Bernard
Rougier : « L'islamisme est un projet hégémonique »
Le
chercheur montre comment les fondamentalistes, avec la complicité de maires
clientélistes ou de militants décoloniaux, ont imposé leur vision de l'islam.
Le Point :
Votre livre est, écrivez-vous, « l'histoire d'une prise de contrôle ». Laquelle
?
Bernard Rougier : Ce livre
raconte d'abord la prise de pouvoir des islamistes sur l'islam. La France n'échappe
pas à un phénomène qui a déjà eu lieu au Moyen-Orient et au Maghreb. Dans les
années 1980 et 1990, le monde musulman a connu une révolution silencieuse avec
le triomphe d'une version salafiste de l'islam au détriment d'autres
interprétations pluralistes et non figées du message religieux. Puis celle-ci
s'est exportée au nord de la Méditerranée. En France, on a ainsi d'un côté une
demande légitime, celle de la construction de mosquées et de la reconnaissance
de l'islam en tant que religion, et de l'autre la prise en charge de cette
demande par des islamistes à travers des réseaux qui ont transformé les «
ghettos urbains » des grandes agglomérations françaises en enclaves militantes.
Quelles sont les raisons de cette « révolution silencieuse »
salafiste dans le monde musulman ?
L'émergence des Etats modernes et la bureaucratisation du
personnel religieux ont marqué la fin de l'indépendance d'un « islam classique
». Le personnel religieux, autrefois autonome, s'est trouvé fonctionnarisé et
dépendant du pouvoir politique. Avant, les interprétations données par les juges
religieux étaient ancrées dans la tradition locale et n'avaient pas de valeur
universelle. La charia n'était pas conçue comme un droit positif, mais comme « un chemin
vers le bien ». Mais cet islam personnel et affectif a disparu au
profit d'un islam abstrait, normatif et mondialisé. Autre raison : le prestige
et la manne pétrolière de l'islam wahhabite, qui lui a octroyé une influence
considérable. Enfin, il faut ajouter un facteur oublié : l'influence de
l'histoire algérienne récente. Durant la sortie de la guerre civile algérienne,
à la fin des années 1990, ce sont des religieux saoudiens qui ont joué le rôle
de médiateurs entre l'armée et les groupes armés. Ils leur ont demandé de
rendre les armes en échange de positions dans l'espace social et religieux
algérien. Le pouvoir algérien a ainsi été l'un des relais de cet islam
salafo-wahhabite. Cette transaction a totalement échappé à la recherche
française…
Quel rapport avec la France ?
A cette époque, on voit par exemple apparaître des oulémas
saoudiens à Argenteuil. De manière discrète, le salafisme s'installe et dicte
sa norme dans les mosquées françaises et plus largement dans les banlieues à
partir de la fin des années 1990. Un exemple : l'eulogie musulmane, cette
phrase de louange («
Que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui ») prononcée
après le nom de Mahomet, s'est généralisée alors que personne ne disait cela il
y a vingt ans ! Cela a engendré des ruptures dans les familles : les parents
pouvaient être pratiquants sans avoir une version normative de la religion. Le
salafisme introduit la norme avec les catégories du pur et de l'impur, du légal
et de l'illégal… Tout à coup, la religion est assimilée à un code. Lorsqu'un jeune
musulman s'interroge sur ce qu'est l'islam - la question resurgit à chaque
attentat -, la littérature disponible dans les librairies islamiques est
clairement salafisée. On tombe sur une littérature de la sanction et du
châtiment divin. Le problème, c'est que cette forme d'islamisme s'est imposée
comme l'islam de référence dans le monde musulman et en Europe…
Les universitaires ont-ils été aveugles face à ce tournant
idéologique ?
Les chercheurs n'ont pas voulu s'y intéresser pour ne pas
alimenter la propagande de l'extrême droite. C'était un mauvais calcul, car, au
final, on aura eu les attentats et l'extrême droite. Et tous deux sont
alimentés par le même phénomène ! A gauche, on a aussi pu croire que les formes
religieuses allaient disparaître. Mais rien de tout cela n'a eu lieu, bien au
contraire. Il y a un autre facteur majeur : l'intérêt commun que partagent les
pouvoirs politiques autoritaires des pays musulmans et les islamistes. Aucun
d'eux ne veut que les populations d'origine musulmane s'intègrent en Europe.
C'est déjà l'enjeu de l'affaire Salman Rushdie en 1989. Relisez « Les versets
sataniques ». Les deux héros sont de culture musulmane mais sont athées.
Contrairement à ce qu'on croit, ce n'est pas l'allusion aux versets sataniques
qui a posé problème, mais la démonstration de cette possibilité pour des gens
de culture musulmane de quitter leur religion. Résultat : les milieux
islamistes anglais de Bradford brûlent son livre et Khomeiny proclame une fatwa
depuis l'Iran. Cette idée qu'il puisse exister en Europe une classe moyenne
arabe, émancipée, porteuse de liberté et pouvant exercer une influence sur les
pays du Sud est alors perçue comme une menace pour les islamistes comme pour
les gouvernements autoritaires. Il faut se souvenir de Hassan II qui, dans un
entretien avec Anne Sinclair en 1989, lors de la première affaire du voile à
Creil, explique qu'un Marocain ne pourrait jamais devenir français ! C'est un
fait : l'islamisation des sociétés occidentales a été encouragée par des
gouvernements autoritaires de pays musulmans. Aujourd'hui, on voit bien comment
Erdogan s'appuie sur les émigrés turcs en Europe pour renforcer son influence.
Le pouvoir turc utilise le discours sur l'islamophobie pour ébranler les
démocraties libérales européennes - et tout particulièrement la France.
Vous développez la notion d'« écosystèmes islamistes » dans les
banlieues françaises.
Il faut prendre en compte l'influence de l'Histoire et de la
géographie. Des « territoires d'islam » ont été constitués, mettant en résonance
mosquées, écoles confessionnelles, marchés, salles de sport, commerces halal,
librairies islamiques… Et l'Histoire, avec notamment l'islamisme algérien, a eu
une influence considérable. Beaucoup d'anciens du GIA arrivent en France dans
les années 1990, se présentant comme des membres du FIS, que l'on imagine à
l'époque être des démocrates privés de leur victoire électorale ! A partir du
moment où l'on a des individus porteurs d'une mémoire de guerre remontant au
djihad en Afghanistan dans les années 1980 (comme le cheikh Olivier Corel, à
Toulouse), celle-ci est transmise à d'autres individus. Il y a ainsi
transmission d'expériences héroïques en divers lieux : à la mosquée, dans les
écoles coraniques, dans les prisons aussi… La lutte du djihad armé est racontée
à d'autres et il y a un effet de fascination, de contagion, plus tard de
mimétisme.
Selon vous, quatre forces dominent ces écosystèmes islamistes :
les Frères musulmans, le Tabligh, les salafistes et les djihadistes.
Né en Inde en 1927, le Tabligh est un mouvement qui prône
l'imitation du Prophète de manière superficielle. Cette prédication est arrivée
en France dans les années 1970 via l'association Foi et pratique, avec l'idée
que les travailleurs immigrés allaient perdre leur identité au contact de la
société occidentale et qu'il fallait les réintégrer dans l'islam, notamment en
leur apprenant à imiter le Prophète et à respecter la norme islamique. La
dimension missionnaire de ce mouvement est très importante. Les tablighi
pratiquent la prédication de rue en allant expliquer aux autres qu'ils sont de
mauvais musulmans et qu'ils devraient revenir à la mosquée. Ce mouvement est
très mal documenté du point de vue de la recherche universitaire. Ce que l'on
constate, c'est que, dès que le Tabligh est présent, le terrain est préparé
pour le salafisme. De nombreux salafistes sont d'anciens tablighi. Et beaucoup
de djihadistes sont d'anciens salafistes…
Les tablighi ne s'occupent pas de politique, à l'inverse des
Frères musulmans…
Les Frères musulmans, en effet, s'intéressent à la conquête de
l'espace politique institutionnel. Ils constituent des listes aux élections
municipales, des groupes de pression pour instrumentaliser la justice, des
associations de gauche… Leur objectif, c'est la défense d'intérêts
communautaires, avec comme horizon la transformation du groupe de pression en
parti le moment venu. Les Frères musulmans se réclament de la doctrine du «
juste milieu », un juste milieu qui se trouve entre deux abominations
équivalentes à leurs yeux : la laïcité d'un côté et le djihadisme de l'autre.
On présente parfois les salafistes comme des « amish de l'islam »,
des quiétistes qui restent dans leur coin sans nuire à quiconque…
Les salafistes sont piétistes, mais ne sont certainement pas
quiétistes ! Ils développent une violence symbolique incroyable contre la
société française. S'il ne préconise par le passage à la violence au niveau
politique, l'islam salafiste assume une rupture avec les valeurs des sociétés
européennes en raison d'une observance stricte et littéraliste des écritures
sacrées. Regardez comment les femmes sont traitées. En 2019, l'imam de
Champigny a par exemple enseigné que « le devoir de la femme est de se soumettre au désir de son mari
», ce qui revient à encourager le viol conjugal. Il a ensuite
expliqué les violences conjugales chez les « mécréants » par le fait que les femmes se
refusent aux hommes, alors que les femmes musulmanes, elles, accepteraient de
se plier au désir de leur mari… Par ailleurs, les salafistes ont imprégné les mosquées,
les universités, la littérature islamique, alors que les amish n'ont, eux,
influencé personne. Le salafisme, bien que concurrent des autres composantes de
l'islam, les irrigue. Pour paraphraser Jean-Paul Sartre, le salafisme dispose
d'une capacité de «
néantisation » de la société française auprès de ses fidèles, en
décrivant celle-ci comme une entreprise de destruction de l'islam, en revenant
sur la guerre d'Algérie, lors de laquelle les Français auraient voulu dévoiler
les femmes - ce qui est faux… Et on ne peut néantiser la société française que
si on a un idéal alternatif à faire valoir. Cet idéal, c'est la « société
musulmane » du Prophète et de ses compagnons, qui ravive un
imaginaire de réussite, de violence et de conquête. Et certains, travaillés par
cet imaginaire, poussés à l'imiter par le corps, l'habit, passent à l'action
violente.
Ce qui nous amène à la quatrième composante, les djihadistes. Vous
développez l'idée d'un « continuum idéologique » entre salafisme et djihadisme…
Les milieux de socialisation islamiste que nous avons décrits ont
indirectement favorisé les départs vers le califat en entretenant cet
imaginaire. Tous les éléments de l'écosystème islamiste ne sont bien sûr pas
djihadistes, mais tous les djihadistes sont passés par cet écosystème qui a
nourri leur vision du monde. Un ancien dirigeant de l'association Sanabil, qui
aide les prisonniers musulmans, m'a raconté son parcours. Il est d'abord allé
chez les tablighi. « C'était bien, mais intellectuellement pas très fort »,
me dit-il. Il rejoint donc les Frères musulmans et devient un grand fan de
Tariq Ramadan. Mais il y a trop de femmes. Il va chez les salafistes, où il est
comblé par la séparation hommes-femmes… Problème : les princes saoudiens qui
font la promotion du salafisme sont aux ordres des Américains. Il bascule dans
cette quatrième catégorie où il peut profiter d'un salafisme dur, de choses
roboratives sur le plan intellectuel avec en prime la détestation des
Etats-Unis. Cet homme est ainsi passé par toutes les tendances qui sur le
territoire français sont concurrentes mais pas ennemies. Ces différentes composantes
de l'islamisme ne sont pas nécessairement d'accord entre elles, car elles sont
en compétition pour prendre l'ascendant sur l'islam, mais elles savent faire
bloc contre la société française ou ses institutions.
En quoi Aubervilliers, municipalité communiste de la première
couronne parisienne, est-elle emblématique d'un relais entre communisme et «
écosystème islamiste » ?
Durant son long mandat (1983-2003), le communiste Jack Ralite a
été l'un des premiers à faire du multiculturalisme et du clientélisme
ethnoreligieux. Ralite puis son gendre Pascal Baudet ont ouvert les portes aux
mouvements religieux, avec notamment l'Ama, l'Association des musulmans d'Aubervilliers.
Alors qu'une figure clé de l'islam local, l'imam Hassan Bounamcha, est tout
sauf une figure progressiste. Derrière sa faconde tunisienne et ses blagues,
c'est un conservateur salafo-frériste absolu, passant son temps à décrire
l'école publique comme étant obsédée par la théorie du genre et la laïcité
comme étant une machine de guerre contre l'islam, alors que les juifs, eux, en
seraient exemptés. Pour pouvoir être réélu, Pascal Baudet s'est appuyé sur ces
réseaux islamistes. Le romancier Didier Daeninckx, qui vit à Aubervilliers,
explique que, dans cette municipalité de plus de 80 000 habitants où seulement
la moitié des électeurs sont inscrits et où il y a 60 % d'abstention, il suffit
de quelques centaines de voix pour remporter une élection municipale. Le
clientélisme communautaire est donc essentiel. Sauf que les acteurs
communautaires vont ensuite demander des récompenses en termes d'emplois, de
locaux religieux, etc. Une grande mosquée doit ainsi être construite à
Aubervilliers. C'est aussi là qu'est née l'association Alliance citoyenne, qui
se propose de défendre la « justice sociale » et a acquis une notoriété
publique en mettant en scène, l'année dernière, la baignade de femmes en
burkini dans une piscine municipale à Grenoble. L'islamisme a une capacité
exponentielle à formuler toujours plus de demandes. Tous les lieux qui choquent
sa conception du monde - piscine, école, gymnase… - sont des lieux stratégiques
pour lesquels il faudra exiger des modifications. L'idée étant de construire
par une série de revendications un « collectif musulman » en France. Il faut
empêcher l'émergence de la figure du musulman libéral et émancipé. Comme à
Aubervilliers, la crise économique, la désindustrialisation, la fuite des
classes moyennes, l'absence de solidarités locales non religieuses, la
concentration des populations dans le même espace facilitent ce travail de
contrôle des comportements. Et la gauche, dont la mission historique était
d'intégrer ces populations au modèle républicain, a choisi la stratégie
multiculturaliste pour gagner des voix. Elle le paiera philosophiquement et
politiquement en facilitant l'agenda religieux conservateur des islamistes.
D'autres, à droite, font le même calcul au nom d'une vision conservative des
valeurs. Les élus considèrent que le coût politique de leur clientélisme est
minime - deux heures de piscine réservées aux femmes musulmanes, la
construction d'une mosquée… - sans voir les effets sur le long terme sur le
lien social. Chaque fois qu'il y a manipulation du religieux par le politique,
la force religieuse finit par revenir dans la figure du politique. Aujourd'hui,
Meriem Derkaoui, qui a succédé à Pascal Beaudet à la mairie d'Aubervilliers, a
un positionnement nettement plus républicain, refusant par exemple de laisser l'Ama
installer des bâtiments préfabriqués sur le chantier de la grande mosquée.
Va-t-elle résister aux pressions ?
Quels sont les rapports entre mouvements décoloniaux et islamisme
?
Les thèses décoloniales irriguent largement le milieu
universitaire mais restent assez éloignées de « la base ». Au fond, ce sont
surtout des intellectuels de Paris-VIII, qui ont peu d'ancrage dans les
quartiers. Cela dit, on a vu récemment les décoloniaux s'investir à
Mantes-la-Jolie à l'occasion de la manifestation des mères des lycéens arrêtés
par la police l'année dernière. Le 8 décembre, ces mères, largement voilées,
ont brandi une banderole sur laquelle il y avait un hadith en arabe : « Le paradis
se trouve sous les pieds des mamans. » Cela signifie qu'il y a
dans les revendications de cette manifestation un signal qui dit « approuvé par
les salafistes »… Mouvements décoloniaux et islamistes n'ont pas le même
agenda, mais les premiers offrent aux seconds un argumentaire pour discréditer
l'Etat. Et, de leur côté, les décoloniaux s'intéressent aux salafistes car ils
ont la conviction qu'ils sont la voix des quartiers. Il y a une convergence
d'intérêts plus que de luttes…
On a d'ailleurs vu une fracture chez les décoloniaux. D'un côté,
la première génération, le Parti des indigènes de la République (PIR) d'Houria
Bouteldja, voit l'homosexualité comme une déviance occidentale, alors que les
nouveaux militants antiracistes comme le Comité Adama défendent les LGBT…
Oui, mais la lutte contre l'islamophobie permet de remettre tout le
monde ensemble, comme on a pu le constater lors de la marche contre
l'islamophobie du 10 novembre. Je me suis rendu à cette manifestation. J'y ai
vu les étoiles jaunes dont on a beaucoup parlé, mais aussi un militant
antiraciste, Taha Bouhafs, qui répétait sans arrêt « nous remercions les Justes qui
nous accompagnent dans cette manifestation »… Les « Justes » !
Cette référence à la Shoah est obscène, mais encouragée par le CCIF, qui se
rêve en CRIF musulman. La lutte contre « l'islamophobie » consiste essentiellement
à intimider et à interdire la production de connaissances sur l'islamisme.
Après une stratégie d'entrisme de la part d'islamistes dans les
partis de gauche, on voit aujourd'hui l'essor de listes communautaires. Faut-il
les craindre ?
D'abord, cette stratégie d'entrisme se poursuit. Aux prochaines
élections, dans La France insoumise, il y aura des candidats issus de ce tissu
islamiste. Ensuite, interdire des listes communautaires, comme l'a proposé
Bruno Retailleau, me semble difficile à mettre en œuvre. Les exemples dans le
monde arabe montrent que c'est voué à l'échec. L'AKP turc a été dissous en 1998
au motif qu'il était contraire à la laïcité, ce qui n'a pas empêché Erdogan
d'accéder au pouvoir. En revanche, je pense que quelqu'un comme Samy Debah, fondateur
du CCIF et candidat à Garges-lès-Gonesse, a mis en avant sa liste d'abord pour
menacer les organisations de gauche de leur faire perdre des voix. La gauche a
d'ailleurs très bien compris le message, nombre de ses représentants étant
présents à la marche contre l'islamophobie. Une partie de la gauche a dit aux
islamistes : «
D'accord, on vous prend sur nos listes, on fait les accommodements nécessaires
avec vous. »
Vous fustigez régulièrement les spécialistes de la «
radicalisation » qui, plutôt que d'analyser l'idéologie, évoquent des dérives
individuelles et nihilistes…
On a totalement exagéré l'importance des convertis au sein des
djihadistes pour des raisons de politiquement correct ! Il suffit de voir le
navet « Le ciel attendra », écrit en collaboration avec Dounia Bouzar. Notre
enquête chez les femmes djihadistes dans la prison de Fleury-Mérogis montre que
les convertis ne représentent qu'environ 10 % de l'échantillon. Et ces
personnes ont été converties parce qu'elles fréquentaient l'écosystème
islamiste. La radicalisation ne se fait pas toute seule. Un Français un temps
proche du djihadisme me l'a confié : il s'est converti dans sa commune de la
banlieue parisienne parce que c'était la seule façon d'être intégré. On a
essayé de nous faire croire qu'on pouvait se convertir de manière virtuelle sur
Internet, qu'il y avait des loups solitaires, alors que l'ancrage est avant
tout local. Les contenus Internet islamistes sont d'abord discutés en groupe.
L'islamisme est une pensée socialisée qui ne peut exister de façon solitaire.
Comme toute idéologie, elle a besoin de la discussion, de la conviction, de
l'approbation du groupe. Ça se passe dans les marchés ou dans les salles de
sport. Dans une société avec du chômage et de l'individualisme, l'islamisme est
une source de lien social. Les vidéos islamistes sur Internet jouent le même
rôle que pouvaient jouer des écrits de Gramsci ou de Marx dans les années 1960
: elles sont discutées collectivement. Les pseudospécialistes de la
radicalisation ne peuvent pas comprendre cela, d'autant plus que la plupart
d'entre eux ne parlent même pas l'arabe. Ces « experts » ont ainsi trouvé un
moyen habile de faire oublier leur ignorance en expliquant que l'idéologie,
toujours formulée en arabe, ne compte pas. Cela évite de consacrer dix années
de son existence à la langue arabe. Et, ensuite, cela permet d'afficher une
idéologie de gauche, voire d'extrême gauche majoritaire dans le milieu
universitaire, en assurant, comme le fait le sociologue Farhad Khosrokhavar,
que la laïcité est trop exigeante…
N'est-ce pas le cas ?
La naissance des Lumières, au XVIIIe siècle, est
concomitante avec l'apparition du wahhabisme ! Ce sont deux dynamiques
contemporaines et qui ont toujours été en conflit : le modèle d'émancipation
contre le modèle de soumission. Et ce conflit n'a pas lieu qu'en France, il a
eu lieu dans le monde musulman, entre d'un côté les intellectuels qui estiment
que la norme religieuse est valable dans le seul domaine de la spiritualité et
de l'autre les islamistes qui veulent régenter tous les secteurs de
l'existence, ce qui implique donc un pouvoir totalitaire. L'islamisme est un
projet hégémonique dont il faut comprendre la dynamique si on souhaite la
contrer. Au sud de la Méditerranée, des intellectuels et partis politiques ont
essayé mais ont échoué. Le combat se poursuit maintenant au nord. Et ce combat
ne doit surtout pas être perdu par les intellectuels, qui doivent au contraire
le porter !
Y a-t-il une prise de conscience au niveau de l'Etat ? Le ministre
de l'Intérieur, Christophe Castaner, vous a consulté…
Le risque, c'est que chaque initiative prise par le gouvernement,
comme celle sur les signaux faibles de radicalisation, soit dénoncée comme une
forme d'islamophobie. Mais ce qu'il y a de positif dans le discours actuel,
c'est que nous sommes passés du déni à la reconnaissance. Vouloir dresser le
diagnostic est déjà courageux de la part des pouvoirs publics. Ce qui en
revanche me fait peur, c'est qu'il y ait très peu de moyens. Cette enquête a
par exemple été faite grâce à mes étudiants issus des quartiers, sans lesquels
je n'aurais pas pu avoir accès à tant d'informations. C'est leur travail. Je
l'ai encadré et facilité. C'est une démarche scientifique et humaine qui doit
être reproduite à plus grande échelle.
Mais comment faire pour lutter contre l'islamisme ?
Première chose : il y a des propos qui contreviennent à la loi. Ce
livre montre des prédications très choquantes sur les femmes, les juifs, les
musulmans laïcs. Sans interdire les mosquées, il faut mettre les présidents des
associations religieuses ou les prédicateurs devant leurs responsabilités : « Continuez,
et on ferme. » Ensuite, il faut faciliter d'autres formes de liens
sociaux dans ces quartiers. Les milieux salafistes ou apparentés ont pris en charge
les mécanismes de sociabilité qui ont longtemps été structurés par le Parti
communiste. Il faut développer des activités humaines, comme les groupes de
sport non religieux, des clubs de ciné, des professeurs charismatiques… Cela ne
peut se faire qu'à une échelle locale et cela doit impliquer une connaissance à
long terme du tissu social. Pour cela, on a des préfets qui sont nommés pour
quatre ans, alors qu'on a besoin d'une connaissance profonde et de temps. On ne
peut se contenter de fermer des mosquées, il faut un travail d'identification
des personnalités dangereuses pour la mixité et l'égalité républicaine… L'Etat
a dépensé des sommes considérables dans le bâti, mais il est aussi nécessaire
d'investir dans l'humain. Enfin, il faut encourager des discours alternatifs
pour ringardiser ce discours religieux. Mettre en avant des jeunes qui ont
réussi, certains qui ne renient absolument pas leur appartenance musulmane,
mais d'autres aussi non croyants, en expliquant qu'on a le droit d'être athée
même si on est issus d'une culture musulmane. Les musulmans libéraux doivent
non seulement publier dans des maisons d'édition prestigieuses en s'adressant à
un public déjà convaincu, mais aller concurrencer les acteurs salafistes ou
fréristes sur le terrain, par des conférences, des cours, de la présence… Tant
qu'on n'a pas trouvé des forces libérales qui iront dans les quartiers, on aura
toujours une actualité rythmée par des attentats. Parce qu'inévitablement ces
écosystèmes islamistes vont alimenter des passages à la violence…
Les quatre variantes de
l’islamisme
•Le Tabligh
Créé en Inde en 1927, ce mouvement piétiste avait pour mission de
prêcher l’islam aux masses pauvres et incultes. En France, il est représenté
par l’association Foi et pratique. Prosélytes, les tablighi organisent des
tournées (la jawla) pour inviter les gens à la mosquée
• Le salafisme
Se référant aux « pieux ancêtres », les salafistes
entendent revenir aux premiers temps d’un islam qui n’aurait pas été altéré par
les interventions humaines ultérieures. Le salafisme se confond en partie avec
le wahhabisme, doctrine littéraliste fondée au XVIIIe siècle.
• Les Frères musulmans
Nés en 1928 en Egypte, ils avaient pour but de réislamiser la
société, de lutter contre l’occupation britannique et de combattre le sionisme
en Palestine. Aujourd’hui, en Europe, leur lobbying communautaire vise à
obtenir la reconnaissance d’une identité musulmane.
• Le djihadisme
Il s’est constitué comme idéologie dans les années 1980 en
Afghanistan. Al-Qaida et Daech sont deux courants distincts, le premier prônant
la défense du monde musulman face à des agressions extérieures, l’autre voulant
éliminer tout élément impur sur la terre de l’islam.
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Si on ne le contrôle pas
sérieusement et avec rigueur, on court à la catastrophe et à terme à la guerre
civile et la perte de nos libertés fondamentales !
Oui, elle est hégémonique
et veut supplanter toutes les autres et n'admet rien de ce qui ne va pas dans
son sens dogmatique d'un autre âge obscurantiste, malgré des dérogations
diverses accordées par un état français trop laxiste sur l'exercice de leurs
cultes !
Rien n'y fait, car elle
ne veut pas rentrer dans le rang des autres religions en France avec lesquelles
nous n'avons pas de problème depuis plus de 2000 ans d'histoire et simplement
pratiquer leur culte dans la discrétion et la concorde avec les autres qui
respectent les lois de notre république laïque strictement dans le privé de
leur lieux de culte sans déborder dans le domaine public, car nous avons trop
d'incidents quelque fois graves dont les auteurs se réclament ou ce recommande
de cette religion, ont en a encore eu l'exemple dernièrement !
Le pire peut être étant
que notre président E.MACRON chargé de
gérer notre pays semble s'en fiche (peut
être par peur d'elle) et malgré pourtant les déviances indirectes de
celle-ci que l'on subit de plus en plus en France et dans le monde !
L'église catholique
chrétienne en France (encore majoritaire) a commise ses erreurs dans le
passé notamment avec l'inquisition extrémiste au XIII eme siècle et nos
guerres de religions ensuite, cela suffit nous sommes au XXI eme siècle,il
est plus que tant que l'on fasse cesser ces conflits meurtriers à cause de mysticisme
moyenâgeux d'un autre âge !
jdeclef 04/01/2020 11h28 LP