Au premier salon égyptien de la défense, les
industriels français en pole position
Trente-deux entreprises françaises espèrent des
contrats, malgré les critiques des ONG de défense des droits de l'homme les
accusant d'équiper un régime autoritaire.
« On est là pour faire des affaires », confie, sans plus de précision, un membre du stand Arquus (ex-Renault Truck Defense), où sont exposés deux blindés Sherpa, les roues un peu terreuses. Les deux modèles fabriqués à Limoges, avec une vignette en arabe « forces armées » collée sur les portières, ont en effet été empruntés au client égyptien pour l'occasion. L'entreprise française a livré 173 Sherpa à l'Égypte entre 2012 et 2014, selon Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), l'organe indépendant de référence sur le commerce des armements. Smartphone à la main, de jeunes officiers et gradés égyptiens du ministère de l'Intérieur se prennent en photo devant le véhicule de reconnaissance Sherpa Light Scout assorti à leurs uniformes kaki. « C'est du bon matériel qu'on utilise partout », sourit l'un d'eux. « On s'en sert beaucoup pour les opérations antiterroristes et aussi pour les manifestations », précise un autre jeune, son képi dans les mains.
« Il n'y a aucune preuve que
nos véhicules aient agi contre les droits de l'homme »
Pourtant,
officiellement, Arquus comme la ministre des Armées martèlent que ces blindés
ont été vendus « à des fins militaires » au ministère de la Défense
égyptienne. Si Florence Parly semble oublier que les militaires égyptiens
réalisent aussi des missions de maintien de l'ordre, elle assure que la France
« se conforme aux dispositions prises par l'Union européenne » qui
engage en théorie ses États membres à ne pas exporter de matériels pouvant
servir « à la répression interne » depuis août 2013, date de
l'évacuation du sit-in de Rabaa qui avait fait plus de 800 morts. Un
message qui ne semble pas avoir été transmis aux industriels par son
prédécesseur Jean-Yves Le Drian, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères.
Un responsable d'Arquus, inquiet lui, avait en effet demandé à l'époque si la position du Conseil de l'Union européenne était
« engageante » et se souvient d'une réponse négative du ministre.Dans un rapport publié en octobre dernier, Amnesty International avait compilé et analysé une série de vidéos montrant la police égyptienne en train de tirer sur des manifestants depuis leurs véhicules, identifiés comme étant de la marque Arquus par l'ONG. La PME française estime que les vidéos ne sont pas assez précises pour reconnaître avec certitude les véhicules Arquus et qu'il n'y a donc « aucune preuve que ces véhicules aient agi contre les droits de l'homme ». Mal à l'aise face au Point, l'actuelle ministre préfère, quant à elle, se défausser sur son partenaire égyptien : « Nous ne sommes pas responsables du recyclage de ces matériels qui ont été livrés aux armées, c'est la responsabilité des autorités égyptiennes. » Une pirouette qui ne contredit pas formellement les analyses d'Amnesty.
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