Coronavirus
: qu'a fait l'État depuis trois mois ?
Début
janvier, le Covid-19 n'était pour les Français qu'une très lointaine
maladie. Et puis… Enquête sur un trimestre de crise au sein du pouvoir.
3 janvier Paris, avenue de Ségur, ministère de la Santé, étage du cabinet du
ministre
Réforme des retraites, réforme hospitalière, passage au Sénat de
la loi sur la procréation médicalement assistée, l'agenda du ministère est déjà
très chargé. Plusieurs membres du cabinet d'Agnès Buzyn se rassemblent pour
évoquer la sécurité sanitaire des Français : on a détecté un excès de
salmonelle lié à la consommation d'huîtres pendant les fêtes de fin d'année.
Mais un autre sujet s'impose : depuis quelques jours, leurs relais dans la
communauté scientifique leur parlent d'étranges cas de pneumonie dans la ville
chinoise de Wuhan, découverts autour du marché aux fruits de mer de la ville. Le
ministère a évidemment des liens institutionnels ou informels très étroits avec
le monde de la recherche. À tous les niveaux. À commencer par le plus haut.
Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, est un spécialiste des maladies
infectieuses et un ancien de l'Institut Pasteur. La ministre, elle-même
médecin, est mariée à Yves Lévy, un immunologiste, ex-patron de l'Inserm. Et,
surtout, la France est en pointe. Notamment grâce à l'Institut Pasteur, le fleuron
français et mondial de la recherche dans ce domaine, présent en Chine, à
Shanghai.
5 janvier Institut Pasteur, rue du Docteur-Roux, 15 e
arrondissement de Paris
Les radars de l'institution se sont manifestés avant les fêtes de
fin d'année. Les chercheurs de Pasteur installés en Chine ont remarqué que,
depuis mi-décembre, des médecins chinois de Wuhan ont diffusé des messages
alarmants sur les réseaux sociaux. À les lire, le service d'urgence de l'hôpital
municipal central est en quarantaine. Un communiqué lapidaire des autorités
sanitaires de l'agglomération publié le 31 décembre n'a pas non plus échappé
aux chercheurs de l'Institut Pasteur. Dès ce moment-là, avec la description
lacunaire de quelques cas, ils se mettent en veille active. « On a
compris qu'il se passait quelque chose d'important sur place »,
raconte Arnaud Fontanet, le chef du département épidémiologie. Ce 5 janvier,
les choses se clarifient modestement. Les autorités chinoises affirment connaître
l'identité du virus responsable de ces cas de pneumonie. « Les Chinois
expliquent qu'il s'agit d'un nouveau virus. Mais qu'il n'est pas transmissible
d'homme à homme. Je suis assez dubitatif, poursuit Fontanet. Il n'y a plus
vraiment de doute, c'est bien un virus émergent, de la même famille que le
Sras, responsable d'une première pandémie en 2003, et du Mers, apparu au
Moyen-Orient en 2012. » En ce début janvier, Arnaud Fontanet
reconnaît pourtant qu'il n'est pas inquiet outre mesure : « Nous sommes
à un moment charnière de l'épidémie. L'émergence d'un coronavirus est une
menace potentielle pour la santé mondiale. Le génome a été séquencé, mais les
Chinois ne veulent pas partager cette information. Or, partager la séquence
génétique de ce nouveau venu, c'est permettre de repérer sa diffusion dans
d'autres régions du monde pour éviter sa propagation. » À ce moment-là, un peu
partout dans le monde, la communauté scientifique met « une pression maximale
pour qu'ils publient rapidement les résultats ».
Ce jour-là, les choses s'emballent. Un conseiller de la ministre a
été désigné trois jours plus tôt pour suivre le dossier sur ces pneumonies
d'origine inconnue détectées en Chine. La séquence génétique du virus a été
déposée par la Chine dans la nuit sur un site Internet spécialisé. C'est un
tournant. Mais il n'y a toujours aucun mot sur les contaminations d'homme à
homme. La contagiosité du virus, qui est pourtant l'élément central pour
prévoir sa dissémination dans la population, restera ainsi minimisée pendant
une longue semaine encore, même si beaucoup de chercheurs occidentaux ne sont
pas dupes. Au ministère de la Santé, Agnès Buzyn organise une conférence
téléphonique avec des membres du cabinet de Jean-Yves Le Drian aux Affaires
étrangères et celui de son collègue aux Transports. « Le risque d'infection est pris
très au sérieux », raconte aujourd'hui l'un des participants. En
sollicitant le Quai d'Orsay, le ministère de la Santé cherche à mobiliser les
diplomates pour qu'ils partent à la recherche d'informations sur place. Il
alerte le ministère des Transports pour que celui-ci soit vigilant sur les flux
aériens entre la France et la Chine. Le 11 janvier, Agnès Buzyn envoie un SMS à
Emmanuel Macron et évoque avec le président cet étonnant virus. Quelques rares
journaux dans le monde commencent eux aussi à en parler, dont Le Point,
l'un des premiers à publier sur son site Internet un article issu de
discussions entamées début janvier avec les chercheurs de l'Institut Pasteur.
Quatre jours plus tard, l'Avenue de Ségur transmet un message aux
professionnels de santé, décrivant les symptômes de cette nouvelle maladie.
Seize établissements de référence sont retenus pour accueillir d'éventuels
malades du Covid-19… L'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont la France
est membre et surtout dont l'un de ses ressortissants, Didier Houssin, ancien
directeur général de la Santé, siège au comité scientifique, a aussi pris la
parole sur le sujet quelques jours auparavant en émettant une « notification ».
«
L'organisation évoquait alors un risque modéré de propagation du virus, nous
étions prêts à identifier d'éventuels cas en France et à les isoler »,
poursuit aujourd'hui un ex-conseiller d'Agnès Buzyn, resté en poste après son
départ. La doctrine retenue est celle qui persistera jusqu'au confinement : il
faut bloquer la propagation sur le territoire français en se focalisant sur
chaque cas détecté, et en coupant les chaînes de transmission. Les dépistages
dans les aéroports, pourtant recommandés par l'OMS, ne sont toutefois pas mis
en place.
21 janvier Ministère de la Santé
Agnès Buzyn tient sa conférence de presse de rentrée. C'est la
première fois qu'elle évoque publiquement ce « 2019-nCoV », dont on ne recense
alors que 297 cas dans le monde et qui n'a « officiellement » tué « que » 6
personnes. Des malades ont été confirmés en Thaïlande, au Japon, en Corée du
Sud, et même à Washington. Tous ont transité par la ville chinoise de Wuhan.
Une suspicion de cas, en France, vient d'être démentie. La ministre se veut
rassurante : «
Le risque de propagation en France est faible mais ne peut pas être exclu. »
Le ton est calme : « Notre système de santé est bien préparé », assure-t-elle.
Quelques semaines plus tard, cette « petite » phrase sera brandie comme la
preuve d'un « mensonge » par l'opposition quand le système de santé commencera à
ployer… Ce jour-là, Jérôme Salomon décide aussi de faire un « point de
situation Covid-19 » quotidien sur le site Internet du ministère.
22 janvier Jérusalem
Emmanuel Macron est en déplacement en Israël. Il a été convié avec
d'autres chefs d'État par Benyamin Netanyahou au 75 e anniversaire
de la libération d'Auschwitz. Mais un rendez-vous téléphonique est organisé
avec son homologue chinois, Xi Jinping. Il a été préparé avec soin par Alice
Rufo, de la cellule diplomatique de l'Élysée, et les diplomates du Quai d'Orsay
spécialistes de la Chine, qui ont épluché les télégrammes diplomatiques de
l'ambassade de France à Pékin détaillant la crise sanitaire traversée par la
Chine. Il est extrêmement rare qu'un président chinois parle directement aux
autres chefs d'État. Les contacts bilatéraux se font d'ordinaire à des niveaux
subalternes. Emmanuel Macron souhaite la bonne année à Xi Jinping (l'année du
Rat de métal commence trois jours plus tard). Puis il pose quelques questions
sur la situation à Wuhan. Il manifeste sa solidarité en proposant de livrer du
matériel sanitaire français. L'offre est appréciée : la Chine est en guerre
commerciale avec les États-Unis et l'aide européenne est précieuse. Macron
évoque aussi la situation des expatriés à Wuhan, la ville où tout a commencé.
Xi Jinping laisse entendre que la ville sera en quarantaine dès le lendemain.
Macron sait ce que cela signifie : Bercy a fait passer une note au président.
PSA et Michelin ont d'importantes filiales sur place et comptent de nombreux
expatriés installés avec conjoints et enfants.
25 janvier Bercy
Sur la boucle Telegram qu'elle partage avec son réseau des anciens
Young Leaders de la France China Foundation, la secrétaire d'État auprès du
ministre de l'Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher, mesure déjà les
conséquences de la crise sanitaire sur les flux commerciaux entre l'Europe et
l'Asie : des usines et des pans entiers de l'économie chinoise sont à l'arrêt.
À cette époque, elle est fréquemment en contact avec des industriels français
qui l'alertent sur le ralentissement. « Matignon nous a demandé d'essayer d'anticiper les impacts que
cela pourrait avoir sur l'économie française », dit-elle
aujourd'hui. Un étage plus haut, dans l'Hôtel des ministres, Emmanuel Moulin,
le directeur de cabinet de Bruno Le Maire, a lui aussi souvent au téléphone des
grands patrons qui l'alertent, comme ceux de PSA et de Michelin, très présents
en Chine, ou encore de la CMA-CGM, la compagnie de transport maritime qui
ressent en direct l'effondrement des flux commerciaux entre les deux
continents.
26 janvier, 17 heures Hôtel de Matignon
Trois cas de Covid-19 ont été détectés sur le territoire français
et Édouard Philippe a demandé à six de ses ministres de les retrouver. Dans le
salon bleu, autour de la table : Florence Parly (Défense), Bruno Le Maire
(Économie), Jean-Baptiste Djebarri (Transports), Sibeth Ndiaye (porte-parole),
Nicolas Roche (directeur de cabinet de Jean-Yves Le Drian). Et Agnès Buzyn,
bien sûr. La ministre de la Santé fait un long point d'information. Elle
rappelle les précédentes crises sanitaires du Sras et du H1N1. Elle décrit la
nature du virus. Elle prévient ses collègues qu'elle déclenchera dès le
lendemain le centre opérationnel de crise du ministère de la Santé, le centre
opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales
(Corruss). Elle les informe aussi que son ministère a entamé un inventaire des
masques destinés aux hôpitaux français et qu'elle en a d'ores et déjà commandé
200 millions supplémentaires par précaution : les informations en provenance de
Chine montrent que ceux-ci constituent la matière première des soignants avec
les respirateurs artificiels.
Cellule de crise. Le
26 janvier, à l’Hôtel Matignon, Agnès Buzyn prévient Édouard Philippe qu’elle
déclenchera, dès le lendemain, le centre opérationnel de crise du ministère de
la Santé.
Très vite, le sujet des expatriés de Wuhan est sur la table.
Édouard Philippe tranche : il faut les faire rentrer. La mission est confiée à
l'armée pour la logistique et au Quai d'Orsay pour la coordination avec les
autorités chinoises. Christophe Castaner (Intérieur) est chargé de trouver un
lieu pour confiner ces expatriés venus de Wuhan, car il est hors de question de
laisser se propager la maladie sur le sol français. Il faut aussi éviter la
panique. Déjà, sur les réseaux sociaux, le ministère de l'Intérieur a recensé
une hausse des insultes visant les Asiatiques de France. Sibeth Ndiaye évoque
aussi la communication politique à tenir sur le sujet. Elle rappelle l'épisode
Lubrizol de Rouen ou celui du plomb de Notre-Dame. En matière sanitaire, il
faut le maximum de transparence pour éviter les théories complotistes. Mais aussi
beaucoup de prudence. Sibeth Ndiaye confesse aujourd'hui qu'en entendant Agnès
Buzyn évoquer sa commande de masques, elle s'est demandée si celle-ci n'en
faisait pas un peu trop… « Cette fin janvier, la problématique ne concernait encore que les
expatriés. Mais la ministre est médecin. Le directeur général de la Santé est
épidémiologiste. Je me dis aussi : "Si cela doit déraper, nous avons les
meilleurs aux commandes". »
29 janvier Paris-Wuhan-Paris
Un Airbus A340 de l'armée de l'air a décollé de l'aéroport
Roissy-Charles-de-Gaulle dans la nuit. À son bord, des dizaines de milliers de
masques, une équipe médicale de 40 personnes et Olivier Guyonvarch. Le consul
général de France à Wuhan a une mission : ramener en France les expatriés
confinés dans la métropole de 11 millions d'habitants. Six jours plus tôt,
quand Pékin a décidé de placer la ville de Wuhan en quarantaine pour contenir
la propagation du virus, le diplomate se trouve à Paris. Profitant des
célébrations du Nouvel An chinois, Olivier Guyonvarch est rentré pour subir
deux interventions chirurgicales. Mais après une première opération, il renonce
finalement à la seconde, préférant joindre ses efforts à ceux du centre de
crise du Quai d'Orsay et des équipes du consulat restées sur place. Il s'active
à distance pour permettre le rapatriement des 500 ressortissants français, déjà
confinés depuis une semaine. « Ce fut aisé pour les personnes inscrites au consulat, mais plus
hasardeux pour les voyageurs de passage raconte-t-il. Il a fallu
ensuite obtenir pour toutes les personnes éloignées de Wuhan des laissez-passer
pour leur permettre de se rendre au consulat, point de ralliement, où nous
avons contrôlé la validité des passeports, délivré quelques documents de voyage
d'urgence et quelques visas »*, explique humblement ce
diplomate expérimenté de 54 ans, qui a lui-même inauguré le consulat en 1998.
Ce matin du 29 janvier, six bus attendent les passagers pour les
conduire à l'aéroport de Wuhan, désormais désert. En l'absence de personnel au
sol, les agents du consulat enregistrent les bagages des passagers et délivrent
des cartes d'embarquement manuscrites qui ne comportent aucune destination. La
France a décidé d'autoriser les conjoints et enfants chinois de ces
ressortissants à faire partie du voyage. Avant de monter, les médecins du
ministère de la Santé passent chaque voyageur au peigne fin. Lui est resté.
Relayé par trois autres diplomates français volontaires, il travaille à
distance vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec la quarantaine d'employés
chinois, est en visioconférence quotidienne avec Pékin et Paris pour organiser
le rapatriement des derniers ressortissants : des Français mais aussi d'autres
citoyens de l'Union européenne qui n'ont pas de consulat sur place. Au total, du
30 janvier au 21 février, 4 avions sont spécialement affrétés - trois par la
France et un par le Royaume-Uni -, permettant à 533 personnes de quitter Wuhan.
Parmi eux, la propre femme d'Olivier Guyonvarch. Lors de l'embarquement du
dernier avion, il pose le poing levé, masque de protection sur le visage, en
compagnie de ses frères d'armes.
*Le
récit et les citations du diplomate sont extraits de son profil LinkedIn, le
Quai d'Orsay refusant la demande d'interview du Point.
7 février Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes
« Cette fois, on y est. »
Il est 10 h 38 lorsque le Dr Jean-Yves Grall, qui dirige l'une des plus grosses
agences régionales de santé (ARS) de France apprend que le premier foyer
français du Covid-19 est apparu sur son territoire. Le Corruss, la cellule de
crise du ministère de la Santé, vient de le prévenir que les autorités britanniques
sont à la recherche de ceux qui ont pu côtoyer un ressortissant anglais testé
positif au virus revenu des Contamines-Montjoie, une station de ski des
Hautes-Alpes. «
Le passé du malade britannique ne laisse aucun doute. Avant son séjour en
France, il assistait à Singapour à une conférence où certains intervenants
venaient, eux, de Wuhan en Chine », explique le Dr Grall qui, de
2011 à 2013, a occupé le poste de directeur général de la Santé. Immédiatement,
la cellule de crise se met en place. Les ordres fusent. De l'hôpital d'Annecy,
une équipe d'infectiologue file avec le Samu 74 vers le petit village de 1 200
habitants en pleine saison de ski. Objectif : tester au plus vite les 11
résidents du chalet fréquenté par le malade, tous britanniques, qui ont été
prévenus et, confinés, attendent sur place les équipes soignantes. Les
prélèvements doivent ensuite être acheminés à Lyon. À 22 h 15, une conférence
téléphonique réunit le ministère de la Santé, le Pr Bruno Lina, virologue à
Lyon et responsable du laboratoire associé du centre national des virus des
affections respiratoires et patron du centre de référence de Lyon dans le
domaine des épidémies, les infectiologues et les urgentistes du Samu de
l'hôpital d'Annecy : « Quand le Pr Lina a annoncé que cinq des cas étaient
positifs, ce fut la sidération. Un silence de mort s'est ensuivi »,
raconte le Dr Grall. Les maires des Contamines-Montjoie et de Saint-Gervais,
les parlementaires de la région sont prévenus par téléphone durant la nuit. À 5
heures du matin, les 11 Britanniques sont transférés vers les hôpitaux
universitaires de Lyon, Saint-Étienne et Grenoble, « l'hôpital d'Annecy restant en
réserve, au cas où nous découvririons d'autres cas sur place ». Les
équipes de l'ARS et de Santé publique France arrivent dans le village le samedi
à 8 heures pour mener l'enquête. Une trentaine d'agents de l'ARS informent la
population, les familles, l'école - un enfant d'un couple britannique résidant
à l'année fait partie du « cluster » pour retrouver les personnes ayant pu être
en contact avec le patient zéro, considéré comme très « infectant
». À 10 heures, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, annonce la
situation, en indiquant au sujet des patients que « leur état clinique ne présente
aucun signe de gravité ».
Le dimanche 9, les infectiologues et le Samu de l'hôpital d'Annecy
installent un centre de dépistage dans le village. Cent douze personnes sont
testées, la plupart des résultats seront négatifs. À ce moment-là, tout le
monde pense encore que la tragédie peut être évitée en isolant chaque cas avéré
et en menant l'enquête pour découvrir ceux avec qui la personne contaminée
était en contact.
17 février, 8 h 30 Ministère de la Santé, bureau d'Agnès Buzyn
« Il y a un risque d'épidémie, mais on a peu de données. Tu vas
avoir besoin de matériel, fais attention. Ce sera peut-être ta mission
principale… » Agnès Buzyn a démissionné pour se
présenter aux élections à la mairie de Paris à la place de Benjamin Griveaux.
Elle briefe Olivier Véran en séchant ses larmes. Elle quitte à regret ce
ministère. La veille encore, le député de l'Isère pique-niquait avec ses
enfants sur la colline de Venon, près de Grenoble, au pied d'un grand chêne… Il
a attrapé un train après un coup de fil du directeur de cabinet du président
lui demandant de confirmer sa biographie. Emmanuel Macron ne l'a appelé qu'à 20
heures. «
Tu es prêt ? » demande Macron. Ce matin-là, au moment de lui
laisser son bureau, Agnès Buzyn rassure son successeur, médecin et ancien
responsable syndical hospitalier qui connaît très bien Jérôme Salomon.
Ensemble, ils ont rédigé des pans entiers du programme Santé du candidat Macron
en 2017. Buzyn dit à Véran : « Tu connais déjà tous les grands dossiers. » Pendant
vingt-cinq minutes, il n'est presque question que de l'épidémie entre
l'ancienne et le nouveau ministre. La Chine concentre alors encore 99 % des 65
000 cas connus de Covid-19 dans le monde… Buzyn répète à Véran ce qu'elle a dit
à ses collègues du gouvernement quelques jours plus tôt. Elle a évoqué deux
scénarios. L'un, optimiste : hors quelques cas rapidement isolés en Europe,
l'épidémie restera chinoise. L'autre, terrible : la pandémie sera
internationale et la France ne sera pas épargnée. Elle détaille ses dernières
actions dans le domaine à son successeur, qui garde auprès de lui la plupart
des membres de son cabinet. Avant de quitter l'Avenue de Ségur, elle a demandé
au centre du Pr Lina, à Lyon, ainsi qu'à l'hôpital Bichat, à Paris, d'être des
pôles de référence. Agnès Buzyn doit partir. Elle file pour rencontrer les
équipes de campagne de La République en marche qui ont besoin d'être rassurées
après l'explosion en vol de leur candidat. Le soir même, Olivier Véran rend
visite à la fille du premier malade décédé du virus en France, un touriste
chinois de 80 ans.
Contacts. Passation de pouvoir entre Agnès Buzyn et
Olivier Véran, le 17 février, au ministère de la Santé. 22 février Ambassade de France
en Italie, Rome
Comme il le fait chaque soir depuis le 29 janvier, Philippe
Vigouroux adresse le bulletin quotidien qu'il a baptisé « L'Italie face au
coronavirus ». C'est la quinzième note sur le sujet qu'il adresse au ministère
des Affaires étrangères à Paris. Ce soir-là, au début de sa note, il écrit : « Décédés [ce
jour] : 2
morts, un homme de 78 ans à Monselice (Vénétie), une femme de 77 ans, de
Casalpusterlengo (Lombardie)… » Quand il est arrivé en octobre 2019
au palais Farnèse, à Rome, siège de l'ambassade de France en Italie, comme
nouveau conseiller pour les Affaires sociales, Vigouroux, 64 ans, s'attendait à
une fin de carrière « pépère », comme le lui pronostiquaient tous ses amis
avec un peu de jalousie. En général, le champ d'investigation d'un conseiller
social d'ambassade embrasse plutôt les affaires syndicales, le droit du
travail, les questions de retraite de son pays d'accueil. Mais cette fois-ci,
Rome accueille un haut fonctionnaire de santé. Un homme qui a dirigé à trois
reprises des centres hospitaliers universitaires (CHU) à Limoges, Nancy puis à
Bordeaux (où il a d'ailleurs laissé sa place à un collaborateur d'Agnès Buzyn).
C'est à ces postes qu'il a affronté les crises du Sras en 2003 et de la grippe
H1N1 en 2009-2010. Alors, lorsque l'Italie a été frappée par les premiers cas
de Covid-19, il a réagi instantanément après avoir obtenu l'aval de son ambassadeur,
Christian Masset, un diplomate très expérimenté qui n'a pas vu comme un crime
de lèse-majesté la démarche de son collaborateur. Le 29 janvier, Vigouroux
écrit donc sa première note quotidienne sur le sujet qu'il adresse à tous ceux
qu'il a croisés un jour ou l'autre. Or il connaît beaucoup de monde. La
conseillère santé d'Emmanuel Macron est une amie de trente ans, plusieurs
patrons d'ARS sont ses intimes ainsi que, évidemment, plusieurs collaborateurs
du ministère de la Santé ou des responsables de la DGS. Jour après jour, il
recense donc toutes les informations sur la gestion de la crise par l'Italie.
Il n'est pas le seul. L'Institut Pasteur, les chercheurs de l'Inserm et de
nombreux professeurs de médecine français entretiennent des liens étroits avec
les chercheurs et les médecins italiens. Mais alors que la France se croit à
l'abri (aucun décès n'est encore constaté), Philippe Vigouroux est l'une des
sentinelles qui surveille cette étrange maladie. La France a onze jours de «
retard » sur l'Italie dans le déroulement de l'épidémie. À la lecture de
l'ensemble des bulletins de Vigouroux, on ressent comme un effroi. Tout ce
qu'il y raconte se produira dix jours plus tard. Le manque de masques, de
respirateurs artificiels, de lits de réanimation, les innombrables
problématiques liées au confinement, etc.
25 février Ministère de la Santé
Olivier Véran n'a pas vraiment eu le temps de s'installer dans ses
nouvelles fonctions. Il a donné deux jours plus tôt ses premières interviews,
dont l'une au journal de 20 heures de France 2, depuis sa cellule de crise.
Elles étaient entièrement consacrées au coronavirus. Pour l'opinion publique,
le virus qui restait lointain est maintenant aux portes de l'Europe. « Sommes-nous
prêts ? » La question revient sans cesse. Ce jour-là, le
gouvernement en est persuadé. Un médecin-réanimateur chargé d'anticiper les
besoins en lits spécialisés a été recruté au ministère. Le périmètre des
événements publics est réduit. Des commandes de masques sont passées. Les
gestes barrières - ne plus se serrer la main, tousser dans son coude… - sont
martelés inlassablement à la télévision. Et les masques ? Les propos tranchés
des ministres laissent sceptiques. Pourquoi les Asiatiques en sont-ils tous
couverts ? La réponse fuse : « L'OMS n'a jamais recommandé le port de masque systématique. »
Très vite pourtant, il apparaît que la France n'en a pas assez pour que la
population en bénéficie. « En temps normal, on utilise 5 millions de masques par semaine.
Mais on a été alertés par les Italiens : avec l'épidémie, les services
hospitaliers se sont mis à en utiliser 10 fois, et parfois 50 fois plus !
» raconte aujourd'hui un conseiller à Matignon. Les commandes
sont passées, se rassure le ministère.
27 février Naples
Giuseppe Conte, le nouveau président du Conseil des ministres
italien est heureux. Il voulait vraiment faire plaisir à Emmanuel Macron qui
aime tant Naples. Le matin, avant de s'envoler pour cette ville, le président
français était à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. L'après-midi, Conte et
Macron cheminent dans les ruelles aux pavés noirs, ils s'émerveillent devant
une église. Sur la terrasse du dernier étage d'un palais, ils prennent le café
après un déjeuner de travail. Quelques jours plus tôt, Emmanuel Macron a
proposé à Conte d'annuler cette visite. L'Italie se bat contre le virus. Il ne
veut pas gêner le chef du gouvernement italien par une visite prévue depuis
quelques semaines et qui n'a d'autre but que d'apprendre à mieux se connaître.
Mais Giuseppe Conte a insisté. Ils ont convenu ensemble que c'était un signe de
solidarité et un message aux Italiens qui croient encore à l'Europe. La France
est là, et ce n'est pas un virus qui peut fragiliser une si vieille amitié entre
deux peuples voisins. Macron et Conte parlent beaucoup de la pandémie.
Évidemment. Macron insiste : il fera tout ce qu'il peut au niveau européen pour
aider économiquement Rome à encaisser ce coup dur. À l'Élysée, on a le
sentiment que cette lutte contre le virus ne consiste pas à creuser une
tranchée en attendant l'ennemi, mais à préparer ses forces. En cette fin
février, beaucoup sont convaincus que le système sanitaire et hospitalier
français est suffisamment solide pour affronter la vague. Économiquement, en
revanche, tout le monde est conscient que les conséquences seront lourdes. La
Lombardie, la région italienne la plus touchée, est déjà largement
déstabilisée. Or c'est le cœur industriel du pays. Dans la soirée, Emmanuel
Macron signe un décret interdisant tout rassemblement de plus de 5 000
personnes dans un lieu confiné.
3 mars, 15 heures Assemblée nationale
Exceptionnellement, les questions au gouvernement ont lieu un
mardi. Olivier Véran, le ministre de la Santé, répond aux députés qui, tour à
tour, n'abordent qu'un sujet : le coronavirus. On évoque la trentaine de
patients détectés la veille : ils venaient de participer au rassemblement d'une
église protestante évangélique de près de 2 000 personnes en Alsace. La
stratégie qui prévalait jusqu'alors est en ruine : le virus circule. L'ensemble
des cas sera impossible à retracer. Pascal Bois, un élu La République en marche
de l'Oise, veut en savoir plus sur la situation dans son département, l'un des
principaux foyers avec le Haut-Rhin. Il veut être sûr que l'État met tout en
œuvre pour enrayer la progression de l'épidémie depuis qu'un professeur a été
testé positif à Creil, que l'on dénombre plus de 60 personnes testées positives
autour de la ville et surtout 2 décès (il y en aura 4 de plus dans les
soixante-douze heures suivantes). Il veut aussi savoir où en est le stock de
masques. Les soignants se plaignent auprès de lui de ne pas en avoir
suffisamment. Olivier Véran rassure encore une fois. Mais il sait déjà que la
polémique a envahi les réseaux sociaux. Les journaux télévisés diffusent
fréquemment des reportages sur le sujet. Une fois de plus, il fait le point sur
les stocks et les commandes de l'État. Une cellule de crise a même été
constituée quelques jours plus tôt avec cette seule mission.
Assailli. Le 3 mars, Olivier Véran répond aux
questions de députés inquiets de la progression de l’épidémie.
Les besoins ont pourtant été sous-estimés. Pour les seuls
soignants, il faudrait 40 millions de masques par semaine. Le gouvernement
assure que, pour eux, le stock est suffisant, mais qu'il est mal réparti sur
l'ensemble du territoire. Véran assure aussi que l'État a pris les choses en
main depuis longtemps. Dès le mois de février, les services du Premier ministre
ont ainsi envoyé des consignes aux responsables des marchés publics, leur
donnant le feu vert pour s'affranchir des règles des marchés publics. « On a
souvent payé 30 % à la commande, quand le code des marchés n'autorise que 5 %.
Bien sûr que certains fonctionnements administratifs ont du mal à s'adapter à
la crise extraordinaire que l'on vit. Mais l'administration a réagi assez
fortement ! » s'emporte aujourd'hui un important conseiller de
Matignon lorsqu'on évoque la polémique. « La question de la logistique a posé de vraies difficultés »,
confie aussi aujourd'hui au Point Olivier Véran, qui avoue avoir averti
lui-même le représentant du principal syndicat de dentistes en ces termes : « Vous
n'allez pas pouvoir conserver une activité normale très longtemps. Combien de
masques pouvez-vous nous donner ? » Si la priorité est donnée
au stock de masques destinés aux soignants, l'exécutif n'est pas sourd aux
attentes de la population, même si la doctrine officielle ne change pas - le
port systématique de masque dans la population n'est pas recommandé. « Les masques
rassurent la population. Il faut entendre cette attente », tranche
Agnès Pannier-Runacher, lancée dès le 13 mars sur la piste des masques
alternatifs et qui a reçu les responsables de la filière textile pour trouver
des solutions. Dans la soirée du 3 mars, un décret est signé : l'ensemble des
masques sur le territoire national est réquisitionné et les prix des gels
hydroalcooliques sont plafonnés. Le 13 avril, en s'exprimant devant les
Français, Emmanuel Macron reconnaîtra des erreurs dans ce domaine.
4 mars Bercy
Ce matin, Emmanuel Moulin découvre avec inquiétude la dernière
note de conjoncture de l'OCDE. Elle confirme tout ce que le Trésor, son
administration d'origine, lui laisse entendre depuis plusieurs jours. La
propagation du virus a déjà des conséquences majeures sur la plupart des
économies nationales, et donc sur la France. La note est encore plus alarmiste
pour les semaines à venir : si le confinement est appliqué dans les pays
occidentaux, ce sera une récession d'une ampleur jamais connue depuis quatre
décennies. Deux semaines auparavant, Moulin était avec son ministre à Riyad, en
Arabie saoudite, au G20. Les ministres de l'Économie ne parlaient déjà que
d'une chose : le virus et ses conséquences sur l'économie. En matière de crise
financière, Emmanuel Moulin n'est pas un débutant. Il a vécu la crise de
2008-2010 à l'Élysée, où il était le conseiller économique de Nicolas Sarkozy.
Il sait qu'il doit donc commencer à réfléchir à des outils radicalement
nouveaux pour tenter d'amoindrir le choc. Il n'est d'ailleurs pas le seul à
avoir déjà traversé la tempête ces dernières années à la tête de l'État. À
commencer par le « chef », Emmanuel Macron, qui était le collaborateur de
François Hollande à l'Élysée lors de la crise des dettes souveraines. Alexis
Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, travaillait, lui, pour Pierre
Moscovici, à Bercy. Odile Renaud-Basso, l'actuelle directrice du Trésor était,
elle, au service de Jean-Marc Ayrault à Matignon tout comme Clément Beaune,
l'actuel conseiller Europe du président. À la BCE, Christine Lagarde a, elle
aussi, vécu la crise de 2008 aux premières loges puisqu'elle était à Bercy.
Même si le séisme économique s'annonce, un haut fonctionnaire qui
a vécu il y a dix ans ces crises financières ne se risque pourtant à aucune
comparaison : «
La crise de 2008 était d'une violence inouïe. Mais tout le monde savait à peu
près ce qu'il fallait faire. La difficulté consistait à mettre tout le monde
d'accord pour sauver l'euro. Ce qui se passe aujourd'hui n'a rien à voir. C'est
comme une vague lointaine. Elle s'est approchée petit à petit, de très loin.
Nous avons eu le temps de la voir venir. Mais ce n'est que lorsqu'elle est
arrivée devant nous que nous avons découvert un tsunami ! »
5 mars, 16 heures Palais de l'Élysée
Emmanuel Macron a bouleversé son agenda. Il reçoit une trentaine
de chercheurs et de médecins. Des virologues, des épidémiologistes, des
infectiologues, des chercheurs de laboratoires pharmaceutiques. Son idée et
celle d'Olivier Véran : stimuler les collaborations entre des gens qui ne
s'entendent pas toujours bien, ainsi qu'entre le secteur public et privé. Et,
surtout, se faire une idée précise de la situation. La réunion est animée et
Emmanuel Macron constate que les participants sont divisés. Arnaud Fontanet, de
l'Institut Pasteur, est le plus alarmiste. Didier Raoult, le célèbre professeur
de médecine de Marseille, l'est moins. Il parle déjà de son produit miracle au
président : la chloroquine. D'autres sont plus rassurants. Jean-François
Delfraissy anime les débats avec diplomatie. Il glisse au président : « Le pays
dort. Il a besoin d'un choc. » Sous-entendu, les Français ne se
rendent pas compte de l'ampleur de l'épidémie. Lors de ce colloque improvisé,
personne ne relativise évidemment l'épidémie. Mais Emmanuel Macron constate
qu'il n'y a pas encore de consensus scientifique sur les mesures à prendre pour
enrayer la progression du virus. Il a une idée : la création d'un comité
scientifique qui pourrait conseiller le gouvernement. Il demande à Olivier
Véran de le constituer au plus vite.
État-major. Le 5 mars, Emmanuel Macron réunit
chercheurs et médecins des secteurs privé et public, prémices à la création du
Conseil scientifique.
Lorsque les scientifiques quittent l'Élysée, Emmanuel Macron
rejoint la salle du Conseil des ministres équipée depuis peu d'écrans pour des
visioconférences. Il a proposé à Donald Trump d'organiser une réunion des pays
du G7 et le président américain, qui préside à ce moment-là l'institution,
donne son accord. Macron n'est pas mécontent. Depuis des mois, il s'inquiète de
la crise du multilatéralisme et du déclin de la coopération mondiale. Il en a
fait la priorité de son action internationale. Et si la crise du Covid-19
permettait de relancer le dialogue entre grandes puissances ? Pas si sûr. Car
paradoxalement, cette réunion du G7 est bien plus facile à monter que celle des
ministres européens de la Santé. La première se tiendra le 13 février. À
l'issue de celle-ci, Olivier Véran confie un peu désespéré à ses collègues
français : «
J'ai dû passer une heure à leur expliquer combien il était important de se
réunir. »
5 mars CHU de Montpellier
Le directeur général de l'établissement, Thomas Le Ludec, son
adjoint, François Bérard, et une vingtaine de représentants des différents
services, en première ligne face au Covid-19, sont autour d'une table pour une
cellule de crise. Le déclenchement de la phase 3, dictée par l'installation
active d'une épidémie dans la majeure partie du territoire, n'est plus qu'une
question de jours. Un médecin ironise : « On sait tous que le gouvernement va la déclencher à un moment ou
à un autre… C'est comme le 49.3 pour la réforme des retraites. »
Sourires amusés dans l'assemblée, mais tension dans la salle lorsqu'on évoque
les questions sans réponse. Cas emblématique : le niveau des stocks des fameux
masques, ceux qui sont réservés aux soignants au contact des malades infectés
ou simplement suspectés de l'être. Thierry Veleine, directeur des
investissements et de la logistique, le reconnaît : « On n'en a plus ou presque. »
Mélange de consternation et d'incrédulité dans l'assistance. « Des
palettes arrivent en provenance des réserves de l'État, mais je ne peux pas
vous dire quand elles seront livrées. En attendant, nous avons retrouvé des
stocks qui datent de la grippe pandémique de 2009. Ils sont périmés, on les a
testés, ils ne sont pas parfaits. Il y a des fuites. » L'ARS, dont
le rôle consiste à piloter les établissements sur son territoire, n'est
d'aucune aide. «
Elle ne nous donne pas d'information et nous adresse simplement des
réclamations sur l'envoi de stocks de masques dans des établissements alentour,
là où ils font également cruellement défaut. C'est comme si on devait faire le travail à sa
place ! » À ce stade, aucun nouveau plan de bataille n'est proposé
par l'ARS pour organiser les échanges entre les établissements du secteur. « Tous les
malades et les échantillons nous arrivent en direct. Il va falloir s'organiser
pour rendre les autres hôpitaux autonomes. Et il va falloir le faire très vite
et par nous-mêmes », reprend alors Thomas Le Ludec, avant que le Pr
Samir Jabert, chef d'un département d'anesthésie réanimation au CHU, finisse de
glacer l'ambiance en évoquant le « désarroi de [ses] collègues italiens » avec
lesquels il a échangé le matin même au téléphone. « Ils me disent qu'ils doivent
choisir qui intuber entre deux patients. Ils ne disposent pas d'appareils de
ventilation artificielle en nombre suffisant. Ils me disent qu'ils sont très
surpris par la tournure et la rapidité des choses. » Dans la région
Haut-Rhin, où les malades commencent à affluer, la prise de conscience est plus
brutale encore qu'à Montpellier. Ce même jour, le président de la région Grand
Est, Jean Rottner, lui-même médecin, envoie un SMS à Emmanuel Macron : « C'est pire
que ce que tu imagines. Vous ne réalisez pas ! » En réalité,
chacun réalise que le système français ne pourra pas affronter cette « grippette »,
comme l'ont encore qualifiée récemment sur certains plateaux de télévision
d'éminents spécialistes. Partout en France, les hôpitaux s'adaptent, des consignes
ont été données depuis un mois déjà pour libérer des lits. « Nous étions
prêts pour la vague et, dans de nombreuses régions, nous le sommes toujours.
Mais nous n'imaginions pas cette magnitude », reconnaît un
conseiller du ministre de la Santé, épuisé par des semaines de crise. Cette
fois, il ne s'agit plus d'une épidémie lointaine. Tout le monde l'a compris.
12 mars, midi Palais de l'Élysée
Dans la nuit, tout s'est accéléré. Donald Trump a supprimé les
vols aériens au-dessus de l'Atlantique. Les chiffres de la mortalité venus
d'Italie sont terrifiants. En France, l'épidémie ne se limite plus à quelques
foyers dans le Grand Est ou dans l'Oise. Elle se diffuse partout et surtout
très vite. Constitué d'une dizaine de chercheurs emmenés par Jean-Francois
Delfraissy, le Conseil scientifique créé la veille est reçu par Emmanuel
Macron. En cette fin de matinée, les chercheurs et les médecins pensent assister
à une réunion assez formelle d'une petite heure avec le président de la
République, que la plupart d'entre eux n'ont jamais rencontré. Mais Emmanuel
Macron, qui doit prendre la parole dans la soirée devant les Français, pose une
question : faut-il annuler le premier tour des élections municipales ? La
discussion s'engage. Jean-François Delfraissy demande à plancher avec les
membres du Conseil pour rendre un avis le plus détaillé possible. Des
plateaux-repas sont commandés. À 16 heures, la réponse tombe. Se rendre dans un
bureau de vote, si les barrières de distanciation sont mises en place, n'est
pas plus dangereux que de faire ses courses dans un magasin. À 20 heures,
Emmanuel Macron annonce qu'il ferme les écoles, les lycées et les universités.
Et qu'il maintient les élections.
Généraux. Le ministre de l’Intérieur Christophe
Castaner, le Premier ministre Édouard Philippe, le président du Conseil
scientifique Jean-Francois Delfraissy et le ministre de la Santé Olivier Véran,
le 13 mars. 13 mars Palais de l'Élysée-Commission européenne
Emmanuel Macron est au téléphone avec Ursula von der Leyen, la
présidente de la Commission européenne. C'est la panique sur les marchés où les
Bourses se sont effondrées. Il faut rattraper une erreur de communication de la
BCE qui ne s'est pas fait bien comprendre. La Commission européenne doit
préciser les choses et diffuser un message clair, sans aucuns chiffres, pour ne
pas brouiller le message. Celui-ci est simple : il se résume en une formule
déjà utilisée par Mario Draghi à l'époque de la crise des dettes souveraines.
La Commission, la BCE et les États feront ce qu'il est nécessaire, quoi qu'il
en coûte, pour affronter la crise économique et financière. Quant au pacte de
stabilité, il est tout simplement suspendu. En clair, les États ont carte
blanche pour soutenir leur économie. Macron et Von der Leyen s'entendent sur le
message : cette dernière doit incarner la solidité et l'unité de l'Europe au
moment où certains États commencent à jouer leur carte nationale. Trois jours
plus tard, Emmanuel Macron et Angela Merkel, qui se sont longuement parlé
auparavant, organisent une réunion de crise par visioconférence avec leurs
homologues européens. Le Français et l'Allemande sermonnent ceux qui envisagent
de fermer leurs frontières nationales. Paris et Berlin sont sur la même ligne :
d'accord pour fermer les frontières extérieures de Schengen. Mais il faut à
tout prix laisser ouvert le marché unique. Sinon, ce serait rajouter du chaos
au chaos. Macron et Merkel se passent le relais pour faire la leçon à leurs
partenaires : cette question des frontières est existentielle, disent-ils. Il y
aura un après-virus. Il faut passer cette crise ensemble. Sinon, l'Europe ne
survivra pas.
16 mars, 20 heures Palais de l'Élysée
Emmanuel Macron s'adresse aux Français. En décrétant le
confinement et les mesures qui l'accompagnent, il répète à plusieurs reprises :
« Nous sommes
en guerre. » Lorsqu'il termine son allocution par la formule
consacrée : «
Vive la République ! Vive la France ! » ces quelques mots ont une
gravité inédite
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Dans de la mauvaise communication qui ne fait qu'irriter les français
sans les tranquilliser (même un peu) et notamment de la part de nos élus !
Et qu’ils cessent de faire de la politique politicienne seul réflexe,
dont qu’ils ne peuvent s’empêcher d’utiliser !
Je veux essayer SVP d’être impartial, car j’ai connu tous les présidents
de cette V eme république depuis de Gaulle et ait subi toutes les crises
importantes jusqu’à aujourd’hui, alors c’est simple, soit nous sommes vraiment
stupides puisque nous les élisons, soit ils sont des médiocres incurables qui
font de la politique politicienne à leurs profits ?!
Je précise que je ne suis inféodé, ni encarté à aucun de ces partis
ringards, mais étant en fin de vie, de par mon âge, fort déçu pour ne pas dire
autre chose et malgré que notre jeune président veuille en plus mettre les personnes
âgées de plus de 65 ans, qui semble le gêner, encore plus confinées, cela
ne m’empêchera pas de parler et dire ce que je pense de lui et de sa gestion du
pays, voire de son imprévoyance !
J’ai honte pour mon pays la France que j’aime !
Jdeclef 16/04/2020 18h14
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