La phase d'incubation dure de six à treize jours.
Elle est suivie par une phase prodromique, qui dure environ deux jours, pendant
laquelle se manifestent les signes avant-coureurs de la maladie : fatigue,
fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, augmentation du volume des
ganglions lymphatiques…
Durant cette période, le virus est présent dans le sang. Il est possible
qu'il puisse se transmettre par voie aérienne (via de grosses gouttelettes ou par
aérosol). Toutefois, les preuves scientifiques manquent encore pour étayer
solidement cette hypothèse. On considère donc que l'on est généralement peu –
voire pas – contagieux durant cette phase, qui n'est pas constante chez tous
les malades.
On devient, en revanche, contagieux une fois que les lésions apparaissent,
car elles contiennent des virus. Initialement, les symptômes ressemblent à ceux
de la varicelle à quelques différences près : les lésions ne sont pas tout
à fait les mêmes et, surtout, leur localisation est différente. Contrairement à
la varicelle, elles peuvent ici se développer sur la paume des mains ou la
plante des pieds.
L'éruption caractéristique débute
souvent sur le visage ou au niveau génital (en fonction du mode de
transmission). Les lésions sont associées à des douleurs intenses, qui peuvent
se manifester avant l'éruption de la lésion, et s'accompagnent souvent de
ganglions.
En quoi cette épidémie diffère-t-elle de celles qui sont
habituellement observées dans les régions où le virus est endémique, en Afrique
centrale et en Afrique de l'Ouest ?
C'est la première fois qu'un si grand nombre de contaminations interhumaines
est documenté. En Afrique, la transmission entre individus n'est habituellement
pas très importante : quand le passage se fait de l'animal à l'humain, on constate
quelques cas secondaires, mais l'épidémie s'éteint généralement d'elle-même.
Cette différence s'explique par
l'émergence d'un autre mode de contamination dans les pays occidentaux :
la transmission par contacts intimes, au cours des rapports sexuels. Pour
l'instant, ces contaminations concernent les personnes à partenaires multiples,
en très grande majorité des hommes ayant des rapports sexuels avec des
hommes [au 6 juillet, seuls quatre femmes et deux enfants avaient
été contaminés, NDLR].
Autre différence : dans les pays occidentaux, aucun décès n'est à
déplorer pour l'instant [au 31 juillet, l'Espagne avait recensé deux
décès et le Brésil un, NDLR] et il n'y a eu que peu d'hospitalisations.
Une des raisons est que les patients touchés, des hommes jeunes principalement,
ne sont pas à risque de forme grave. En outre, les surinfections bactériennes,
courantes en Afrique et souvent responsables de l'aggravation de l'état des
malades, sont prises en charge sans difficulté en France.
Rappelons que la vaccination contre la variole (qui protégeait aussi contre
la variole du singe) a été stoppée après l'éradication de la maladie, voici
plus de 40 ans. Cet arrêt n'est peut-être pas étranger à la réémergence
du Monkeypox dans les pays du Sud, puis chez nous.
Les malades que nous recevons souffrent
beaucoup, au point de devoir parfois recourir à la morphine.
Ce mode de transmission inédit se traduit-il par d'autres formes
cliniques de la maladie ?
Oui. Les patients que nous recevons présentent des atteintes qui diffèrent
assez fortement de celles décrites dans les zones d'endémie.
En plus des lésions dermatologiques classiques, on constate des angines importantes,
des inflammations de la muqueuse rectale très douloureuses, des pharyngites,
des atteintes oculaires (inflammation de la cornée), des inflammations de
l'urètre… Par certains aspects, ces présentations cliniques rappellent les
infections sexuellement transmissibles. Mais le port du préservatif ne suffit
pas à se protéger de la maladie puisque le contact peau contre peau suffit à
transmettre le virus.
Le virus Monkeypox peut s’attraper en touchant les lésions (boutons, pustules)
d’une personne infectée ou des objets qui ont été contaminés (linge, couverts,
etc.). © TUMEGGY/SCIENCE PHOTO LIBRARY / MTT / Science Photo Library via
AFP
Même si la variole du singe est une maladie relativement
bénigne, pour laquelle nous possédons des traitements et des vaccins, mieux
vaut éviter de l'attraper… En effet, les malades que nous recevons souffrent
beaucoup, au point de devoir parfois recourir à la morphine. Par ailleurs, les
lésions peuvent laisser des cicatrices dysesthésiques, souvent situées sur le
visage, ce qui peut s'avérer moralement difficile à supporter.
Enfin, la maladie touche à l'intime : elle peut mettre en lumière des
comportements sexuels qui ne sont pas forcément toujours assumés.
Variole du singe : ce que disent les virologues
Le nombre de lésions peut varier d'une personne à l'autre. Sait-on
pourquoi ? Peut-on en limiter la quantité ou infléchir leur
évolution ?
Nous disposons actuellement de peu de données scientifiques concernant les
raisons de la variabilité du nombre de lésions (qui est un indicateur de
l'importance de l'atteinte : au-delà de 100 lésions, on est face
à une forme dermatologique grave). Il dépend très probablement de la génétique
de l'hôte. La quantité de virus au moment de la contamination joue peut-être
aussi un rôle, tout comme le mode de contamination.
On ne peut rien faire pour limiter le nombre de lésions, mais on peut
limiter le risque de surinfection bactérienne. Il faut, pour cela, éviter de
trop se gratter, même si les lésions démangent. Les désinfecter et les
recouvrir d'un pansement peut aider, sans compter que cela peut aussi limiter
la transmission.
Certains traitements sont potentiellement capables de raccourcir la durée de
l'évolution de la maladie. Il s'agit d'antiviraux : le tecovirimat, le
brincidofovir et le cidofovir (par ordre de préférence, selon les
recommandations du Haut Conseil de la santé publique). Mais ces médicaments
sont difficiles d'accès. Ils sont indiqués dans les formes graves ou pour les
personnes à risque de formes graves et peuvent, au moins en théorie,
accélérer la cicatrisation.
Même si les malades sont peu contagieux, ils
le restent longtemps, ce qui explique l’isolement de vingt et un jours
préconisé en cas d’infection.
La variole du singe pourrait-elle circuler plus largement dans les
mois à venir ?
Prévoir l'évolution de l'épidémie est à ce stade très difficile car les
modèles mathématiques sont encore en cours d'élaboration.
La tâche est d'autant plus compliquée que le mode de transmission actuel est
inédit et que les chaînes de transmission qui se mettent en place sont
difficiles à établir. Il est compliqué, pour ne pas dire impossible, de
retracer les contacts des personnes qui ont de multiples partenaires sexuels
dans un contexte d'événement festif.
En outre, même si les malades sont peu contagieux, ils le restent longtemps,
ce qui explique l'isolement de vingt et un jours préconisé en cas
d'infection (soit dit en passant, l'adhésion à un isolement de trois semaines
étant difficile à obtenir, les recommandations ont évolué vers un
allègement afin d'augmenter l'adhésion aux contraintes concernant les
situations les plus à risque).
Plus le temps passe, plus le risque que les contaminations s'étendent
au-delà de la communauté initialement concernée augmente. Une crainte est que
le virus finisse par atteindre des personnes à risque de développer des formes
sévères. C'est le cas des personnes immunodéprimées, des enfants et des femmes
enceintes : le Monkeypox est capable de passer le placenta, ce
qui peut entraîner des fausses couches ; par ailleurs, les nouveau-nés
peuvent aussi être contaminés au moment de l'accouchement.
Un autre risque potentiel est la mise en place de ce que l'on appelle une
rétro-zoonose : le virus s'implante dans un réservoir animal vivant sous nos
latitudes (comme les rongeurs, essentiellement), ce qui aboutirait à ce que la
maladie devienne endémique dans nos contrées.
Dans ce contexte, la Haute Autorité de santé a recommandé le
8 juillet de proposer la vaccination aux « personnes les plus à
risque d'exposition », à savoir « les hommes ayant des relations
sexuelles avec des hommes et les personnes trans qui sont multipartenaires, les
personnes en situation de prostitution, les professionnels exerçant dans les
lieux de consommation sexuelle ». Que pensez-vous de cette approche ?
Nous avons la chance, d'une part, d'avoir un vaccin de troisième
génération bien toléré, sur lequel nous avons du recul avec d'autres
micro-organismes, et, d'autre part, de faire face à une maladie qui, pour le
moment, ne concerne qu'une population assez facile à cibler.
Déployer la vaccination à destination des personnes qui ont de multiples
partenaires sexuels est donc probablement un bon moyen d'éviter que l'épidémie
se propage. La balance bénéfice-risque, que ce soit à l'échelle individuelle ou
collective, est clairement favorable. C'est probablement la meilleure solution.
La question est désormais de savoir si la vaccination va pouvoir être
rapidement déployée. C'est important, car la saison estivale, propice aux
rencontres, aux manifestations culturelles de masse, pourrait accroître les
transmissions groupées et aboutir à une propagation plus large de la
maladie.
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