Adonis :
« La religion est l'abîme de l'être humain »
ENTRETIEN.
Né syrien, exilé au Liban, le poète et essayiste publie un recueil en hommage à
son pays natal. Rencontre avec un homme libre.
« Il y a de l'espace autour, c'est presque la
campagne », sourit-il, quand on s'étonne que
l'un des plus grands poètes contemporains de langue arabe, chaque année
nobélisable, vive dans une tour de la Défense. L'appartement, baigné d'Orient,
est lumineux et calme. Plus haut dans cette même tour, le poète a son atelier.
Confiné, il n'a jamais aussi bien travaillé, avoue-t-il, lui, habitué à
parcourir le monde. Fragilisé par la pandémie, l'homme qui vient d'avoir
91 ans ? Nullement. « Moi, je ne suis pas vieux, je suis un enfant », déclare-t-il
dans un sourire. Son enfance syrienne revient dans un livre paru aux éditions
du Canoë : les poèmes d'Adonis y accompagnent les photos de son ami
damascène, Fadi Masri Zada, photographe amateur. Hommage à leur pays martyrisé,
ce recueil, Syrie un
seul oreiller pour le ciel et la terre, étend encore le pouvoir du
poète de transcender la douleur, à ouvrir plus grand l'espace entre rêverie et
réflexion pour celui dont l'œuvre pense poétiquement le monde. Ce retour au
pays natal, en beauté, envers et contre tout, paraît alors que rien, autour de
lui – et jusqu'en France, qu'il a choisie pour pays d'accueil –, ne donne vraiment
à espérer…
Syrie : plus de 380 000 morts en neuf ans de conflit
Vous êtes né en Syrie, vous vous êtes exilé au Liban et avez
choisi la nationalité libanaise. Ce sont deux pays dévastés : comment
résistez-vous ?
Adonis : Je suis
déchiré, sur tous les plans. J'écris, j'essaie de mettre ce déchirement en
poésie, c'est la seule chose que je puisse faire, je ne peux pas prier, je ne
peux pas pleurer, pas faire le djihad, donc je fais ce que je
peux. Autrefois, on signait des pétitions, on soulevait le monde entier,
maintenant on détruit tout un peuple, tout un pays et ça ne fait bouger
personne du moins dans le monde arabe : les Yézidis en Syrie ont été
détruits, ils ont pris les femmes pour les mettre dans des cages. Ils ont
détruit des sites extraordinaires comme Palmyre, Nemrod, Alep, cette ville
extraordinaire… On n'a rien dit. La famille Bachar a encerclé et affamé tout un
peuple. En Syrie, au Liban, en Irak, ils ne peuvent même plus acheter de
pain. Le monde arabe pour moi est en pleine décomposition, ceux qui se
révoltent ont raison. Mais ils se révoltent en répétant, sous une autre forme,
ce qui est. Ils veulent changer le pouvoir, mais pas la société. Comment faire
une vraie révolution sans séparer la religion de l'État, sans fonder une
société laïque dans le plein sens du mot ? Donc ces révolutions ont
détruit les pays. La Syrie, la Libye ont été détruites comme pays, mais pas
comme régimes, et le Liban et l'Irak aussi, même les musées ont été pillés.
Cette laïcité qui vous est si chère est mise à mal jusqu'en
France, le pays que vous avez élu en quittant le Liban en guerre,
voilà trente ans : qu'en pensez -vous ?
Historiquement et humainement, la France est liée à
une grande partie du monde musulman, elle ne peut pas se délier. Il faut
comprendre les musulmans, surtout les jeunes, les Marocains, Algériens qui sont
nés ici, car ils n'ont rien, ne parlent pas l'arabe, n'ont pas visité le pays
de leurs grands-parents. C'est tout ce qu'ils ont, d'être nés en France. Et
n'avoir que cela, c'est très compliqué. Et la police n'y fait rien,
elle complique les choses, et j'ai peur pour la France. Il faut penser une
nouvelle stratégie, rester radicalement laïque dans les institutions, sinon ce
n'est plus la France, mais le faire en respectant les autres, sans humilier la
personne, l'être humain. Beaucoup de musulmans sont extraordinaires, ils aiment
la France, ils aiment les autres. Mais il faut étudier de près la culture du
musulman.
Pour moi, il n’y a pas de Dieu, pas de grand
créateur. Le centre du monde, c’est l’homme.
Qu'entendez-vous par là ?
Son prophète est le dernier des prophètes, et les vérités qu'il a
transmises sont ultimes, il n'y en aura pas d'autres. Dieu lui-même n'a plus
rien à dire car il a dit son dernier mot à son dernier prophète. Mohammed est
tout. Il faut comprendre qu'on ne peut pas quitter l'islam, le musulman ne peut
pas être un renégat, s'il perd la religion, l'homme perd son identité, car la
religion pour le musulman, comme pour le juif, est le plus profond de l'être.
Le chrétien, lui, a perdu le christianisme avec l'Église, du moins à mes yeux,
car pour moi le christianisme c'est le Christ, qui est le premier
révolutionnaire, le plus grand poète, et pourtant je ne suis pas
chrétien. L'homme en tant qu'homme indépendant, donc, est une conception
laïque, mais la conception musulmane dit que l'homme est lié,
organiquement presque, à la tribu, à la famille, à la religion ; ainsi,
l'homme-individu n'a pas le droit d'expliquer à lui seul le Coran, par exemple,
même si ce qu'il en dit est juste. Le problème relève de la culture et non pas
de la religion, chaque musulman imagine qu'il est l'incarnation de la volonté
de Dieu. C'est une croyance et une psychologie à la fois. Celui qui vit en
France doit non seulement accepter mais vivre la laïcité. Mais le discours
de la France doit évoluer pour faire passer cet impératif. Il doit aller
vers plus de compréhension. Le séparatisme est inacceptable, mais cela vient du
fait que le musulman n'a que l'islam comme idéologie, rien d'autre. Si j'étais
un responsable politique, je n'aurais jamais accepté un imam qui vienne de
l'extérieur, d'autant qu'en principe le musulman n'a pas besoin d'un imam,
qui n'est pas comme un prêtre. Ce sont des idées, car je ne suis pas un politique !
Mais je reste convaincu qu'il faut repenser les rapports culturels avec les
musulmans.
Boualem Sansal : « Le Mahomet des origines n'est qu'un
homme »
« L'humain est fini ! » disiez-vous… Et, pourtant,
vous continuez d'œuvrer et de croire, mais croire à quoi ?
Je suis areligieux. La religion
est l'abîme de l'être humain, elle a été créée pour arriver au pouvoir et à
l'argent, Mohammed était génial pour cela, il a tout compris du commerce, de
l'argent et des femmes. Pour moi, il n'y a pas de Dieu, pas de grand créateur.
Le centre du monde, c'est l'homme, donc ma foi est en l'homme, et, non, je ne
pense pas que l'homme va disparaître. Si l'homme disparaît, cela veut-il dire
qu'il y a un dieu qui va le remplacer ? Non, je crois que Dieu est une
invention, la plus haute de l'humain, qui a créé un nom qui n'est rien
et qui est en même temps tout, c'est le plus beau dans ce mot, il est tout,
mais il n'est rien. Et le plus beau c'est la non-chose. Car le rien crée les très
belles choses. L'homme va renaître, on ne sait jamais comment est le vent, d'où
il vient, mais j'ai cette croyance, cette foi, on ne peut pas finir comme ça,
on ne peut pas.
Mais
c'est « TOUTES » les religions qui sont la faiblesse des êtres
humains !
Car ce
sont des hommes qui les véhiculent, les prêchent, les prophétisent avec leurs
dogmes divers donc certains moyenâgeux obscurantismes extrémistes !
Le
mysticisme pour les hommes est une plaie qui ne se referme pas et a tendance
même à s'ouvrir plus grandement depuis des millénaires jusqu’à récemment !
Et les
hommes n'arrivent pas à s'en débarrasser, car c'est un pouvoir indirect pour
certains depuis toujours, malgré que nous soyons au XXI eme siècle qu’on dit
civilisé et évolué, mais où les hommes s’entretuent au nom de leurs religions
depuis toujours et s’en servent pour se justifier en plus !
Car
leurs croyances diverses leur ont fait perdre depuis longtemps, le peu de bon
sens qu’ils ont, quand ils prennent le temps de réfléchir, ce qu’ils ne font plus !?
Jdeclef
10/01/2021 12h07
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