Cotta –
Darmanin et Dupond-Moretti, condamnés à s’entendre
CHRONIQUE.
Le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux forment un duo improbable
mais essentiel en vue de l’élection présidentielle à venir.
En
déclarant « le problème de la police, c'est la justice », le
secrétaire national d'Alliance-Police nationale, Fabien Vanhemelryck, avait
créé la polémique. Entre-temps, la loi pour la confiance dans la justice a été
votée. Elle fait la quasi-unanimité contre elle dans les rangs de la police…
mais aussi des magistrats.
« Il y aura l'interdiction de la réduction de peine pour ceux
qui s'attaquent à des policiers et à des gendarmes », annonçait
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, en novembre sur BFMTV. La loi pour la
confiance dans la justice votée mardi en première lecture à l'Assemblée
nationale prévoit, en réalité, que pour « les condamnés pour agression sur
personne dépositaire de l'autorité publique, la réduction de peine sera
limitée à quatre mois par année d'incarcération ».
Pour les policiers comme pour les magistrats appelés à discuter ce
jeudi matin lors du Beauvau de la sécurité autour du garde des Sceaux, Éric
Dupond-Moretti, et de Gérald Darmanin, il existe un gouffre entre l'affichage
du gouvernement, les tweets sécuritaires du ministre de l'Intérieur et la
nouvelle législation votée par la majorité présidentielle au Palais-Bourbon.
Injonctions contradictoires
Pour les magistrats, c'est d'abord la cohérence qui fait défaut
comme l'exprime l'Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire :
selon eux, il faut à la fois « prononcer des peines plus sévères et ne pas
encombrer les prisons insalubres ». Des injonctions totalement
contradictoires qui n'ont pas fait trembler la main de la majorité
présidentielle qui a voté la loi comme un seul homme.
« La loi a été rédigée par des avocats pour les
avocats », attaque Yvan Assioma, au nom d'Alliance-Police nationale,
allusion à la profession d'Éric Dupond-Moretti, mais également au nombre
d'avocats devenu parlementaires de la majorité LREM en 2017 et qui se
sont installés à des fonctions clés comme la commission des Lois.
« C'est une loi pour ses anciens clients et ses amis du
barreau, persifle un magistrat. Les Français devraient se donner la peine
de lire la loi : du recours aux fadettes (facture téléphonique détaillée,
NDLR) à la limitation de la durée de l'enquête préliminaire, le ministre de la
Justice s'est largement inspiré de l'affaire Bismuth dans laquelle il a
ferraillé contre le Parquet national financier. En fait, le problème de la
police, comme des magistrats d'ailleurs, ce n'est pas la justice, mais c'est le
ministre de la Justice. »
Deux poids, deux mesures
« Accélérer les délais : encadrer la durée des enquêtes
préliminaires ? N'est-ce pas plutôt par manque de moyens que les
enquêtes, parfois (3 %), sont longues ! La grande
délinquance organisée, économique et financière ou internationale vous remercie
#laxisme ? » ironise l'USM sur Twitter
De nombreuses dispositions de la loi pour la confiance font
l'unanimité contre elles, notamment l'encadrement de la durée des enquêtes
préliminaires à deux ans renouvelables un an ou la possibilité pour un mis en cause,
en cas de fuite dans les médias, d'avoir accès au dossier durant la
préliminaire alors que la connaissance des faits reprochés à un justiciable
n'intervient qu'au stade de l'information judiciaire.
« Nous sommes vraiment dans un deux poids, deux mesures :
le justiciable lambda qui n'intéresse pas les médias et celui pris dans une
affaire médiatique généralement politico-financière, c'est-à-dire, en gros les
clients de Dupond-Moretti. Par ailleurs, il est bien placé pour savoir qu'une
fuite dans la presse, ça s'organise », tacle un avocat du barreau de Lille.
Une procédure toujours plus alourdie
Côté police, rien ne va ou à peine. « Nous dirons au garde
des Sceaux que sa loi va à rebours du discours gouvernemental de
fermeté », explique Christophe Rouget, le secrétaire général du SCSI
(Syndicat des cadres de la sécurité intérieure), majoritaire parmi le corps des
officiers de police. Pour le commandant Rouget, la responsabilisation des
détenus pour obtenir des remises de peine est une bonne chose à condition que
la justice dispose des moyens d'appliquer ce nouveau dispositif.
Néanmoins, pour les officiers comme pour les gardiens et gradés,
qui composent la majorité des fonctionnaires de police, la loi Dupond-Moretti
va encore alourdir la procédure. « Avant quand on notifiait une fin de
garde à vue, ça prenait 20 lignes. Aujourd'hui,
c'est 3 pages ! » s'indigne David-Olivier Reverdy,
chargé de la police judiciaire à Alliance-Police nationale.
« À quand un avocat dès l'interpellation ! s'émeut
Thierry Clair de l'Unsa-Police. La nouvelle loi permettra à l'avocat d'être
présent lors d'une perquisition. C'est encore des droits pour les mis en cause
et cela va alourdir la procédure en faisant davantage de paperasse. » À
l'Unsa, on se souvient que lors d'une entrevue avec le président de la
République Emmanuel Macron à l'Élysée, le 15 octobre 2020, en présence du
ministre de la Justice, ce dernier avait juré qu'il n'y aurait jamais d'avocat
lors des perquisitions. Et pourtant, l'article de loi a bien été voté.
Indignation surjouée
Le garde des Sceaux pourra toujours se retrancher derrière la
députée Naïma Moutchou, avocate jusqu'en 2017 et actuelle
vice-présidente de la commission des Lois. Elle est l'autrice de
l'amendement tant décrié par les représentants syndicaux de la police.
Selon la parlementaire, l'indignation est surjouée.
« Contrairement à ce que j'ai pu entendre de certains députés coutumiers
de la surenchère sécuritaire, cet amendement n'a jamais prévu qu'une opération
de perquisition soit conditionnée à la présence d'un avocat sur place. Comme
aujourd'hui, la perquisition s'enclenchera et se déroulera sans qu'il faille
attendre qui que ce soit, car il n'est pas question d'entraver une
enquête. Ce n'est pas ma conception de l'ordre, celle qui nécessite une
relation forte et connectée entre notre police et notre justice. Ce dispositif
est tout l'inverse de ce qu'en disent certains : il viendra épauler la
procédure d'investigation policière pour éviter les couacs et les vices de
procédure. Dans la pratique, aujourd'hui, un avocat peut déjà se présenter
à la demande de son client sur les lieux de la perquisition. C'est alors le
magistrat saisi qui autorise sa présence, dans le silence de la loi. Le
législateur devait clarifier cette pratique, pour éviter incompréhensions et
tensions. »
Du côté du syndicat majoritaire des commissaires de police, David
Le Bars, comme l'ensemble de la chaîne pénale, réclame la suppression de
l'article de loi qui autorise l'avocat à assister aux perquisitions :
« en raison des difficultés opérationnelles et des risques de fuite
d'informations ».
Une loi pour empêcher l'incarcération faute de prisons ?
Chez les officiers, on espère beaucoup du Sénat et de la navette
parlementaire : « Les gouvernements continuent la lente dérive de la
procédure en défaveur des victimes en accordant toujours plus de droits au mis
en cause. En outre, le formalisme procédural qui en découle augmente le temps
passé à rédiger au détriment de l'enquête dont le temps est désormais limité.
Tout cela nuit à la manifestation de la vérité. »
En réalité, toutes ces nouvelles dispositions légales n'ont qu'un
but selon Alliance : éviter d'envoyer les délinquants en prison. « En
multipliant les obstacles dans les procédures, les magistrats auront tendance à
classer pour infraction
insuffisamment caractérisée. C'est déjà le cas : quand on
retrouve les empreintes d'un individu connu pour cambriolage à l'extérieur
d'une maison dont on peut raisonnablement penser qu'il l'a cambriolée après la
plainte du propriétaire, la justice classe. Tout ça parce que le gouvernement
ne souhaite pas construire des prisons », conclut Yvan Assioma d'Alliance.
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C’est
la nomination comme garde des sceaux, ministre de la justice DUPOND- MORETTI encore
un casting hasardeux de notre monarque sans couronne bien-pensant donneur de
leçon (et ce n’est pas la 1ere fois dans les mauvais choix des ministres
sous ses gouvernements pendant son quinquennat !)
Cela
souligne le défaut de cette V eme république qui a donné trop de pouvoir à un
seul homme avec cette élection à 2 tours dont le second est souvent calamiteux !
Donc,
il faut espérer, en 2022 que les français, ça les changerait de leur versatilité
et du chacun pour soi, votent intelligemment et correctement pour élire leur
président de la république et en réfléchissant mieux !?
Jdeclef
27/05/2021 11h46
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