Pouvoir d'achat : vérités et idées reçues
La politique fiscale
d'Emmanuel Macron génère des gagnants et des perdants. Voici lesquels. Mais
attention aux raisonnements à courte vue…
La grogne des « gilets jaunes » contre la montée des prix des
carburants, les députés de la majorité l'avaient bien vu venir. La preuve ? Le
député LREM Matthieu Orphelin avait mis sur la table des idées pour aider les
plus modestes à encaisser la hausse des prix du carburant et de l'énergie en
général. Mais le député proche de Nicolas Hulot s'était
ensuite vu opposer une fin de non-recevoir par Matignon. Ses amendements au
projet de loi de finances, datés de fin septembre, ont donc été repoussés avant
qu'Emmanuel Macron,
au pied du mur, ne cède à la pression populaire, quitte à distribuer de
l'argent qu'il n'a pas. « Cela révèle que le groupe n'est pas encore
complètement organisé pour porter collectivement ses propositions auprès du
gouvernement », regrette Aurélien Taché, élu du Val-d'Oise. Mais, promis, juré,
cela va changer. « Nous avons constitué un conseil politique de
20 députés qui se retrouvera autour d'un dîner mensuel pour tenter d'anticiper
les sujets sensibles et convaincre le gouvernement d'évoluer. »
Trop tard pour redresser l'image de la politique du président sur
le pouvoir d'achat ? Bien avant le soudain accès de colère à propos de
l'augmentation des taxes sur le carburant, le chef de l'Etat s'est laissé
enfermer dans un débat pour savoir quelle catégorie de population profiterait
ou pâtirait de ses mesures sociales et fiscales. Et tant pis si la politique
économique d'un gouvernement ne devrait pas avoir pour seul objectif de
distribuer des gains de court terme de pouvoir d'achat à tel ou tel, mais
plutôt de créer les conditions pour que les entreprises soient en mesure, grâce
à l'augmentation de leur productivité, de distribuer de meilleurs salaires.
Car, à long terme, c'est le seul pouvoir d'achat qui ne sera pas payé par les
générations futures via le déficit et la dette. En promettant pendant sa
campagne que le pouvoir d'achat des travailleurs progresserait, grâce à la
diminution de leurs cotisations sociales et à la suppression de la taxe d'habitation
pour 80 % des Français, Emmanuel Macron a tendu des verges pour se faire
battre. « Nos objectifs sont clairs : soutenir le pouvoir d'achat des classes
moyennes et populaires », affirmait-il dans son programme
publié sur Internet.
Dès le début de 2018, cet engagement est sérieusement écorné. Pour
des raisons budgétaires, les deux tiers des gains attendus de la diminution des
cotisations sont reportés à octobre 2018. En attendant, la baisse des
cotisations ne génère que 7,40 euros net par mois de plus sur la fiche de paie
pour un smicard, alors que la CSG, elle, augmente dès le 1 er janvier.
Autant dire que quasi aucun salarié ne voit la différence. Et, pendant ce
temps, les élus de La République en marche sont assaillis par des retraités en
colère qui dénoncent une diminution de leur pension. Ce décalage entre la
hausse de la CSG et la baisse des cotisations se reflète dans les comptes de
l'Etat. En 2018, cela permet d'économiser 4,1 milliards d'euros. Pratiquement
autant que le coût estimé de la transformation de l'ISF en impôt sur la seule
fortune immobilière et de l'instauration d'une taxe à taux unique de 30 % sur
les revenus du capital ! De quoi soutenir l'affirmation de l'économiste proche
de Benoît Hamon, Daniel Cohen, selon
laquelle ce transfert fiscal a en fait servi à financer, au moins en 2018, la
baisse de la fiscalité du capital sans creuser le déficit. L'occasion est trop
belle pour Jean-Luc
Mélenchon, qui stigmatise aussitôt le « président des
riches ». Un refrain que même le chef de file Les Républicains de la
commission des Finances à l'Assemblée, Eric Woerth, finit par reprendre. Un
comble !
Encore aujourd'hui, Emmanuel Macron paie durement ce choix de
commencer son mandat par la diminution de l'impôt sur le capital, qui bénéficie
aux plus riches, dans l'espoir de susciter un surcroît d'investissement dans
l'économie française. Il faut dire que les Français ont tout juste commencé,
début novembre, à constater le plein effet bénéfique de la politique fiscale
macroniste en recevant leur fiche de paie d'octobre. Ceux qui y avaient droit
ont aussi dû attendre la réception de leur avis de taxe d'habitation pour se
rendre compte de sa baisse de 30 %.
Sauf
qu'entre-temps le gouvernement leur a annoncé que les prestations sociales
(allocations familiales, logement et retraite) ne seraient revalorisées que de
0,3 % en 2019. Et ils ont pris de plein fouet la hausse du pétrole, responsable
de 70 % de l'envolée des prix à la pompe. Largement de quoi raviver le
ras-le-bol fiscal, selon l'expression de l'ex-ministre de l'Economie et des
Finances Pierre Moscovici. Dans ce contexte, la moindre annonce de hausse de
taxe vient alimenter la colère. Peu importe que le nombre de communes qui
augmentent leur taxe d'habitation ne soit pas plus important que les autres
années. Les témoignages de ceux qui n'ont pas profité de la totalité de la
baisse de 30 %, à cause d'une progression locale des taux, font les gros
titres. Pour les Français, leur pouvoir d'achat est bel et bien attaqué.
Interrogés la semaine dernière par l'institut de sondage Elabe, ils ne font
jamais mention de la baisse des cotisations et de la taxe d'habitation, mais
multiplient les références aux taxes. « Le grand rendez-vous du pouvoir d'achat d'octobre que le gouvernement
avait annoncé et théorisé lui revient en boomerang, souligne
Bernard Sananès, son président. S'installe
dans une partie de l'opinion le sentiment que le gouvernement reprend d'une
main ce qu'il donne de l'autre, voire encore plus. »
Le bilan de
la politique sociale et fiscale de l'exécutif n'est pourtant pas si noir. C'est
ce que montre une étude très détaillée de l'Institut des politiques publiques
(IPP), rattaché à l'Ecole d'économie de Paris, publiée le 11 octobre. En
décomposant la population en 100 catégories de niveau de vie, elle permet de
savoir précisément qui va gagner et qui va perdre du fait de la politique du
chef de l'Etat d'ici fin 2019.
Des classes moyennes avantagées. Mettons
de côté le 1 % des Français les plus riches. Grâce à la transformation de l'ISF
en Ifi, ils sont les grands gagnants. Leur gain atteindra plus de 6 % de niveau
de vie. Mais l'essentiel n'est pas là. Les classes moyennes, celles qui gagnent
plus que les 25 % des Français les plus modestes et moins que les 20 % les plus
aisés des Français, verront leurs revenus un peu progresser, avec la baisse des
cotisations et la baisse cumulée de 65 % de la taxe d'habitation (30 % en 2018,
le reste en 2019). Aux deux bouts de la distribution des revenus, les 25 % les
plus modestes ainsi que les 20 % les plus riches, au contraire, y perdront. Les
premiers sont particulièrement touchés par l'augmentation des prix des
carburants, qui pèse plus lourd sur leur budget limité, mais aussi par la forte
augmentation des prix du tabac ou par la faible progression, l'an prochain, des
prestations sociales. Les 20 % les plus aisés, eux, seront perdants à cause de
la proportion importante de retraités, frappés par la hausse de la CSG, sans
compensation sur la taxe d'habitation. A noter que ce constat changera
radicalement à partir de 2021. Le gouvernement s'est engagé à leur supprimer à
eux aussi la taxe d'habitation, sauf sur les résidences secondaires. Un gain
annuel à retardement qui atteindra 1 518 euros par an en moyenne !
Les salariés favorisés. La
photo change radicalement lorsqu'on se penche uniquement sur les actifs. Les
classes moyennes en emploi enregistreront un gain moyen autour de 2 %. Quant
aux pertes des ménages actifs les plus modestes, elles sont quasiment nulles.
Certains d'entre eux en profiteront même très légèrement grâce à l'augmentation
progressive de la prime d'activité, un complément de revenu versé par l'Etat
aux travailleurs modestes (80 euros par mois d'ici à 2022 pour un salarié au
smic à temps complet).
Les retraités aisés, grands perdants. L'effet de la
politique fiscale de Macron est en revanche beaucoup plus difficile à encaisser
pour les retraités. Mais ce sont les pensionnés les plus aisés qui y perdront
le plus, en attendant la suppression de la taxe d'habitation. La chute de leur
pouvoir d'achat peut dépasser 3 %. Les 25 % de retraités les plus modestes sont
aussi dans le rouge, malgré une CSG inchangée pour ceux qui touchent moins de 1
200 euros par mois pour une personne seule ou 1 841 euros à deux. Ceux qui
touchent le minimum vieillesse verront en revanche leur niveau de vie
s'améliorer grâce à son augmentation progressive vers 900 euros.
Reste que,
globalement, le pouvoir d'achat distribué aux Français sera bien maigre. Il
devrait atteindre 1,4 milliard fin 2019, selon l'IPP. Les baisses d'impôts,
bien réelles, sont financées par des baisses de dépenses publiques qui pèsent
sur le budget des ménages, ce qui en réduit l'effet sur leur portefeuille.
D'autant qu'en attendant la troisième tranche de la suppression de la taxe
d'habitation, en 2020, une partie significative de l'effort sert à baisser la
fiscalité du capital.Consciente de la difficulté à convaincre les Français, la
vice-présidente du groupe LREM à l'Assemblée, Amélie de Montchalin, met
l'accent sur les mesures non fiscales du gouvernement censées améliorer leurs
conditions de vie, mais qui ne sont pas prises en compte dans les évaluations.
C'est le cas de l'extension de la complémentaire santé universelle pour une
somme comprise entre 1 et 30 euros par mois ou encore du reste à charge zéro
sur les lunettes, les prothèses auditives et dentaires. Une dernière mesure qui
devrait beaucoup profiter aux retraités modestes.
En admettant
qu'il fallait concéder des gestes supplémentaires face à l'augmentation des
carburants, Emmanuel Macron a reconnu un malaise, mais bien tardivement. « C'est lui qui décide de tout. A la
Direction générale du Budget, on regarde la télé toute la journée pour voir ce
qui va nous tomber dessus », lâche un fonctionnaire du ministère des
Finances qui rit jaune.
Le rapporteur
général de la commission des Finances du Sénat, le Républicain Albéric de
Montgolfier, n'a pas tout à fait tort quand il écrit : « Faute de marges de manœuvre budgétaires,
la politique gouvernementale revient pour l'essentiel à transférer du pouvoir
d'achat d'une catégorie de ménages à une autre - et non à augmenter le pouvoir
d'achat agrégé. Plutôt que s'adonner à un véritable jeu de bonneteau fiscal aux
effets délétères et mal maîtrisés, le gouvernement devrait se concentrer sur
les réformes permettant d'élever le potentiel de croissance de l'économie française,
qui constituent la seule véritable source de gains de pouvoir d'achat à long
terme pour les ménages. » Il exagère seulement un peu. Les impôts
baissent, même lentement. En net, malgré l'augmentation des taxes sur le
carburant, ils devraient avoir diminué de 10 milliards d'euros pour les ménages
d'ici à 2022 et autant pour les entreprises. Et cela, si tout va bien, en
faisant baisser la dette de 5 points. Autrement dit, sans faire payer la
facture de notre pouvoir d'achat par les générations à venir !
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Comme d'habitude, le gouvernement et ce bon MACRON ne cédera rien, tu parles, quelques centimes de plus sur le litre de carburant qui rapporte tant en taxes que nos dirigeants n'ont même pas besoin de se baisser pour les ramasser et qui rapporte beaucoup plus que des impôts directs, avec les voitures de « messieurs tout le monde » qui ne peuvent s'en passer et « les chiens hurlent mais la caravane passe »
Voter mieux français, c'est tout, mais en 2022 ( ou à l’élection européenne à la rigueur pour vous défouler !)
Jdeclef 14/11/2018 16h34
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