Guerre
Ukraine-Russie : à Kiev, un parfum d’apocalypse
REPORTAGE.
Deux jours après le début de l’invasion, détonations et échanges de tirs
rythment les journées de la capitale ukrainienne, confrontée à un exode massif.
Au
troisième jour des combats, il règne une ambiance apocalyptique dans la
capitale ukrainienne, barricadée de toute part. Au sud de l'agglomération, des
checkpoints constitués de blocs de béton plantés au milieu des routes et gardés
par des soldats en arme balisent les entrées et sorties.
Chaque véhicule est scrupuleusement inspecté, chaque identité
contrôlée, des files interminables de voitures se forment. Conducteurs et
passagers sont accoudés aux portières, s'allument des cigarettes, descendent
faire leurs besoins sur le bas-côté ou conversent avec leurs compagnons
d'infortune. Certains automobilistes traversent les grands axes de
l'agglomération à toute allure, d'autres empruntent les voies rapides en
warning à contresens. Des piétons se risquent à la traversée et enjambent les
glissières de sécurité avec leurs valises sur le dos.
Les habitants patientent parfois des heures aux
automates distribuant encore de l'argent liquide. Le gaz naturel et les
carburants viennent à manquer, mais les stations-service demeurent des lieux où
il est encore possible de se procurer boissons et nourriture.
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« Tu n'es pas russe ? »
Le long des routes, cyclistes ou passants, chargés de sacs et de
sachets de vivres et de vêtements croisent des véhicules calcinés ou criblés de
balles.
Au beau milieu de l'après-midi, des tirs d'artillerie et
explosions résonnent. Sous les bruits de balles, les gens se ruent vers les
métros, qui ont cessé de fonctionner pour « passer en mode refuge »,
ou se mettent à l'abri derrière la première façade ou le premier muret aux
alentours.
Nombreux sont ceux qui font du stop en espérant qu'un automobiliste daigne les
embarquer. À la solidarité admirable dont les Ukrainiens font preuve se
mêle toutefois la méfiance. Des saboteurs rôdent avec l'objectif de détruire
des cibles dans la ville. « Tu n'es pas russe ? » interroge
ainsi gravement un routier à un auto-stoppeur avant de l'inviter à monter.
Couple
russo-ukrainien : « une romance dans le style Capulet et Montaigu »
Scotch sur les fenêtres
Les lieux de coutume très fréquentés, tel que le centre
commercial, Ocean Plaza, à la frontière entre les raïons de Pechersk et Solomyanka, sont
déserts. Quelques cahutes continuent de vendre des cigarettes quand une majorité
de commerces ont baissé le rideau.
Les trains d'évacuation, aux capacités étendues, reliant
Kiev à Lviv, la grande ville de l'Ouest, sont surchargés. Les passagers avec ou
sans billet jouent des coudes pour faire partie du voyage.
À l'intérieur des logements encore occupés, les Kiéviens gardent
une fenêtre ouverte ou les couvrent de scotch pour éviter l'effet de
compression qui les ferait éclater en cas d'explosions proches.
« Il
est possible que les Ukrainiens s'enferment dans Lviv »
Couvre-feu jusqu'à lundi matin
Ce samedi, la mairie de Kiev a décrété un couvre-feu courant de
17 heures ce jour jusqu'à 8 heures lundi matin. Toutes les personnes
appréhendées dans les rues durant cet intervalle « seront considérées
comme des membres des groupes de saboteurs ennemis », précise-t-elle.
Pour l'heure, Kiev tient toujours. La pression russe s'intensifie,
mais les troupes n'ont pas encore investi le cœur de la cité. La veille, le
ministère ukrainien de la Défense enjoignait aux habitants du quartier-dortoir
d'Obolon de jeter des cocktails Molotov « pour neutraliser
l'occupant ». Dans le même temps, celui de l'Intérieur diffusait un guide
de fabrication sur les réseaux sociaux. Le président ukrainien, Volodymyr
Zelensky, diffuse de son côté régulièrement des vidéos prouvant sa présence
dans la ville.
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