hyper
dangereux de cette région moyenne orientale !?
Ces
catégories de politiciens élus de notre pays gouvernementaux jusqu’au plus haut
de l’état qui perdure depuis longtemps, car cela avait déjà commencé avec l’ayatollah
Khomeiny du temps du président Giscard d’Estaing quand on a hébergé à Neaufle
le château et qui est devenu dirigeant de l’Iran, qui a renversé le shah d’IRAN
et a créé une république islamique et fomentée des attentats !
On
a une propension à attirer et à faciliter l’implantation de groupes terroristes
islamistes car notre pays est celui des droits de l’homme (que peu ne respecte
dans le monde) et bien sûr de notre droit d’asile !
Et
après on s’étonne que certains commettent des attentats terroristes et d’autres
essaient d’infiltrer notre société par leur religion et dogmes extrémistes moyenâgeux !
Mais
le pire semble-t-il « car cela fait froid dans le dos », c’est de l’apprendre
en lisant cette information dans nos médias habituels et on se demande ce que
font nos services de renseignements et lutte contre toute forme de terrorisme
et après nos dirigeants ne comprennent pas « ce fameux sentiment d’insécurité »
dénoncé par nos ministres et dirigeants qui pérorent au lieu d’agir fermement !?
La
France est un pays qui accueille trop tout le monde, sans faire de distinguo
entre les bons et moins bons, voire mauvais ou dangereux, car on se croit
toujours dans « un monde où tout est beau et gentil » ce qui est une
erreur !
Jdeclef
14/06/2021 13h39
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