Jean-Baptiste
Moreau : « Notre agriculture est en danger de mort »
ENTRETIEN.
Il avait quitté son élevage pour suivre Emmanuel Macron. Cinq ans plus tard,
l’ancien député de la Creuse et agriculteur tire un bilan sévère du
quinquennat.
En politique
politicienne de bas étage il ne faut pas mélanger les torchons avec les
serviettes !?
Il s'en défend, bien sûr, mais lorsqu'il arrive en boitillant au Point
– une cheville s'est tordue dans le trou d'un trottoir, « cadeau d'Anne Hidalgo »,
plaisante-t-il –, on remarque l'air abattu. À la veille de l'ouverture du Salon
de l'agriculture, Jean-Baptiste Moreau a lâché son élevage dans la Creuse pour
accompagner le président, une fois de plus, à l'inauguration. Mais on sent que
cette année, le cœur n'y est pas vraiment. Battu aux législatives en juin,
l'ex-député-éleveur, élu dans la foulée de la victoire d'Emmanuel Macron, a
perdu son écharpe… Et beaucoup d'illusions. « Il nous reste deux ou trois
ans. Améliorer notre agriculture, c'est un beau slogan, mais ça ne sert à rien
si elle est déjà morte », souffle-t-il, la mine sombre. Il y a cru,
pourtant.
En 2017, il rencontre le futur président au salon au détour d'une allée, sur
un stand de professionnels du bétail. Coup de foudre. Le leader d'En
marche ! promet à l'époque d'arrêter la surtransposition de normes
environnementales, et convainc l'éleveur de porter ses couleurs aux
législatives – c'est l'époque bénie du parti « populaire »,
« ouvert aux meilleurs représentants de la société civile ».
L'ingénieur de travaux agricoles, jamais encarté, jamais syndiqué, fourmillant
d'idées pour restructurer les filières agricoles et rendre sa
« dignité » à une profession sinistrée, se jette en politique comme
un rugbyman dans la mêlée. Il y aura bien quelques victoires, reconnaît-il –
comme les lois Egalim, conçues pour rééquilibrer le rapport de force entre
producteurs et distributeurs. Mais aussi beaucoup d'échecs. Et alors que la
réforme des retraites occupe la quasi-intégralité du temps médiatique, il
redoute que la crise profonde que traverse la « Ferme France » soit
une fois de plus sous-estimée.
En 2017, Emmanuel Macron promettait de « relever le défi de la
souveraineté alimentaire » du pays. Cinq ans plus tard, les productions se
sont effondrées, et sans les ventes de vins et spiritueux, la balance
commerciale agricole s'enfoncerait dans le rouge : la France ne sait
pas se nourrir, et n'a jamais été aussi dépendante de l'extérieur pour son
alimentation. Jean-Baptiste Moreau est l'invité de l'entretien politique du Point.
Le Point : En mai 2022, le ministère de
l'Agriculture est devenu aussi celui de la Souveraineté alimentaire. Ce
changement de nom n'est-il pas paradoxal, alors que la production française
s'effondre, et qu'on ne voit pas nettement quelle politique est conduite pour
redresser la barre ?
Jean-Baptiste Moreau : La situation, c'est vrai, est
de plus en plus critique. Et si les lois Egalim ont permis de mettre en place
des mécanismes pour redresser les revenus des agriculteurs, on voit clairement
qu'aujourd'hui, les problèmes ne sont pas qu'économiques. Si les revenus des
éleveurs, par exemple, se maintiennent, c'est parce que la production s'est
tellement écroulée au cours des dix dernières années que la demande est
supérieure à l'offre ! Le cheptel ne cesse de se réduire. Nous ne sommes
déjà plus capables d'assurer des volumes minimums pour faire tourner certains
abattoirs, et d'ici deux ou trois ans, ce sera l'hémorragie, un grand nombre
d'établissements vont fermer. C'est un cercle vicieux : le métier n'attire
plus. La crise du Covid a eu pour effet de relancer la consommation
locale, mais la vague sociétale qui vise à mieux vivre et à moins travailler
n'a pas épargné le monde agricole. On a de plus en plus d'agriculteurs qui en
ont marre de faire les nuits, les week-ends, et qui ne veulent plus avoir
d'animaux. Si on ne trouve pas des solutions pour être attractifs, la
production française va continuer à s'écrouler.
Ras-le-bol
des agriculteurs : « De plus en plus de producteurs se
découragent » L'élevage est loin d'être la seule
filière concernée…
Le mot de souveraineté n'a plus aucun sens aujourd'hui, puisque nous sommes
dépendants pour la plupart des productions, et ça s'effondre partout ! On
importe la moitié de nos fruits et légumes, la moitié de notre volaille (contre
seulement 13 % en 2000 !), même les productions des grandes cultures
dégringolent. La betterave à sucre a fait la une de l'actualité récemment, mais
on risque de perdre l'entièreté de la filière ! Les pouvoirs publics vont
compenser financièrement pendant un an ou deux les cultivateurs qui auront
perdu leur production, mais les sucreries ne pourront pas tenir longtemps avec
un volume réduit de 50 % et du chômage partiel. Un certain nombre fermera…
Comment en est-on arrivé à un tel décalage entre les discours des
politiques, qui ne jurent que par la souveraineté, la sobriété normative,
l'arrêt des surtranspositions… et la réalité du terrain ?
Pour les fruits et légumes, dont l'effondrement est en grande partie dû à
l'interdiction de produits phytosanitaires qui restent autorisés partout
ailleurs, le mal est fait. Et le gouvernement n'a pas inversé cette tendance,
qui consiste à surtransposer les normes édictées dans le cadre de l'Union
européenne ! Pendant des années, des produits ont été interdits en France
sous la pression de certains lobbys environnementalistes, sans considération pour
les données scientifiques. Or ils restent autorisés en Europe, et c'est là
qu'est la vraie concurrence, aujourd'hui. Dans un marché commun, il est
impensable d'avoir des règles du jeu différentes, ce n'est plus possible. La
profession se focalise sur la concurrence extra-européenne et les traités
internationaux du type Ceta, parce que c'est médiatiquement plus vendeur… Mais
la concurrence est d'abord intra-européenne ! On importe notre viande bovine
d'Allemagne ! Nos fruits et légumes sont produits en Espagne avec de la
main-d'œuvre pas chère, voire pas déclarée, et avec des produits que la France
a totalement interdits.
Le ministre de l'Agriculture explique qu'on ne peut pas revenir en
arrière, au nom du principe de « non-régressivité environnementale ».
Inscrire ce principe dans la Constitution était une vraie connerie, et on va
dans le mur. On ne s'en sortira pas sans harmoniser nos normes avec celles du
reste de l'Union européenne. Ce qu'on a fait dans un sens en modifiant la
Constitution, on peut le faire dans l'autre sens, en la modifiant à nouveau. Il
faudra du courage politique, mais je ne vois pas d'autre solution. Car il n'est
pas envisageable de sortir de l'Europe : ce serait la mort assurée de
notre agriculture.
Souveraineté
alimentaire : la France au bord de la falaiseLes
« clauses miroir » proposées par la France au niveau européen, qui
permettraient d'interdire l'importation de produits cultivés avec des
substances interdites sur notre sol, n'ont jamais vu le jour. Comment
tirer les conséquences de cet échec ?
C'est bien la question… Mais même les règles de protection incluses dans les
accords de libre-échange ne sont pas respectées ! On se contente de
contrôler les résidus de pesticides des marchandises au port d'arrivée. Mais il
faut aller dans les pays d'origine, avoir de vrais services du type DGCCRF, qui
constateraient sur site les méthodes de production ! Ces clauses miroir
sont un miroir… aux alouettes ! Par ailleurs, même si elles étaient
adoptées, elles ne résoudraient pas les problèmes de concurrence
intra-européenne, et le différentiel de compétitivité entre Européens. Et ça,
ça ne peut se résoudre que par une harmonisation des normes.
Emmanuel Macron pensait, en 2017, que la « montée en
gamme » de notre agriculture nous ouvrirait les portes de marchés à forte
valeur ajoutée. C'est un échec ?
Oui et non… Notre agriculture n'a pas d'autre choix que de se différencier,
car notre modèle agricole est déjà économiquement mort aujourd'hui : nos
fermes de 118 bovins en moyenne sont une aberration. Elles n'existent
nulle part ailleurs dans le monde ! Et il est illusoire de pouvoir
concurrencer les coûts de fermes beaucoup plus grandes, y compris en Allemagne
du Nord, en Roumanie, en Pologne… L'agriculture industrielle n'existe pas en
France. Même nos porcheries sont minuscules, par rapport à ce qui se pratique
en Espagne ! Seule la montée en gamme nous permet, dans ce contexte,
d'être compétitifs. Mais d'un autre côté, le consommateur est roi, et quels que
soient ses discours, il va vers les prix bas au supermarché. Si nous ne
produisons pas ce qu'il veut trouver, nous l'importerons. En Pologne ou en
Roumanie, les terres des anciens kolkhozes ont été démantelées et vendues,
souvent, à des capitaux étrangers, comme l'Arabie saoudite, notamment. Ces mastodontes
s'étalent sur des dizaines de milliers d'hectares, qui font de l'agriculture
industrielle. Ce qui n'existe pas en France existe en Europe de l'Est.
Quelles issues voyez-vous ?
La première étape, c'est d'obtenir une protection, et une vraie
harmonisation des normes au niveau européen. Nous ne l'avons pas fait lors du
précédent quinquennat, c'est vital aujourd'hui. Attendre ne fait que nous
rapprocher du moment où il sera trop tard pour agir, car on aura tué nos
filières. Ensuite, si les problèmes de compétitivité-coût ne peuvent être
résolus en agrandissant nos structures, car la société ne le souhaite pas, on
peut y parvenir par l'innovation technologique. La robotisation, l'usage de
nouveaux produits phytosanitaires plus respectueux de l'environnement, les
nouvelles biotechnologies végétales… Il faut mettre le paquet sur la recherche,
et sur l'innovation.
agriculture Quand certains politiques prônent un « changement
de modèle », vous pensez qu'ils se paient de mots ?
Ils reprennent la novlangue de la Commission européenne, qui est d'une
naïveté confondante. C'est quoi, ce nouveau modèle ? Un modèle où on
produit moins, alors qu'on est déjà dépendants ? Ce n'est jamais
défini ! Si c'est pour faire de la permaculture sur 500 m2,
ça ne sert à rien, c'est de l'autosuffisance alimentaire qui pourra nourrir une
famille, les voisins… Mais pas la France. L'opposition entre l'agriculture
biologique et les autres modes de production est tout aussi dangereuse. On
nous explique que cela créera des emplois. Mais on emploie qui ? Les
jeunes ne veulent pas aller travailler dans les champs, dehors, sous la pluie.
C'est comme ça. Je ne connais pas de méthode magique pour les y forcer.
La France a perdu 100 000 exploitations ces dix dernières
années, et la moitié des chefs d'exploitation ont aujourd'hui plus de
55 ans. Le renouvellement des générations est un défi colossal, de court
terme… Avez-vous le sentiment que les autorités en ont conscience ?
Pas suffisamment. Aujourd'hui, déjà, l'agriculture manque de main-d'œuvre.
Le chiffre d'affaires n'est pas assez élevé dans de nombreux secteurs pour
pouvoir recruter. Notre modèle d'agriculture familiale est aussi une aberration
mondiale, qui n'existe nulle part ailleurs ! Nous devons créer des
outils de portage de foncier et de capital, pour que le jeune qui s'installe ne
soit pas endetté pour 45 ans, et qu'il finisse de rembourser l'achat de
son exploitation au moment où il prend sa retraite ! Plusieurs schémas
peuvent être étudiés, comme des partenariats public-privé… cela demande un peu
de courage, mais il va bien falloir trouver comment dégager des revenus qui
permettent d'embaucher des salariés pour alléger le travail. Les exploitants
doivent aussi pouvoir s'associer plus facilement, pour mutualiser leur matériel
et leur travail. Sinon, les jeunes ne viendront plus.
C'est ce que vous attendez de la prochaine loi d'orientation
agricole ?
Absolument. Elle est en cours de discussion dans les territoires. Emmanuel
Macron a conscience de l'urgence, je pense. Dans cinq ans, si on n'a pas une
augmentation massive du nombre d'actifs agricoles, je ne vois pas comment on
peut enrayer la spirale de la chute de la souveraineté alimentaire française.
Les agriculteurs ont besoin d'une vision, et de planification. Quelles
solutions pour le foncier ? Est-ce qu'on va vers la détransposition ?
L'Espagne est exportateur net. Mais d'autres pays, comme l'Angleterre, ont fait
le choix de délaisser leur agriculture, et de se reposer sur les importations.
Le Danemark ou les Pays-Bas sont sur la même tendance. Mais les
incertitudes géopolitiques actuelles montrent que l'alimentation est le
meilleur moyen de pression d'un pays sur un autre. Quand une population a faim,
plus aucun régime ne peut tenir, que ce soit une dictature ou une démocratie.
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Mais ce n'est pas que
l'agriculture qui est en danger de mort bien que cette expression semble
exagérée par cet agriculteur déçu qui aurait mieux fait de continuer à faire
son métier plutôt que de se lancer dans la politique française stérile et ses
politiciens si médiocres qu’encore trop de français élisent et réélisent car
dramatiquement bornés semble-t-il !?
Et ce n’est pas
essentiellement de la faute de notre petit bourgeois parvenu se prenant pour un
monarque s’écoutant parler pour ne rien d’utile donneur de leçons de bienpensant
hypocrites comme d’autres politiciens de tous bords avant lui !?
Mais lui n’a plus d’excuse il a raté son
1er quinquennat disons-le et a été réélu par des Français perdus déboussolés
pour un 2 eme qui prend le même chemin d’échecs jusqu’en 2027 ?!
Cela fait 40 ans que çà dure après le mitterrandisme
PS et ces gauches qui furent aussi des échecs aussi renouvelés mais étant donné
que nous sommes encore dans un pays libre et démocratique (pour l’instant) et
des Français qui ont revoté pour ce président qui ne fait que procrastiner de protégeant
pas assez son pays et quand il prend de rares décisions sont inappropriées surtout
en ces périodes de crises internationales hyper tendues assorties d’une guerre Européenne
Ukrainienne contre un dictateur russe dangereux !?
Car les FRANÇAIS lambda ne voient que
leurs nombrils en râlant et se plaignant comme d’habitude avec par exemple leurs
reformes sur leurs retraites futures alors que ce sont les problèmes internationaux
qu’il faut traiter en priorité ce que notre petit président ne sait pas faire
correctement depuis avant et déjà 1 an avec le début de cette guerre Russo Ukrainienne
c’est cela la réalité !?
Jdeclef 25/02/2023 12h06
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