Pourquoi
l’affaire Balladur n’est pas encore dans le sac (de billets)
L’ex-candidat
à la présidentielle entend démonter la thèse des magistrats sur les
10 millions de francs en liquide ayant alimenté ses comptes de campagne de
1995.
Édouard Balladur, Premier ministre de la France de 1993 à
1995, candidat malheureux à la présidentielle de 1995, est jugé par la Cour de
justice de la République (CJR). Il est soupçonné d'avoir financé
illégalement sa campagne après y avoir injecté des millions de francs en
liquide, tirés de rétrocommissions sur des ventes d'armement.
Au milieu de
la machination politique, un homme d'affaires, bien connu de la droite de
pouvoir et des coulisses des contrats internationaux de la France depuis des
décennies : Ziad Takieddine. Selon l'ordonnance de renvoi, c'est lui qui
aurait retiré d'un compte en Suisse, les 6 et 7 avril 1995, plus
de 10 millions de francs, soit l'exacte somme qui sera
créditée 19 jours plus tard sur les comptes d'Édouard Balladur, afin
d'équilibrer le budget de sa campagne.
Voilà pour
le contexte. Infamant, honteux pour un prévenu âgé de 91 ans,
jugé 25 ans après les faits lors d'un rendez-vous public qui sera
peut-être sa dernière grand-messe avec la France.
Affaire
Karachi : Édouard Balladur renvoyé devant la Cour de justice de la
République
La
provenance des espèces
Alors, la
défense, représentée par les avocats Félix de Belloy et François Martineau, va
batailler. Non, le volet financier de l'affaire Karachi pour lequel Édouard
Balladur est renvoyé en justice n'a rien à voir avec l'attentat de 2002, au
sujet duquel la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) privilégie
« la piste islamiste ».
Non,
les 10 millions de francs en liquide qui ont alimenté le compte de
campagne du candidat à la présidentielle de 1995 n'ont rien à voir
avec des rétrocommissions sur des contrats d'armement. Non, aucune consigne
d'Édouard Balladur allant dans le sens de tels versements n'a été retrouvée en
vingt ans d'enquête. Oui, les faits sont prescrits, et ce, depuis 1998,
vont-ils plaider. Avec quelle chance de succès ?
« Construction
intellectuelle »
Le désaccord
entre les magistrats instructeurs et le parquet général sur l'origine des
10 millions de francs en liquide constitue une brèche dans laquelle les
robes noires entendent bien s'engouffrer. Si les magistrats instructeurs sont
persuadés, au vu de la concordance de dates et de montants, que ces espèces
sont bien le reliquat de rétrocommissions sur des contrats d'armement, le
parquet général avait fait connaître ses doutes, dans un réquisitoire rédigé
par Philippe Lagauche et signé en juillet 2019 par François Molins.
« Le principal
élément à décharge consiste dans le fait que les espèces sont par nature
fongibles et le lien entre les retraits d'espèces en Suisse et les dépôts sur
le compte de l'Aficeb [le compte de campagne, NDLR] repose sur une construction
intellectuelle et non sur des preuves matérielles », pouvait-on lire. À ce
sujet, le parquet général ajoutait : « Les sommes en cause pourraient
parfaitement provenir d'autres sources, et notamment des fonds secrets dont le
Premier ministre avait alors la totale disposition, de la manière la plus
simple qui soit, sans avoir à se compromettre avec une équipe aussi
sulfureuse que les membres du réseau K [le
réseau d'intermédiaires dont fait partie Ziad Takieddine, NDLR], compromission qui ne semble guère
compatible avec la personnalité de monsieur Balladur. »
Grosses ou
petites coupures ?
L'ex-Premier
ministre a toujours refusé d'admettre que les 10 millions de francs
pouvaient provenir de « fonds secrets », bien que plusieurs
témoins aient considéré cette piste comme crédible. Félix de Belloy et François
Martineau insistent, eux, sur les incohérences du dossier, affirmant que n'ont
été retirés à Genève, par Ziad Takieddine, le 6 avril 1995, que des
billets neufs de 500 francs, comme le suggère le témoignage d'un certain
Al Sabah, sur le compte de qui transitaient les fonds : « La banque
me remettait le liquide en billets de 500 francs français, sous la forme
de liasses compactes retenues par une petite bande en papier. Il s'agissait de
billets neufs. »
Le banquier
responsable de l'agence du Crédit du Nord, chargé de compter les espèces de la
campagne Balladur, fera pourtant état, dans son bordereau, de « 4 sacs,
dont 3 250 000 francs de petites coupures de
10 francs, 20 francs, 50 francs et 100 francs ».
Évelyne Raulhac, membre de la cellule trésorerie, expliquera pour sa part à la
police qu'il y « avait des coupures allant de 10 à
500 francs, mais essentiellement de grosses coupures ». Quand
Alexandre Galdin, le porteur de valises de la campagne, témoignera avoir
apporté une valise « d'un mètre cinquante sur cinquante ».
« L'argent était en piles, non liassées, dans la valise. Les billets
n'étaient pas neufs. »
Raymond
Huard, autre membre de la campagne, livrera un témoignage de la même veine,
assurant avoir « coupé des bandelettes avec un massicot pour faire des
bracelets pour pouvoir compter les billets ». Des assertions corroborées
par Évelyne Raulhac : « Nous les avons mis en tas en les regroupant
et avons fait tenir les liasses au moyen de trombones, d'élastiques
ou de papier agrafés. »
Les doutes
du parquet général
Suffisant
pour semer le doute dans l'esprit des trois magistrats professionnels et des
douze parlementaires qui composent la Cour de justice de la République ?
Le parquet général, dans son réquisitoire, se gardait bien de toute certitude,
concluant, dans une formule alambiquée : « Il n'est aucunement exclu
qu'[Édouard Balladur] ou son entourage ait saisi l'occasion de l'intervention
du réseau K pour récolter des fonds pour les besoins de son action politique.
[…] Il a pu fermer les yeux sur les initiatives de ses
collaborateurs en leur laissant le soin de gérer l'intendance dont il
s'est totalement désintéressé. »
Le parquet
général estime que les 10 millions de francs ayant alimenté les comptes de
campagne d'Édouard Balladur ne peuvent être le produit de la « vente
de gadgets ou de dons anonymes de militants ». « Cette somme est
nécessairement d'origine frauduleuse », écrivent les magistrats. C'est à
l'accusation qu'incombe la charge de la preuve, répondent les avocats d'Édouard
Balladur.
Dans le
volet non ministériel de l'affaire, l'intermédiaire Ziad Takieddine, mais aussi
les anciens collaborateurs d'Édouard Balladur, Nicolas Bazire, Thierry
Gaubert ou encore Renaud Donnedieu de Vabres, ont tous été condamnés à de
la prison ferme. Le tribunal correctionnel de Paris avait alors considéré que
c'est bien grâce aux rétrocommissions sur ventes d'armement qu'avait été
financée en partie la campagne de Balladur de 1995.
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Car ces personnages d’état rattrapés par une justice
très lente faite pour eux, quand il s’agit de politiciens ex élus protégés souvent
nantis et qui possèdent de bons avocats pour les défendre sont presque intouchables !
Et ils le savent bien, car ils sont intelligents et
profitent de notre Veme république et ses privilèges dignes de l’ancien régime !
De plus quand ils arrivent jusqu’au procès, ils sont déjà
bien âgés comme Mr Balladur qui à 91 ans et ne subiront pas de peines de
prisons s’il y avait lieu car les malversations ou fraudes en cols blancs en France
ne sont pas assez sanctionnées !?
Jdeclef 19/01/2021 14h51
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