Le
tribunal de Nanterre renonce à juger un homme de 98 ans
Mis en
examen pour corruption en 2007, Jean Bonnefont devait être jugé après
une enquête longue de… 19 ans. La procédure est annulée pour « délai
déraisonnable. »
C'est
une décision majeure qui a été rendue, lundi 11 janvier 2020, par le
tribunal correctionnel de Nanterre et qui souligne la lenteur, l'indigence
parfois, de notre justice. La procédure, menée de juge d'instruction en juge
d'instruction depuis 19 ans, et qui visait un scandale de corruption à la
Défense, sur le marché du chauffage, a été purement annulée par les magistrats
siégeant à l'audience.
La décision fait suite à des conclusions in limine litis déposées
par Me Olivier Baratelli, l'avocat de Jean Bonnefont, un des
prévenus de l'affaire, âgé de… 98 ans et l'un des plus vieux
prévenus de France. Elle entend respecter l'article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), qui prévoit que
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial ».
« Cette décision, historique, pointe du doigt l'incurie de la
justice », croit savoir Me Baratelli, joint par Le Point. Jusqu'à présent, l'article 6
de la CESDH était régulièrement soulevé dans le cadre d'une action en
responsabilité civile intentée contre l'État, dans le but d'obtenir réparation
suite à des délais de justice anormalement longs. Mais il n'avait, à la
connaissance de l'avocat, jamais constitué une cause de nullité en tant que
telle de la procédure.
Un marché de plusieurs centaines de millions d'euros
Le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre est donc
susceptible de faire date, à une époque où l'engorgement de l'appareil judiciaire
français est sans cesse critiqué. Jean Bonnefont, entré à l'ENA en 1950, un an
après Valéry Giscard d'Estaing, avant d'entamer une carrière au ministère de
l'Économie puis de rejoindre la direction des Charbonnages de France, avait été
convoqué une première fois en septembre 2020, mais le procès n'avait pu se
tenir, le président ayant été contaminé par le nouveau coronavirus.
Affaire de la chaufferie de La Défense : les millions de
dollars disparus
L'affaire pour laquelle l'énarque était mis en examen concerne le
renouvellement, en 2001, de la concession de production et de distribution de
chaud et de froid de la Défense. Le marché est, à l'époque, gigantesque :
sept entreprises se battent pour un gâteau de plusieurs centaines de millions
d'euros, qui verra le vainqueur approvisionner en chauffage et en climatisation
les milliers de bureaux et de logements du plus grand quartier d'affaires de
France, et des communes alentour.
Très vite, des doutes pèsent cependant quant à la sincérité du
marché public, dont l'appel d'offres a été préparé par le Syndicat mixte de
chauffage urbain de la région de la Défense (Sicudef), présidé par le
sénateur-maire de Puteaux, Charles Ceccaldi-Raynaud. Depuis 1968, ce marché est
attribué à la Climadef, une société associant Charbonnages de France, Gaz de
France et la Compagnie générale des eaux. Mais c'est une petite entreprise
nouvellement créée, Enerpart, dont Bonnefont est un des dirigeants, qui va
obtenir le gros lot.
Soupçons de « combines » et de « pots-de-vin »
Des témoignages affluent, certains évoquant une combine du maire
de Puteaux autour d'une « montagne de fric ». Les investigations de
la juge Prévost-Desprez, pour retrouver les bakchichs, se heurtent cependant à
un mur. Charles Ceccaldi-Raynaud dément tout ; renvoie la faute sur sa
fille, Joëlle, qui connaît depuis quelques déboires judiciaires pour un
compte et des lingots d'or à l'étranger non déclarés ; joue avec les
enquêteurs au point que ceux-ci ne trouveront dans son coffre-fort
perquisitionné de la mairie… qu'un préservatif et de fausses pièces en
aluminium, comme l'a révélé Mediapart.
En somme, après dix-neuf ans d'enquête, la justice disposait de
témoignages convergents mettant en cause la sincérité du marché et des
accusations de corruption et de pots-de-vin, mais peu de preuves matérielles.
Plusieurs acteurs du dossier avaient fini par mourir, dont Charles
Ceccaldi-Raynaud, le 18 juillet 2019. Deux semaines plus tard, le parquet
de Nanterre avait subitement accéléré et enfin pris un réquisitoire définitif
aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel pour corruption,
favoritisme et abus de biens sociaux. Trop tard, donc.
Cette « durée non raisonnable prive deux des principaux
prévenus [âgés de 98 ans et 82 ans, NDLR] de leur capacité à se
défendre pleinement » du fait « des troubles liés au grand âge et de
leur état de santé », a justifié Olivier Protard, le président de la 15e
chambre correctionnelle du tribunal, selon des propos rapportés par l'Agence
France-Presse.
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Il est
certain que juger un homme âgé de 98 ans est inconcevable et inadapté sur une
affaire de corruption qui a trainé 19 ans dans les dossiers de cette justice où
des juges divers se sont repassés ce dossier !
C’est
encore prouver que notre justice n’est pas neutre envers les pouvoirs en place
de tous bords est à réformer en profondeur de même que notre V eme république obsolète,
des privilèges dignes de l’ancien régime !
Sans
compter que c’est en plus une institution dotée d’une administration kafkaïenne
poussiéreuse d’un autre âge qui ne fait que souvent défendre mieux les nantis que
les français lambda en faisant les carrières ou fortunes d’avocats spécialisés,
comme par exemple le garde des sceaux ministre de la justice actuel ex avocat qui
d’ailleurs n’est pas au mieux avec la caste des hauts juges des grandes cours
de cette justice avec qui il n’est pas en odeur de sainteté !
Jdeclef
12/01/2021 10h07
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