mercredi 29 juin 2022

Ce qu'elles veulent faire de leurs corps dont elles doivent en être seules propriétaires par leurs sexes ou croyances religieuses, mystiques ou autres ! Rien d'autres !?

 

Droit à l’avortement dans la Constitution : « une agitation démagogique et inutile »

ENTRETIEN. Une proposition de loi vise à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française. Une hérésie, selon l’avocat François-Henri Briard.

IL FAUT ARRETER DE SUIVRE LES USA EN TOUT  NOUS SOMMES ENCORE DANS UN PAYS LIBRE ?!

D'Élisabeth Badinter à Emmanuel Macron en passant par Barack Obama, les réactions d'indignation se multiplient depuis l'annonce de la décision rendue par la Cour suprême américaine le 24 juin 2022 (Dobbs vs Jackson Women's Health Organization) sur le droit à l'avortement. Cet arrêt de 213 pages, adopté à une majorité de 6 voix contre 3, renverse la jurisprudence Roe vs Wade de 1973 qui garantissait aux femmes un droit « constitutionnel » de pratiquer une IVG (interruption volontaire de grossesse) dans l'ensemble du pays.

Les juges de cette cour désormais très conservatrice estiment que le droit à l'avortement n'est pas, historiquement, et même implicitement, garanti par la Constitution, et que, depuis 1973, aucune loi fédérale n'est venue encadrer cette question. Le pouvoir de réglementer ou d'interdire l'avortement revient par conséquent au peuple et à ses représentants élus.

Plusieurs États ont déjà pris acte de la décision et sorti des tiroirs des textes prêts à l'emploi. Le procureur général du Missouri a immédiatement annoncé que son État devenait le « premier » à interdire l'avortement. L'Arkansas, l'Oklahoma et d'autres suivent, avec des lois à géométrie variable. Dans le monde, 24 États interdisent totalement l'avortement, tandis que d'autres restreignent son accès, incitant les femmes à recourir à des avortements clandestins. « 47 000 femmes meurent des suites d'un avortement clandestin, soit une femme toutes les neuf minutes », s'alarme le Haut Conseil à l'Égalité entre les hommes et les femmes (HCE). Reste que l'accès à l'avortement a connu ces 25 dernières années des avancées significatives. Selon le Center for Reproductive Rights, une cinquantaine de pays ont libéralisé leurs lois sur l'IVG, dont la Colombie ou la Thaïlande.

Droit à l'avortement : « Le processus de sécession est dans la décision »

La décision Dobbs soulève néanmoins des inquiétudes au-delà des frontières américaines : quelles pourraient être ses répercussions sur les droits et les libertés en Europe ? Faut-il graver dans le marbre de la Constitution française le droit à l'avortement ? Jusqu'où le juge et le législateur doivent-ils s'impliquer dans cette question aux dimensions éthique, morale et juridique ? Les réponses de François-Henri Briard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, président de l'Institut Vergennes (fondé en 1993 avec Antonin Scalia, ancien juge à la Cour suprême américaine), membre de la Société historique de la Cour suprême des États-Unis.

Le Point : La décision Dobbs du 24 juin, qui émane d'un panel de juges réputés très conservateurs (dont trois ont été nommés par Donald Trump), est-elle selon vous plus « politique » que juridique ?

François-Henri Briard : Je fréquente cette juridiction depuis plus de trente ans ; j'en connais bien plusieurs membres, en particulier Stephen Breyer depuis 1993, John Roberts depuis 1997 (il était alors avocat) et Samuel Alito, auteur de la décision Dobbs, depuis 2005, année de sa nomination. J'ai suivi de nombreuses affaires sur place et j'ai eu de très nombreuses rencontres avec ces juges, au fil de 130 voyages. J'ai aussi beaucoup écrit sur la Cour et ses pratiques. Permettez-moi donc de vous dire avec fermeté et certitude : cette juridiction n'est pas politique et la décision Dobbs n'est pas une décision politique. Elle possède au contraire une architecture juridique solide et un contenu très dense, qui n'ont strictement rien à voir avec des considérations partisanes. La décision Roe vs Wade de 1973 était de ce point de vue moins structurée juridiquement. Elle procédait d'une sorte de « bricolage » autour du 14e amendement (sur les libertés personnelles et l'égalité de traitement) et, depuis l'origine, beaucoup doutaient de sa crédibilité intellectuelle. Les membres de la Cour suprême sont des juristes professionnels, et ils récusent tous cette vision simpliste entre prétendus conservateurs et présumés libéraux. Ils ne sont séparés que par des divergences sur les méthodes d'interprétation de la Constitution fédérale, les uns étant partisans d'une approche « vivante », les autres étant plus « originalistes ». Je vous renvoie sur ce point au dernier livre de Stephen Breyer qui partage ce point de vue.

Certains évoquent l'influence des chrétiens évangéliques blancs…

L'influence des Blancs évangéliques ? Je n'en vois pas la moindre trace. Vous savez, quand on commence à expliquer une décision de justice par ce genre de considérations, c'est le signe que l'on ne comprend rien à l'autorité de la chose jugée : « Ce jugement est mauvais ! Pourquoi ? Il est rendu par des conservateurs, ou par des marxistes, ou par des Noirs, ou par des Blancs... » Tout ceci relève du fantasme et de la polémique. Je rappelle à ce sujet que l'un des plus fervents soutiens de la décision Dobbs parmi les neuf membres de la Cour fut le juge Clarence Thomas, qui est noir et catholique… Balayons déjà devant notre porte en cessant de nommer au Conseil constitutionnel d'anciens politiques recyclés, parfois sans aucune formation juridique, et nous en reparlerons.

La décision Dobbs de 2022, c’est le retour à la démocratie

D'autres fustigent le « gouvernement des juges »…

Oser soutenir que cette décision manifeste le gouvernement des juges est une vaste plaisanterie : cette décision est au contraire le renoncement des juges et leur soumission à la volonté populaire ! La décision de Roe vs Wade, qui a créé de toutes pièces un droit inexistant dans la Constitution fédérale, oui c'était du gouvernement des juges. Mais la décision Dobbs de 2022, c'est le retour à la démocratie ; le peuple décidera, comme il l'a fait aux États-Unis pendant 185 ans. Si demain la Californie décide de libéraliser encore plus sa loi en permettant l'avortement jusqu'à la 36e semaine, elle sera libre de le faire. Le peuple aura décidé. N'oubliez pas que les États-Unis sont une nation fédérale régie par le principe de subsidiarité ; les compétences du gouvernement fédéral sont dites d'attribution, c'est-à-dire limitées.

Pour quelle raison le législateur fédéral n'a-t-il jamais fait voter une loi interdisant ou encadrant l'avortement depuis 50 ans ?

Dès lors que la Cour avait inventé ce principe constitutionnel du droit à l'avortement, aucun gouvernement fédéral non plus qu'aucun parlementaire n'a jamais fait aboutir un texte. Il y a eu des tentatives, notamment en 2021 avec un projet de loi sur l'avortement (HR 3 755), mais celui-ci n'a pas été adopté. La question revient bien sûr aujourd'hui sur le devant de la scène. Mais si une telle loi était votée, elle serait bien sûr déférée à la Cour suprême, qui pourrait alors faire prévaloir l'incompétence du législateur fédéral, la compétence des États fédérés et la solution Dobbs.

Les trois magistrats progressistes de la Cour suprême, qui se sont dissociés de la majorité, ont alerté sur le fait qu'une telle décision pourrait mettre en danger d'autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels. Une inquiétude justifiée selon vous ?

Je ne le pense pas. Le juge Samuel Alito l'explique d'ailleurs très bien dans la décision Dobbs. Celle-ci, encore une fois, ne statue ni sur le droit de l'embryon à naître, ni sur les droits de la femme, ni sur l'avortement lui-même, qu'elle qualifie de question essentiellement morale. La Cour dit simplement : cette question n'est pas régie par la Constitution de 1787, ni expressément ni implicitement ; c'est au peuple qu'il appartient d'en décider, et non à des juges non élus qui sont guidés par des préférences personnelles. Ce raisonnement n'a aucune incidence sur l'application qui est faite par ailleurs du 14e amendement en matière de liberté personnelle. Pour mémoire, c'est en 2015, dans une décision Obergefell, que la Cour présidée par John Roberts (qui a aussi présidé à la décision Dobbs) a protégé le mariage entre personnes du même sexe. Il n'est pas question de revenir sur cette solution.

En France, le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes (HCE) qualifie cette décision de « recul historique » pour les droits des femmes. Il rappelle que 26 États américains disposent d'une législation hostile à l'IVG et qu'ils sont désormais en mesure de « condamner les Américaines à ne plus disposer librement de leur corps ». Une conséquence inéluctable selon vous ?

Je suis stupéfait par l'arrogance française, qui voudrait donner des leçons au monde entier. On entend des voix s'élever qui n'ont pas la moindre connaissance de ce pays et qui n'ont jamais mis les pieds à la Cour suprême. Quelle compétence a donc ce comité Théodule français pour se prononcer sur une décision de la juridiction suprême américaine ? Imaginez-vous un comité américain mettant en cause une décision du Conseil constitutionnel français sous le prétexte qu'il serait composé d'affreux gauchistes ?

Les États-Unis d'Amérique sont une nation souveraine depuis plus de deux siècles. Nous les avons d'ailleurs beaucoup aidés à y parvenir. Ce pays a réussi à bâtir dès 1787 ce que nous n'avons pas encore été capables de construire : un pouvoir judiciaire. Ce pouvoir est lui aussi souverain et nous n'avons, nous Français, strictement rien à dire à ce sujet, ni critique ni approbation. Quant au pouvoir des États fédérés de légiférer, n'oubliez pas que ce pouvoir est celui du peuple. Tout le sens de la décision Dobbs est précisément de rendre au peuple américain ce qui lui appartient : le pouvoir de légiférer sur une question majeure de la vie sociale.

Nous possédons en France tous les instruments juridiques nécessaires pour protéger les droits de la femme

Le HCE s'alarme par ailleurs des « répercutions mondiales » de la décision qui « envoie un signal dangereux aux partisans des mouvements anti-IVG ». Pour, dit-il, « se prémunir de toute tentative d'entrave des droits des femmes », il appelle à « inscrire le droit à l'avortement dans notre Constitution française, pour le reconnaître comme un droit fondamental et humain », mais aussi, dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, comme l'a proposé Emmanuel Macron le 19 juin devant les eurodéputés. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

J'y suis personnellement très hostile. Ce serait une inversion complète des valeurs qui fondent notre civilisation. Tous les textes internationaux de protection de la personne, absolument tous, protègent la vie, et non le droit de donner la mort. Il me paraît impossible d'écrire dans une déclaration de droits et libertés le droit de porter atteinte à une vie humaine. Demandez aux survivants de la Shoah ce qu'ils pensent de ce projet et souvenez-vous des lignes de Simon Grunwald, Sans droit à la vie… L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme le dit parfaitement : « Sans droit à la vie, il n'est pas possible de jouir des autres droits de l'homme. » Nous possédons par ailleurs en France tous les instruments juridiques nécessaires pour protéger les droits de la femme. Cette agitation est démagogique et inutile.

Vous êtes un spécialiste des libertés auxquelles vous avez consacré un livre, Le virus de la liberté. Partagez-vous ce commentaire d'Élisabeth Badinter : « En France, c'est bien la laïcité qui nous protège de tout ça. Dieu ne légifère pas. Les êtres humains sont ceux qui décident de leur sort. »

J'ai beaucoup de respect pour Robert et Élisabeth Badinter, qui sont deux grandes figures de la vie intellectuelle française. Et Madame Badinter est à juste titre attachée à la neutralité des pouvoirs publics en matière de religion, ainsi qu'à la neutralité de l'espace public ; elle a eu un rôle remarquable au moment du débat parlementaire sur la loi relative à la dissimulation du visage dans l'espace public. Mais s'il est vrai que les États-Unis sont un pays traditionnellement religieux, je tiens à rappeler qu'ils partagent néanmoins cette vision que nous avons de la séparation des Églises et de l'État, qui est d'ailleurs protégée sur le plan constitutionnel. En tout état de cause, la décision Dobbs n'a strictement rien à voir avec la religion, comme la décision Roe vs Wade de 1973 n'avait rien à voir avec l'athéisme.

Cette problématique de l'avortement illustre-t-elle selon vous le conflit entre les droits fondamentaux que sont notamment le droit à la vie et le droit de disposer de son corps ?

La question de l'interruption volontaire de grossesse a pendant longtemps été appréhendée dans le monde par la loi pénale, parce qu'on considérait que cet acte qui porte atteinte à une vie humaine en gestation est contraire à l'ordre public. Et elle l'est encore dans quelques pays. Mais elle l'est de moins en moins dans les pays civilisés, au profit de ses dimensions morale, philosophique et de santé publique. La loi doit à mon sens intervenir le moins possible dans ce domaine. Il est en réalité essentiel de protéger l'enfant à naître et sa mère ; les familles, les conseillers spirituels et les médecins ont dans ce domaine une mission majeure, pas les juges.

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C'est une liberté fondamentale qu'une de leurs éminentes consœurs , Mme WEIL qui s'est battue pour elles, a permis d'autoriser sans contraintes et donc a été voté par les élus de cette époque dans notre pays !

Ce n'est pas parce qu'un grand pays donneurs de leçons les USA qu'on dit le plus libre du monde, mais qui en fait ne l'est pas tant que çà, car rétrograde décrète son interdiction pour semble-t-il des consonances religieuses d'un autre âge !

Car les femmes dans bien des pays et là on en a un exemple flagrant avec les USA ne sont pas libres ni égales aux autres américains par ce machisme d'un autre âge et souvent à la merci des hommes qui en plus les martyrisent comme dans certains pays !

Même chez nous dans cette France des bienpensants et ses droits de l'homme qui oublie les femmes !

Donc s'il faut inscrire ce droit dans notre constitution pour protéger ce droit primordial des femmes à l'avortement il faut le faire ce sera un honneur pour la France !

Et surtout ne pas mettre en parallèle les religions quelles qu'elles soient car le mysticisme religieux tue bien plus d'humains femmes hommes sous prétextes de croyances rétrogrades d'un autre âge moyenâgeux en avilissant les femmes et les plus faibles !

Nous sommes soi-disant au XXIe siècle dit (des « nouvelles » lumières) alors ne retombons pas dans l'âge des ténèbres par simple bon sens !?

Ne dégradons pas notre société qui l’est déjà assez comme cela !?

Jdeclef 29/06/2022 13h35 LP


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