Réforme de
l’État : le chantier inachevé de Macron
ENQUÊTE.
Macron avait promis un État « agile ». La crise sanitaire a révélé la
lourdeur bureaucratique. La France est au bord du burn-out administratif.
« Je
constituerai un gouvernement de 15 membres au maximum. » Cette
promesse faite par Emmanuel Macron le 12 mars 2017 a été jetée aux oubliettes.
Plus de quatre ans après l'accession de ce dernier à l'Élysée, le gouvernement
Castex, nommé en juillet 2020, compte… 42 ministres, ministres délégués et
secrétaires d'État. Un record depuis le gouvernement d'Alain Juppé, en 1995. Le
symptôme d'un renoncement plus large à réformer l'État, une ambition au cœur du
logiciel macronien ? Certains ministres font d'un tel éclatement des
responsabilités l'une des causes des défaillances de l'action publique. Dans
son dernier livre, publié en début d'année, L'Ange et la Bête,
Bruno Le Maire feint de s'interroger : « Voulons-nous vraiment conserver des gouvernements pléthoriques,
au détriment de leur efficacité ? » Avant d'ajouter : « Le moindre
conseiller ministériel a désormais plus de pouvoir que les élus du peuple, une
délibération interministérielle à Matignon plus de poids que les délibérations
de l'Assemblée nationale. » Et de dénoncer « une monarchie
technocratique » qui aurait remplacé « la monarchie gaullienne »
originelle de la Ve République.
« Nous voulons un État agile, concentré sur les priorités du pays,
qui s'adapte à nos besoins et à nos modes de vie. Efficacité, simplicité,
adaptabilité : c'est aussi comme cela que nous ferons des économies »,
promettait pourtant Emmanuel Macron dans son programme de campagne. Avec la
crise sanitaire et les multiples dysfonctionnements observés, on mesure le
travail qu'il reste à accomplir… Le chef de l'État ne le nie d'ailleurs pas. Au
contraire. «
Je considère que la crise démocratique dont on parle souvent vient de là :
d'une crise de l'action publique qui est avant tout une crise d'efficacité face
aux bouleversements du monde », a-t-il insisté le 8 avril
dernier devant quelque 600 hauts fonctionnaires.
« Engagement ferme ». Dès
le début du mandat, le chantier de la « transformation publique », selon la terminologie
macronienne, avait démarré tambour battant. Le candidat En marche ! ! s'était
fixé pour objectif de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, dont 50 000
au niveau de la fonction publique d'État et 70 000 dans les collectivités
locales. Un chiffre modeste au regard des 500 000 promis par François Fillon pendant
sa campagne et rapporté aux 5,6 millions d'agents publics du pays, mais
symbolique.
Dès octobre 2017, le Premier ministre, Édouard Philippe, charge le
Comité action publique 2022, composé de 34 membres, dont de nombreuses
personnalités issues du privé, de lui faire des propositions de transformations
qui permettront d'atteindre les objectifs de baisse des dépenses publiques. Le
gouvernement prend l'« engagement ferme » de les faire baisser de 3
points par rapport au PIB, d'ici à 2022. Lors de la présentation du premier
budget de l'ère Macron, Bercy dévoile une trajectoire pluriannuelle de dépenses
publiques en reconnaissant que les économies annoncées ne sont pas assez « documentées
» après 2019. Une petite case a été ajoutée par rapport aux
présentations habituelles : 4,5 milliards d'euros d'économies par an manquent
déjà à l'appel à partir de 2020. C'est le Comité action publique 2022 qui est
censé les trouver après avoir passé au scanner 21 politiques publiques. Le
rapport est prévu pour fin mars 2018. Deux mois auparavant, début février, le
ministre de l'Action et des Comptes publics d'alors, Gérald Darmanin, va
jusqu'à annoncer un « plan de départs volontaires » qui se traduira par
l'expérimentation, pendant cinq ans, de ruptures conventionnelles dans le
public.
Enterrement de première classe. Mais
les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. Finalement, on apprend
que le rapport du Comité action publique ne sera pas publié. Un enterrement de
première classe pour un document explosif qui promettait jusqu'à 30 milliards
d'euros d'économies. Il faut attendre une fuite dans la presse en plein été,
plusieurs mois après sa remise à Édouard Philippe, pour en connaître le
contenu. «
Nos propositions du CAP22 se sont très vite heurtées aux pratiques habituelles
avec des ministres qui nous disaient "Non, on ne va pas ouvrir de tels
dossiers", se souvient Thomas Cazenave, le Monsieur
Transformation publique d'Emmanuel Macron, désormais au conseil municipal de
Bordeaux. Prenez
la politique du logement, on aurait pu être beaucoup plus efficaces et moins
coûteux. On n'a pas pu toucher à des dispositifs comme le Pinel alors qu'on
avait travaillé pendant des mois. » Il faut dire que le rapport
préconisait par exemple la suppression des dispositifs d'aide à la pierre parce
qu'elles «
favorisent les rentes des propriétaires immobiliers » dans les
zones tendues plutôt que l'augmentation de l'offre de logement… Risqué. « Le
problème, pointe un ancien responsable de la machine
gouvernementale, c'est
que, à peine arrivés, les ministres deviennent les premiers agents de leur
ministère. Un ministre qui réforme ou accepte de faire des économies est un
ministre qui se vit comme ne défendant pas son ministère, donc faible. Très
vite, ils reprennent les notes de leur administration. »
L'élan réformateur pour diminuer les dépenses publiques s'est
finalement brisé après 2018. « Le nombre de contrats aidés a été réduit de façon drastique, le
point d'indice de la fonction publique a continué d'être gelé et il y a eu une
réforme des allocations logement, souligne François Ecalle. Cette
année-là, les dépenses publiques n'ont pas augmenté et l'État a fait beaucoup
d'efforts pour rendre le budget plus sincère », se souvient ce
spécialiste des finances publiques.
250
C'est le nombre de démarches administratives numériques du quotidien
qui seront opérationnelles d'ici à 2022. À cet effet, 200 millions d'euros
supplémentaires sont prévus dans le plan de relance. Les demandes de permis de
construire seront dématérialisées.
85
C'est le nombre de « comités Théodule » qui ont été supprimés sur
plus de 300. Tous ceux qui comptaient 100 emplois en équivalent temps plein
devaient expliquer la raison de leur existence. Et 21 suppressions
supplémentaires sont en cours.
320 000
C'est le nombre de « droits à l'erreur » accordés dans la sphère
fiscale et sociale depuis leur lancement en 2019, dont plus de la moitié par la
Caisse d'allocations familiales. En mai 2020, 48 000 entreprises avaient
bénéficié d'une diminution par deux des intérêts de retard au titre des
cotisations dues. 130 000 fonctionnaires ont reçu une formation à ce droit à
l'erreur.
Stabiliser les effectifs. Mais
la locomotive de la réforme de l'État va vite devoir ralentir. Dès l'automne
2018, le gouvernement est rattrapé par le mouvement des Gilets jaunes,
déclenché par l'augmentation de la taxe carbone, qui s'est ajoutée à celle des
prix du pétrole. Dès lors, le discours change du tout au tout. L'objectif de
supprimer 120 000 postes de fonctionnaires est définitivement enterré mi-2019.
Les effectifs de l'État devront simplement être stabilisés, ce qui reste loin
d'être acquis.
Un renoncement ? Amélie de Montchalin, la ministre de la
Transformation et de la Fonction publique, nommée pour ne s'occuper que de ce
dossier, libérée de la tutelle de Bercy, s'en défend. «
Contrairement à la droite, l'objectif d'Emmanuel Macron n'a jamais été de dire
que si l'État dysfonctionne c'est parce qu'il y a trop de fonctionnaires ou
d'en faire des boucs émissaires. Les Français ne demandent pas moins d'État
mais un État qui réponde à leurs enjeux et à leurs problèmes, où qu'ils soient.
»
« Le seul qui avait vraiment assumé l'objectif de faire des
économies à travers la réforme de l'État, c'est Nicolas Sarkozy à travers la
RGPP, la Revue générale des politiques publiques. Dans la Modernisation de
l'action publique de François Hollande, le mot économie n'apparaît nulle part
et, dans le CAP22, c'était ambigu », souligne
François Ecalle.
Changer de culture… en profondeur. Dès
le début de son mandat, Emmanuel Macron avait mis l'accent sur l'évolution des
relations entre l'administration et les usagers, à travers le « droit à
l'erreur ». La sanction est reléguée à une solution de dernier
recours au profit d'une administration de conseil et d'accompagnement. L'une
des réussites du quinquennat, selon Thomas Cazenave. « Nous avons
décliné ce concept dans tous les grands réseaux du service public, dans les
CAF, aux impôts, à Pôle emploi, dans les Crous universitaires… Croyez-moi,
c'est un vrai changement de posture. » Pourtant, le président
lui-même porte un regard critique sur son ampleur réelle. « Je pense
que ce droit à l'erreur est resté très largement une formule. Avons-nous changé
en profondeur nos façons de faire, nos façons de procéder, nos manières
d'appréhender nos administrés, les usagers, les citoyens ? Je le crois assez
peu », a-t-il avoué à la Convention managériale de l'État du 8
avril. Preuve qu'une culture administrative ne change pas d'un coup de baguette
législatif…
Avec les Gilets jaunes, Emmanuel Macron ouvre le chéquier public
pour améliorer les fins de mois des Français. Il revient alors à une autre
dimension de la réforme de l'État énoncée dès sa campagne : rendre l'État plus
visible et efficace sur le terrain. En privé, l'hôte de l'Élysée peste de plus
en plus contre ces réformes votées dont les décrets sont parus mais qui
n'entrent pas réellement dans le quotidien des Français. Ce qu'il appelle « le dernier
kilomètre ». Pour contrôler leur concrétisation, une application
est d'abord montée par Thomas Cazenave pour permettre à Matignon et à l'Élysée
de suivre en direct des chantiers prioritaires. Les deux bras droits d'Emmanuel
Macron et d'Édouard Philippe, Alexis Kohler et Benoît Ribadeau-Dumas,
organisent régulièrement des réunions pour servir d'aiguillon aux ministres
dans l'application de ce qu'ils appellent « les objets de la vie quotidienne », un projet porté
par le conseiller spécial du président, Ismaël Emelien. « Édouard
Philippe avait construit un pilotage interne pour suivre l'avancée des
réformes, décrypte un conseiller. Maintenant, on publie les
résultats sur Internet. Ça permet de mettre de la pression de l'extérieur et ça
change tout. » C'est le baromètre des réformes du gouvernement qui
mesure, département par département, l'avancée de 36 chantiers (déploiement de
la fibre optique et du plan 1 jeune 1 solution, sortie du plastique à usage
unique, etc.).
Recours aux contractuels. Parmi
ces objectifs du chef de l'État figure notamment la création à marche forcée
des « maisons
France Services » sur tout le territoire, accessibles à moins de trente minutes
en voiture. Une montée en gamme des anciennes maisons de services au public
grâce auxquelles les citoyens pourront accéder à l'ensemble des services
publics depuis un lieu unique où un conseiller polyvalent les aidera à
accomplir leurs démarches administratives. D'ici début 2022, 2 000 d'entre
elles doivent être déployées, y compris sous forme de bus itinérants. Une
réforme inspirée de celle mise en place par le Canada en 2005 avec la création
de Service Canada, un portail d'entrée unique vers les services publics. Encore
faudra-t-il contrôler la qualité du service offert par des agents censés être
polyvalents… «
On y sera vigilants dans la durée », assure-t-on à Matignon.
Un projet qui pourrait servir d'accélérateur à la réforme de l'État dans les
prochaines années. « À terme, on pourrait envisager un modèle dans lequel les points
France Services intégreraient les réseaux territorialisés des opérateurs (Cnaf,
Pôle emploi, DGFIP) », glisse-t-on dans l'entourage du Premier
ministre. De quoi générer des économies très importantes
dans le futur…
Malgré tout, le président n'a pas renoncé à sa «
transformation » de la fonction publique, qui prévoit discrètement
une habilitation à réformer la haute fonction publique par ordonnance. Elle
sera finalement bien adoptée, dans l'indifférence générale, en juillet 2019. Il
y avait pourtant largement de quoi paralyser l'administration. Le texte acte en
effet une extension considérable du recours aux contractuels en lieu et place
des fonctionnaires sous statut, ainsi que la fusion, en 2022, des institutions
représentatives du personnel. Il entérine également le détachement d'office des
agents en cas de délégation d'un service public au privé et l'obligation de
revenir à la durée légale du travail dans les administrations locales tout
comme l'expérimentation d'une rupture conventionnelle pendant cinq ans. La
cogestion avec les syndicats des mobilités des fonctionnaires et de leur
promotion est supprimée afin de donner davantage de marge aux manageurs publics
dans leur recrutement. Mais, là encore, il faudra que la culture administrative
change. De l'aveu même d'Emmanuel Macron, il existe un risque de perpétuer « les
pratiques passées ». « La loi doit s'accompagner d'une mise en œuvre
volontariste pour utiliser tous les leviers de changement qu'elle permet
d'apporter aux décideurs que vous êtes », a demandé le chef de
l'État aux hauts fonctionnaires le 8 avril.
Bien sur les modérateurs bornés du point ont censuré ce commentaire car toutes vérités n'est pas bonne à dire et surtout quand on critique sa majesté MACRON notre roi sans couronne bien pensant donneur de leçon mais un peu jeune pour faire cette leçon à des français qui ont connu de Gaulle et tous les présidents qui ont suivi jusqu'à son élection par défaut car loin de représenter la majorité des français et dont les erreurs et indécisions ont ponctué son quinquennat pas encre terminé !
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