Denys de
Béchillon – CGT : le blocage n'est pas un droit
CHRONIQUE.
Pendant près de deux mois, les transports ont été perturbés en France. Une
situation de blocage que la Constitution ne tolère pas.
J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer ici que le droit
constitutionnel français impose de tout faire pour accorder au moins mal le
droit de grève et la continuité du service public. Notre civilisation
juridique passe par le compromis, l'accommodement proportionné des intérêts
contradictoires. Il faut inlassablement redire que tel est sans doute le bien
le plus précieux de notre patrimoine juridique.
Il n'en demeure pas moins que, si la grève est un droit, le
blocage, lui, n'en est pas un. Il est pourtant devenu la forme privilégiée de
la protestation de masse, non seulement lorsqu'il est plus ou moins sauvage,
dans le genre Gilets jaunes, mais aussi quand il est piloté par des syndicats
installés. L'appel de certains à paralyser les raffineries pour assécher les
stations-service alors que les transports collectifs sont à l'arrêt quasi
complet donne un bon exemple de cette dérive. Peu importe que cet appel soit
largement entendu ou non. Comme disait ma grand-mère : il n'y a que
l'intention qui compte. Or celle de rendre la circulation impossible n'a rien
d'anodin. Elle signifie que la conciliation des intérêts n'a plus aucune
place ; qu'un seul d'entre eux a pris le pas sur tous les autres ;
qu'autrui est ignoré.
1906-2020 : la longue lutte (finale) de la CGT
C'est de cet état d'esprit des acteurs plus radicaux de la
contestation que je voudrais dire un mot, indépendamment de tout calcul de
probabilité sur le point de savoir si l'embolie générale de la France est en
soi plausible ou même réalisable et sans apporter les nuances qu'il faudrait
certainement y mettre pour distinguer la condition des grandes villes de celles
des campagnes, etc. Ce qui mérite, me semble-t-il, un instant d'attention,
c'est la banalisation — au moins dans le discours — du projet de paralyser le
pays en faisant collapser son système de transports et l'indifférence totale
que cela suppose à l'égard du commun des mortels.
Coupures de courant : la CGT est-elle hors la loi ?
Le blocage condamne à l'enfermement
En matière de contestation sociale, l'équation est presque toujours
posée sur la base des deux termes constitutionnels que j'évoquais plus
haut : le droit de grève et la continuité du service public. Mais, si le
blocage général des moyens de circulation se profile à l'horizon, on gagne à en
ajouter deux autres : le droit de n'être pas préjudicié — l'article 4
de la Déclaration des droits de l'homme porte que « la liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » — et le droit à la
« protection de la santé » — le 11e alinéa du préambule
de 1946 le garantit en ces termes.
On oublie souvent de dire que, lorsque la privation des moyens de
déplacement dépasse, par son ampleur, le seuil de l'inconfort, elle devient
insupportable si ce n'est dangereuse. C'est notamment le cas pour les personnes
— nombreuses — dont la mobilité pédestre est objectivement réduite à des degrés
divers, pour une raison d'âge ou de santé, et dont nos « bloqueurs »
se tamponnent le coquillard avec une application souveraine. Nous devrions
pourtant nous en émouvoir. Le fait est que, pour beaucoup de ces gens-là, le
blocage condamne à l'enfermement, à la disparition de toute liberté de
mouvement et, pour finir, à l'angoisse de ne pas pouvoir faire, accueillir,
recevoir. Bref, il les prive de ce qui importe. Qu'on le veuille ou non, le
fait est que la qualité de vie des personnes fragiles repose largement sur un
état de performance raisonnable du système des transports.
Il est toujours obscène — en plus que juridiquement injustifiable
— de nier autrui, ses droits et ses besoins, pour défendre un intérêt propre ou
catégoriel.
Vu que lesdites personnes n'ont donné aucune permission à qui que
ce soit de se faire pourrir la vie à ce degré suprême, elles sont rendues
victimes au sens le plus strict du terme. Et comme elles n'ont guère de moyen
juridique pour faire cesser ce préjudice ou en demander l'indemnisation puisque
la « responsabilité » des bloqueurs est diluée dans le nombre et
l'anonymat, elles sont passées par pertes et profit. Exactement ce qui ne doit
pas exister dans un État dit « de droit ».
Rappelons donc quelques évidences. Primo,
le fonctionnement minimal de nos sociétés est indexé sur la
fluidité des déplacements en son sein. Nous vivons à flux tendu et n'avons
guère la possibilité de faire autrement. Secundo et par voie de conséquence, les
services rendus par les entreprises dont dépend directement l'offre de
transport — collectif, certes, mais aussi individuel (c'est-à-dire automobile)
— présentent une importance décisive pour le respect de droits tout à fait
primordiaux. Tertio,
on avait bien raison en Mai 68 : « le bourgeois, c'est celui qui se
préfère ». Traduisez : il est toujours obscène — en plus que
juridiquement injustifiable — de nier autrui, ses droits et ses besoins, pour
défendre un intérêt propre ou catégoriel. Quarto, la thèse de la procuration
générale donnée aux bloqueurs par ceux qui n'ont pas l'opportunité ou les
moyens de bloquer eux-mêmes n'est rien moins qu'indécente, surtout lorsqu'elle
se présente comme le moyen de défendre l'intérêt général. Encore une fois, il
est légitime de vouloir préserver son bifteck. C'est un « vrai »
droit, qui s'exprime valablement dans la grève et dans la manifestation. Mais
sa grandeur vient (aussi) de ce que chacun de ses titulaires, individuellement
considéré, dispose d'une latitude entière pour en user, ou pas. Personne — syndicats y compris —
n'a de titre à prétendre agir au nom et pour le compte de ceux qui n'ont donné
aucun mandat. Dit autrement, c'est se moquer du monde que de s'improviser
représentant et s'autoriser par là à tyranniser son prochain.
Toutes les formes de contestation ne sont pas également
admissibles. Quant au blocage général de la circulation ailleurs qu'en
dictature — c'est-à-dire chez nous, jusqu'à démonstration du contraire — il ne
l'est jamais. Il est effarant qu'on puisse envisager (et faire rêver sur) sa
perspective, comme si de rien n'était.
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Et surtout cela fait des décennies
que ça dure, moi qui suis âgé je peux le confirmer depuis que je suis adolescent
quand j'allais au lycée à PARIS venant de ma banlieue d'IDF je subissais déjà
ces blocages en 1960 !
Alors quand en FRANCE pays libre
bien sûr ne peut encadrer ce fait par des services minimums en cas de grève autorisée
bien sûr par trop de liberté qui empêche d'autres français de simplement aller
travailler, c'est une forme d'anarchie, l'état failli à son devoir d'ordre de
liberté et égalité qui lui incombe, car ce sont des services publics que les
usagers paient !
Jdeclef 20/01/2020 10h17
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