Certains
jeunes sont extrêmement tolérants à l'égard de la violence »
CAR LE RESPECT D’AUTRUI EST UNE NOTION
TOTALEMENT OUBLIEE PAR UNE EDUCATION INEXITANTE QUE SE SOIT A l’ECOLE DE LA
REPUBLIQUE OU CHEZ LEURS PARENTS DEPASSES TROP OCCUPES A SURVIVRE DANS UNE
PARTIE DE LA POPULATION DEFAVORISEE LAMBDA PARTOUT EN FRANCE URBAINE ET PROVINCIALE ?!
ENTRETIEN avec encore un donneur de leçon. ce sociologue
spécialiste de la jeunesse, Olivier Galland, il s'est installé un rejet de
l'autorité et des institutions qui conduit à une délinquance sans limites.
Dix-huit années se sont écoulées entre
les émeutes de 2005 et celles d'autjourd'hui... et à n'en pas douter,
les émeutiers de 2023 marchent dans les pas de leur prédecesseurs.
Rien d'étonnant à cela, explique le sociologue spécialiste de la jeunesse,
Olivier Galland, qui estime que le substrat des violences n'a pas changé.
Détestation profonde de l'ordre, tolérance élevée à la violence, profond sentiment
de discrimination. Interview.
Le Point : Vous montrez dans vos travaux une détestation
très ancrée de la police dans les quartiers populaires. Comment s'explique
cette détestation ?
Olivier Galland : Cela tient au fait que, dans ces zones-là, tout le monde le sait, il y a une forte activité, que l'on appelle par un doux euphémisme « économie parallèle », qui est en réalité une activité de délinquance. Cela génère des tensions avec la police chargée de contrôler et réprimer ces activités. Cela suscite aussi des tensions avec les jeunes qui ne pratiquent pas eux-mêmes d'activités délinquantes, car ils sont forcément plus contrôlés. Cette discrimination statistique engendre des tensions.
Face à ce climat pathogène, il y a deux
attitudes possibles pour les jeunes : soit l'« exit », soit la
« loyalty » . L'« exit » c'est quitter cet écosystème
et essayer d'aller faire sa vie ailleurs, parce que c'est très difficile de
réussir dans ce contexte social et économique. La « loyalty »,
c'est-à-dire loyauté, consiste à se rallier à une sorte de tolérance à l'égard
de la déviance. Et cette acculturation à la déviance finit par constituer une
culture déviante, y compris chez ceux qui ne la pratiquent pas eux-mêmes.
Absolument. On l'a constaté dans l'enquête qu'on a menée avec l'Institut
Montaigne sur les 18-24 ans. On a trouvé un groupe, qu'on a appelé « les
intégrés-transgressifs », qui se compose de jeunes qui sont assez bien
intégrés dans leur environnement local, mais qui sont extrêmement tolérants à
l'égard de la violence et de la déviance. Et lorsqu'il y a des incidents
dramatiques, comme ce qui s'est passé à Nanterre, la détestation se mue en
furie.
Stéphane Braconnier : « Le droit est devenu un
objet de contestation »
Il y a un sentiment d’ostracisation collective chez ces jeunes des cités qui est lié à la concentration ethnique, et je suis étonné que l'on n'en parle aussi peu, parce que c'est essentiel pour comprendre la situation
Le nœud de la violence, c'est donc la délinquance ?
Ces activités délinquantes pourrissent la vie de ces cités parce qu'elles
empêchent aussi le développement économique et l'implantation de commerces ou
de services et finissent par faire fuir ceux qui veulent mener une vie normale.
Un autre élément, qui m'a beaucoup frappé, réside dans le sentiment
d'ostracisation collective de ces jeunes des cités. Ce sentiment est lié à la
concentration ethnique, et je suis étonné que l'on n'en parle aussi peu, parce
que c'est essentiel pour comprendre la situation.
C'est-à-dire ?
Les gilets jaunes ont peut-être aussi
contribué à l’idée que la violence paie... et par là-même banalisé la violence
Pourquoi ?
Il existe des enquêtes poussées sur les valeurs des Français et des
Européens dans lesquelles on pose par exemple des questions sur les personnes
qu'on ne voudrait pas avoir pour voisins. Parmi les types de personnes qui sont
cités, il y a « les étrangers », « les
musulmans », etc… Il n'y a qu'une petite minorité de Français qui disent
qu'ils ne pourraient pas avoir pour voisins des étrangers ou des musulmans… Alors
que dans des sociétés qui n'ont jamais été coloniales comme les sociétés des
pays de l'Est, c'est une grande majorité.
Émeutes après la mort de Nahel : ceux qui espèrent le
chaos
La perception collective est construite sur l'idée que l'on est dans
une société structurellement raciste, mais l'expérience individuelle est
beaucoup moins probante ?
Évidemment, le sentiment de discrimination individuelle est plus fort chez
les jeunes d'origine étrangère, mais seule une minorité de jeunes d'origine
étrangère se disent discriminés. On peut se sentir comme appartenant à un
groupe discriminé, même si on ne se sent pas soi-même discriminé… Beaucoup
d'études montrent qu'il y a clairement une discrimination à l'embauche, mais
dans la suite de la carrière, il n'y a plus de discrimination, que ce soit en
termes de salaire ou de promotion. Ceci me laisse penser qu'il ne s'agit pas à
proprement parler d'une discrimination raciste, mais plutôt d'une
discrimination statistique…
N'assiste-t-on pas à une banalisation de la violence en
général ?
Il y a une banalisation de la violence, même si sur le très long terme on
constate une baisse de la violence à travers les siècles. Toujours lors de
cette enquête pour l'Institut Montaigne, nous avions posé des questions sur les
actes de violences politiques. Il en ressortait une tolérance assez élevée des
jeunes à l'égard des formes de violences politiques comme entrer de force dans
un ministère, interpeller violemment des élus ou même dégrader des biens
publics. Les gilets jaunes ont peut-être aussi contribué à l'idée que la
violence paie... et par là-même banalisé la violence.
« C'est la maire ! On va s'la faire »… Les
élus, cibles privilégiées des jeunes émeutiers
Il faudrait une révolution culturelle de
l'école… qui n'arrivera pas
Il y a aussi des facteurs plus structurels qui expliquent cette
flambée de violences ?
Oui, la faillite de l'école dans ces quartiers en fait partie. La plupart
des jeunes qui suivent leur scolarité dans ces quartiers sont assez
insatisfaits de l'école et très insatisfaits de leur orientation qu'ils vivent
souvent comme subie et débouchant sur des échecs, comme une sortie précoce de
l'école et des difficultés d'emploi.
Le système de l'Éducation nationale est une grosse machine bureaucratique
centralisée, qui n'a pas du tout réussi à s'adapter à l'évolution des publics
et à la démocratisation de l'accès aux études secondaires, phénomène qui a
fortement diversifié le public culturellement et socialement. Le modèle qui
fonctionnait bien pour les jeunes bourgeois ou les classes moyennes, marche
beaucoup moins bien avec ces jeunes-là. De surcroît, les profs sont très mal
formés sur le plan pédagogique, voire pas formés du tout et on envoie dans ces
cités les jeunes profs sans expérience. Tout ça fonctionne très mal.
Hélène Geoffroy : « Les jeunes sont convaincus
d'une forme d'impunité »
On constate aujourd'hui un effritement de tout ce qui peut
représenter l'autorité de l'État incarné, que ce soit l'élu, le policier, le
prof… Comment analysez-vous cette défiance à l'égard de l'autorité ?
La situation est un peu paradoxale car on ne peut pas dire que dans la
population générale, il y ait un rejet de l'autorité, il y a plutôt au
contraire une demande d'autorité. Ceci dit, on peut parler d'une défiance
généralisée. La France est une société de défiance, et toutes les institutions
sont concernées : les institutions politiques, les médias et évidemment la
police. Il n'existe plus de courroie de transmission politique chez les jeunes,
de manière d'accéder à leurs frustrations, à leurs demandes, à leur
rancœur… car 68 % d'entre eux considèrent que les hommes politiques
sont corrompus.
Dans les années 50 ou 60, le parti communiste était présent dans
ces banlieues et socialisait une partie de la jeunesse populaire pour exprimer
des revendications… ça n'existe plus du tout. Depuis qu'il n'y a plus de relais
institutionnels à l'expression des aspirations, des craintes ou des
colères des jeunes, elles s'expriment de manière brute et de manière souvent
violente.
Cette politique de la ville avait pour
objectif de créer de la mixité sociale et le résultat est exactement inverse.
On a créé des ghettos
Comment est-ce qu'on reprend la main ?
C'est compliqué. Sur le long terme, je pense qu'il faudrait une révolution
culturelle de l'école… qui n'arrivera pas. Il faut laisser beaucoup plus de
souplesse et d'initiative aux établissements scolaires pour s'adapter aux
situations locales et aux publics locaux. Je serais partisan d'une grande
autonomie des établissements scolaires, avec une importante évaluation de leurs
résultats. C'est hélas très utopique, car les syndicats d'enseignants n'accepteront
jamais une telle chose. Ils crieront à la rupture d'égalité… ce qui est
totalement hypocrite, car la rupture d'égalité est déjà là, le modèle uniforme
bureaucratique génère de l'inégalité.
Émeutes : « Deux claques et au lit ! »
préconise le préfet de l'Hérault
On a investi des milliards dans la politique de la ville. Qu'avons-nous
raté ?
C'est un échec complet… Cette politique de la ville avait pour objectif de
créer de la mixité sociale et le résultat est exactement inverse. On a créé des
ghettos. Cela est en partie lié à la politique du logement social, qui
sédentarise des gens pauvres dans des lieux où ils sont tous concentrés. Ceux
qui ont des moyens ou des ambitions, s'en vont.
Il faut créer de la mobilité, y compris
pour les jeunes, les aider à bouger. Il faut sortir ceux qui le peuvent, d'un
environnement pathogène. C'est très important, car la mobilité géographique,
c'est aussi la clé de la mobilité sociale. Reste la question de la délinquance.
Sans être spécialiste du sujet, je sais que tant que certaines zones resteront
des zones de trafics et de non-droit, rien ne pourra être résolu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire