Terrorisme :
"En France, on n'a pas vu les choses arriver"
Invité du
forum TAC, Hubert Bonneau, commandant du GIGN, n'a pas manié la langue de bois.
Son constat est à la fois accablant et inquiétant.
Et le commandant du GIGN de souligner un « rapport coût-efficacité » absolument « terrible pour nous ». « À Sousse, un type a abattu trente Occidentaux sur une plage. Le résultat ? C'est la faillite de la Tunisie. L'État coule. C'est l'économie qui est visée. » Selon le colonel, « ça peut taper n'importe où, n'importe quand, sachant qu'on attaque des cibles molles, pas renforcées ». Le « champ des possibles est très vaste », a-t-il ajouté. « On tue à l'arme blanche, à la kalachnikov, à l'explosif. Il n'y a sur le moment aucune revendication. Dès qu'il y a réponse des forces de l'ordre, les tueries s'arrêtent. Aucune tuerie ne dépasse cinquante minutes. »
Vers
un « 11 Septembre 2.0 »
Ce n'est que lorsque
l'opération débouche sur des morts que l'organisation terroriste la
revendique : « Les franchises agissent et la marque récupère
l'ensemble quand ça fonctionne, c'est ça, le solo djihad. [...] On s'est trompés sur la définition du loup
solitaire. » Une fois la fusillade terminée, celui qui tient bon face aux
troupes d'élite cherchant à le neutraliser est ensuite glorifié sur les réseaux
sociaux : « Quand on résiste trente-six heures à un État [comme
Mohamed Merah l'a fait à Toulouse, NDLR], c'est imparable : on devient un
héros. » « Faut être honnête, faut être clair : on n'a pas vu en
France les choses arriver, a critiqué Hubert Bonneau. Malgré les attentats de
Londres et de Madrid, malgré les événements en Afghanistan, au Pakistan,
etc. » Si on ne les a pas vus, c'est parce que cela « se passait loin
de chez nous », a-t-il précisé.Pour le patron du GIGN, les attentats visent deux objectifs : rassembler la communauté et « frapper l'ennemi, qu'il soit proche ou lointain ». « La cible numéro un est la France. Je mets de côté Israël, qui est hors catégorie », a-t-il ironisé. « Ces terroristes vont rechercher un 11 Septembre 2.0. [...] On est passé d'une entreprise centralisée et secrète à, aujourd'hui, une entreprise décentralisée qui marche sous forme de franchise. Leur stratégie est en place depuis longtemps. Ceux qui passent à l'acte en France sont ceux qui sont capables d'évoluer facilement dans nos sociétés », a-t-il conclu.
Inspire,
« le petit marmiton.com » du terroriste
Le colonel s'est
également exprimé sur la propagande et les moyens de communication des
terroristes. Ils se sont appuyés sur Internet, « mais pas forcément sur
les réseaux cryptés, tout est ouvert », a continué Hubert Bonneau. Et le
gradé de répéter : « Tout est ouvert, c'est imparable. Aujourd'hui,
on a des réseaux Twitter, Instagram ou encore Telegram, qui est un réseau russe
crypté qu'on ne contrôle pas. Vous pouvez recevoir un message Telegram directement
dans votre téléphone qui vous dira : Dans trois minutes sort sur tel et tel site internet le dernier numéro
d'Inspire [la revue d'Al-Qaïda, NDLR]. Vous n'avez qu'à cliquer . Qu'est-ce que vous faites ?
Vous ne pouvez pas bloquer autant de sites internet en si peu de temps. Les
vieux, vous ne vous en rendez pas compte ! Mais les jeunes ? [...]
C'est très facile d'avoir sur son téléphone des vidéos de décapitation. »Le colonel s'alarme de la force de frappe de ces revues terroristes : « En septembre 2015, le numéro 14 d'Inspire a fait un retour d'expérience des attentats de janvier. C'était remarquable et très intéressant : on a cinquante pages qui disent ce qui a été bien fait et ce que les Kouachi et Coulibaly ont mal fait ou n'auraient pas dû faire. En substance, le magazine dit : Pour l'avenir, voilà ce qu'on vous propose. [...] Inspire, c'est le petit marmitton.com du terrorisme : comment créer des grenades, confectionner des armes, etc. » Fataliste, le haut gradé de la gendarmerie reconnaît tout de même que l'on ne peut pas, en France, « décider de tout ce qui se passe ». « On est en démocratie, pas en Corée du Nord. Il suffit de regarder à quel point c'est difficile pour nous de bloquer des sites internet, et pour les Américains d'obtenir des clés de chiffrage [allusion à l'affaire San Bernardino dans laquelle le FBI a assigné Apple en justice, NDLR]. »
« Une
problématique de sécurité intérieure »
Pour Hubert Bonneau,
le problème ne trouvera une solution que sur la scène internationale :
« Il faut accepter de s'inscrire dans le temps long. Aujourd'hui, il n'y a
pas une guerre de l'avant en Syrie, une guerre de l'arrière en Europe. Tout est
global. N'oubliez pas qu'après les attentats de Bamako et de Ouagadougou les
revendications ne visaient pas le Burkina ou le Mali, elles visaient la France.
Ce sont nos intérêts qu'on vise. » Et le chef du GIGN de pointer du doigt
la prolifération de ces groupes un peu partout sur le continent africain.
« Le contexte international est très défavorable. La baisse du prix de
l'hydrocarbure impacte directement les choses. Nous, on est peut-être contents.
Mais l'Algérie a consacré deux ans de réserve financière pour garantir le prix
des denrées alimentaires de base. » Une remarque contestée par le
représentant d'Interpol Algérie, présent dans la salle.Qu'importe, le message que veut faire passer Hubert Bonneau, c'est qu'un appauvrissement de la population peut jouer en faveur des groupes terroristes qui sauront recruter les plus faibles et jouer sur les peurs. « L'Algérie, dans les années 90, on a vu ce que ça a donné. Il y a des terreaux de terrorisme partout. Regardez ce qui se passe en Afrique : Boko Haram, Aqmi, les shebabs de Somalie… » Un bon point, tout de même, dans ce discours très pessimiste : « Les échanges internationaux se font très régulièrement », a-t-il assuré. « L'année dernière, après les attentats du mois de janvier, la Belgique a fait appel à la France dans le cadre d'une opération à Verviers. L'idée des terroristes était d'enlever une haute autorité belge et de la décapiter en direct pour mettre les images sur les réseaux. Le GIGN est intervenu en Belgique, il y a eu une demande de coopération internationale qui a fonctionné. »
Mais le commandant, dans une ultime sortie, de rappeler : « Sur les attentats en France, à part quelques personnages en novembre, tous ceux qui agissent sont français. [...] C'est avant tout une problématique de sécurité intérieure. C'est quelque chose qui nous a beaucoup surpris. » En début d'intervention, Hubert Bonneau avait affirmé : « Je ne fais pas de politique, moi. » On n'a pas été déçu.
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Rectifions le titre comme çà :
On "n'a surtout pas voulu voir les choses arriver" comme
d'habitude, c'est bien le défaut en France, et pas seulement au sujet du
terrorisme !
Dans notre pays, on réagit souvent après
coup, ce qui fait que l'on est à la traine, et avec nos gouvernements quelques
soient leurs bords politiques, cela se vérifie depuis des décennies !
Comme l’optimisme béa Hollandais en ce
moment !
Jdeclef 30/42016 11h15
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