Claude
Malhuret : « Gardons-nous de participer à l’hystérisation »
ENTRETIEN.
S’il regrette le retard à l’allumage sur la stratégie vaccinale, le sénateur
(Les Indépendants) de l’Allier ne veut pas crier avec « les loups ».
Le bon sens près de chez vous ! Ce slogan publicitaire pour
une grande banque cultivant ses racines dans la terre sied comme un gant au
sénateur Claude Malhuret. Celui qui commença sa carrière comme médecin
épidémiologiste à l'OMS, fut le président de Médecins sans frontières
de 1978 à 1986 au temps de la grande aventure des
« French Doctors » et cofonda le site Internet Doctissimo suit d'un
œil avisé – et espiègle – la crise sanitaire. L'ancien secrétaire d'État à
l'action humanitaire dans le gouvernement Chirac sous cohabitation avec le
président socialiste François Mitterrand (1986-1988), longtemps
maire de Vichy, à la tête aujourd'hui du groupe Les Indépendants au Sénat,
régale l'hémicycle du Palais du Luxembourg de discours charpentés, pesés au
trébuchet, qui éclairent l'actualité immédiate avec expertise, distance et un
humour réjouissant. C'est ainsi que le sénateur de l'Allier prédit devant ses
pairs de la Haute Assemblée dès la mi-décembre nos palinodies françaises dans
le lancement de la campagne de vaccination. Une raison suffisante pour aller
consulter ce docteur sage, espèce de plus en plus rare dans les turbulences
scientifico-politico-médiatiques contemporaines.
Le
Point : En séance au Sénat, le 17 décembre, vous avez alerté :
« Quand nous commencerons la vaccination, après que les Anglais et les
Américains l'auront expérimentée depuis un mois, ce qu'il faut craindre, ce
n'est pas que les gens refusent de se faire vacciner et que les doses restent
dans les congélateurs, mais que nous peinions à répondre à la demande. »
Vous êtes devin ?
Claude Malhuret :
J'ai surtout déjà pratiqué des campagnes de vaccination, même si c'était dans
des contextes fort différents. Je vous raconte une de ces campagnes pour
l'anecdote. À la frontière de l'Inde et du Bangladesh, au nord de
Calcutta, j'étais épidémiologiste pour l'OMS dans le cadre de l'éradication de
la variole. On appliquait un programme américain, avec une logistique digne du
6 juin 44, d'une efficacité redoutable. Quand des gens mouraient de la
variole, l'armée indienne débarquait et bouclait un périmètre
de 15 kilomètres de rayon, plus personne n'avait le droit de sortir
tant que tout le monde n'était pas vacciné : le gouvernement indien était
moins sensible que le nôtre à l'opinion des antivax… Mais il n'y en avait
pratiquement pas et l'armée était là avant tout pour la logistique. La chance,
c'est qu'on disposait d'une vaccination qui marchait à 100 %, alors que
pendant un an on s'est débrouillés contre le Covid sans vaccin. De cette
expérience, et d'autres, j'ai retenu que, face à une épidémie, dès qu'une
solution paraît porteuse d'espoir, les gens s'y précipitent. Mon analyse de
décembre reposait aussi sur le fait que je crois de moins en moins aux
sondages, surtout quand les questions sont mal formulées : ils avaient
annoncé la victoire de Clinton en 2016 et la défaite du Brexit. Les
gens ont pris l'habitude des sondages, et ils deviennent espiègles : ils
ne répondent plus à la question qu'on leur pose, ils manifestent leur
exaspération contre leurs dirigeants ou leur mauvaise humeur face à la
situation.
Vous voulez dire qu'il ne fallait pas être grand clerc pour
prédire ce qui allait se passer dès la mi-décembre ?
« On a un tel retard en culture
scientifique que les gens sont prêts à croire n'importe quoi »
Mais pourquoi ces arguments de bon
sens ne sont-ils pas plus mis en avant dans le débat public ?
Nous sommes dans une société de défiance exponentielle, avec
l'inflation des réseaux antisociaux et des émissions low cost
qui hystérisent tous les débats. Il n'y a plus de place pour l'échange
rationnel.
La stratégie vaccinale des
autorités est-elle la bonne ?
La décision de vacciner en premier les plus vulnérables dans les
Ehpad, recommandée par la Haute Autorité de santé, notamment pour des raisons
éthiques, ne me semble pas critiquable, même si avec un vaccin nécessitant des
équipements très spéciaux elle entraîne automatiquement une plus grande
lenteur. S'il y a une erreur, à mon avis, c'est dans la surestimation du nombre
des anti-vaccins et la volonté de ne pas les brusquer, qui a conduit à des
précautions inutiles, aggravées par les procédures bureaucratiques. Ceci
explique l'embouteillage des 15 premiers jours. Le coup de gueule du
président semble avoir débloqué le système. Rendez-vous à la fin du mois pour
vérifier si, comme s'y est engagé le ministre de la Santé, le retard sera
rattrapé. Ça paraît possible : pour la grippe, en huit jours en octobre,
on a bien réussi à vacciner huit millions de personnes.
Tous les États font face à cette contrainte. Mais nos voisins se
sont lancés plus vite que nous dans la vaccination, et ils ont vacciné beaucoup
plus d'individus… C'est un fait. Pourquoi ?
Vaccins : le mépris français
pour la logistique
Comment expliquez-vous les retards français ?
Dans ce pays, nous avons beaucoup de théoriciens, nous sommes
impeccables pour fixer des stratégies, mais nous avons des difficultés pour les
appliquer. Comme le disent avec humour nos amis d'outre-Manche : « Les
Anglais ont souvent des problèmes avec les idées mais jamais avec les faits.
Les Français n'ont jamais de problème avec les idées, mais souvent avec les
faits. » Pour la collecte des impôts, pas de souci :
l'administration marche. Côté militaires aussi, ça fonctionne (sauf en 40). Les
administrations territoriales, ça va plutôt bien. Mais la justice ? Elle
s'est totalement interrompue pendant trois mois durant le confinement :
les greffiers n'avaient pas les outils pour télétravailler. L'Éducation nationale ?
Voir les classements Pisa. Et la Santé fait partie des moins gâtées, donc
des moins efficaces. De plus, du haut en bas de la chaîne, l'administration de
la santé est là pour contrôler plus que pour agir et les soignants se plaignent
souvent qu'elle soit plus centrée sur elle-même qu'un trou noir.
La campagne de vaccination a mal
commencé par un excès de précautions et de bureaucratie, mais il n’y a pas de
quoi mettre les dirigeants au pilori…
Faut-il vacciner les Français « contre la connerie »,
comme l'a dit Bernard Pivot ?
Il faudrait surtout nous vacciner contre les débordements des
réseaux antisociaux. Naguère, chaque communauté avait en son sein un idiot du
village. Maintenant, les idiots du village sont sur Internet. L'épisode récent
de l'intrusion des trumpistes au Capitole a montré le caractère incroyablement
toxique de ces nouveaux médias. Ils représentent une grave menace contre la
démocratie, comme l'a souligné Obama dans un entretien récent à The Atlantic. Les
juristes, au Conseil constitutionnel et parmi mes collègues du Sénat,
rechignent à faire la police en estimant que ce serait porter atteinte à la
liberté d'expression. Mais c'est aujourd'hui que s'exercent les atteintes à la
liberté d'expression, les harcèlements, les campagnes d'injures, les menaces de
mort, et par les réseaux eux-mêmes. À partir du moment où les algorithmes
privilégient l'émotion et les propos haineux ou scandalisés, parce qu'ils
suscitent plus de clics, donc plus de fric, le business model favorise les
provocateurs débiles en coupant la parole aux gens normaux. Je suis bien placé
pour le constater : après un discours au Sénat où je critiquais les
casseurs qui s'étaient infiltrés dans les manifestations des Gilets jaunes,
j'ai reçu 1 500 menaces de mort, au point que Castaner m'a proposé une
protection policière. Rameutée par les réseaux sociaux, une foule d'agités
hurlait dans la rue, sous les fenêtres de mon bureau : « Malhuret, on
va te faire la peau. » Nos démocraties sont sur une pente glissante.
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La France des bavards, on en déjà trop (Les
conseilleurs ne sont pas les payeurs...) comme dit ce proverbe !
C’est le peuple qui subit !
Car les français en ont marre de ses annonces diverses
qui partent dans tous les sens de la part du 1er ministre et ses
ministres, politiciens divers ou médecins et scientifiques dans cette
cacophonie continuelle !
Sans compter les médias qui en remettent des couches avec
des informations qui se croisent sans réalités précises avérées !
Tout cela parce que notre état et notre président
pseudo monarque est dépassé par cette crise trop forte peut être pour lui, qu’il
n’arrive pas à gérer correctement, simplement déjà en termes de meilleure communication,
qui réduit les français lambda à attendre le contre ordre ou simplement des
informations précises sur cette vaccination et sur la lutte contre le Covid 19 !
Cela fait presque 1 an que cela dure et hormis le virus
lui-même, les français en on ras le bol des incompétences de ces gouvernements et
nos dirigeants, alors certains diront qu’ils font ce qu’ils peuvent, c’est un fait,
mais cela ne suffit pas, car, ils ont été élus, on ne les a pas forcés pour
cela, les avantages de leurs fonctions et les désavantages, ils doivent les
assumer correctement si possible, car beaucoup ont revendiqué leurs places !
Jdeclef 16/01/2021 13h40
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