Jean-Marie
Rouart : « Les Français sont en attente d’un nouveau messie »
Selon
l’écrivain, ni la laïcité ni la loi contre le séparatisme ne sont des réponses
à la vigueur de l’islam. La France doit assumer ses valeurs chrétiennes.
Notre
monde sécularisé a bien du mal à penser le religieux. Comment interpréter la
vigueur de l'islam ? Pourquoi l'homme n'a pas fini de croire ? Dans Ce pays des
hommes sans Dieu (Bouquins), l'écrivain Jean-Marie Rouart s'empare
du sujet avec une belle érudition et une grande liberté. « On se demande
si cette République si entichée de laïcité jusqu'à l'intégrisme n'est pas en
train de procéder à sa propre déification », avance-t-il lors de notre
entretien. Rouart considère le « christianisme comme inséparable de notre
culture, de notre sensibilité, de notre amour de la liberté, de notre
universalisme, tout ce que nous sommes, y compris la laïcité. » Sa
critique d'un certain discours laïc, et non de la laïcité, suscitera un débat.
Il y a matière dans le livre de l'académicien pour que celui-ci soit de haute
tenue.
Propos recueillis par Sébastien Le Fol
Le Point : Alors comme ça, un fléau menace la France :
la laïcité ?
Jean-Marie Rouart :
La laïcité ne menace pas la France. C'est l'islamisme radical et violent que
nous devons combattre. Mais ce n'est pas cette mystique laïcarde qui nourrit le
discours dominant qui nous permettra de le vaincre. La France s'est
désarmée. La civilisation française, cette expression d'une nation
exceptionnelle, reposait sur trois piliers : l'État, le christianisme et
la littérature. L'universalisme dont se réclament les laïcards prend sa source
dans le christianisme. La défense de la liberté ne date pas de la République ni
du siècle des Lumières. Par un édit de 1315, le roi Louis le Hutin a établi que
« le sol de France affranchit l'homme qui le touche ». La France a un
projet de civilisation qui a fait d'elle une nation exceptionnelle.
Du « New York Times » aux islamistes, la France a
beaucoup d'ennemis aujourd'hui, qui lui reprochent de ne pas vouloir renoncer à
la laïcité. Vous, le gaulliste, vous mêlez votre voix à ce concert ?
Je n'ai rien contre la laïcité. Au contraire. C'est un acquis du
christianisme. Mais c'est une ligne Maginot. Toutes les civilisations se sont
construites à partir d'une transcendance. Nous sommes le seul pays où
l'athéisme est considéré comme un avantage. Comme si la croyance appartenait à
un âge révolu, à une forme d'infantilisme, et que le progrès, c'était
l'incrédulité. La loi sur le séparatisme, qui vient d'être votée, est
sous-tendue par des principes athées. D'ailleurs, tous les responsables
religieux l'ont comprise dans ce sens.
Pour le citoyen Rouart, Dieu devrait donc être au-dessus de la
loi ?
Lorsque le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, affirme qu'il
n'y a rien au-dessus de la loi, il ne mesure peut-être pas tout ce que cette
déclaration implique. Heureusement que tout au long de notre histoire on a
soutenu Antigone contre Créon. Et Voltaire contre les juges qui avaient
condamné Sirven, Calas, et le chevalier de La Barre. Et les Justes qui ont
sauvé les juifs ? Ils ont transgressé la loi ! Et de Gaulle condamné
à mort par contumace. Et le général Meyer qui a sauvé trois cents harkis contre
les ordres reçus par sa hiérarchie, qui ne se souciait pas de les envoyer à une
mort certaine ! Et Zola condamné à la prison pour diffamation… Déjà, François
Mitterrand s'élevait contre la force injuste de la loi. C'est toute la grandeur
de l'homme d'être capable dans certaines circonstances de préférer
l'honneur, des valeurs humaines supérieures, universelles, à une loi qui, comme
toutes les règles qu'édicte une société, peut être injuste, voire abjecte,
comme les décrets sur les juifs d'octobre 1940.
Un modus vivendi avec les Français
musulmans
Votre thèse rejoint celle de Pierre Manent dans « Situation
de la France ». Il appelle à un « compromis entre les citoyens
français musulmans et le reste du corps civique ». C'est aussi votre
avis ?
La République française devrait avoir un rapport de
compréhension avec toutes les religions. D'abord et y compris avec le
christianisme, qui a façonné la civilisation française. Il y a environ six
millions de Français musulmans aujourd'hui. Leur part dans la population va
s'accroître. Ils seront quinze millions dans vingt ans. Il nous faudra établir
un modus vivendi avec eux. Nous nous trouvons dans une situation proche bien
que différente du problème qu'a posé l'existence du protestantisme à la
monarchie française au XVIIe siècle. Je crois qu'il faut en tirer
la leçon : être favorable à la modération et à l'intelligence de Henri IV
plutôt qu'aux méthodes violentes et inutilement répressives de Louis XIV. Tout
faire pour conjurer la menace d'une guerre civile puisque l'expression a été
employée.
« Séparatisme » :
la République, le temps des périls ?
Comme Patrick Buisson, avez-vous « plus de respect pour une
femme voilée que pour une lolita de 13 ans en string » ?
Je ne poserais pas la question de manière aussi caricaturale et
polémique. Je ne rejette d'emblée ni le string ni le voile quand il ne vise pas
à une provocation politique. Je ne suis pas hostile aux signes religieux. Ni à
la kippa, ni à la soutane, ni même aux crèches de Noël dans les mairies. Je
crois que la religion en soi est un bien. Même si elle peut devenir un
instrument politique redoutable et néfaste. Comme le pensait Renan, je
pense que la religion, loin d'être un témoignage d'obscurantisme, manifeste
chez l'homme un désir d'élévation. Claude Lévi-Strauss m'a dit un jour :
« Je suis athée mais je préfère parler avec des gens qui croient. »
Vous consacrez des pages troublantes aux convertis à
l'islam : Isabelle Eberhardt, Louis Massignon, René Guénon… Seriez-vous à
votre tour tenté ?
Absolument pas. Néanmoins, je suis curieux de l'islam comme les
moines de Tibhirine, le père de Foucauld, le maréchal Lyautey pouvaient
l'être. Dans son testament, le prieur du monastère, Christian de Chergé,
écrit : « Je sais les caricatures de l'islam qu'encourage un certain
islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant
cette voie religieuse avec les extrémismes de ses intégristes… » Toutes
les formes de spiritualité me fascinent. Comme elles pouvaient passionner un
Benjamin Constant ou un Malraux, par ailleurs agnostiques.
Essai
– Ces résistants qui croyaient au ciel
Estimez-vous que les musulmans sont maltraités en France ?
Évitons de tomber dans les généralisations hâtives. Dans le cas
d'Omar Raddad, dont j'ai eu l'occasion de défendre l'innocence et dont la
condamnation est une honte pour la France, c'est patent. Mais ce n'est pas
le musulman que j'ai défendu, c'est l'homme malheureux. Il y a hélas encore une
forme insidieuse de justice de classe en France dont ne pâtissent pas seulement
les musulmans mais tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont
socialement ou intellectuellement défavorisés.
Je n’aime pas le blasphème
Êtes-vous Charlie ?
Je n'aime pas le blasphème, même si comme chaque Français j'ai été
bouleversé par la tragédie qui a frappé tant de caricaturistes de talent.
J'étais très lié à Georges Wolinski. Je remarque que la République n'a pas
toujours été Charlie. Quand Hara-Kiri a titré « Bal tragique à Colombey – 1 mort »,
elle a interdit le journal. Un républicain comme Jacques Chirac a eu des mots très
durs contre Salman Rushdie au moment de l'affaire des Versets
sataniques. La République a énormément évolué ! Elle semble
aujourd'hui accepter facilement les blasphèmes religieux pour mieux s'obséder
sur les blasphèmes républicains. Parfois on se demande si cette République si
entichée de laïcité jusqu'à l'intégrisme n'est pas en train de procéder à sa
propre déification. D'ailleurs, les politiques, comme Manuel Valls ou Xavier
Bertrand, ont tendance à chasser le terme France de leur vocabulaire pour le remplacer
par le mot République. Avec eux, on a l'impression que la naissance de la
France ne date plus du baptême de Clovis, mais de 1792.
À l'instar de Kamel Daoud, de nombreux intellectuels arabes
luttent pour s'affranchir de la religion. Et défendent le modèle laïc français,
dans lequel ils voient une chance pour eux. Que leur dites-vous ?
Il faut bien sûr les soutenir et se battre pour leur liberté. Ils
sont la preuve vivante que la véritable marque de notre génie national, c'est
l'importance accordée dans notre pays à la littérature, comme l'ont souligné
deux écrivains allemands, Ernst Robert Curtius et Friedrich Sieburg. La
richesse que des intellectuels musulmans trouvent dans la civilisation
française, il faudrait pouvoir la transmettre à des émigrés appartenant à des
catégories sociales plus défavorisées intellectuellement. C'est ainsi qu'on
pourra mieux les convertir à notre mode de vie et de pensée. Hélas, notre
civilisation française offre une terrible dégradation : pour ne prendre
qu'un exemple parmi beaucoup d'autres, la langue française est profondément
minée par le franglais. Dans vingt ans, le français tel que nous l'avons connu
et aimé sera devenu une langue morte comme le grec ancien. Ce fléau contre
lequel les pouvoirs publics ne réagissent pas touche évidemment le
vocabulaire : « cluster », « live », « click and
collect », mais aussi la syntaxe, comme cet abominable « Sorbonne
Université », dont nous devrions avoir honte. Si nous en étions encore
capables.
Le christianisme inséparable de
notre culture
Derrière votre fervent éloge de la croyance, n'y a-t-il pas chez
vous un profond dégoût pour le monde d'aujourd'hui ?
Ce que vous appelez un peu exagérément mon éloge de la croyance,
c'est en réalité un éloge du christianisme comme inséparable de notre
culture, de notre sensibilité, de notre amour de la liberté, de notre
universalisme, tout ce que nous sommes, y compris la laïcité. Si
on m'avait laissé le choix, peut-être aurais-je préféré vivre au XVIIIe siècle,
où l'art et l'art de vivre se conjuguaient si harmonieusement. Notre époque,
qui néanmoins me passionne, a pris goût à la servitude volontaire évoquée par
La Boétie. Nous vivons sous de nouvelles tyrannies insidieuses, celles du
marché, d'Internet, des Gafa. Nous ne sommes plus des citoyens mais des
consommateurs gavés de publicités. Notre religion, pour employer
l'expression de Roger Garaudy, c'est « le monothéisme du marché ». On
comprend dans ces conditions pourquoi les Français ont besoin de croire en une
nouvelle société. Ils aspirent à retrouver un peu de cette civilisation
française aussi engloutie que la ville d'Ys dont ils gardent la nostalgie. Ils
sont depuis toujours, comme judéo-chrétiens, en perpétuelle attente d'un
nouveau messie.
Où en êtes-vous avec la religion ?
Ma religion, c'est l'art. Je crois aux forces de l'esprit. Ma
prière, c'est d'écrire. Ma messe, la relation quotidienne que j'entretiens avec
Tolstoï, Balzac, Maupassant, Proust… J'ai adapté la communion des saints aux
écrivains et aux artistes malheureux. Je leur dédis mes petits succès et mes
grands échecs. Quand j'ai été élu à l'Académie, après maintes laborieuses
tentatives, on m'a complimenté : « Vous êtes heureux ? »
« Non, ai-je répondu, je suis inquiet : j'ai obtenu quinze voix de
plus que Balzac. » Cette religion toute personnelle, mais forcément
d'inspiration chrétienne, qui n'est assujettie à aucun dogme, rejoint pourtant
dans sa finalité l'aspiration religieuse : se hisser au-dessus de
soi-même, de sa médiocrité, pour tenter d'entrevoir le ciel.
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Il n'y a eu
qu'une descente vers le fond de la France et maintenant, c'est les religions
avec cette laïcité française que beaucoup croit encore protectrice ce qui n'est
pas le cas et qui vient durant ces dernières décennies de montrer ses
faiblesses et a divisée les français même ceux catholiques chrétiens qui voient
leurs cultures ancestrales inébranlables mais infiltrées par d'autres religions
extrémistes venues d'ailleurs car réclamant que leurs lois moyenâgeuses intolérantes
soient implantées dans notre vie courante supplantant même celles de la
république !
C’est un
fait que l’on ressent par des flux migratoires incontrôlés avec rigueur, et
trop de nos libertés mal encadrées, mais surtout par les gouvernements qui
depuis 40 ans après le mitterrandisme et avec ces quinquennats qui ont accéléré
cet épiphénomène qui grandit avec en plus des incidents ou drames liés à ce changement
de certains français, selon les générations et des gouvernements et dirigeants
de tous bords qui ne veulent pas voir ces faits avérés et qui pratique le politiquement
correct hypocrite de bien-pensant donneur de leçons qui est aussi dangereux que
toutes religions extrémistes et ses actions dangereuses intolérantes, car
celles-ci ne connaissent que leurs pratiques moyenâgeuse d’un autre âge et ses excès
ne respectant pas autrui !
Qui peut
mener à l’anarchie ou guerre civile !
Jdeclef
17/05/2021 16h24
Pauvres modérateurs du point c'est eux qu'ils vaudraient mieux censurés car dans ce commentaire qui va etre diffusé largement sur tous médias je n'a i cité aucunes religion nommément car bien les censeurs du point bornés qui ne respectent pas la liberté d'expression on sévit inutilement je remercie J.M.ROUARt qui a dit simplement la vérité pour essayer d'ouvrir les yeux de trop de bien pensant qui ne veulent pas voir le risque qui grandit
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