Valls-Macron, une lutte à mort
VIDÉOS. Entre l'ancien chef du gouvernement et son ministre,
après l'idylle, les rapports sont vite devenus explosifs. Retour sur une
rivalité sans merci.
Il
faut entendre Emmanuel
Macron, dans le documentaire sur les coulisses de sa campagne diffusé sur TF1
lundi soir, évoquer le cas de Manuel Valls... « C'est
une vraie trahison sans prise de risque personnelle. S'il y a un traître là,
quelqu'un qui a flingué Hollande, c'est Valls. » Et d'aller plus loin en
parlant d'une tentative « d'impeachment
de l'intérieur ». Des mots d'une rare violence dans la bouche de celui qui
ne cesse de prôner « la bienveillance » à l'égard notamment de ses
adversaires politiques.Mais Manuel Valls, c'est autre chose. Manuel Valls, c'est celui qui l'a humilié lorsqu'il était à Matignon et alors que lui, alors ministre de l'Économie, avait travaillé comme un acharné pendant des mois. Manuel Valls, c'est celui qui a saboté son minutieux travail pour faire passer sa loi pour la croissance et l'activité en lui imposant le 49.3. Le chef du gouvernement sentait déjà que le jeune secrétaire général adjoint de l'Élysée devenu ministre pouvait lui disputer quelques parts de marché.
Tous deux jouaient dans la même cour, celle du renouvellement de la vie politique, des têtes et des pratiques, sur un positionnement social-libéral assumé. Au point que c'est même lui, Valls, trouvant Macron brillant, qui initialement avait supplié François Hollande, à deux reprises ( !), de le faire entrer au gouvernement...
Comment pouvait-il penser qu'il se retrouverait, au lendemain de cette présidentielle qui devait être la sienne, à quémander l'investiture pour les législatives à La République en marche, le tout jeune parti d'Emmanuel Macron, président de la République élu ? Qu'Emmanuel Macron l'inviterait à postuler sur son site internet comme tout le monde, avant de faire savoir qu'il ne correspond pas aux critères ? Et que le PS, en retour, lancerait à son encontre une procédure d'exclusion ? Pour comprendre une telle humiliation, retour sur la lente détérioration des relations entre les deux hommes.
Valls et Macron sont les deux faces d'une même pièce. Inspirés par Michel Rocard, qui déplorait dans sa dernière interview au Point, en juin 2016, que tous deux soient « loin de l'Histoire ». Puis propulsés par François Hollande comme des figures surnageant dans un quinquennat cauchemardesque. Le brun ombrageux, raide et tranchant, et le châtain solaire, accommodant et diplomate.
Valls, militant pur jus, professionnel de la politique, entré au PS il y a trente-cinq ans, a gravi tous les échelons classiques du parti à coups d'obscurs congrès et d'âpres élections, naviguant tantôt derrière Jospin, tantôt derrière Royal, Fabius, Strauss-Kahn et finalement Hollande.
Macron, ancien banquier d'affaires, a vraiment découvert les arcanes de la politique en 2012 seulement, avec l'élection de Hollande, qu'il a suivi à l'Élysée en tant que secrétaire général adjoint. Un parcours assidu et classique contre une ascension éclair insolente. Un discours solide sur la République, la sécurité, la laïcité du côté de Valls ; une vision aiguë et structurée de l'économie et du travail pour Macron. L'ironie de l'histoire veut que ce soit Valls qui ait propulsé Macron. Il le trouvait brillant, sympa ; il voulait dynamiser son gouvernement, la photo était belle. François Hollande a d'abord refusé, avant d'appeler Macron à la rescousse fin août 2014, après le départ fracassant d'Arnaud Montebourg.
Le 29 août
2015 : provocation
Nul
ne se doutait à ce moment-là que Macron prendrait si vite autant de place. Une
hypertrophie médiatique inacceptable pour Valls. Il fallait le voir maugréer,
le 29 août 2015, dans une des froides salles à manger de l'hôtel
Mercure de La Rochelle. « Il aurait dû venir ! Il est brillant, il
aurait dû débattre avec les militants. Moi, c'est ce que j'ai toujours
fait », s'énervait le Premier ministre. La veille, Emmanuel Macron avait encore
une fois critiqué les 35 heures. Là, il avait fait fort puisqu'il
s'était emporté contre cette mesure phare de la gauche devant un parterre de
patrons. « La gauche a pu croire à un moment, il y a longtemps, que la
politique se faisait contre les entreprises. Elle a pu croire que la France
pouvait aller mieux en travaillant moins. C'étaient de fausses idées »,
avait lancé, lors de l'université d'été du Medef, la « nouvelle
coqueluche » du gouvernement. Coincé à La Rochelle pour l'université d'été
du PS, voilà que Valls était contraint de recadrer Macron dont la sortie avait
provoqué un tollé tellement attendu à gauche. « Les vrais sujets sont
l'emploi et la croissance. Les petites phrases font mal à la vie
publique », tançait le Premier ministre. Cocasse. Valls n'était-il pas le
premier, dès le 2 janvier 2011, à dire publiquement vouloir
« déverrouiller » les 35 heures ?
Le 17 février
2015, un « croche-patte à 10 mètres de l'arrivée »
Le
conclave se réunit une dernière fois dans le salon Delacroix de l'Assemblée
nationale. Ils comptent et recomptent. Emmanuel Macron pense encore que
« ça passe ». « Cela ne passe pas. À moins de 10 voix
d'avance, on n'y va pas », rétorque le Premier ministre. Le ministre de
l'Économie tente d'argumenter une dernière fois, sous les yeux du secrétaire
d'État aux Relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen, du patron du groupe
PS Bruno Le Roux et du rapporteur du projet de loi Richard Ferrand. Mais il
revient au Premier ministre d'avoir le dernier mot. François Hollande a déjà
donné son accord de principe. Manuel Valls finit par dégainer le 49.3, l'arme
tant redoutée par Macron.Quelques minutes plus tard, il entend, ce 17 février 2015 dans l'hémicycle, le chef du gouvernement annoncer que sa loi pour la croissance et l'activité ne sera pas soumise au vote. Trop de risques qu'elle soit rejetée. L'exécutif passe en force. « Macron n'a rien dit, personne n'a rien dit. Mais personne n'était dupe de rien, se souvient Richard Ferrand, devenu secrétaire général d'En marche !. Il était comme un marathonien à qui on fait un croche-patte à 10 mètres de l'arrivée. » Des mois de travail, 400 heures de débats à l'Assemblée, 9 000 amendements étudiés, 2 000 amendements adoptés... balayés d'un trait de plume sur un parapheur.
19
novembre 2015, la guérilla s'engage
L'affrontement
atteint un point de tension inégalé après les attentats
du 13 novembre 2015. Devant le think tank Les Gracques, Macron
explique que la société a « une part de responsabilité » dans les
dérives djihadistes, l'État ayant « laissé se constituer un terreau dans
les endroits où la République s'abandonnait ». Le sang de Valls ne fait
qu'un tour. « Dans notre pays, rien ne justifie qu'on prenne des armes et
qu'on s'en prenne à ses propres compatriotes. Il n'y a au terrorisme aucune
excuse sociale, sociologique et culturelle », s'emballe-t-il à
l'Assemblée, avant d'achever l'humiliation lors d'un séminaire gouvernemental
le 19 décembre. « Les ministres ne comprennent rien à rien à la
situation des quartiers », lance Valls, et tous les regards se tournent
vers Macron, qui ne moufte pas.Les attentats retardent l'annonce de ce qui devait être la « loi Macron 2 ». Le ministre de l'Économie se faisait une joie de secouer une nouvelle fois le « système » et d'accaparer les feux de la rampe parlementaire. Manuel Valls ne peut le laisser faire son show une nouvelle fois sans réagir. Il pèse, avec la complicité de Hollande, pour que la loi Macron 2 soit explosée en deux morceaux, qui deviendront la loi El Khomri et la loi Sapin. Fureur de Macron. La tension s'installe entre le Premier ministre et l'homme de Bercy, au point que les conseillers de Macron disparaissent des réunions interministérielles à Matignon durant quelques mois, début 2016...
Des jeux de pouvoir malsains se mettent en place. C'est ainsi que Matignon se met systématiquement à arbitrer en faveur des propositions d'Axelle Lemaire, la secrétaire d'État au Numérique, placée sous la tutelle de Macron. Pourquoi ? Uniquement parce que Macron ne la supporte pas, au point qu'il a demandé sa tête au président. Tout ce qui peut contrarier Macron est bon... pour Valls. Les petites humiliations invisibles se multiplient comme autant de piqûres de guêpe sur l'épiderme de Macron.
9
février 2016 : déclaration d'indépendance
Pendant
ce temps, François Hollande pousse le débat sur la déchéance de nationalité à
son paroxysme. Les députés de gauche sont vent debout, mais Valls soutient le
président. Le 9 février 2016, devant 800 personnes réunies
par la Fondation France-Israël, Macron s'attaque à la mesure. « J'ai, à
titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que ce débat a prise,
lâche-t-il. On ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale.
Déchoir de la nationalité est une solution dans certains cas, mais, à la fin
des fins, la responsabilité des gouvernants est de prévenir et de punir
implacablement le mal et les actes terroristes », déclare le ministre de
l'Économie. Au même moment, Valls défend le texte à l'Assemblée. Le vote est
imminent. Il explose de rage en apprenant les déclarations de son ministre et,
encore une fois, le recadre.
Le 11 mai
2016 : un clash en direct
En
coulisses, Valls peut toujours qualifier d'« idiotes » « ces
histoires de jalousie avec Macron », il n'a pu s'empêcher d'éclater devant les caméras, le 11 mai
2016, dans l'hémicycle de l'Assemblée. Le député Les Républicains Georges
Fenech interroge Valls sur « la confusion des genres ou, pis, le conflit
d'intérêts » que représentent les levées de fonds que Macron assume
organiser pour son nouveau mouvement, En marche !. Au micro, Valls répond
en démentant toute levée de fonds « pour [il] ne sai[t] quelle
association », mais surtout rappelle, en forme d'avertissement
tonitruant : « Ce que je souhaite, et c'est le cas, c'est que les
membres du gouvernement soient pleinement et totalement engagés dans leur
tâche, parce qu'il y a une crise politique, une mise en cause du
politique. » De retour au banc des ministres, Valls reproche à Macron une
interview accordée à Sud Ouest,
intitulée « Être utile à mon pays dès maintenant ». Valls est fou de
rage contre une petite phrase de l'interview : « Je ne fais pas
partie de cette caste politique et je m'en félicite. Nos concitoyens sont las
de cette caste. » « C'est Juppé que je visais », tente de se
défendre Macron. « Mais alors, dis-le, dis-le ! » hurle Valls,
qui reproche à son ministre de dévaloriser l'image de l'ensemble de la classe
politique en mettant tout le monde dans le même sac. « C'est inacceptable.
Pourquoi tu dis ça ? » lance le chef du gouvernement. Macron baisse
les yeux. Ce jour-là.
30
août 2016 : une leçon de loyauté
Le
ministre de l'Économie largue définitivement les amarres. Il démissionne du
gouvernement pour lancer sa candidature à la présidentielle. La réaction du
chef du gouvernement est cinglante et, à relire aujourd'hui, cruelle… pour
lui : « Chacun son itinéraire, son destin, en tenant compte aussi des
principes… disserte Manuel Valls. Vous savez, moi, j'ai un
principe : c'est la loyauté, la loyauté à l'égard du président de la
République, bien sûr, mais pas seulement, la loyauté vis-à-vis des Français.
[…] Dans ce moment-là, on ne peut pas partir, on ne peut pas déserter. »
Et de continuer sur le même thème : « La loyauté est un principe. […]
La loyauté, c'est quelque chose qui rend plus fort. […] J'ai été
toujours loyal dans ma vie politique. Je suis loyal aux institutions du
pays comme je suis loyal comme chef du gouvernement au président de la République,
cela va de soi, mais aussi aux Français. »
5
décembre 2016 : une candidature, contre Macron
L'ancien
Premier ministre n'avait cessé de le dire : en cas d'empêchement de
François Hollande, il se tenait prêt. Ces déclarations – autant de coups de poignard
contre le président – ont fini par l'achever. Hollande renonce à se représenter
le 1er décembre. Quatre jours plus tard, Manuel Valls sort du bois à Évry. Dans
son discours, il cherche à arrondir les angles sur sa gauche en réservant ce
missile à Emmanuel Macron : « La réussite ne se mesure pas au montant
du compte en banque, elle se mesure à la lumière que l'on a dans les
yeux. » Un missile qui aujourd'hui ressemble à un boomerang.---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Bien que pas si différents sur les programmes rénovateurs que M.VALLS n’a pu mettre en œuvre à cause de F.HOLLANDE :
Il serait préférable qu’E.MACRON ne prenne pas M.VALLS, bien que sur la même ligne réformatrice, c’est dommage peut-être, mais un combat de jeunes coqs du fait de leur antagonisme déjà présent quand ils étaient au gouvernement de l’ex président !
Car M.VALLS a poussé indirectement F.HOLLANDE à ne pas se présenter à la primaire et à jeter l’éponge, pour lui se mettre en lice …
Et la méthode d’E.MACRON étant de ne pas trop prendre d’ex élu du précédent gouvernement HOLLANDAIS ce serait logique de ne pas s’allier l’ex 1er ministre ?!
Jdeclef 11/05/2017 13h18 LP
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