Ai
Weiwei : « L’Occident a atteint un stade critique »
ENTRETIEN.
L'artiste chinois en exil livre au « Point » une vision pessimiste des
démocraties libérales comme de la Chine, les renvoyant dos à dos sur le plan
idéologique.
POUR
FAIRE SIMPLE LA CHINE ENVAHISSANTE C’EST REVEILLEE ET CE VIEUX PERIL JAUNE DEVIENT
UNE OMELETTE A SUVEILLER DE PRES AVANT QU’ELLE NE DEBORDE !
Né à Pékin en 1957, fils du célèbre
poète chinois Ai Qing (艾青), Ai Weiwei (艾未未) est considéré comme l'un des plus
grands artistes contemporains. Connu mondialement pour avoir créé des œuvres
révolutionnaires, tant sur le plan artistique que politique, il est devenu une
figure majeure de l'opposition au pouvoir chinois. Se définissant comme un « postimpressioniste »,
il a été influencé par Van Gogh. La peinture lui permit d'ailleurs d'échapper à
la réalité communiste qui, dit-il, n'était pour lui qu'un « désastre
permanent ». Certaines de ses œuvres seront présentées à l'automne au
musée Guimet à Paris. Son père, Ai Qing, fut un proche de Mao Zedong et le
poète le plus prisé en Chine jusqu'à sa disgrâce en 1957, lors de la campagne
antidroitière. Dans son livre, 1000 ans de joies et de peines (Buchet-Chastel),
Ai Weiwei explique : « Le pillage des richesses foncières dépasse
de loin toutes les autres formes d'accumulation du capital en Chine. »
Depuis son départ pour l'étranger, l'intellectuel est devenu un activiste
influent dont la mission se résume à quelques mots : les valeurs
universelles s'appliquent à tous les pays du monde, y compris la Chine.
Le Point : Quel regard portez-vous sur l'Occident en ce
moment ?
Pour de nombreuses raisons, l'Occident a atteint un moment critique. Il a
bénéficié, depuis ces trente dernières années, d'une période de prospérité
accompagnée d'un développement rapide, qui provient essentiellement de cette
globalisation en cours. Elle a d'ailleurs aidé la Chine, comme d'autres, à se
développer, mais aussi à devenir des concurrents. Lorsque ce phénomène a commencé,
personne n'y a prêté attention car l'idée était avant tout de tirer profit d'un
marché en rapide expansion. L'Occident en a profité pour exporter dans ces pays
tous les problèmes engendrés par la globalisation, dans le secteur de l'emploi,
par exemple, tout particulièrement en Chine. Tout ce que l'Occident ne pouvait
pas ou ne voulait pas produire, la Chine acceptait de le faire, sans broncher,
même si cela pouvait engendrer l'illégalité, l'empoisonnement même, les abus,
les droits bafoués des ouvriers.
Certes, vous autres, Occidentaux, conservez encore une certaine avance, mais
la Chine et d'autres pays rattrapent leur retard. À cela s'ajoutent d'autres
problèmes graves tels que les atteintes à l'environnement, la baisse des
ressources du sol et de l'eau, l'immigration, les guerres régionales comme
celle en cours en ce moment. Comment résoudre tous ces problèmes ? Les
solutions techniques n'y suffiront pas, car le mal est plus profond. Il s'agira
de trouver une approche globale : le monde trouvera-t-il des solutions à
tous ces problèmes engendrés par un développement trop rapide ?
Comment vivez-vous vos liens avec l'Occident ? Quel bénéfice en
avez-vous retiré ? Qu'avez-vous appris ?
Fondamentalement, je suis un dissident. Pas vraiment sur le
plan politique : je suis plutôt entré en dissidence avec toute forme
d'autoritarisme, du fait de ce que mon père a vécu. Il a fait ses études à
Paris dans les années 1930 puis, de retour en Chine, il a été jeté en
prison par les autorités communistes. Il avait été arrêté une première fois par
les nationalistes du Guomindang qui l'avaient condamné à six ans
d'emprisonnement. L'année de ma naissance, en 1957, les communistes l'ont
relégué dans le nord-est de la Chine puis, plus tard, dans la région du
Xinjiang, dans le nord-ouest du pays. Au total, mon père a passé vingt ans de
sa vie en exil intérieur. C'est ainsi que j'ai grandi, avec ces camps de
rééducation pour environnement immédiat. J'ai passé cinq ans dans une sorte de
trou creusé dans la terre. Mon père était forcé de nettoyer les toilettes
publiques. C'était là les pires conditions qu'un être humain pouvait
expérimenter. Vous n'étiez pas mieux loti qu'un animal. C'était là le fondement
de mon éducation : vivre dans cet enfer quotidien. Je réalisais à quel
point une société peut devenir brutale, irrationnelle et inhumaine. J'ai ainsi
eu le désir de quitter la Chine pour découvrir une autre réalité, et j'ai opté
pour les États-Unis.
Une fois arrivé là-bas, je me suis mis à étudier les arts. Mais, très vite,
j'ai découvert combien il était difficile, voire impossible, pour un jeune
étudiant chinois qui parlait mal l'anglais de survivre. C'était très dur. Bien
sûr, il m'était possible de gagner quelques poignées de dollars et de payer mon
loyer. Mais, vous voyez, j'ai alors compris que le capitalisme ne vaut pas
beaucoup mieux que le communisme dans le registre de l'humanisme. Certes, il
vous est loisible de critiquer qui vous voulez devant quiconque veut bien vous
écouter. Le fait est que le capitalisme s'accompagne d'une forme de brutalité
qui peut être comparée, dans une certaine mesure, à celle du communisme.
Au bout de douze années, moi qui pensais ne jamais revenir en Chine, j'ai
pris la décision d'y retourner. Mon père était gravement malade, c'était
peut-être la dernière occasion de le voir. J'y ai finalement passé vingt-deux
ans; C'était la période où la Chine était vraiment en train de rattraper
son retard. Tout changeait très vite. Mais je n'ai plus jamais aimé cette
Chine-là, c'était devenu le diable. Le régime en place en était venu à
tout contrôler, les cerveaux des gens, leurs pensées. Du plus haut jusqu'au
plus bas de la hiérarchie, tout, absolument tout, est surveillé, chaque ruelle,
chaque croisement… La technologie et la pandémie de Covid-19 ont fini de
lui donner les moyens de s'emparer de la totalité de la vie de la population.
Ai Weiwei : « Le contrôle de l'État chinois est
devenu encore plus efficace »
Ne pensez-vous pas que l'Occident, en particulier les États-Unis, a
fait preuve de naïveté à l'égard de la Chine ?
Il ne s'agit pas de naïveté, mais de la nature même du capitalisme, celle
d'un monstre qui est attiré par l'odeur du sang. Le capitalisme n'est pas très
sophistiqué. Je suis désolé, mais c'est une réalité objective. Les
Occidentaux confondent souvent générosité et naïveté. Cela n'a rien à voir, car
l'intention reste celle de la recherche du gain, de faire de l'argent.
Pensez-vous que l'Europe a désormais quitté la marche de
l'Histoire ? Quel peut être son rôle aujourd'hui ?
L'Europe est, elle aussi, pragmatique. Si le soleil tape dur, s'il fait
chaud, vous n'avez plus besoin de porter votre veste. Vous pouvez l'enlever. Peut-être
même n'avez-vous plus besoin de porter une chemise s'il vous vient l'idée de
plonger dans la mer. Ainsi, l'Europe n'a-t-elle plus besoin de ces vieux
costumes qui ne servent plus à rien. La réalité est que le monde est toujours
divisé. Bien sûr, il reste des situations où les intérêts en Europe sont
convergents. Il en va ainsi de la France, du Royaume-Uni ou de l'Allemagne.
Mais, quand vient le moment de faire le bilan et de compter les billets, les
divisions sont de retour et la concurrence reste la norme. Je ne sais pas
combien de temps cette situation va perdurer et même peut-être empirer encore.
Car il faut bien voir que les intérêts nationaux ne cessent de prendre de
l'importance. Mais aussi longtemps que les intérêts resteront convergents en Europe,
elle restera unie.
Mais ne pensez-vous pas que la guerre en Ukraine a commencé à
changer ces mentalités ? Surtout en Europe ?
En effet, cette guerre a ramené les Européens à la réalité. Les liens entre
les Européens s'étaient quelque peu délités et aujourd'hui le conflit en
Ukraine a conduit l'Europe à revenir dans le jeu avec les États-Unis. Et voilà
que ces derniers en profitent pour retrouver un certain ascendant.
L'Otan aussi. Mais rien n'est encore joué, l'Union européenne peut bénéficier
de davantage d'unité ou de son exact contraire. On pouvait avoir l'impression
que l'une des conséquences de la guerre en Ukraine serait peut-être
l'apparition d'un monde multipolaire dans lequel les pays de petite ou moyenne
envergure pourraient de nouveau se faire entendre. Or c'est peut-être l'inverse
qui se produit : le monde reste divisé en deux camps, d'un côté ce que
l'on nomme les démocraties et de l'autre les régimes autoritaires. Peut-être
ces régimes sont-ils devenus plus sophistiqués qu'ils ne l'étaient il y a
cinquante ou soixante-dix ans. À cette époque, l'idéologie reposait sur
des bases très simples, voire simplistes : d'un côté l'Occident
capitaliste et de l'autre le monde communiste. Aujourd'hui, les dirigeants
le disent sans s'embarrasser de formules de politesse : ce qui compte,
c'est la recherche du profit dans un monde qui reste interdépendant. Bien avant
que l'on s'attache à parler d'idéologie, l'urgence est celle des contrats à
signer, des opportunités à saisir. L'idéologie reste néanmoins dangereuse car
elle dresse les populations les unes contre les autres, étant par essence un
facteur de divisions. La situation actuelle est celle d'une lutte à mort de
nature capitalistique. Or celle-ci est aussi dangereuse, car l'on voit
apparaître des riches et des ultrariches. Dans cette guerre à outrance, les
pauvres risquent fort de bientôt devenir complètement inutiles. C'est déjà le
cas dans les pays capitalistes. Les nantis n'ont plus besoin des pauvres. Quant
au marché pour les consommateurs, il se déplace peu à peu vers la Chine ou
d'autres pays émergents. Ce déséquilibre est bien là et il engendre la
concurrence avec des pays qui veulent rattraper leur retard.
Vous êtes un artiste et un intellectuel. Ne pensez-vous pas que le
matérialisme est insuffisant pour les êtres humains ? N'ont-ils pas besoin
de davantage de spiritualité, d'une identité culturelle forte ? N'est-ce
pas aussi le cas en Chine ?
Vous touchez là un sujet très intéressant. Oui, la
spiritualité est indispensable. Ces questionnements sur le sens de la vie,
pourquoi est-on sur cette terre ? La vie n'est qu'un passage. Il est plus
que jamais crucial pour les êtres humains de s'interroger sur ces questions.
Parmi elles, évidemment, figure la peur de mourir. La vie et la mort, vaste
débat ! La question centrale est celle de la nourriture pour les âmes. En
Occident, pendant longtemps, l'idée dominante avait été celle de la
satisfaction immédiate de ses désirs et de ses besoins. Jouir de l'instant
présent. Le confort, la sécurité : voilà bien une erreur de la pensée
dominante. Comment, dans ces conditions, peut-on parler de l'intérêt de
l'éducation, de la place de l'individu dans une communauté ? De tout cela
découlent des problèmes nouveaux.
S'agissant de la démocratie et des valeurs universelles, êtes-vous
d'avis que, un jour, elles finiront par s'imposer ?
Il existe bien des variantes en démocratie. Je ne sais toujours pas quel est
le modèle qui fonctionne le mieux. Dans ce monde d'aujourd'hui, la
démocratie repose essentiellement sur l'éducation donnée aux gens, leur degré
de conscience, leur droit de choisir le régime politique qu'ils veulent.
Reformulons la question. Les valeurs universelles ont été édictées
en 1948 aux Nations unies. Il y en a cinq : des élections
libres, le multipartisme, une presse libre, une justice indépendante et la
liberté d'expression. Ces valeurs universelles seront-elles un jour adoptées
par toute l'humanité ? Qu'en pensez-vous ?
Un nombre croissant de pays vont probablement les adopter. En ce qui
concerne la Chine, la conception des droits humains est totalement différente
de celle de l'Occident. Par essence, elle est biaisée et même fausse. Mais la
conception de l'Occident est, dans une certaine mesure, tout aussi
hypocrite. On parle de la liberté d'expression, mais que représente-t-elle, en
vérité ? Tout le monde peut s'exprimer. Prenons la Fondation Bill-Gates.
Récemment, elle a décidé de verser une forte somme d'argent. Cette donation va
au Spiegel en Allemagne, au Guardian ou à la BBC au
Royaume-Uni, ou encore à CNN aux États-Unis. Chacun de ces médias a reçu
16 000 ou 17 000 euros dans le cadre d'une opération de
relations publiques de cette fondation qui, au total, a ainsi dépensé quelques
centaines de millions d'euros.
Une évidence s'impose : les médias occidentaux sont tous sous la
coupe de financiers dont l'objectif prioritaire reste le profit. Selon une
enquête menée par l'université Columbia de New York, la Fondation Bill-Gates a
dépensé plus de 300 millions d'euros ces deux dernières années dans le but
unique de réaliser une opération de relations publiques servant les intérêts de
Bill Gates. Le lobbying est devenu une véritable culture. Tous les gouvernements
dégagent un budget pour des opérations de lobbying. La plus grande menace qui
pèse sur les valeurs universelles aujourd'hui est celle de la recherche de
profits par les grandes entreprises. Bien entendu, la Chine ignore ces valeurs.
Mais il appartient à l'Occident de les protéger.
Xi Jinping, un Staline
made in China
S'agissant du président Xi Jinping, songe-t-il à son intérêt propre,
celui de rester dans l'Histoire de son pays, ou au bien-être de son
peuple ?
Xi Jinping, tout comme Deng Xiaoping ou d'autres dirigeants chinois, fait
partie de la nation chinoise. Même si, bien sûr, il pense à lui et à son
avenir, Xi Jinping pense à son peuple. Je ne crois pas qu'il soit uniquement
intéressé par lui-même et ses ambitions. Mais ce n'est pas la même chose
s'agissant des dirigeants occidentaux. Le problème pour eux est qu'ils sont
entourés de bureaucrates et que leur mandat est limité. Ils ont peu de temps
pour agir, ils n'ont pas le temps de satisfaire leurs ambitions, qu'elles
soient d'ordre politique ou d'une autre nature. Ce n'est pas le cas de Xi
Jinping, de Deng Xiaoping et même de Mao Zedong. Je pense que Xi Jinping veut
faire son job. En Chine, nous avons aussi ce dicton : « Buzai
qiwei, bumu cherong » (不在其位 补木车荣), ce qui signifie : « Si
vous n'êtes pas dans la même situation, vous ne pouvez pas savoir. » Puisque
vous n'êtes pas à leur place, il vous reste la possibilité de les observer en
train de jouer aux échecs ou au go.
Êtes-vous un communiste ? Un libéral ? Qu'est-ce qui vous
fait avancer ?
Je dirais que je suis simplement un être humain sur cette terre. Je ne suis
ni communiste ni capitaliste. Mais il reste que je suis partie prenante à
ce combat entre êtres humains. Souvenons-nous de Karl Marx ou de Lénine qui
parlaient de lutte des classes. Comment les humains s'en sortent-ils face à
tous ces bouleversements que nous vivons aujourd'hui ? Le capitalisme fait
partie du darwinisme : la volonté de gagner par la sélection naturelle.
Nous parlons de l'environnement, de la nature, de la meilleure façon de vivre
ensemble, mais les êtres humains ont besoin d'une sorte de révolution car, sans
elle, on s'approche d'un suicide collectif. Bien sûr, la situation actuelle a
ses avantages. La concurrence, par exemple. La compétition nous amène à nous
dépasser. Mais l'aspect le plus terrible de la nature humaine est cette course
effrénée au profit et à l'argent. Comment trouver des solutions à cet état de
fait ? La philosophie nous aidera sans doute à trouver le bon équilibre.
Quel rôle doit être celui des arts pour prendre part à l'élaboration
d'un monde nouveau ?
L'art est l'une des facettes de l'humanité. Il ne lui est pas possible de
changer le monde à lui tout seul. Le plus important pour nous est de nous
connaître nous-mêmes. Nous devons nous regarder dans un miroir pour nous
comprendre et, ensuite, aller ensemble de l'avant. Sans se regarder dans un
miroir, nous pouvons vivre, certes, mais quelle tristesse !
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défauts
et bien faits de ce monde qui change que se soit le communisme ou le
capitalisme ou la liberté pas totale mais dirigée par des bien pensants
hypocrites donneurs de leçons plus intelligents qui s'ingénient à vider les
cerveaux de certains plus faibles dans les peuples du monde qui effectivement
change par les progrès quelquefois artificiels qui vont plus vite qu'eux !
En fait
ce monde change de plus en plus vite çà c'est un fait quand on se base à titres
d'exemples sur nos guerres multiples et notamment les plus grandes mondiales
mais pas seulement car il ne faut pas oublier le mysticisme religieux qui
pollue ses changements et empire ce qui souligne la faiblesse humaine depuis +
de 2000 ans qui peut être sera la perte de l'humanité ?!
Le
communisme a partiellement diminué comme le colonialisme pour augmenter le
capitalisme et son argent roi virtuel dévastateur autant que nos pandémies et
leurs virus de cet infiniment petit invisible éminemment dangereux que l'ont
subi de plus en plus mais que l’on n’arrive pas à maitriser totalement car issu
d'apprenti sorcier bien plus responsables humains !
Le plus
grave défaut des humains si différents malgré que certains les disent égaux une
escroquerie intellectuelle c'est qu'ils sont incapables de s'unir sur cette
terre leur seul endroit pour vivre et survivre correctement en simplement se
respectant et en partageant ce monde fait pour eux qu'ils détruisent sans
vergogne ainsi que les autres hommes femmes et enfants dont tous n'ont que 100
ans à vivre et se disent après moi le déluge !
En
versant des larmes de compassions si communes à nos dirigeants que nous avons
élus et souvent mal choisis qui nous rapprochent de cette fin de ce monde qui
se dégrade grâce à nos fautes humaines !
Jdeclef 31/07/2022
11h01
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