lundi 18 novembre 2019

La réaction est trop tardive dans notre pays, car nos autorités n'anticipent pas assez les problèmes quotidiens pouvant se produire après la construction d'ouvrages d'arts ou autres et leurs maintenances !


La grande misère des ponts français

Après l'effondrement du pont de Gênes, en 2018, un rapport parlementaire avait été commandé qui pointe 25 000 structures en piteux état sur le territoire.

La conversation se déroule dans le bureau du maire d'une petite commune française. Sait-il combien de ponts sont implantés sur son territoire ? Il se lève, fouille quelques instants dans ses dossiers, revient bredouille et lâche ces quelques mots : « Je ne sais pas. Six ou sept. Peut-être huit. » Les élus qui ne connaissent pas le nombre de ponts dont ils ont la charge sont légion, et pour cause : il n'existe pas, en France, d'inventaire centralisé et détaillé des ouvrages d'art et de leurs gestionnaires. Combien y a-t-il de ponts en France ? Impossible de le savoir. Sont-ils tous entretenus comme ils le devraient ? Ce n'est pas certain. Peu de temps après le dramatique effondrement du pont Morandi, à Gênes, le 14 août 2018 (bilan : 43 morts), les sénateurs ont voulu connaître l'état de ces ouvrages en France et ils ont été bien inspirés. La mission d'information sur les ponts a publié ses conclusions le 26 juin. Certaines sont inquiétantes. Sur les 200 000 à 250 000 ponts qui constellent le réseau routier hexagonal, environ 10 % sont « en mauvais état structurel et posent des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers », relèvent les sénateurs. Soit la bagatelle d'environ 25 000 ponts en mauvais état ! Un poste de dépenses potentiellement explosif pour l'Etat et les collectivités locales, qui se répartissent l'essentiel des ponts à problèmes - les ponts autoroutiers étant globalement moins dégradés que sur le reste du réseau.
Comme souvent en matière budgétaire, le meilleur est moins probable que le pire. La dégradation « lente mais continue » de ce patrimoine routier national s'explique en grande partie par le vieillissement normal des ouvrages, pour beaucoup reconstruits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui arrivent aujourd'hui en fin de vie. Ce phénomène touche de plein fouet 2 800 ponts gérés par l'Etat, qui « nécessiteront des moyens importants de remise en état », notent les sénateurs, qui dénoncent « le sous-investissement chronique et les insuffisances de l'action publique ».
 Cas de conscience. Danielle Poirson, maire de Tigeaux, et Francis Poisson, son adjoint à l’urbanisme. La reconstruction du pont coûterait 1 million d’euros.
Pétitions. Sur le terrain, la confusion prend parfois le dessus. Entre les collectivités qui méconnaissent le niveau de dégradation de leurs ponts et celles qui n'ont pas les moyens de les entretenir, il arrive que les maires s'enlisent dans les sables mouvants de la décision publique, une science relativement inexacte car tributaire de la valse des parlementaires et des hauts fonctionnaires. C'est le cas de trois communes voisines de Seine-et-Marne, où deux ponts proches sur le Grand Morin sont fermés à la circulation depuis cinq ans. Le premier, qui relie les communes de Guérard et de Dammartin-sur-Tigeaux, est une structure métallique rouillée de type Eiffel, que franchissaient chaque jour 1 200 voitures ; pour l'essentiel des habitants de Coulommiers qui rejoignaient la première section gratuite de l'autoroute vers Paris. Le pont, qui n'était pas conçu pour accueillir un trafic périurbain grandissant, a commencé à montrer des signes de faiblesse en 2014. Un matin, Christian Verbrugghe a découvert que le pont qui desservait son restaurant était fermé : « Personne n'avait jugé utile de me prévenir », se souvient le propriétaire de l'Auberge du Robinson. Son entreprise, en vente au moment de la fermeture, n'a jamais trouvé de repreneur.
Au lendemain de la fermeture de ce pont, les voitures se sont reportées sur un autre ouvrage, à Tigeaux, à quelques kilomètres en aval de la rivière. Le trafic a alors culminé à 3 000 véhicules par jour. Là aussi, il s'agissait d'un fragile pont métallique construit en 1850, reconstruit après la Seconde Guerre mondiale et « rénové » quinze ans plus tard par coffrage en béton à l'esthétique discutable. « Devant l'afflux de véhicules, nous avons commandé une étude. Les conclusions ont montré que n'importe quel véhicule pouvait faire s'écrouler le pont. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre un arrêté pour le fermer », explique Danielle Poirson, maire de Tigeaux depuis vingt-six ans. Cette décision suscite alors des remous. Pétitions, manifestations, plaintes… Certains habitants sont fortement pénalisés et doivent faire un détour de plus de 10 kilomètres pour passer d'une rive à l'autre.
Erreurs de GPS. La reconstruction de l'ouvrage coûterait plus de 1 million d'euros, somme difficile à débourser pour une commune qui dispose d'un budget annuel de 350 000 euros. Faut-il s'endetter sur cinquante ans pour financer la rénovation d'un pont qui sera emprunté à 98 % par des véhicules en transit ? D'autant que les contraintes s'amoncellent : l'ouvrage d'art est installé sur un site classé et contient de l'amiante, ce qui alourdit encore les devis. « Nous avons décroché une subvention de 190 000 euros pour déconstruire le pont, mais nous n'avons eu que la moitié de ce qui était prévu. Du coup, nous allons probablement rendre l'argent », explique l'élue, qui a frappé à toutes les portes. Elle s'est fait une raison. Les riverains aussi. Si la fermeture du pont a commencé par déchaîner les passions, certains ont su trouver des avantages à la situation. C'est le cas d'Etienne Gourdain, un agriculteur dont l'exploitation voisine la rivière et ce second pont, fermé. La route qui passait devant chez lui est désormais une impasse et il doit faire 10 kilomètres pour sortir de son exploitation, mais ça ne l'émeut guère : « Aujourd'hui, j'ai gagné en tranquillité et ça n'a pas de prix. Je suis même prêt à racheter le pont pour qu'il ne rouvre pas », explique-t-il, enjoué. Le trafic s'est en effet tari. Pas plus d'une vingtaine de véhicules s'égarent chaque jour devant chez lui, erreurs pour la plupart dues à des conducteurs qui avaient programmé l'itinéraire le plus court sur leur GPS. « Je déclare régulièrement que le pont est fermé sur les applications de guidage, mais rien n'y fait. Au bout de deux jours, ils rétablissent l'itinéraire et des voitures reviennent se perdre ici. Les sociétés de cartographie ne veulent rien entendre », explique le céréalier qui, prévoyant, a même installé une boîte aux lettres de l'autre côté du pont. Le facteur peut y déposer son courrier sans avoir à faire un détour de 10 kilomètres.
Revendiqués par personne. Au fait, à qui appartient ce pont ? « On ne sait pas qui l'a construit, on n'a pas les archives. Si on pouvait prouver que ce pont a été construit en 1850 par l'Etat, ça changerait la donne, explique Francis Poisson, adjoint chargé de l'urbanisme, mais, comme il se trouve sur un chemin communal, on considère qu'il est à nous. »
Condamné. Le pont de Dammartin- sur-Tigeaux (Seine-et-Marne), de type Eiffel, que franchissaient 1 200 véhicules par jour.
Des querelles sur la responsabilité, il en existe une trentaine en France. La mission sénatoriale les désigne sous le nom de « ponts orphelins », des ouvrages dont la propriété n'est revendiquée par personne, chaque institution estimant qu'une autre doit s'en charger. Du coup, ces ponts ne sont entretenus par personne. Les récents regroupements de communes n'ont rien arrangé, ils ont même généré des ponts « temporairement orphelins ». Ainsi, Christophe Ferrari, président de la métropole de Grenoble, a témoigné devant les sénateurs des difficultés qu'ont rencontrées ses services pour dresser un inventaire clair de la situation lorsque la métropole a récupéré l'essentiel des compétences relatives à la voirie, en 2017 : « Nous détectons aujourd'hui des ouvrages orphelins qui n'apparaissent nulle part, et nos inventaires ne font que s'accroître d'année en année. Nous avions recensé à l'origine 1 200 ouvrages d'art sur le territoire métropolitain. A peine deux ans plus tard, à la suite des inventaires complémentaires, nous en comptabilisons 1 500. La grande majorité se situe dans les communes rurales, montagnardes, périurbaines. » Soit une différence de 300 ponts temporairement orphelins. 
« Il n'y a plus personne ! » Si les métropoles ou les départements disposent bien souvent des compétences techniques pour entretenir les ponts, ce n'est pas toujours le cas des petites communes. « De 18 à 20 % des ponts des petites communes (plus de 16 000 ouvrages) présenteraient aujourd'hui une structure altérée ou gravement altérée », explique le rapport sénatorial.
Pour Emmanuel Rat, maire de Châtillon-sur-Loire (Loiret) depuis trente-cinq ans, les choses semblaient tout de même plus pratiques lorsque les directions départementales de l'équipement s'occupaient de faire des visites de contrôle des ponts, tous les deux ou trois ans. « Maintenant, il n'y a plus personne ! Il a fallu qu'on embauche un technicien. Et, en plus, les travaux sont à 100 % à notre charge ! » raconte l'élu, qui vit au rythme des histoires de pont depuis des années. Sa commune, au bord de la Loire, est reliée à la ville de Briare par un magnifique pont suspendu du XIXe siècle qui appartient au département. Il s'agit du même modèle que celui qui s'est effondré à Sully, à 35 kilomètres, en 1985, un jour de grand froid. L'accident n'avait fait aucun mort, « mais le car scolaire était passé quelques minutes avant », précise le maire.
 Pont suspendu. De même modèle que le pont de Sully-sur-Loire, qui s’était effondré en 1985, celui de Châtillon-sur-Loire (Loiret) inquiètait les élus locaux. Les travaux ont commencé.
Les riverains se sont accoutumés au calme du trafic restreint. « J'entends des artisans qui voudraient restreindre le trafic à 3,5 tonnes, sauf pour les camions qui viennent les livrer, car ils ne veulent pas payer des frais de livraison supplémentaires. Si on décide de limiter le trafic à 3,5 tonnes, on fait comment avec les cars de ramassage scolaire ? Un détour de 20 kilomètres ? Et les agriculteurs qui ont leurs silos de l'autre côté de la Loire ? » s'agace le maire.
Le pont de Châtillon est aujourd'hui en travaux. La circulation s'écoule lentement - et en alternance - pendant que des ouvriers consolident l'ouvrage et remplacent les énormes câbles qui soutiennent le monument construit en 1841. Témoignage d'un temps où les bateaux étaient halés par des animaux, une rampe hélicoïdale qui permettait au bétail de remonter sur le pont est toujours visible, enroulée autour d'une pile.
C'est Bastien Vaurigaud, ingénieur au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, qui est venu au chevet du pont de Châtillon : « Nous avons été appelés pour une problématique d'aciers fragiles, un phénomène qui touche les aciers d'après guerre et qui les rend cassants en période de grand froid. Nous avons ausculté les câbles à l'aide d'un dispositif magnétique et des traces de corrosion sont apparues. Il fallait remplacer les pièces », témoigne-t-il. Les travaux devraient durer jusqu'en 2021. Le trafic sera alors rétabli pour tous les véhicules, y compris les semi-remorques, quelle que soit la température. Dans l'affaire, le pont aura même gagné une piste cyclable en encorbellement, un luxe pour un ouvrage d'un si grand âge sauvé du péril par des travaux titanesques

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Qui bien sur vieillissent s'usent ou deviennent inadaptés à notre monde en pleine évolution continuelle !

Et cela ne touche pas seulement des ponts, mais toutes infrastructures qui subissent des utilisations fréquentes, on l'a vu avec des accidents ferroviaires par exemple quelque fois une maintenance pas assez rigoriste que l'on fait moins bien par soucis d'économies !

Car on utilise jusqu’à rupture des systèmes divers qui craquent ou claquent au lieu de les remplacer avant que cela ne produise des accidents humains ou autres, car le profit et l'argent dont on veut faire des économies est prioritaire, alors certains acceptent le risque, un grand défaut de nos sociétés capitalistes modernes (et surtout on n'en tire pas les leçons après en cas de catastrophe !)

Pont contrôlé et déclaré sans risque une jeune fille de 15 ans a perdu la vie et des blessés et des travaux avaient été fait, mais il y a déjà + de 15 ans !?

Ce pont semblait bien inadapté aux poids lourds et un miracle, car le car scolaire était passé juste avant, heureusement qu'il a tenu, c'est horrible, rien que d'y penser, qu'aurait dit nos autorités bien pensantes donneuses de leçons, le laxisme à tout va dans notre V eme république est trop flagrant, car il y a trop de faits divers qu'ils n'arrivent pas à circonscrire, car ils sont incapables d'appliquer des priorités de bon sens, car dépassés par des événements normaux du quotidien dans la vie des français qui tourne quelque fois aux drames, car ils ne font que de la politique politicienne creuse!

Mais oublient le peuple lambda dont ils ont la charge !

Jdeclef 18/11/2019 16h50

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire