Ils ont
nui à la liberté d'expression en 2019
« Le
Point » décerne ses bâillons d'or à ceux – et ils étaient
nombreux – qui, cette année, ont censuré en France des conférences, des
pièces, des films…
En
2019, une pétition a exigé l'annulation de l'hommage du Festival de Cannes à Alain
Delon, un «
acteur raciste, homophobe et misogyne ». Un film sur l'affaire
Dreyfus a été déprogrammé dans plusieurs salles du fait d'accusations de viol,
remontant aux années 1970, contre son réalisateur. Mais c'est dans les
universités, lieux par excellence de la confrontation des idées et de la
liberté académique, que les atteintes à la liberté d'expression ont été les
plus choquantes. En février, des nationalistes polonais ont perturbé un colloque
organisé à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur « La nouvelle
école polonaise d'histoire de la Shoah », au cours duquel ils ont tenu des
propos antisémites. En mars, à la Sorbonne, des associations antiracistes - la
Ligue de défense noire africaine, la Brigade anti-négrophobie et le Conseil
représentatif des associations noires - ont empêché la représentation de la
pièce d'Eschyle « Les suppliantes » pour cause de blackface. En octobre,
des collectifs (Riposte trans, Association des jeunes et étudiants.e.s LGBT de Bordeaux)
ont provoqué l'annulation de la conférence, à l'université Bordeaux Montaigne,
de la philosophe Sylviane Agacinski, opposée à la « PMA pour toutes » et à la
GPA, mais favorable au mariage gay. En novembre, François Hollande n'a pas pu
s'exprimer à l'université de Lille, certains étudiants allant jusqu'à déchirer
des pages de son livre « Répondre à la crise démocratique ».
Si, parfois, comme dans le cas des « Suppliantes », on s'en prend
à des œuvres dont on dénonce l'idéologie supposée raciste, sexiste, transphobe,
dans la majorité des cas, des groupuscules contestent la venue d'une
personnalité jugée idéologiquement douteuse, incompatible avec la doxa
identitaire militante, la conférence finissant par être annulée pour des
raisons de « sécurité ». « L'idée que le discours peut être porteur de violence s'est
diffusée si rapidement qu'elle a changé la culture universitaire,
nous confiait Jonathan Haidt, professeur de psychologie à la New York
University et coauteur de "The Coddling of the American Mind". Bien sûr,
depuis les années 1960, les étudiants ont eu des idées politiques fortes et se
sont opposés à des intellectuels. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que
les idées qu'ils ne partagent pas peuvent leur faire du mal. Ils se sont mis à
réclamer une sécurité par rapport à ces idées divergentes, et il est difficile
de dire non à ces réclamations. Aucun administrateur d'université ne veut
mettre ses étudiants en danger. »
Idées divergentes. En
2019, l'Allemagne s'est elle aussi inquiétée pour la liberté d'expression,
ciblée à gauche comme à droite. Les hebdomadaires de référence Der Spiegel
et Die Zeit
ont consacré des unes au sujet après que l'économiste Bernd Lucke, l'un des
fondateurs de l'AfD (parti qu'il a quitté en 2015), a été empêché par des
étudiants de donner ses premiers cours magistraux à Hambourg. L'assassinat par
un néo-nazi de Walter Lübcke, élu de la CDU en Hesse qui s'était prononcé en
faveur de l'accueil des réfugiés en 2015, a rappelé que les mots peuvent signer
un arrêt de mort. Et un sondage de l'institut Allensbach a fait du bruit en montrant
que près de deux tiers (63 %) des Allemands ont peur de dire ce qu'ils pensent
en public.
Aux Etats-Unis, pays auquel on doit les notions de trigger warning
- le fait de prévenir un auditoire qu'il pourrait être heurté par les propos
qui vont être tenus - et de safe space - espace protégé étanche à toutes idées
divergentes -, la liberté d'expression est un patrimoine en péril depuis
plusieurs années. Comme le rappelle Jonathan Haidt, « quand la libertarienne Wendy
McElroy est venue en 2015 à l'université de Brown pour critiquer le féminisme
radical, des étudiants ont ouvert un safe space où l'on
pouvait se rendre pour se calmer et où l'on pouvait trouver des cookies, faire
des bulles et de la pâte à modeler ». Les campus n'ont pas
l'exclusivité de ces reculs. Le 10 juin, le New York Times annonçait qu'il ne publierait plus de
caricatures après une polémique suscitée par un dessin jugé antisémite.
Dirigeant de l'équipe de basket-ball des Houston Rockets, Daryl Morey a failli
perdre son poste pour un simple tweet de soutien aux manifestants de Hongkong
qui a viré au scandale diplomatico-commercial. La NBA a d'abord déclaré que
Morey avait «
offensé tant de nos amis et fans de Chine, ce qui est regrettable »,
avant de se rappeler qu'elle représentait quand même la nation du premier
amendement.
Vidéo. Liberté d'expression : les bâillons d'or 2019.
Offenses subjectives. Timothy
Garton Ash, historien à Oxford, a publié un livre de référence sur la question
: « Free Speech. Ten Principles for a Connected World » (Yale University
Press). Dans un monde globalisé où tous les êtres humains, ou presque, sont
connectés, il est aisé d'exprimer ses pensées avec l'espoir de toucher des
millions de ses congénères. « Jamais, dans l'histoire humaine, il n'y a eu une telle opportunité
pour la liberté d'expression », écrit-il. Mais jamais non plus il
n'y a eu autant d'occasions de frictions idéologiques et de chocs culturels. En
1989, année de l'invention du Web, la vie du Britannique Salman Rushdie s'est
trouvée menacée par une fatwa édictée à Téhéran. Comme l'explique Timothy
Garton Ash, la censure étatique règne toujours dans des pays comme la Chine.
Mais en Occident, où l'Etat garantit au contraire l'expression libre des
opinions, les controverses se concentrent principalement sur des questions de
préjudices moraux et d'offenses subjectives. L'historien estime que nous
devrions limiter le moins possible la liberté d'expression par la loi ou par la
pression des gouvernements et des entreprises. Et surtout ne pas céder à la tyrannie
des susceptibles. «
Notre modèle doit-il être l'activiste identitaire susceptible qui ne cesse de
pleurer en disant : "Je me sens offensé" ? Ou alors devrions-nous
plutôt nous inspirer de Gandhi, qui disait : "Quoique ce que je lis ou ce
que j'entends soit grandement blessant, je me dis que c'est en dessous de ma
dignité de me vexer. Ce sont ceux qui m'insultent qui s'avilissent
eux-mêmes" ? »
Des libéraux comme Timothy Garton Ash s'opposent même à la
prohibition des propos haineux, sauf s'ils représentent une menace physique
imminente ou déshumanisent un groupe social dans son ensemble.
Eric Zemmour doit être jugé en janvier pour son discours lors de la Convention
de la droite qui fustigeait des immigrés « colonisateurs » et l'« islamisation de la rue ».
La chaîne LCI s'est retrouvée sous le feu des critiques - notamment ceux du CSA
- pour avoir diffusé en intégralité cette sortie d'inspiration maurrassienne.
Mais on peut estimer que la retransmission a, au contraire, permis de montrer
au grand public l'extrémisme du polémiste.
Dans cette ambiance délétère, et alors que de plus en plus
d'intellectuels et de scientifiques comme le psychologue cognitiviste Steven
Pinker ou le biologiste Jerry Coyne s'engagent en faveur du free speech,
nous avons décidé de décerner nos bâillons d'or à ceux qui ont été cette année
les plus grands obstacles à la liberté d'expression. Et les lauréats sont…
Solidaires étudiant.e.s, les
antidébat
François Hollande n’a pas pu s’exprimer à l’université de Lille, certains
étudiants allant jusqu’à déchirer des pages de son livre « Répondre à la
crise démocratique ».
C’est presque devenu une (mauvaise) habitude. Dès qu’une
personnalité d’envergure est annoncée dans une université française, le
syndicat Solidaires étudiant.e.s organise la riposte, essentiellement à travers
une privation de la parole. François Hollande, Jean Lassalle ou encore Sylviane
Agacinski ont essuyé les foudres de ce syndicat ultraminoritaire qui compte
environ 500 adhérents répartis dans une trentaine de facs en France. Leurs
conférences ont tout bonnement été empêchées.
Les militants de Solidaires étudiant.e.s abusent de la pratique
américaine du no platform, qui consiste à refuser à quelqu’un la possibilité de
faire connaître publiquement des idées considérées comme dangereuses ou
moralement inacceptables. « Il s’agit de créer un rapport de forces, comme
dans tous les mouvements sociaux. Nous utilisons pour cela des actions
symboliques. Empêcher la tenue d’une conférence d’un homme ou d’une femme
politique en fait partie », explique une porte-parole du syndicat. Si elle
considère que l’université doit être un lieu d’expression, l’institution doit
surtout être « un lieu de production d’un savoir critique et
émancipateur », ce qui ne serait pas compatible avec le fait de donner une
tribune à « un président qui a créé un recul énorme des droits sociaux ou
de donner une tribune à l’extrême droite, ou à des personnes condamnées pour
sexisme ou racisme », explique-t-elle.
Convaincus de l’existence d’un racisme et d’un fascisme « systémiques »
de l’Etat, les militants anticapitalistes de Solidaires étudiant.e.s sont
engagés dans un combat antiraciste radical. En 2018, ses militants s’étaient
mobilisés pour faire annuler la représentation de la pièce « Lettre aux
escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes », tirée du livre
de Charb. Les organisations signataires, dont Solidaires étudiant.e.s,
estimaient que cette représentation participait d’un « mouvement de
construction raciste d’un ennemi de l’intérieur d’une catégorie racialisée
dangereuse : le/la musulman.e »… Clément
Pétreault
Le CSA, le ministère du bien Roch-Olivier
Maistre, président du CSA.
Quand la clownerie est au pouvoir, mieux vaut s’en remettre à
cette sagesse de Coluche : « Il y a des gens qui disent : “hier,
la télé, j’ai regardé, je l’ai regardée tard, c’était pas bien.” En fait, il y
a un bouton, là. Quand c’est pas bien, ils ont qu’à tourner le bouton »…
Sinon, pour 38 millions d’euros de budget annuel, il y a le CSA, présidé
par Roch-Olivier Maistre. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été créé il y
a trente ans. Sa « supériorité » s’est surpassée pour son
anniversaire, délivrant, avec une emphase toujours plus grande, ses sentences
morales. A propos de Yann Moix, comme d’Eric Zemmour, il analyse la « perception » possible
du public. Suprême infantilisation… Le CSA parasite le débat et affaiblit la
raison, substituant l’argument d’autorité à l’argument tout court. Réceptacle
des « signalements » – autre nom de la délation moderne –,
il est l’arbitre du parler bien et du parler mal. L’exact contraire du principe
de liberté d’expression, dont les limites ne peuvent être que définies par la
loi et contrôlées par la justice.
Souvent, l’hubris du CSA l’expose au ridicule. Il y a trois ans,
un canular (que l’on peut aimer ou non) de Cyril Hanouna, qui avait fait croire
à un homicide, avait déclenché ses foudres. Le CSA, en juge de l’humour, avait privé
l’émission de C8 « Touche pas à mon poste ! » de publicité
pendant une semaine. Mais patatras, le Conseil d’Etat a invalidé cette
bouffonne décision, et condamné cette année le CSA à dédommager la
chaîne : 1,1 million d’euros. D’argent public, donc.
Tout cela est d’autant plus consternant que la raison d’être du
CSA a disparu. Dans un monde hertzien où les ondes sont un « domaine
public rare », la régulation des détenteurs de fréquences se comprenait.
Mais à l’ère de la fibre optique et de la 4 G, rien ne le justifie plus.
L’Etat peut organiser comme il l’entend la surveillance du service public, mais
de quel droit régit-il le privé ? Nos censeurs ont toutefois trouvé une
échappatoire et réclament depuis longtemps d’étendre leur emprise à Internet.
Le gouvernement l’a comblée au travers des lois sur la cyberhaine et les infox,
qui le consacrent dans la sphère numérique. Bonnes causes, mauvaises réponses,
et pente savonneuse : jusqu’où ira cette extension du domaine du
contrôle ? Le projet de loi audiovisuelle, qui prévoit la création de
l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
(Arcom), par fusion du CSA et de l’Hadopi, a dessiné les contours du futur
monstre. Il est plus urgent que jamais d’arrêter cette machine infernale et
liberticide. De « tourner le bouton », comme disait Coluche… étienne Gernelle
Gérard Cosme, l’accusateur en chef
Depuis quand retirer un film des écrans protégerait-il les femmes
des agressions sexuelles ? « A titre personnel, je n’irai pas voir le
film de Roman Polanski et j’appelle les spectateurs à faire de même, a expliqué
le 19 novembre Gérard Cosme (photo), président PS de l’établissement
public territorial Est Ensemble (qui regroupe neuf communes de Seine-Saint-Denis).
La promotion d’un film dont le réalisateur est soupçonné de violences à
caractère sexuel ne fait que raviver, pour les victimes, les souffrances
passées et doit interroger notre société sur la place que l’on accorde à un tel
artiste. » Le jour même, à l’issue d’un conseil houleux au cours duquel
des militantes féministes ont brandi des soutiens-gorge, l’ancien maire du
Pré-Saint-Gervais annonce la déprogrammation de « J’accuse » dans les
cinémas d’Est Ensemble. Mais les directeurs des six cinémas en question goûtent
peu la mesure. « Nous demandons dès à présent à nos élus la liste des
cinéastes dont nous n’aurons plus le droit de programmer les films et la
définition de leurs critères. Un comité de vérification de la moralité des
artistes programmés est-il prévu puisque la liberté individuelle des
spectateurs n’est pas suffisante ? » ironise sur Facebook Stéphane
Goudet, responsable du Méliès à Montreuil. Après les avoir consultés, Gérard
Cosme a finalement fait marche arrière, se contentant d’appeler au boycott
et d’accompagner chaque projection du film d’un débat. La municipalité PCF
d’Ivry-sur-Seine a annulé des séances après une manifestation de féministes. La
ville de Montpellier a pris elle-même la décision de retirer
« J’accuse » du programme du cinéma municipal Nestor-Burma. L’adjointe
Caroline Navarre a tenu à préciser que cela n’était pas « une censure
culturelle »… T. M.
Loi Avia, la privatisation de la
censurLaetitia Avia, députée LREM.
Quand la loi défendue par la députée LREM Laetitia Avia sera
entrée en vigueur, les caricatures de Mahomet, jadis héroïquement publiées par Charlie
Hebdo, pourront-elles encore être partagées sur Twitter ? Pourra-t-on
revoir sur YouTube la séquence où Laurent Ruquier, hilare, diffuse à l’antenne
un dessin représentant Marine Le Pen en étron fumant ? Coluche se
moquant des « juifs », des « Arabes », des
« flics » et des « pédés » sera-t-il toujours référencé sur
Google ?
Visant à « lutter contre les contenus haineux sur
Internet », le texte, dont le Sénat termine l’examen après son adoption par
l’Assemblée, cet été, prévoit de lourdes sanctions contre les opérateurs
de plateformes en ligne qui, alertés par un utilisateur, n’auront pas supprimé
sous vingt-quatre heures – le délai fait encore débat – un contenu tombant « manifestement »
sous le coup de la loi : apologie de crimes contre l’humanité, provocation
à la commission d’actes de terrorisme et apologie de ces crimes, incitation à
la haine, à la violence, à la discrimination ou injure envers une personne
à raison d’une prétendue race, de la religion, de l’ethnie, de la nationalité,
du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap…*
Tout est dans le « manifestement ». Il n’est pas
question de défendre l’idée que des messages ouvertement racistes, assurant la
promotion des poseurs de bombe ou appelant à la violence contre les
homosexuels, puissent impunément se propager sur Internet au nom de la
liberté d’expression. Pour autant, est-ce aux industriels de la Silicon Valley
d’en fixer les limites, de dire le droit et d’interpréter les lois ?
Est-ce aux Gafa de distinguer le licite de l’illicite ? Depuis cent
cinquante ans et la fameuse loi sur la presse de 1881, ces interventions
relevaient de l’office du juge. « Il est souvent complexe de distinguer
les discours de haine, qui avancent masqués et qu’il faut sanctionner, des
contenus qui, si choquants soient-ils, viennent alimenter un débat de société
qu’il ne faut pas brider (l’islamisme, la politique du gouvernement israélien,
la PMA pour toutes…) », observe l’avocat Christophe Bigot, spécialiste du
droit de la presse et de la communication. « C’est le métier du juge, gardien
des libertés individuelles, que d’opérer cette modulation, en arbitre des
conflits et des intérêts contradictoires », plaide-t-il. La frontière est souvent
ténue entre l’humour provocateur et la provocation à la haine ; le
discours antireligieux et l’injure ; le propos graveleux et l’atteinte à
la dignité des femmes ; l’outrance militante et l’exhortation à commettre
un acte de violence… Or, comme le rappelle la Cour européenne des droits de
l’homme, la liberté d’expression vaut précisément pour « les idées qui
choquent, heurtent ou inquiètent ». « Ce n’est pas dans les bluettes,
mais dans cette zone grise que la liberté d’opinion est éprouvée, que ses
contours sont délimités au terme d’un débat contradictoire susceptible de
recours », rappelle encore Christophe Bigot.
En renversant le mécanisme de la régulation, la loi Avia opère une
« privatisation » du contrôle de la liberté d’expression, mère de toutes
les autres. Les industriels de la Toile, surtout s’ils s’en remettent
à des modérateurs installés loin de nos côtes ou, pis, à des algorithmes,
seront-ils capables d’opérer ce tri subtil ? Il est permis
d’en douter. Au nom d’un principe de précaution destiné à leur
éviter de fortes amendes, le risque est grand de les voir pratiquer une
surcensure, un surblocage des contenus litigieux. Ces craintes semblent se
vérifier en Allemagne, où la loi NetzDG (dont s’inspire la loi Avia) est à
l’œuvre depuis un an.
Menaces de mort, de viol, intimidations, insultes racistes…
Journaliste à Charlie Hebdo et « athée prosélyte », Zineb
El Rhazoui sait mieux que quiconque les ravages que peut causer la
cyberhaine. « Peu de temps après les attentats de Charlie, deux hashtags partagés des milliers de fois
sur Twitter ont appelé les “loups solitaires” parisiens à me tuer pour venger
le Prophète. A défaut d’une balle ou d’une bombe, il fallait me trancher la
gorge, me broyer la tête avec des pierres ou me brûler », confiait-elle au
Point au mois de juillet. Condamnée à mort par fatwa en 2015, elle vit sous
protection policière. Elle combat pourtant la loi Avia. « Défendre
l’universalisme, la laïcité, le féminisme ou l’athéisme sur les réseaux
sociaux, les identitaires musulmans appellent cela de la haine. De victime je
deviens donc coupable », s’inquiète Zineb El Rhazoui. « Surtout,
ce texte est le meilleur allié de l’impunité. Si les contenus disparaissent en
moins de vingt-quatre heures, comment les victimes pourraient-elles procéder à
leur référencement et la police remonter à leurs auteurs ? La loi Avia
n’est rien d’autre que de l’effacement de preuves », tranche-t-elle. Elle
ajoute : « Je ne veux pas que ceux qui me menacent disparaissent sans
laisser de traces. Je veux qu’ils soient retrouvés et jugés. »
*
Curieusement, le délit de négationnisme ne figure pas dans la liste.
le bâillon d’or étranger
Recep Tayyip Erdogan
(hors-catégorie)
Un crime de lèse-majesté ! A la suite de la couverture du Point
intitulée « L’éradicateur » (n° 2461 du 24 octobre
2019), Recep Tayyip Erdogan a, en octobre, porté plainte auprès de la justice
turque pour « insulte au chef de l’Etat ». « L’honneur et la
dignité » du président auraient été bafoués par ce dossier dénonçant le « nettoyage
ethnique » des Kurdes de Syrie. Si la procédure contre un journal français
peut faire sourire, plusieurs milliers de Turcs ont été poursuivis pour « injure
au chef de l’Etat ». Le pays occupe la 157 e place
sur 180 au classement 2018 de la liberté de la presse, établi par
Reporters sans frontières.
il s’est opposé aux censeurs
Alain Tallon, l’homme qui a dit
non à la bêtise
« Cet événement aura au moins eu le mérite de faire connaître
au grand public cette très belle pièce que sont “Les suppliantes”
d’Eschyle. » C’est la leçon positive que retient Alain Tallon (photo),
doyen de la faculté de lettres de la Sorbonne, de la tentative liberticide la
plus commentée de cette année : en mars, plusieurs associations
antiracistes, accompagnées par l’Unef, ont réussi à empêcher la représentation
de cette pièce de théâtre au sein de l’université pour cause de prétendu blackface.
En réalité, si les acteurs qui jouaient des Noirs portaient des masques et du
maquillage, c’était conformément aux pratiques théâtrales de l’époque. L’université
a réagi sans détour puisqu’elle a dénoncé l’intimidation exercée par les
militants, porté plainte et reprogrammé la pièce. Pour le reste, ces péripéties
ont de quoi choquer : c’est pourquoi, depuis lors, Alain Tallon a pris son
bâton de pèlerin pour « dénoncer publiquement » ces dérives dans les
médias.
La censure serait-elle à la hausse en France ? « En
fait, explique-t-il, il faut voir dans cet épisode moins une montée de la
censure que le triomphe de la bêtise, ce qui est toujours très ennuyeux à l’université. »
En effet, « traiter Eschyle de raciste est rien de moins qu’une stupidité.
Ces personnes sont incapables de déployer le moindre argument, à part des
slogans. C’est cela qui m’inquiète. D’ailleurs, la censure est un acte
intelligent ! Je travaille sur les XVIe et XVIIe siècles,
qui ont inventé beaucoup de moyens de censure ; or celle-ci repose sur un
travail de lecture fine par lequel on essaie de comprendre ce qui est écrit
pour l’effacer ou le manipuler. Je ne défends pas ce procédé, mais je remarque
simplement qu’entre la censure et la bêtise qui s’est affichée en mars il y a
une différence ». Or la bêtise nourrit bien l’incapacité à dialoguer.
Alors que le doyen tentait de discuter avec les manifestants et leur proposait
même de se rencontrer plus tard pour débattre, « ils ont refusé, encore
une fois par bêtise, car ils savent qu’ils n’ont pas d’arguments ».
Depuis, Tallon ne craint pas de dire en face à l’Unef, quand il rencontre ses
représentants, à quel point l’attitude du syndicat l’a scandalisé. Que lui
répond l’organisation ? « Rien. Depuis longtemps, le syndicalisme
étudiant est, pour reprendre une expression à la mode,en état de mort
cérébrale. » Le chercheur est consterné par une telle fermeture d’esprit,
antithétique à la mission de l’université. « Si on veut une université
inoffensive, lâche-t-il, on s’inscrit à celle de Pyongyang ! »
Ce qui frappe également, c’est à quel point ces militants sont
minoritaires. « La grande majorité des chercheurs et des étudiants ne sont
pas d’accord avec cette dérive, qui est le fait de groupuscules », précise
Alain Tallon. Mais, comme toujours, les actions de minorités déterminées et
organisées peuvent avoir des effets disproportionnés. La leçon ? Face à la
stupidité minoritaire, il ne faut jamais baisser la garde. L. S.-B.
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Par une censure quelquefois
arbitraire faisant penser qu’un Mr modérateur frileux s’est simplement levé le
matin du mauvais pied, mais surtout que mon écrit ne rentre pas dans le moule
politique de la rédaction du point par exemple ?!
Alors que l’on empêche
certains de publier des insanités, insultes, propos orduriers, racistes ou diffamatoires
ou appelant à des actes répréhensibles etc. on peut comprendre la non publication
de ceux-ci !
Mais quand je suis
censuré (pas souvent heureusement) malgré que je sois abonné et paie
pour être publié, et met des formes dans mes commentaires, cela quelque fois m’irrite,
car cela ne sert à rien avec les réseaux sociaux (poubelles souvent) qui eux reprennent
mes écrits et même mon blog sur GOOGLE ou FACEBOOK, TWITTER ou autres etc.
Mais curieusement quand je
publie sur d’autres journaux comme par exemple le FIGARO ou RTL et autres, le
même commentaire est lui accepté, alors on peut se poser la question est-ce que
des hommes du point lisent les commentaires des lecteurs, car ils sont censurés
si rapidement après avait été envoyés par les internautes à croire que certains
mots interdits par leurs rédactions sont détectés dans ceux-ci par un logiciel
qui rejette ceux-ci, même avant qu’ils ne soient lus par un censeur ?!
Mais le plus important,
c’est qu’il faille respecter la liberté d’expression dernière liberté qui nous reste
dans notre société et inscrite dans notre constitution comme un droit fondamental
car toute forme de censure est très préjudiciable et une aliénation de nos
libertés et le commencement d’un démocrature au moins, comme dans d’autres pays connus!
Notre état avec tous les
moyens dont ils disposent n’a pas besoin de certains médias en quête de scoop
pour les aider de nous écouter ou lire, car en plus beaucoup de français lambda
se charge eux-mêmes de raconter leurs vies protestations et sentiments divers sur
les réseaux sociaux !
(Ceci étant un vieux
bonhomme, j’ai connu le ministère de l’information : En 1958, Charles de Gaulle revient
aux affaires et institue la Cinquième République, prescrivant au ministère de l’Information Supprimé en
1968 en tant que ministère puis en 1969 en tant que secrétariat d'État, ce
ministère ne sera pas reconduit sous le premier gouvernement de la présidence
de Georges Pompidou, mais rétabli en avril 1973 lors des trois gouvernements
de Pierre Messmer, puis disparaît définitivement en mai 1974, alors ne nous
plaignons pas ?!)
je signe toujours de mon nom J.DECLEF pas d'un pseudo !
Jdeclef 07/01/2012 12h09
CLP