Turquie : le
deuxième coup d'État
Arrestations,
purges, limogeages... Recep Tayyip Erdogan a juré la perte de ceux qui ont osé
le défier... et muselle le pays. Vers la dictature ?
Le vieil homme attend
depuis plusieurs heures derrière les grilles de fer dressées par la police
devant le palais de justice d'Ankara. En compagnie de sa femme voilée, il fait
les cent pas. "Mon fils ne savait rien du coup qui se préparait. Il a
juste suivi les ordres de sa hiérarchie !" À quelques mètres du couple,
indifférents, des dizaines d'habitants d'Ankara s'impatientent en n'apercevant
toujours pas le bus qui les ramènera chez eux. Le patriarche ne désespère pas
et jure à qui veut l'entendre : "On souffre terriblement. On dit qu'il est
torturé et n'a rien à boire ni à manger !" Rien n'y fait. Le nom de son fils
figure sur la liste des 60 000 personnes soupçonnées d'appartenir à
l'"État parallèle" güléniste, du nom de cette confrérie
religieuse autrefois alliée à Recep Tayyip Erdogan que le maître d'Ankara juge
responsable du putsch qui a voulu sa peau. "Un virus qui, tel
un cancer, s'est propagé à l'ensemble de l'État." C'est comme cela,
quelques heures à peine après le coup d'État surréaliste qui a tenté de le
mettre à terre, que le sultan islamo-conservateur a décrit ses anciens alliés
devant la foule de ses partisans réunis à la mosquée Fatih d'Istanbul, en
mémoire des victimes.
S'il avait des noms, pourquoi le
gouvernement n'a-t-il pas arrêté ces personnes avant le putsch ?
Répression. Quelques heures après le
putsch manqué, les arrestations se multiplient (ici, le 16 juillet, à Ankara).
© Stringer/Anadolu Agency
"Comment le
gouvernement a-t-il pu rassembler 60 000 noms en à peine deux jours
?" demande Lami Ozgen, le patron de la Confédération des syndicats de
travailleurs du service public (KESK), s'indignant de la répression qui a suivi
l'échec de l'étrange tentative militaire de prise du pouvoir dans la nuit du 15
juillet. "S'il avait des noms, pourquoi n'a-t-il pas arrêté toutes ces
personnes avant le putsch ?" Derrière un modeste petit bureau
appartenant à la centrale, au cœur d'Ankara, le leader syndical décoche
calmement ses flèches contre l'exécutif turc : "Le gouvernement prétexte
le coup d'État pour faire taire toute voix discordante."Mais le "Sultan" fait la sourde oreille. Fort du soutien contraint de l'ensemble de l'opposition face aux putschistes, il a déjà sonné la revanche. Un tiers des généraux et amiraux de l'armée ont été arrêtés. Plus de 10 000 personnes, majoritairement des soldats, placées en garde à vue. Un à un, les ministères publics ont été expurgés. En l'espace de quelques heures, sans motif réel avancé, plus de 50 000 fonctionnaires ont été licenciés, dont plus de 20 000 rien que dans l'Éducation nationale. La presse n'est pas épargnée. À travers le pays, plusieurs dizaines de journalistes, accusés de "rouler" pour le mouvement güléniste, sont traqués par la police. Et, pour mieux débusquer les "traîtres" sans s'embarrasser des entraves de la justice, "infiltrée" selon lui, Recep Tayyip Erdogan a instauré pour trois mois l'état d'urgence, une première en seize ans.
Niché dans les combles de l'université Marmara d'Istanbul, le bureau d'Ibrahim Kaboglu croule sous la paperasse. Le professeur de droit constitutionnel s'inquiète des chiffres des purges qui montent en flèche. "Qui sont tous ces gens ? demande-t-il. On ne nous donne que des gros chiffres mais on ne sait rien. C'est sûr qu'il y a parmi eux des arrestations d'enseignants sympathisants de la confrérie. Mais il doit aussi y avoir des professeurs laïques qui ont simplement osé critiquer la politique du gouvernement." En revanche, cet universitaire respecté à l'allure soignée est inflexible sur un point : "Renvoyer autant de gens de cette façon est illégal." Et l'homme de redouter l'avenir : "Qui remplacera tous ces gens ? Sur quels critères seront sélectionnés les nouveaux enseignants ? Leur qualification ou leur appartenance politique ?"
Cadre du parti islamo-conservateur de l'AKP, Uzeyir Isik se montre intransigeant : "Un ou 20 000, ça n'a pas d'importance, les institutions du pays doivent être nettoyées."
Symbole. A Istanbul, le 17 juillet,
Recep Tayyip Erdogan et l'ex-président turc, Abdullah Gül (à gauche), portent
le cercueil d'une victime de la tentative de coup d'Etat. Erdogan a quilifié de
"cancer" le putsch qui l'a visé. © Bulent Kilic/AFP
Faisant fi du déluge
de critiques occidentales, Recep Tayyip Erdogan contre-attaque : "Aucun de
ces pays n'a vécu ce que nous avons vécu, ils n'ont pas été confrontés à une
tentative de putsch visant à détruire l'État." Raillé en Occident pour sa
"folie des grandeurs" – il s'est fait construire à Ankara un immense
palais de 500 pièces –, le natif du quartier populaire de Kasimpasa, sur la
rive européenne d'Istanbul, tient enfin sa revanche. Ultime provocation, il
évoque un rétablissement de la peine de mort en Turquie,
suspendue en 2004, provoquant l'émoi dans les chancelleries. Le Sultan peut se
réjouir. Il y a un an tout juste, il était au plus bas.
Riposte
Le 7 juin 2015, Recep
Tayyip Erdogan perd pour la première fois sa majorité absolue au Parlement. La
faute au parti prokurde HDP, qui fait une entrée retentissante à l'Assemblée en
tant que groupe politique, chipant par là même les sièges nécessaires aux
islamo-conservateurs de l'AKP pour asseoir leur pouvoir. À sa tête, le fringant
Selahattin Demirtas, jeune avocat kurde de 43 ans, endosse le costume
d'opposant numéro un au vieillissant Sultan de 62 ans. Recevant dans le QG
ultrasécurisé du parti à Ankara, protégé par un camion antiémeute, Ertugrul
Kürkçü, l'un de ses cadres fondateurs, explique comment la "magie" du
HDP a opéré. "Erdogan ne nous prenait pas au sérieux, se félicite, tout
sourire, cet ancien révolutionnaire à la barbe grise. Or, en se posant en
leader des opprimés – les Kurdes, les jeunes, les femmes et tous les démocrates
–, Demirtas est devenu la meilleure alternative à Erdogan. D'autant qu'il est
le seul membre de l'opposition à oser s'opposer publiquement à lui."
Angoisse. Des familles de personnes
arrêtées patientent devant le palais de justice d'Istanbul, le 20 juillet. La
publication d'une liste de 60 000 "gülénistes", considérés comme
traîtres à Erdogan, fait craindre les représailles. © Ozan Kose/AFP
Blessé dans son
orgueil, le maître d'Ankara disparaît – médiatiquement – pendant trois jours,
du 7 au 10 juin. Ses opposants jubilent. Pourtant, dans l'ombre, il prépare sa
riposte. Le terrible attentat contre un rassemblement de jeunes militants
prokurdes à Suruç, le 20 juillet 2015, demeure le prétexte parfait. L'attaque a
beau avoir été perpétrée par un djihadiste de l'État islamique, Erdogan décrète
sans attendre une guerre totale contre le terrorisme... sous toutes ses formes.
"Il n'a jamais frappé l'Etat islamique !" s'écrie, écoeuré, Ertugrul
Kürkçü, bien que l'artillerie turque ait ponctuellement frappé des positions
djihadistes en Syrie.
"Cela n'était qu'une gesticulation visant à convaincre l'opinion
internationale de sa guerre contre le Parti des travailleurs du Kurdistan [le
PKK, bête noire d'Ankara, NDLR]. "En effet, la majorité des frappes de
l'armée turque se concentrent dans le sud-est du pays, bastion du PKK. À l'abri
des regards, des villes entières sont assiégées. De longs et sanglants
couvre-feux sont imposés. Les civils ne sont pas épargnés.Turquie : le lourd tribut payé par les Kurdes
En représailles, les rebelles kurdes multiplient les attentats contre les forces de sécurité. L'engrenage infernal de la violence est lancé. Ce climat de tension, Erdogan entend le traduire dans les urnes, acculant les électeurs à un choix tranché d'avance : lui ou le chaos. Son adversaire, Selahattin Demirtas, est pris au piège. "En tant que Kurde, Demirtas s'est retrouvé dans une situation impossible, pris en étau entre le pouvoir et le PKK, dont il ne pouvait se démarquer vis-à-vis de son électorat", souligne un diplomate occidental.
Après avoir affaibli le camp prokurde, le président turc convoque de nouvelles élections le 1er novembre. En l'espace de cinq mois, le HDP a perdu près de 1 million de voix. "Ceci n'est pas de la politique mais le règne de la force, enrage Ertugrul Kürkçü. C'est un véritable coup d'État civil de la part d'un gouvernement illégitime !" Rien n'y fait : l'AKP a bel et bien récupéré sa majorité. L'affront est lavé. Cadre du parti islamo-conservateur, Uzeyir Isik s'en amuse : "Les gens ont voulu changer de chaîne de télévision. Qu'est-ce qu'ils y ont vu ? Du terrorisme, de la guerre. Mais les Turcs sont intelligents, ils ont observé nos résultats, ils sont très vite revenus sur notre chaîne.
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ERDOGAN n'en demandait pas tant et sans effort va
devenir le sultan qu'il voulait être en fait un dictateur pur et dur !
Et çà bien avant l'échéance dont il c'était fixé !
Et surement finie la laïcité car ce président
totalitaire va intensifier un islam rigoriste et pour les libertés elles vont
être réduites à la portion congrue, il ferme des chaines de télévision et
radio, il interdit des journaux et va changer la constitution à son profit!
Quant aux droits de l'homme il s'en fiche et a
demandé aux donneurs de leçons (la France
entre autre de se mêler de ce qui lui regarde et de ne pas s'immiscer dans les
affaires de la TURQUIE)
D'ailleurs, il semble qu'il veuille rétablir la
peine de mort !
On notera que ces peuples arabisants islamiques
ont besoin d’être tenus en laisse avec fermeté par des hommes forts (comme en ÉGYPTE par exemple)
Et là en plus, il semble que le président turc est
un consensus de sa population?!
Pour l'entrée de son pays dans l'Union Européenne,
cela pose problème et surtout son appartenance à l'OTAN ?!
Car les critères d'admission dans l'U.E. ne semble
bien sûr plus respecté, (mais avec
l'Europe hypocrite va savoir ?!)
Dans tout cela on peut se demander si le peuple turc se rend compte de
la situation et de ses pertes de libertés !
Jdeclef 28/07/2016 13h54
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