Poutine-Hitler,
même combat ? Hitler a
annexé l’Autriche et les Sudètes (Tchécoslovaquie) avant d’envahir la
Pologne en 1939. Ses méthodes rappellent la posture belliqueuse
de Poutine… U ltimatum
lancé à l'Ukraine. Incidents désignés comme des provocations susceptibles de
déclencher l'intervention des troupes russes. Regroupement de celles-ci à la
frontière ukrainienne. Reconnaissance des territoires séparatistes. Non-respect
des accords de Minsk… Depuis plusieurs semaines, Poutine rappelle par son
comportement différents stratagèmes déployés par Hitler en 1938 et 1939
à l'égard de trois pays européens : l'Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne.
Bien sûr, il ne s'agit pas d'affirmer une équivalence entre la fureur
expansionniste de Hitler et les calculs froids et prudents de Poutine. Face à
lui, ce n'est pas non plus la même Europe qui céda jadis à la politique de
l'apaisement, même si on attend de voir si les Européens accepteront de mourir
pour Kiev.
Autre différence : en 1938, les États-Unis n'étaient pas
encore entrés dans le jeu. Bien sûr aussi, il n'est pas question pour le moment
d'annexer les territoires du Donbass, même si l'organisation d'un plébiscite,
comme en Crimée, pourrait être la dernière phase avant cette annexion. Pour
autant, on peut pointer certaines ressemblances, si l'on remplace notamment
« Allemands » par « Russes ». On peut aussi percevoir une
même atmosphère belliqueuse, un même bruit persistant de bottes. Il est bon,
enfin, de se remémorer le déroulé exact de toutes ces crises et les termes
employés.
Autriche : quand Hitler dénonçait une trahison
Adolf
Hitler, Hermann Wilhelm Goering et Albert Speer en avril 1942
Poutine a rappelé
que l'Ukraine moderne était née de la Russie et l'avait trahie pour le camp occidental.
Dès 1920, Hitler avait réclamé la fusion de tous les Allemands dans une grande
Allemagne. Poussé par Goering, convaincu aussi par des raisons économiques, ce
fils de la terre autrichienne réactive le projet d'une union fin 1937. Le
12 février 1938, il convoque au Berghof le chancelier autrichien
Schuschnigg en le faisant recevoir par plusieurs généraux à l'allure martiale
afin de l'impressionner. Il exige l'amnistie des nazis autrichiens, interdits
depuis 1934, il demande que Seyss-Inquart, nazi autrichien, soit nommé ministre
de l'Intérieur, pour avoir le contrôle de la police, et dénonce aussi la
trahison de l'Allemagne par l'Autriche. « Peut-être apparaîtrai-je un jour
soudain à Vienne ! Comme un orage de printemps. Il y aura du spectacle »,
lâche-t-il soudain. Schuschnigg ne se laisse pas impressionner. Mais pour faire
croire à une invasion militaire, Hitler demande en hurlant que Keitel, le chef
d'état-major, vienne dans son bureau. Schuschnigg est ébranlé et accepte la
nomination de Seyss.
Le 20 février, Hitler donne un discours où il déclare que les
traités de paix sont insupportables aux Allemands, de même que la séparation
avec 10 millions d'Allemands. Les troubles, fomentés par les nazis,
s'intensifient en Autriche où, le 9 mars, Schuschnigg surprend tout le
monde en annonçant un référendum sur l'autonomie autrichienne, alors que les
nazis réclamaient un plébiscite sur l'Anschluss. Hitler soupèse le risque d'une
intervention anglaise ou française. Il conclut qu'ils ne bougeront pas. Il vérifie
auprès de Mussolini, empêtré en Éthiopie, qu'il ne se formalisera pas d'une
invasion allemande.
« Rétablir l'ordre, maintenir la paix » :
la troublante résonance des mots de Poutine
L'Allemagne ne disposant d'aucun plan militaire, Hitler les
demande en urgence à son état-major pris de court. Il lance un ultimatum à
Schuschnigg pour qu'il retarde le référendum et démissionne afin de céder sa
place à Seyss. Le chancelier autrichien lance un appel au secours aux
Anglais : « Le gouvernement de Sa Majesté n'est pas en mesure
d'assurer votre protection », répond lord Halifax, en charge de la
politique étrangère. Goering presse Seyss-Inquart d'envoyer un télégramme à
Berlin qui demande « l'aide du gouvernement allemand afin de rétablir
l'ordre ». Rétablir l'ordre, maintenir la paix : exactement les mots
de Vladimir Poutine pour les territoires séparatistes. À minuit, le président
autrichien nomme Seyss-Inquart chancelier. Les troupes allemandes, en ce
12 mars, ont commencé déjà à apporter leur « aide ».
Luc
de Barochez – Les balles dans le pied de Poutine
La minorité allemande des Sudètes face à la propagande
de Goebbels
Au printemps, Goebbels fait donner la propagande : les
Tchèques feraient subir les pires traitements à la minorité allemande des
Sudètes. Poutine ne parle-t-il pas de génocide commis par des "nazis
ukrainins" envers les Russes du Donbass ? En 1938, Londres n'est lié
par aucun traité avec Prague. La France, si, mais elle ne semble pas prête à
entrer en guerre pour la défendre. La Tchécoslovaquie est affaiblie aussi par
les revendications autonomistes des Slovaques. La stratégie de Hitler est de
formuler une exigence qui ne peut être satisfaite par Prague : intégrer
des régiments allemands dans l'armée tchèque. Hitler demande en amont un plan
militaire à Keitel et lance pour l'été 1938 la construction accélérée
de la ligne Siegfried face à la France afin de la dissuader de réagir. Des
troupes allemandes se rapprochent de la frontière tchèque : Berlin assure
qu'il s'agit de manœuvres de routine. Un Kriegspiel est organisé par
l'état-major allemand : la Tchécoslovaquie devrait pouvoir être envahie en
onze jours.
Début septembre, Hitler demande à Henlein, le chef des
Sudètes, et à ses adjoints de mettre en scène des « incidents »
où les Sudètes allemands seraient victimes des Tchèques, qui cèdent face à
un ultimatum de Hitler : accorder une quasi-autonomie des Sudètes. Les
Anglais ont conseillé à Prague d'accepter les termes de l'ultimatum. L'accord
tchèque prive Hitler d'un prétexte pour envahir le pays, mais il met au point
les derniers détails d'une attaque fixée au 1er octobre, sans
tenir compte des avertissements envoyés par son ambassadeur à Paris : la
France pourrait réagir.
22 septembre 1938 : Hitler refuse de signer un
pacte de non-agression avec la Tchécoslovaquie
C'est alors que le Premier ministre anglais, Chamberlain, entre en
scène, se rendant à deux reprises en Allemagne, les 15 et
22 septembre : « Si l'on accorde l'autodétermination aux
Allemands des Sudètes, il n'aura pas d'autre revendication », promet Hitler.
« J'ai eu l'impression d'être en présence d'un homme à qui on pouvait se
fier dès lors qu'il avait donné sa parole », note le naïf Chamberlain, le
15 septembre. Mais le 22 septembre, Hitler refuse soudain de signer
un pacte de non-agression avec la Tchécoslovaquie. Chamberlain est effondré.
Le même jour, Benès, le président tchèque, surprend tout le monde
en décrétant la mobilisation générale. La guerre semble inévitable. Hitler fixe
ses conditions que les Tchèques ont jusqu'au 28 septembre pour
accepter : « Si la France et l'Angleterre veulent attaquer, qu'elles
le fassent, je m'en fiche. » Le 26, Hitler prononce un discours où il
rejette sur Benès la décision de déclencher une guerre : « Soit il
acceptera notre offre et finira par donner la liberté aux Allemands, soit nous
prendrons cette liberté nous-mêmes. » Mais les Anglais font savoir que si
Paris se lance dans la guerre, ils suivront la France. Mussolini entre alors en
scène pour proposer une réunion. Frustré de ne pas lancer ses troupes, Hitler
accepte, même s'il obtient avec les accords de Munich ce qu'il avait demandé.
Décidé à envahir la Tchécoslovaquie, Hitler ne se soucie
ni des Anglais ni des Français
Adolf
Hitler avec Heinrich Himmler en 1939.
« Ce
Chamberlain a gâché mon entrée à Prague », confie Hitler après les accords
de Munich. Ce n'est que partie remise. Dès l'affaire des Sudètes, le Führer
avait l'intention de régler son compte à la Tchécoslovaquie, riche en minerais
et en équipements industriels. C'est la demande d'indépendance des Slovaques
qui précipite les choses en mars 1939. Prague réagit en plaçant l'ancien
Premier ministre slovaque, le père Tiso. Après avoir rencontré Hitler, celui-ci
fait proclamer l'indépendance slovaque le 14 mars. Puis il demande la
protection des Allemands.
Depuis le 10 mars, Hitler a déjà décidé de l'envoi de troupes
en Tchécoslovaquie. Il ne se soucie nullement des Anglais et des
Français : « Nos ennemis sont des vermisseaux, je les ai vus à
Munich. » Ce même 14 mars, Hacha, le vieux président tchèque, demande
une entrevue avec Hitler qui le reçoit à Berlin, entouré de nombreux
dignitaires, afin de mieux l'impressionner. « L'entrée des troupes
allemandes est irréversible », hurle Hitler face à Hacha, qui fait un
malaise. Le médecin du Führer, Morell, doit lui administrer une injection. Rétabli,
Hacha accepte, la mort dans l'âme, de donner l'ordre aux troupes tchèques de ne
pas riposter face à l'armée allemande qui entre en Tchécoslovaquie le
15 mars. « C'est le plus beau jour de ma vie, confie Hitler, je
resterai comme le plus grand Allemand de l'Histoire. » À Londres,
Chamberlain est furieux de cette dénonciation des accords de Munich. Même dépit
chez son successeur Boris Johnson qui, en choeur avec la communauté européenne,
dénonce le non-respect des accords de Minsk par Poutine. Chamberlain renonce à
sa politique d'apaisement. Les Français accélèrent leur réarmement.
Pologne-Angleterre : « Je
vais leur préparer un breuvage infernal »
Londres identifie très vite la Pologne comme le prochain pays
visé. Dès avril, Anglais et Polonais signent un pacte d'assistance mutuelle en
cas d'agression ainsi qu'un accord naval. Hitler est furieux. « Je vais
leur préparer un breuvage infernal. » L'Allemagne commence à faire
pression sur Varsovie pour récupérer le couloir de Dantzig en échange d'un
accès à la Baltique pour les Polonais via un grand port. Au printemps, après
avoir récupéré la ville de Memel en Lituanie, l'Allemagne tente d'isoler
diplomatiquement la France et l'Angleterre afin de les dissuader de se porter
au secours de la Pologne. Elle signe d'abord avec la Roumanie (pour son blé et
son pétrole), puis l'Italie (le Pacte d'Acier le 22 mai) qui ignore à ce
moment-là les intentions allemandes à l'égard de la Pologne, et bien sûr l'URSS
le 23 août, où Staline, à Moscou, porte un toast avec Ribbentrop à la santé
de Hitler.
Quand Hitler
et Staline se partageaient l'Europe
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