dimanche 10 novembre 2019

Pour MELENCHON dire des choses absurdes, ce n'est pas que quelque fois, c'est tout le temps !


Jacques Attali : « Parfois, Jean-Luc Mélenchon dit des choses absurdes »

Il fut un témoin direct de la réunification allemande. L'ancien conseiller de Mitterrand est l'invité du grand entretien politique du « Point ».

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, le « mur de la honte » s'effondre. L'édifice – symbole d'un monde bipolaire – qui divise la ville est ouvert par les jeunes Est-Berlinois. Une marée humaine accourt à Berlin-Ouest. À 1 000 kilomètres de là, à Paris, l'ambiance n'est pas à la fête et l'étonnement ne gagne pas les couloirs de l'Élysée. La chute du Mur ? François Mitterrand et ses conseillers s'en doutaient sans trop savoir quand elle adviendrait. Entretien avec un témoin de l'époque, l'ancien conseiller présidentiel Jacques Attali, qui publie L'Année des dupes, Alger 1943 (Fayard).
Le Point : Que faisait le conseiller spécial de François Mitterrand le 9 novembre 1989 ?
Jacques Attali : Ce n'est pas un jour très important pour moi. Il se trouve que j'étais en Espagne pour une négociation et, pour moi, tout était déjà réglé depuis longtemps et cela ne m'a pas du tout surpris. La chute du Mur est une anecdote sans importance. Le Mur était tombé depuis longtemps. En juin 1988, Vadim Zagladine, qui était le conseiller diplomatique de Gorbatchev et un ami très proche, me dit : « Il faut que tu comprennes qu'on ne tirera plus sur la foule. » « C'est fini, nous sommes une démocratie et on verra combien il faut de temps pour que les gens comprennent », a-t-il ajouté ensuite. Au mois d'août de la même année, devant l'afflux d'Allemands de l'Est en Hongrie qui tentent de se rendre en Autriche, le Premier ministre hongrois Miklos Nemeth en appelle au Kremlin qui lui ordonne d'ouvrir les frontières. C'était fini ! Il n'y avait plus de Mur. Tout ce mythe selon lequel les Allemands ont poussé pour qu'il n'y ait plus de mur ne tient pas. La télévision est-allemande a annoncé que les frontières s'ouvraient au matin de la chute du Mur, mais elles l'étaient depuis un an en réalité. La chute du mur de Berlin est une construction historique qui donne aux Allemands un rôle qu'ils n'ont pas eu.
Au sommet de l'État, aucune surprise donc…
Pas du tout ! Beaucoup de gens poussaient pour que François Mitterrand aille à Berlin ce soir-là et il a refusé. « Ce n'est pas mon affaire ! » disait-il. Le dossier qui importait au moment de la chute du Mur, c'était la réunification. Juste après la chute, un des conseillers d'Helmut Kohl prédit à François Mitterrand et moi : « Je sais que les événements qui sont certains arrivent plus vite qu'on ne le croit. La réunification allemande arrivera l'an prochain. » Or, le 15 décembre 1988, François Mitterrand rencontre George Bush à Saint-Martin, aux Antilles. « Mon conseiller vous dit que la réunification aura lieu dans cinq ans. Je m'en excuse, il dit n'importe quoi. Elle aura lieu dans dix ans », nous disait naïvement le président américain…
Le chaud-froid de Berlin, par Claude Imbert
Je ne veux pas m'en mêler, c'est une affaire allemande
Lorsqu'on relit les déclarations de François Mitterrand et de Roland Dumas, on remarque un double discours. L'on explique que la réunification était un fait historique (la chute du Mur de Berlin est comparée à la Révolution française), mais on semble inquiet de ce retour de la grande Allemagne… François Mitterrand a-t-il eu peur de la réunification ?
François Mitterrand était lui très net sur la réunification : « Je ne veux pas m'en mêler, c'est une affaire allemande. » Mais il pose néanmoins quatre conditions pour que la France approuve : la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse avec la Pologne (source de nombreuses tensions au cours du siècle entre les deux pays, NDLR), la reconnaissance de la dénucléarisation de l'Allemagne, l'acceptation de l'avancée vers la construction de l'euro et une vision partagée sur les relations avec le reste des pays d'Europe de l'Est. Il n'était pas hostile à la réunification, quand Margaret Thatcher l'était, elle, et frontalement. François Mitterrand ne s'est jamais exprimé pour ou contre. Il pensait que Helmut Kohl allait reporter les négociations une fois l'Allemagne réunifiée, mais il ne l'a pas fait et là est la grandeur du chancelier. Il y a deux grands hommes dans ce moment de l'Histoire : Kohl et Gorbatchev. Ils ont tous les deux fait ce qu'ils avaient à faire aux yeux de l'Histoire.
N'a-t-il pas même une inquiétude sur la place de la France en Europe avec le retour d'une grande Allemagne ?
Il y avait un homme qui avait une influence considérable sur François Mitterrand, c'est l'écrivain Michel Tournier. Il était obsédé par la réunification allemande parce que cela signifiait pour lui le retour de la Prusse. « Je vous comprends, mais nous n'y pouvons rien, c'est le sens de l'Histoire », lui répondait François Mitterrand. Tant que nous avons des chanceliers venant de l'Ouest, le risque historique est moindre. C'est vrai qu'Angela Merkel, cette fille d'un pasteur qui est allé volontairement à l'Est, aurait pu être l'un de nos cauchemars à l'époque. Et aujourd'hui, quand on voit les négociations entre l'AfD (extrême droite) et la CDU (le parti de Merkel), il y a une inquiétude légitime que la Prusse reprenne le pouvoir. C'est pourquoi nous avions rapidement lancé l'entrée de l'Allemagne dans la Communauté européenne tout en faisant patienter les pays de l'Europe de l'Est, le temps qu'ils rentrent pleinement dans l'euro. Or, les Européens de l'Est ne voulaient pas de l'Union européenne. « On ne va pas quitter le Comecon pour rentrer dans une autre bureaucratie », nous disaient-ils. Par contre, ils souhaitaient vivement entrer dans l'Otan en profitant d'être, pour la première fois, détachés de l'orbite soviétique. Très habilement, les Américains ont poussé les pays de l'Est à entrer dans l'Union européenne non pas pour la renforcer mais pour l'affaiblir.
Chute du mur de Berlin – Le courage d'oser, par Jean-François Revel
Quelques années après la chute, Harald Jäger, l'ancien garde-frontière à Berlin-Est, déclare : « C'était la nuit la plus belle mais aussi la plus terrible de ma vie. Terrible parce que j'ai réalisé que le parti m'avait laissé tomber. Ma vision du monde s'est effondrée cette nuit-là. » L'euphorie chez les Allemands de l'Est n'était pas générale ?
Ce qu'il se passait à l'Est était en effet très étrange. On sentait une très grande tristesse et une très grande peur dans les rues de Berlin après la chute. Une peur d'être envahi, d'être marginalisé, que la parité Ouest-Est au sommet de l'État ne soit pas la bonne. D'ailleurs, autre preuve de la grandeur d'Helmut Kohl, c'est lui qui fait le choix politique – contre l'avis de tout l'establishment allemand – de la parité de un pour un. Le président de la Bundesbank est venu me voir à Paris pour dire au chancelier de ne pas le faire.
Jean-Luc Mélenchon est un grand intellectuel parfois. Parfois, il dit des choses absurdes
Dans son livre Le Hareng de Bismarck, Jean-Luc Mélenchon écrit que l'Allemagne de l'Est a été « annexée » et que les Allemands de l'Est réclamaient « une constituante », un vote donc sur l'intégration est-ouest et sur la préservation d'un certain nombre de leurs acquis. Il l'a répété dans un tweet. Qu'en pensez-vous ?
C'est triste. Jean-Luc Mélenchon est un grand intellectuel parfois. Parfois, il dit des choses absurdes.
Historiquement, ce n'est pas une annexion ?
L'Allemagne de l'Est fait partie de l'Allemagne. Il y a eu bien évidemment une demande enthousiaste de l'Allemagne de l'Est. Il y a eu un vote à 90 % en faveur de la réunification. Il n'y a pas de doute possible. L'interrogation que nous avions, nous Français – pour dans 50 ans, pas pour l'immédiat –, c'était quelle partie de l'Allemagne allait prendre l'avantage sur l'autre. Fallait-il craindre que la Prusse prenne le pouvoir sur la Bavière ? On ne l'a jamais dit publiquement, ni même en privé face à Kohl.
Cette inquiétude persiste-t-elle ?
Elle peut persister, mais cela ne s'est pas produit.
Ni Jospin ni Chirac n'étaient des pro-européens
Que pensez-vous du couple Macron-Merkel ?
C'est le meilleur couple franco-allemand que nous ayons eu depuis Mitterrand-Kohl. De loin. Je suis très lié aux présidents précédents (Nicolas Sarkozy et François Hollande), mais la France d'Emmanuel Macron est en position de dire et faire des choses en Europe. Même si les Allemands ne sont pas enthousiastes au début. C'est ce que nous faisions avec Kohl. On se voyait très régulièrement et on lançait des idées nouvelles : l'euro, la BERD, Schengen, etc. Beaucoup de choses n'ont pas abouti ou n'ont pas décollé, mais nous faisions sans cesse des propositions. Aujourd'hui émergent des idées comme l'Europe de la Défense (la Darpa européenne) ou le besoin de grands investissements d'infrastructures écologiques.
La successeure désignée d'Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, semble plus critique envers la France…
C'est tout le danger. On a connu ça par le passé : ni Jospin ni Chirac n'étaient des pro-européens. Ils étaient soit sceptiques, soit résignés. Donc, ils n'avançaient pas. Nicolas Sarkozy était pris dans la crise ; François Hollande a toujours été soucieux d'avoir un accord préalable avec les Allemands avant d'avancer. Aujourd'hui, nous avons un chancelier finissant. Pour que les étoiles s'alignent, il faut avoir un chancelier qui a envie d'avancer. Si c'est le cas, on ira très loin. Si c'est « AKK » ou une autre personne plus réticente, ce sera plus gênant. Mais il ne faut pas oublier les Verts allemands qui sont très européens.
Dans une interview, Poutine a déclaré : « La pensée libérale est dépassée. Elle entre en conflit avec l'intérêt de la majorité écrasante de la population. Les valeurs traditionnelles sont plus stables et plus importantes pour des millions de gens que cette pensée libérale qui, à mon avis, est en train de disparaître. » Avec Poutine, Erdogan, Orban, Trump, Bolsonaro, etc., 2019 marque-t-elle la revanche de 1989 ?
Tout d'abord, nous avons fait avec les Turcs et les Russes des erreurs historiques. Avec les premiers, il fallait continuer à négocier et dire « on se donne trente ans ». Je l'avais dit d'ailleurs publiquement : « Si on arrête les négociations avec les Turcs, ils vont se tourner vers l'islam. » C'est ce qui se passe. Lorsqu'il est arrivé à la tête de la Russie, Vladimir Poutine a fait deux discours qui étaient explicitement des demandes de négociation pour une entrée de son pays dans l'Union européenne. Personne ne l'a entendu. Il s'est tourné vers autre chose. Nous n'avons été au bout de notre démarche. En 1991, dans Le Monde, je prévenais : il y a un grand risque que la démocratie et le marché, contrairement à ce que croit Fukuyama (dans La Fin de l'histoire, son ouvrage majeur, NDLR), ne soient pas l'horizon indépassable de l'histoire. Pourquoi ? Car le marché est par nature mondial, sans frontières, tandis que la démocratie a des frontières. Le marché va donc dominer la démocratie sauf si on étend le champ de la démocratie très vite. De plus, le marché et la démocratie sont par nature fondés par l'apologie de la liberté (droit de changer d'avis avec le risque d'une obsession du court terme). Si on n'est pas capable de mettre très vite en place un moyen de gérer les enjeux du long terme, on va être bouffé par l'instant. Les peuples vont critiquer le marché et la démocratie. On y est.
Les Américains ne viendront plus nous défendre
N'est-ce pas trop tard ?
Non. Prenons le cas de l'Europe. Nous devons nous mettre cette idée dans la tête : NOUS SOMMES SEULS. Les Américains ne viendront plus nous défendre. Il n'y a guère que les Polonais pour croire que si un soldat russe vient mettre un pied sur leur territoire, les Américains vont débarquer. Les Américains ne viendront plus mourir pour les Polonais. Tous les exemples récents montrent que les Américains ne défendent plus leurs alliés – et ça n'a pas commencé avec Trump ! Les États-Unis n'ont pas défendu le Japon face à la Corée du Nord ; ils n'ont pas répondu à l'attaque iranienne sur l'Arabie saoudite ; ils ont lâché les Kurdes. Qui a dit : « Nous allons gouverner le monde depuis l'arrière-garde » ? Barack Obama. Pour moi, le danger, c'est le délitement de l'Europe qui n'aurait pas compris assez vite qu'elle est seule.
Barochez – Comment la chute du Mur a conduit au populisme
Vous sortez un nouveau livre : L'Année des dupes, Alger 1943 (Fayard). Pourquoi s'être intéressé à cette année précise ?
C'est l'année de ma naissance. Cela faisait longtemps que je voulais savoir d'où je venais et que je me posais cette question : est-ce que j'étais vraiment français ? Pour comprendre, il faut tirer le fil. Je l'ai tiré et j'ai remonté jusqu'à l'Algérie sous Vichy. J'ai découvert des tas de choses. Il y a un débarquement le 8 novembre 1942, on n'en parle jamais. C'est le premier débarquement en terre de France de troupes anglo-saxonnes. On n'en parle pas, car les Français tirent sur les Américains. Et les Américains, après avoir remporté cette bataille, mettent des hommes de Vichy au pouvoir. Des lois anti-juives vont être laissées en place pendant près d'un an. Les Américains n'étaient venus en Algérie que pour leur intérêt : éviter à tout prix que les Allemands aillent en Irak pour le pétrole. Enfin, cette année nous en dit beaucoup sur l'Histoire de France et notre obsession anti-musulmane et sur l'antisémitisme français. Il faut bien comprendre qu'entre 1940 et 1943, existe en Algérie un antisémitisme incroyable… alors qu'il n'y a pas un Allemand. Par exemple, fin octobre 1942, Vichy fait fabriquer 100 000 étoiles jaunes pour les juifs d'Algérie.
Quel regard portez-vous sur les récents événements en Algérie ?
Notre intérêt majeur est que l'Algérie se développe, qu'elle devienne une démocratie. Si l'Algérie bascule dans le cauchemar, nous aussi. Il faut soutenir, sans trop s'en mêler, cette jeunesse qui manifeste. Il faut s'inspirer de l'exemple tunisien.
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Le symbole parfait d’un politicien inutile !

Mais hélas, il n'y a pas que lui dans le monde politique français, car il y a toujours des gogos pour les élire !?

(Les mêmes qui râlent après...)

Jdeclef 10/11/2019 13h01

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