Pourquoi le Liban se déchire
Hezbollah, Amal, Forces
libanaises… Les partis confessionnels libanais se replient sur leur base
communautaire pour mieux échapper à leurs responsabilités.
Des
roquettes lancées en pleine rue par des hommes masqués répondant à
des snipers embusqués sur le toit d’immeubles et des corps
ensanglantés au sol, pris au piège dans les échanges de tirs. Le
quartier résidentiel de Tayouné, au cœur de Beyrouth, a pris jeudi
des airs de zone de guerre, renouant avec des scènes rappelant le début de
la guerre civile (1975-1990) qui a éclaté exactement au même endroit il y a
quarante-six ans. Au moins sept personnes sont mortes dans les affrontements,
qui se sont achevés en fin d’après-midi, quand l’armée libanaise a repris le
contrôle du secteur.
Liban, les raisons d’une implosion
Tout a commencé
dans la matinée, lorsque des tirs d’origine inconnue ont visé des centaines de
partisans des mouvements chiites Hezbollah et Amal qui manifestaient en
direction du palais de justice. Ils étaient descendus dans la rue à l’appel de
leur parti pour réclamer le départ du juge Tareq Bitar, chargé de
l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth qui a dévasté le
4 août 2020 la capitale libanaise, faisant 214 morts
et plus de 6 500 blessés, en raison du stockage
d’importantes quantités de nitrate d’ammonium. Ce
discret magistrat de 47 ans, deuxième juge en charge du dossier après
la mise à l’écart de son prédécesseur, a eu l’outrecuidance de
lancer mardi un mandat d’arrêt contre le député et ancien ministre des
Finances Ali Hassan Khalil, membre du parti Amal, allié politique
du Hezbollah, provoquant l’ire des deux formations chiites.
Pouvoir confessionnel
Dès les premières rafales, des hommes armés vêtus
de brassards à l’effigie des deux partis ont accouru sur place,
et ont lourdement riposté. Les violences se sont alors étendues
aux rues de Chiyah, bastion du mouvement chiite laïque, et au quartier
chrétien voisin d’Aïn el-Remmaneh. Parmi les victimes de ces affrontements,
trois étaient des membres du parti Amal et deux appartenaient
au Hezbollah. Les deux formations chiites sont formelles :
les responsables sont à chercher au sein des Forces libanaises et de
leurs tireurs d’élite, accusés d’avoir délibérément visé les manifestants à la
tête. Principale milice chrétienne durant la guerre civile, cette
formation, devenue un parti politique à la fin du conflit, a conservé des
armes dans ses fiefs historiques de la banlieue de Beyrouth. Si elle a
participé à de nombreux gouvernements successifs au Liban, son chef,
l’ancien seigneur de guerre Samir Geagea, a profité de l’éclatement de la révolution
en octobre 2019 pour prendre quelque peu ses distances avec la classe
dirigeante, devenant l’un des plus ardents pourfendeurs du Hezbollah.
Bataille géopolitique pour éclairer le Liban
« S’il se
pose en opposant des partis au pouvoir, Samir Geagea reste perçu par la
société civile comme faisant partie de l’establishment », explique Karim
Émile Bitar, directeur de l’Institut de sciences politiques de l’université
Saint-Joseph de Beyrouth. « Il reste l’un des piliers du système
confessionnel et utilise le réflexe communautaire pour se présenter comme le
défenseur des chrétiens apeurés. » Au Liban, le président de la République
doit être chrétien, le Premier ministre sunnite, le chef du Parlement chiite,
et les députés sont élus au suffrage universel. Mais le pouvoir est en réalité
partagé entre les six plus importants chefs confessionnels du pays,
organisés en partis politiques, et dont la légitimité politique ne repose que
sur la défense des intérêts de leur communauté respective. Ils se
nomment Hassan Nasrallah (chiite, Hezbollah), Nabih Berri (chiite,
Amal), Saad Hariri (sunnite, Courant du futur), Michel Aoun (chrétien, Courant
patriotique libre), Samir Geagea (chrétien, Forces libanaises) et Walid
Joumblatt (druze, Parti socialiste progressiste).
Exaspération des chrétiens
C’est cette confessionnalisation du pouvoir, directement héritée
de la guerre civile, que les Libanais dénoncent massivement depuis deux ans,
alors que le pays est entré en défaut de paiement en mars 2020. Mais la
classe politique dans son ensemble, soucieuse de conserver ses prébendes, reste
sourde aux appels l’exhortant à entreprendre des réformes
structurelles pour bénéficier des milliards d’euros des bailleurs de fonds
internationaux, et sauver le pays de l’effondrement. Dans ce contexte
d’appauvrissement généralisé de la population, les Forces
libanaises jouent sur l’exaspération d’une partie de la communauté
chrétienne à l’égard de la toute-puissance du Hezbollah.
« Le Drian nous a dit que le Liban ne
compte pour personne, sauf pour la France »
« Cela fait
plusieurs années que le Hezbollah envoie ses partisans manifester de
manière agressive dans les quartiers chrétiens de Beyrouth, ce qui provoque la
colère de cette communauté », explique Michael Young, rédacteur en
chef de Diwan, le blog du centre de réflexion Carnegie Middle East Center.
« Il était donc à craindre que des incidents éclatent en marge des
manifestations de ce jeudi, d’autant qu’il existe chez les chrétiens une
perception selon laquelle le Hezbollah tente de couvrir les responsables de
l’explosion du port de Beyrouth, qui a dévasté avant tout des quartiers chrétiens
et a coûté la vie à un grand nombre d’entre eux. »
Crise gouvernementale
Pointé du doigt par ses adversaires chiites, le chef des Forces
libanaises, Samir Geagea, a fermement démenti jeudi avoir joué le
moindre rôle dans les violences de Tayouné. Sur Twitter, il a estimé
au contraire que « la principale cause de ces incidents sont les armes
illégalement répandues » dans le pays. Une allusion à peine voilée au
Hezbollah, seule faction libanaise à avoir conservé ses armes lourdes à l’issue
de la guerre civile, au nom de la lutte contre Israël. Soutenu par la
République islamique d’Iran, « le parti de Dieu », parfois qualifié
d'« État dans l’État » libanais, disposerait aujourd’hui d’un arsenal
de 100 000 roquettes. Il peut s’appuyer sur plus de 50 000
combattants armés, dont 30 000 réservistes.
Non content de
posséder une armée parallèle, le Hezbollah est également un redoutable
acteur de la vie politique libanaise. Disposant de 13 députés au
Parlement, la formation islamiste est alliée, au sein de
l’actuel gouvernement, au parti chiite laïque Amal, mais aussi
au Courant patriotique libre (CPL), une autre formation chrétienne, fondée
par le président Michel Aoun. Membre clé de l’exécutif libanais, le parti
de Dieu a provoqué mardi une crise politique en exigeant du gouvernement
le remplacement du juge Tareq Bitar, en vain. « Cette volonté de blocage
est d’autant plus surprenante de la part du Hezbollah que ce parti
n’est pas visé pour l’instant par l’enquête du juge Tareq
Bitar », souligne Michael Young, du Carnegie Middle East Center.
« Mais le mouvement se sent obligé d’agir vis-à-vis du mouvement Amal pour
conserver le soutien de son allié politique Amal et ainsi maintenir le statu
quo au pouvoir. »
Justice de la rue
Si le magistrat en charge de l’enquête sur l’explosion du
4 août demeure toujours en poste, le Hezbollah comme les Forces
libanaises semblent avoir opté pour la confrontation communautaire.
« On constate une rivalité mimétique entre ces deux formations, qui
profitent politiquement des derniers événements pour se placer comme le
meilleur rempart de leur communauté face à toutes les autres »,
analyse Karim Émile Bitar. Une stratégie qui pourrait s’avérer
électoralement payante dans l’optique des prochaines élections
législatives de mai 2022, mais qui se heurte à la volonté de nombreux
Libanais que les responsables de la tragédie du port de Beyrouth, toutes
confessions confondues, rendent des comptes devant la justice.
« Nous nous trouvons dans la même situation qu’en
1990 », déplore Mona Fawaz, professeure d’urbanisme à l’Université
américaine de Beyrouth. « Ces mêmes seigneurs de guerre qui se sont
opposés à l’époque à ce qu’un tribunal juge leurs crimes ont
aujourd’hui recours à la justice de la rue pour mieux échapper à leur
responsabilité. »
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Le LIBAN Issu
du partage en 1920 après la grande guerre mondiale de 1914 de l'ex empire
ottoman allié des Turcs et des allemands mais qui ont perdu cette guerre et de
fait les vainqueurs européens ont divisé cet empire en pays sous
administrations européennes anglaise et française LIBAN, SYRIE,IRAK et la
création de l'état d’Israël en 1947 et le reste de la TURQUIE ex ottomane
devenue république démocratique sous leur dirigeant progressiste Mustafa Kemal Atatürk
( avec maintenant notamment un nouveau président totalitaire qui érode les
libertés de cette démocratie en voulant à terme en faire une république
islamique, car nostalgique de l’empire ottoman qu’il voudrait restaurer et
faisant partie de l’OTAN ce qui est maintenant une ineptie qu’il faut régler !?)
Mais comme
nos dirigeants européens si donneurs de leçons pleutres sont incapables de le
faire, car encore sous influence des USA en matière de défense !
Quant au
Liban multi confessionnel c’est un échec qu’il n’ont pas pu empêcher ou réguler
par leurs divisions religieuses et leurs idéologies culturelles et ont subit
une guerre civile meurtrière à BEYROUTH de 1975 à 1990 dont ils ne se sont pas
vraiment relevés de ce drame et maintenant après une succession de 1er
ministres de toutes confessions ou cultures le pays est ruiné (après avoir été
dans le passé le Las Vegas du Moyen-Orient !)
Comme
quoi encore, les religions sont les plaies que les hommes n’arrivent pas à guérir
et vecteur de conflits, guerres ou terrorismes divers depuis plus de 2000 ans
on ne se croirait pas au XXI eme dit de progrès gangrené par des mysticismes moyenâgeux rétrogrades
!?
Jdeclef 16/10/2021
14h34LP
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