Michel Barnier et les
migrants, un électrochoc européen
Non, Michel Barnier n’est pas
soudain devenu un eurosceptique à la polonaise en proposant un référendum qui
suspendrait les arrêts de la CJUE.
Chaque
année depuis 2008, environ un demi-million de citoyens de pays tiers reçoivent
l’ordre de quitter le territoire de l’Union parce qu’ils y sont entrés ou y
séjournent sans autorisation. Pourtant, moins d’un sur cinq rentre
effectivement dans son pays d’origine situé hors d’Europe. » Ce n’est pas Michel
Barnier qui s’exprime, mais la Cour européenne des comptes dans un rapport
spécial publié le 13 septembre dernier. Un constat accablant en dépit des
efforts déployés par l’UE pour signer avec les pays d’origine des accords de
réadmission de leurs ressortissants. Pas moins de 18 accords
contraignants ont été signés et des discussions sont en cours avec six autres
pays. Leur efficacité est, comme on le voit, très relative.
C’est en partant de cette réalité que le candidat Michel
Barnier a voulu frapper un grand coup en proposant un « moratoire »
sur l’immigration de 3 à 5 ans et un référendum sur une loi
constitutionnelle suspendant le droit européen au cours de cette période.
Ce « bouclier constitutionnel » – c’est ainsi qu’il l’a appelé –
préserverait, au cours de ce moratoire, l’ordre juridique national des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de
justice de l’Union européenne (CJUE). Le projet de loi serait connu et présenté
aux citoyens avant le premier tour des législatives de juin 2022. Barnier
a fait le choix d’un référendum de l’article 89, à savoir que le
projet de loi constitutionnelle doit être adopté dans les mêmes termes par les
deux chambres au cours de l’été, puis validé par un référendum organisé à
la rentrée.
Barnier-candidat vs Barnier du Brexit ?
Ces propositions ont beaucoup choqué à Bruxelles, capitale des
institutions européennes où Michel Barnier, plusieurs fois
commissaire européen, s’était taillé tout au long de sa carrière politique
une réputation d’europhile indiscutable. L’émoi bruxellois est-il si
justifié ? Beaucoup de ses amis bruxellois l’ont soupçonné d’avoir voulu
troquer son europhilie en échange du soutien de la droite souverainiste. Ce
jugement mérite examen.
Présidentielle : ce que la
droite a dans le ventre
D’abord, il est faux de dire que le Michel Barnier du Brexit est
différent du Michel Banier candidat à l’investiture LR à la
présidentielle. Même quand il négociait le Brexit avec les équipes de
Theresa May, puis de Boris Johnson, l’ancien ministre de Jacques Chirac a
toujours dit qu’il déplorait, certes, le départ du Royaume-Uni, mais qu’il
fallait aussi entendre le message de détresse que le
Brexit signifiait chez une partie du peuple britannique, les
laissés-pour-compte de la mondialisation. Il entendait aussi que cette
désaffection gagnait du terrain partout en Europe et qu’il faudrait y apporter
une réponse.
Traiter l’insécurité identitaire
Cette insécurité identitaire des « somewheres »
(par opposition aux « anywheres »), le candidat Barnier souhaite
désormais la traiter sans détour. En tout cas, il l’a toujours eue
présente à l’esprit depuis 2016. Il fallait prendre le temps d’écouter le
Savoyard pas seulement comme le négociateur « technique » du
Brexit, mais comme l’homme politique qu’il n’a cessé d’être, même sous sa
casquette de « Monsieur Brexit ».
Immigration, écologie… Comment
réconcilier « anywheres » et « somewheres » ?
Pour autant, peut-il, lui qui a toujours défendu le rôle de la
CJUE dans l’interprétation du droit européen, se permettre de suspendre en
France les jugements de la plus haute juridiction européenne ? En fait, ce
n’est pas « tous » les jugements, mais seulement ceux qui,
éventuellement, heurteraient le nouveau code migratoire que Barnier entend
mettre en œuvre dans l’Hexagone. N’est-ce pas une manière de faire du « sherry
picking » juridique, une tentation qu’il reprochait
précisément aux Britanniques ?
Quand Johnson chambre Barnier
Boris Johnson a beau jeu, aujourd’hui, de se gausser de ce
« bon vieux » Michel Barnier « qui appelle désormais la
France à reprendre le contrôle ». Et « BoJo » de finir par cette
vanne : « C’est ce qui arrive si vous passez un an à essayer de vous
disputer avec Lord Frost (le négociateur du Brexit, côté UK, NDLR), le plus
grand gel depuis le Grand Hiver de 1709. » C’est de bonne guerre et
Johnson, devant les élus de son parti réunis en Congrès, s’est offert un
effet de manche qu’il pouvait difficilement se refuser.
Mais il y a un monde entre le « take back control » johnsonien et le
« moratoire » de Barnier. Le premier rompt avec l’UE et ne souhaite
pas du tout de la CJUE, le second veut suspendre temporairement le droit
européen sur un domaine précis et circonscrit et mettre la France à l’abri
de certaines jurisprudences pour mieux… trouver un accord européen et une
politique commune ! C’est très différent.
Surmonter le blocage de la réforme de l’asile
Reprenons le film pour mieux comprendre : depuis la crise
migratoire de 2015, les Européens échouent à accoucher d’une réforme cohérente
et consensuelle de l’asile et des migrations en dépit de frontières extérieures
communes qui les obligent à travailler de concert. Plusieurs textes sont sur la
table. Tous sont enlisés. Les États du Sud (les plus sollicités) réclament une
solidarité que les États de l’Est leur refusent et, en réponse, les
États du Sud refusent les avancées concrètes qui permettraient pourtant, au
bénéfice de tous, un meilleur contrôle et filtrage des entrées dans l’UE.
L’Italie et l’Espagne repoussent donc l’adoption de règlements (qui leur
conviennent !) afin d’exercer une pression sur l’égoïsme des États de
l’Est… Dans ce contexte, aucune perspective d’accord ne se profile en dépit
d’un ripolinage des propositions de la Commission sous le terme « pacte
migratoire », présenté voici un an.
Sébastien Lecornu :
« Certains sont prêts à épouser sans réserve la ligne du RN »
Pire ! De nouvelles menaces émergent aux frontières de l’UE
comme à la frontière biélorusse où le régime hostile d’Alexandre
Loukachenko cherche à introduire dans l’espace Schengen des individus,
éventuellement dangereux, dans le but de déstabiliser l’Europe. Cette menace
« hybride », aucun texte européen n’y répond. Douze États membres
viennent d’écrire à la Commission pour demander des solutions d’urgence et donc
la révision du Code Schengen, obsolète à ce sujet.
Agir seul là où l’Europe a échoué
En résumé, il est temps d’agir et si l’UE est paralysée, alors, la
France, qui demeure souveraine en tout état de cause, est fondée à agir
unilatéralement. La Lituanie, la Pologne, la Grèce ont commencé à le faire et
personne, à Bruxelles, ne songe aujourd’hui à les en blâmer… Entre
mars 2016 et juillet 2018, l’Allemagne avait pareillement suspendu
unilatéralement le regroupement familial pour les bénéficiaires de la
protection subsidiaire (*), puis elle l’a plafonné à 1 000 personnes par
mois.
L’Europe a donc échoué à faire œuvre commune dans un secteur où
l’harmonisation européenne est la seule réponse pertinente, sauf à abolir l’espace
Schengen. C’est dans ce contexte que Michel Barnier veut créer un
électrochoc : un moratoire de quelques années sur les migrations et
ce « bouclier constitutionnel » qui lui permettrait de légiférer sans
interférence d’une décision européenne. Première précision d’importance :
les demandes d’asile ne sont pas concernées par le moratoire. Les candidats à
l’asile peuvent donc continuer à demander à la France le statut de réfugiés et,
s’ils remplissent les conditions, ils l’obtiendront.
Le bras de fer des visas
En revanche, il n’y aura plus durant une période de 3 à
5 ans de regroupement familial ni de délivrance de visas de long
séjour. Ce moratoire sera mis à profit pour créer un rapport de force avec les
pays d’origine, à la manière de celui que le président Macron tente d’imposer à
l’Algérie sur les visas. Tant que les pays d’origine rechignent à
reprendre leurs ressortissants indésirables en France, il n’y aura pas de
délivrance de visas. En revanche, s’ils font preuve de bonne volonté et
reprennent les déboutés du droit d’asile, la politique de bon voisinage peut
reprendre, tant sur le plan de la délivrance des visas qu’au titre de l’aide au
développement.
Visas accordés au Maghreb :
le précédent Sarkozy
Ce moratoire servirait aussi à mettre en place une vraie politique
commune en Europe par l’instauration de critères communs sur le
regroupement familial (pour éviter la concurrence des législations) et une
liste commune des « pays sûrs » pour le renvoi harmonisé des déboutés
du droit d’asile. Ce n’est pas un projet de Frexit. C’est une autre manière de
créer le cadre d’une négociation européenne qui, ces dernières années, a créé
la suspicion entre les États membres. Contrairement à ce qu’un Viktor Orban
essaie d’instiller dans les esprits, il n’y aurait pas d’un côté des pays de
l’Ouest qui auraient entériné le « grand remplacement » et de l’autre
des pays de l’Est se réclamant de la « chrétienté » et qui, parés de
cette onction, voudraient sauver l’Europe de sa disparition. Michel Barnier
tente de casser cette rhétorique en démontrant que la France, pays d’accueil
s’il en est, n’est pas la porte d’entrée grande ouverte d’une immigration
incontrôlée et qu’elle entend se faire respecter. Barnier change le paradigme
pour débloquer la négociation européenne. Il n’est pas certain de réussir, mais
le cadre actuel a démontré son inefficacité.
Pourquoi un « bouclier constitutionnel »
Aujourd’hui, la Constitution française ne dit rien sur le sujet.
Le référendum voulu par Barnier offrirait à la France plus de marge par rapport
à la Convention européenne des droits de l’homme sur le regroupement familial.
Celle-ci, en son article 8, pose le principe que « toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de
sa correspondance ». Un texte très général dont le second alinéa, plus
restrictif, est souvent ignoré : il prévoit que « dans une société
démocratique », l’autorité publique peut restreindre ce droit si cela est
« nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d’autrui ».
Michel Barnier : « La
droite gagne quand elle ressemble à la France »
S’agissant de la CJUE, sa jurisprudence limite le placement en
rétention administrative en vue d’éloignement. Pourtant elle reconnaît aux
États membres un « droit indéniable de contrôler souverainement l’entrée
et le séjour des étrangers sur leur territoire ». Dans un arrêt du
6 décembre 2011, la CJUE juge qu’en vertu d’une directive européenne (la
directive retour), le séjour irrégulier d’une personne en France ne peut pas
être sanctionné pénalement. Autrement dit, le passage clandestin ne peut être
dissuadé par une sanction pénale… Michel Barnier veut pouvoir suspendre, par
son « bouclier constitutionnel », cette jurisprudence le temps de
modifier la législation européenne avec les partenaires. Afin que les
dispositions françaises s’imposent au droit européen, il faut que la
Constitution française les endosse. En effet, dans la hiérarchie des normes, la
Constitution française est supérieure aux traités internationaux ; en
revanche, les directives européennes sont supérieures aux lois. La loi
constitutionnelle, adoptée par référendum, met le moratoire sur l’immigration à
l’abri d’un détricotage européen.
La CEDH refuse l’expulsion de certains terroristes
La Cour européenne des droits de l’homme hérisse, quant à elle,
une partie de la droite, dont l’eurodéputé François-Xavier Bellamy ou le député
Éric Ciotti – lui aussi candidat à l’investiture LR – quand elle
interprète l’article 3 de la convention européenne des droits de
l’homme. Selon cet article, « nul ne peut être soumis à la torture ni à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Principe noble,
incontestable. Mais la CEDH l’invoque pour condamner l’expulsion de
terroristes ou s’opposer à l’extradition ou l’expulsion de terroristes qui
risqueraient des mauvais traitements dans leur pays d’origine (l’Algérie, la
Russie…).
Les juges se justifient ainsi dans des considérants
classiques : « La Cour a une conscience aiguë de l’ampleur du danger
que représente le terrorisme pour la collectivité et, par conséquent, de
l’importance des enjeux de la lutte antiterroriste. Elle est de même
parfaitement consciente des énormes difficultés que rencontrent à notre époque
les États pour protéger leur population de la violence terroriste.
[…] Toutefois, même en tenant compte de ces facteurs, la Cour rappelle que
l’article 3 de la Convention, ainsi qu’elle l’a dit à maintes reprises,
consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans
les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et
le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les
peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Barnier et Bellamy, la rencontre de l’Européen et du souverainiste
Il est arrivé aussi que la CEDH invoque l’article 6 de la
convention (le droit à un procès équitable), comme dans l’affaire Omar Othman,
un terroriste islamiste que le Royaume-Uni envisageait d’expédier en Jordanie.
Mais la Cour s’y est opposée compte tenu du « risque réel » non
pas qu’Omar Othman soit torturé, mais que les preuves accumulées contre lui par
la justice jordanienne aient été obtenues auprès d’autres personnes sous
la torture…
« Une part de la défiance envers l’Union européenne, estimait
François-Xavier Bellamy dans Valeurs actuelles (en février 2020), vient précisément
de ce que les citoyens n’ont pas une entière confiance en cette indépendance
qui devrait être rigoureusement établie – et la porosité qui semble s’être
installée à la CEDH entre magistrats et ONG est un symptôme de cette
défaillance. […] Le principe de l’équilibre des pouvoirs semble
aujourd’hui largement rompu, par la supériorité objective dont dispose
aujourd’hui le pouvoir judiciaire à l’égard de l’exécutif et du législatif. Et
c’est à la CEDH que ce déséquilibre se manifeste le plus clairement. »
« La Cour suprême, c’est le peuple »
Entre Bellamy, le souverainiste light, et Barnier, le rapprochement semblait
impossible. Pourtant, cela fait déjà plus de deux ans qu’Arnaud Danjean, un
très proche de Barnier, travaille main dans la main avec François-Xavier
Bellamy au Parlement européen. En tout cas, sur le sujet de l’immigration, les
eurodéputés Danjean et Bellamy n’ont montré aucune divergence lors d’un
déjeuner de presse à Strasbourg, lors de la session de rentrée, en
septembre. Et Danjean n’était pas le dernier à s’emporter contre la presse
bruxelloise qui avait écorné l’aura européiste de Barnier.
« Michel Barnier, c’est Jacques
Chirac, mais sans le swag »
Dans une tribune au Figaro datant du 29 juillet, Michel Barnier se
revendiquait du général de Gaulle : « Une loi constitutionnelle
garantira que les dispositions prises durant ce moratoire ne pourront être
écartées par une juridiction française au motif des engagements internationaux
de la France et inscrira dans le même temps les bases de notre future politique
migratoire. Le général de Gaulle affirmait qu’en France, la Cour suprême, c’est
le peuple. C’est pourquoi le dispositif sera soumis au référendum. » Et
comme Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou François Fillon en 2017,
ou Nicolas Sarkozy naguère, Barnier prône une immigration régulée par des
quotas annuels votés par le Parlement.
(*) Il s’agit d’un individu qui ne peut prétendre au statut de
réfugié, mais qui risque de subir des atteintes graves à sa personne en
cas de renvoi dans son pays d’origine.
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M.BARNIER est un politicien français ex élu à
de nombreux postes dans les gouvernements français et là, il ne s’agit plus
d'étiquette de basse politique politicienne déplorable de nos politiciens issus
de partis médiocres de tous bords stériles !
Il a le mérite de proposer quelque chose de nouveau,
même si certains « pisses vinaigres » petits esprits le critique, ses
concurrents des politiciens ex élus connus inutiles et usés n’ont rien de nouveaux
dans leurs programmes inexistants !
Il a pour lui une grande expérience des arcanes
de cette administration européenne et semble réfléchi pas excité comme d’autres
que l’on ne citera pas que l’on revoit immanquablement à chaque élection pour
la présidentielle !
J’avais dit dès le début, bien avant qu’il ne
concoure à la présidence de notre république qu’il avait les pieds sur terre et
ferait surement un bon chef d’état ce qui n’est pas la qualité des autres !
Je suis âgé, j’ai connu tous les présidents de
la république de cette Vème république y compris De Gaulle, ainsi que les
gouvernements de tous bords et leurs ministres et 1ers ministres souvent médiocres,
donc celui-là s’il est choisi par les français (qui votent encore) et prennent
encore le temps de réfléchir, sans pourtant lui chercher absolument des défauts
qu’il a surement, n’est pas le plus mauvais loin de là, de tous les autres (il
rentre seulement dans la qualité des présidents dit normaux dont on a perdu l’habitude
d’avoir !?)
Et dont on a besoin urgemment, le parfait n’existant
pas, car notre pays va mal et régresse et 2022 sera encore dur ne rêvons pas et
peut être plus !
Jdeclef 15/10/2021 14h48
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