Tchétchénie,
Ukraine… la méthode Poutine
Les
défauts militaires révélés à l'occasion de la guerre en Ukraine étaient
apparents il y a trois décennies déjà, en Tchétchénie.
Après
l'invasion de l'Ukraine, l'état désastreux de l'armée russe est l'autre
surprise stratégique du siècle. Les militaires chargés d'en suivre les
évolutions et la doctrine s'attendaient à tout, sauf à ce qu'ils voient depuis
six semaines : une armée, certes, puissante – n'est-elle pas présentée
comme la deuxième du monde ? – mais incapable de conduire une guerre de
conquête contre un voisin qui, pensait-elle, ne lui arrivait pas à la cheville.
Fin observateur des conflits contemporains, le colonel et historien français
Michel Goya demeure étonné de ce qu'il a constaté dès les premières heures de
l'invasion, fin février. « Leurs réseaux de communication ne fonctionnent pas bien, la
logistique ne marche pas non plus. Habituée à faire fonctionner sa logistique
par les voies ferrées, ils n'ont pas pu y recourir en Ukraine. Ils
ont utilisé des camions, dont ils manquent. »
Il relève l'une des spécificités de cette armée pas comme les
autres : « Chez
eux, la logistique pousse par l'arrière, elle n'est pas demandée par l'avant.
Si une unité française a consommé douze obus, elle rend compte et reçoit,
normalement le lendemain, un lot de remplacement de douze obus. La logique
russe est différente : si elle a prévu que l'unité consomme cinq obus,
elle lui en envoie cinq le lendemain, même si les autres n'ont pas été
tirés. Et si elle en a consommé douze, elle en reçoit quand même cinq, à
la soviétique. Cela aboutit à des gâchis énormes. Résultat : ils mènent
une attaque durant deux jours puis s'arrêtent, pour recevoir les compléments et
le carburant. »
Les Occidentaux auraient dû s'en douter, eux qui ont jugé durant
des décennies l'efficacité des Russes à leurs gigantesques manœuvres militaires
Zapad, Ouest en russe, le fameux Z peint sur les véhicules envahissant
l'Ukraine. En terrain libre, les régiments et les corps d'armées simulaient la
guerre comme on défile à la parade. « Nous avons cru, c'est vrai, que ces démonstrations de force
marquaient une réalité stratégique, note un officier français, alors que
dans les faits, l'engagement de ces moyens que nous percevions comme une menace
pour l'Otan était une forme d'illusion. »
Ils mènent une attaque durant deux jours puis s’arrêtent, pour recevoir les compléments et le carburant.L'historien Michel Goya, historien, à propos des soldats russes
Personne n'oublie, sans doute, que la Russie dispose de forces
nucléaires puissantes qui dissuadent tout attaquant éventuel de s'en prendre à
elle. Mais pour le reste, « c'est une armée qui cherchait ces dernières années à imiter
le modèle occidental professionnel, sans y être parvenue. Ils n'ont pas eu
assez de volontaires pour mettre sur pied une véritable armée professionnelle
et ont dû conserver une part de conscription. Ils ont commis une très grave
erreur en ne formant pas de sous-officiers de carrière, car les hommes restent
trop peu de temps sous les drapeaux. Des sous-officiers anciens ont de
l'autorité, savent prendre des initiatives, ce qui est indispensable, par
exemple, dans le combat urbain décentralisé, avec des équipes isolées et
autonomes. Donc des sous-officiers expérimentés et les Russes n'en possèdent
que très peu », relève Michel Goya.
Sous-effectifs
Dans le document L'Enfer de Grozny (1994-2000), publié
en 2006 par le Centre de doctrine d'emploi des forces de l'armée de
terre française, celle-ci revenait sur les erreurs de l'armée russe durant les
deux batailles de Grozny en 1994-1995 et en 1999-2000. Surprise ! Bien des
leçons alors décortiquées par les Occidentaux semblent pouvoir être appliquées
à l'offensive en Ukraine et à ses déboires désormais évidents. La première guerre
de Tchétchénie a vu l'armée russe engager en 1994 un siège de longue
durée de la capitale, Grozny. La République rebelle avait réclamé l'année
précédente son indépendance de la Fédération de Russie. Les Russes avaient
alors prévu d'envahir le territoire dissident en dix jours, de tuer son
leader Djokhar Doudaïev (ce sera fait en 1996) et de le remplacer par un
gouvernement complaisant envers Moscou. En décembre 1994, les Russes
présomptueux et en sous-effectif (4 700 hommes) attaquent Grozny défendue
par entre 10 000 et 15 000 combattants qui infligent aux assaillants
une cuisante défaite, détruisant 105 des 120 blindés de la
première colonne d'assaut. Les envahisseurs s'adaptent :
« L'emploi
tactique des unités est modifié. À l'avancée hasardeuse de colonnes blindées
sans accompagnement d'infanterie se substitue une progression méthodique
du nord-ouest vers le sud-est, maison par maison, bloc par bloc, avec une
meilleure utilisation des appuis [artillerie, aviation, NDLR]. Une
technique du combat urbain, comparable à celle suivie lors de la Seconde Guerre
mondiale. »
Les Tchétchènes qui disposaient des armes (chars, artillerie,
lance-roquettes multiples, transports de troupes, etc.) laissées par l'armée
russe lors de son départ en 1992 font preuve d'imagination. Ils
utilisent une manœuvre précise pour détruire les chars T-80
russes : en premier lieu, des tirs de RPG ciblent les véhicules de
tête et de queue de la colonne. Puis les tireurs d'élite abattent les chefs de
char, tandis que les mitrailleuses stoppent l'infanterie d'accompagnement. Les
Tchétchènes utilisent des positions hautes (toits) que les armes des transports
de troupes blindés russes ne peuvent pas atteindre. Et les chars de combat sont
détruits par entre trois et six coups de RPG venus de toutes les directions, y
compris par le haut, car les combattants tchétchènes les utilisent comme des
mortiers. Les Russes vont riposter sans nuances, en pilonnant Grozny et en
causant à la ville des dégâts considérables. Au terme de cette guerre, le Russe Alexandre
Lebed et le Tchétchène Aslan Maskhadov avaient conclu les accords de
Khassaviourt leur donnant cinq ans pour trouver une solution à leurs
différends.
« Poutine a fini par croire à ses propres
mensonges »
En août 1999, les hostilité reprennent. Devenu Premier ministre de Boris Eltsine, Vladimir Poutine vitupère : « Nous poursuivrons les terroristes partout. Si on les prend dans les toilettes, eh bien, excusez-moi, on les butera dans les chiottes. » Les Russes repartent à l'assaut de Grozny reprise par les indépendantistes, qu'ils captureront en février suivant, après que Poutine est arrivé au pouvoir en décembre 1999. Les approches ont changé, révèle une étude américaine (1). Cette fois, la capitale n'est pas attaquée directement, mais à la suite d'une lente progression en territoire ennemi. Les Russes n'acceptent aucun cessez-le-feu propice à la réorganisation des défenseurs. Leurs officiers disposent désormais des cartes et des plans qui leur avaient fait défaut durant la première guerre et ils utilisent des armes nouvelles, comme le TOS-1 à munitions thermobariques, qui fera tant de dégâts en Ukraine vingt-deux ans plus tard. Les Russes apprennent, entre autres innovations, à appuyer l'infanterie d'assaut avec des appuis feu plus précis. Quant aux forces tchétchènes, elles ont appris à utiliser des tranchées pour se déplacer dans la ville et à se servir des radios individuelles et des liaisons par satellites Iridium pour communiquer. Mais face à une force écrasante, Grozny tomba une nouvelle fois.
Echec inévitable
Le plus étonnant sans doute : les carences russes de
Tchétchénie se sont retrouvées en Ukraine, comme si aucune expérience n'avait
été acquise. Le texte du Centre de doctrine de l'armée française souligne
notamment les effets d'une « volonté politique aveugle qui souhaite emporter
immédiatement la décision ». Les forces russes sont, certes,
promptes à vanter leurs talents guerriers et leurs mérites. Mais dans la
réalité, elles forment « une armée déliquescente qui surestime ses propres forces et
sous-estime la qualité de l'adversaire ». Les pilonnages à
distance de sécurité, c'est-à-dire hors d'atteinte des tirs des défenseurs
d'une ville, ont leur raison : les troupes russes n'étaient pas davantage
entraînées à Grozny en vue des combats urbains qu'elles ne le sont en Ukraine.
Écrites voici tant d'années, ces lignes semblent d'une pertinence féroce,
dressant un diagnostic à l'actualité saisissante: « Face à un ennemi soutenu
par la population, déterminé et organisé pour se mouvoir rapidement en zone urbaine
en menant des actions de harcèlement et des embuscades antichar meurtrières,
l'échec est inévitable. »
Il ne peut être évité que par une solution radicale : la
réduction de l'objectif à un tas de gravats. Comment expliquer que des erreurs
commises et identifiées voici des lustres se reproduisent aujourd'hui,
provoquant l'échec, au moins temporaire, des Russes devant
Kiev ? Michel Goya a son interprétation : « Vingt
ans ou davantage, c'est bien long… Une armée a le temps d'oublier ce qu'elle
avait appris sur le tas ! Malgré l'expérience de Grozny, qu'elle a
manifestement oubliée, l'armée russe n'est pas préparée au combat urbain. Je ne
suis pas sûr que cette armée ait construit des villes spécifiques pour
s'entraîner, comme le font toutes les armées modernes. Les fantassins ont
besoin d'apprentissages du combat au sol. Et pour les conduire, il faut
des soldats entraînés, motivés, bien organisés, bien coordonnés avec les appuis
(artillerie ou aviation). En ville, les appuis feu doivent être très précis. C'est
compliqué. » Ça ne s'improvise pas.
Malgré l’expérience de Grozny,
qu’elle a manifestement oubliée, l’armée russe n’est pas préparée au combat
urbain.Michel Goya
En Ukraine, les observateurs militaires contemporains retrouvent
une réalité connue de longue date : les problèmes d'organisation du
commandement, de coordination entre les unités et de coopération
interarmées. Un officier d'état-major passant ses journées à étudier le
conflit n'en revient toujours pas : « Au début de l'offensive, on les a vus attaquer au nord, à
l'est, au sud. Des efforts partout, reviennent à pas d'effort du tout…
Avaient-ils seulement pensé la manœuvre ? Pourquoi ne pas avoir concentré
dès le départ leurs actions sur le Donbass ? » Il faudra
des années, sinon des décennies, pour décortiquer le déroulé de cette guerre
moderne.
Mais, déjà, des leçons vont pouvoir être étudiées dans toutes les
écoles de guerre de la planète. Il est, par exemple, limpide que le recueil du
renseignement préalable à l'offensive a été négligé, avec des effets désastreux
pour les Russes : ni la capacité de résistance de la population
ukrainienne mobilisée ni sa résilience n'ont été correctement
évaluées, pas plus que le leadership incontesté du président Volodymyr
Zelensky. Le fallacieux argument de la « dénazification » de
l'Ukraine pourrait éventuellement se comprendre si les dirigeants russes n'y
croyaient pas eux-mêmes. Mais ils se sont auto-intoxiqués, preuve d'un
aveuglement sidérant et d'un dévoiement des services de renseignement, dont la
lucidité devrait pourtant être le maître mot.
Ukraine : cette armée qui étonne le monde
L'Ukraine est un pays très urbanisé, avec une ville de 5 000
habitants au moins tous les 20 kilomètres et une de plus de
100 000 habitants tous les 80 ou 100 kilomètres.
Pourquoi l'armée russe n'a-telle pas envisagé qu'elle allait devoir affronter
des combats urbains ? Pourquoi ne s'y est-elle pas préparée ?
Pourquoi ne s'est-elle pas organisée en conséquence ? L'armée ukrainienne
bénéficie, dans des conditions que nous connaîtrons plus tard, d'un soutien
massif des Occidentaux en matière de renseignement. Cela ne remplace évidemment
pas un appui militaire concret, par exemple sous forme d'envoi de troupes,
d'avions ou de blindés, mais ces apports d'images et d'analyses sont déjà fort
précieux et le seront encore davantage quand il s'agira de nourrir les
procédures pour crimes de guerre devant la justice pénale internationale. Les
Russes n'ont pas davantage anticipé les effets d'un soutien militaire
occidental à l'Ukraine : les milliers de missiles antichars et
antiaériens, que l'Otan fournit sans relâche, ont ravagé l'armée russe qui,
six semaines après le début de la guerre, ne dispose toujours pas de la
maîtrise du ciel. De ce fait, les Russes ne peuvent recourir qu'aux missiles,
qu'ils consomment en grand nombre et dont les frappes s'avèrent parfois
précises, parfois nettement moins. Pour compenser, ils utilisent des moyens
très puissants, y compris des engins chargés de plusieurs centaines de kilos
d'explosifs, comme le missile balistique Iskander, ou des armes à
sous-munitions dont l'emploi est pourtant proscrit contre des zones abritant
des civils. Conclusion de Michel Goya : « La machine de guerre russe fonctionne beaucoup moins bien
qu'on ne l'imaginait. »
C'est l'organisation globale de l'armée assaillante qui se trouve
en réalité mise en cause. Les raisons de la mort en première ligne de nombreux
officiers généraux pourraient y être liées. Les ordres passant mal, ou n'étant
pas compris sur la ligne de front, il semble souvent nécessaire que les cadres
descendent jusqu'au front, à leurs risques et périls. Le renseignement
militaire occidental note également que les militaires professionnels russes
envoyés en Ukraine se montrent souvent peu combattifs, sinon complètement
démotivés. Il est vrai que le choc a dû être rude pour eux de se voir
accueillis par des combattants acharnés à défendre leurs terres, leurs villes
et leurs villages, alors qu'on leur avait présenté leur mission comme celle de
libérateurs venant délivrer des « frères » du joug nazi. Le résultat
sur les troupes russes mal commandées serait désastreux. Elles ne suivraient
pas les ordres et les soldats russes « disparus » en grand nombre se
seraient pour une part rendus sans combattre aux forces ukrainiennes.
Une guerre documentée
L'armée russe a perdu la bataille de Kiev, mais elle atteindra
peut-être ses prochains objectifs : la prise de la ville martyre de
Marioupol, déjà réduite en cendres, et celle du Donbass. Au prix de nouveaux
massacres, de carnages barbares et d'incommensurables souffrances pour une
population à bout de forces. L'un des symboles de la force brutale et inhumaine
de l'armée de Poutine restera la tuerie de Boutcha. Une chose est
sûre : l'armée russe n'a pas encore très bien compris que la guerre a
changé. On peut évidemment continuer à bafouer le droit de la
guerre, violer les conventions de Genève, massacrer des civils sans
défense et prétendre à la face du monde que ce sont les « nazis »
ukrainiens qui se tuent eux-mêmes, mais on ne peut plus le faire impunément.
Les images satellite, les interceptions électromagnétiques, les agences de
renseignement et l'extraordinaire communauté des experts en sources ouvertes
permettront de documenter, si ce n'est déjà fait, les conditions précises et
les identités de ceux qui ont commis ces actes atroces. Bien des armées ont
gagné des guerres en perdant leur âme. Il est de plus en plus nécessaire que
les auteurs de ces massacres aveugles en répondent devant l'Histoire. Dans
la guerre d'Ukraine comme dans celles qui l'ont précédée.
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Sous la direction de leur
de leur dirigeant POUTINE dérangé psychologiquement, pathologie souvent constatée chez
ces dictateurs dans l'histoire contemporaine de l'Europe occidentale par son
histoire !
La 2eme guerre mondiale pas si
lointaine en a montré l'exemple que les peuples ont oublié comme le nazisme
hitlérien et ses camps d'extermination ou le fascisme Mussolinien ou après
Staline mort dans son lit en 1953 tyran
qui n’avait rien à envier avec Hitler et
le communisme de l’EX URSS et ses camps pour opposants dans leur Sibérie transformée
en fédération russe après la fin de la guerre froide et la chute du mur en 1989
et la réunification des 2 Allemagnes dont cette gentille dame fer A.MERKEL a
pris le pouvoir démocratique mais de culture ex soviétique née à l’est en RDA et
qui s’est servie chez la Russie et donc qui a supprimé son nucléaire et donc
devenue dépendent de celle-ci énergiquement pour son charbon gaz pétrole (bien
que faisant partie de l’épouvantail OTAN) mais les allemands sont disciplinés
habitués à obéir à leurs dirigeants !?
Sans compter en 1937 aussi FRANCO
dictateur espagnol mort aussi de sa belle mort en 1975 et le dictateur du Portugal
SALAZAR renversé en 1974 !
Mais dans notre Europe occidentale
de bienpensant donneurs de leçon on ne sait pas se débarrasser des dictateurs
qui eux prospèrent dans le monde !
Et nous peuple français car si
libres ont se crêpent le chignon entre politiciens élus de tous bords médiocres
dans une campagne électorale insipide ou semble-t-il le président sortant va probablement
être réélu par des Français craignant le lendemain alors qu’il n’a rien fait d’exceptionnel
dans son quinquennat raté !
Personnellement je ne comprends pas
l’attitude de mes compatriotes surement trop gâtés qui ne voient pas le danger
et la suite de la situation intérieure économique indirecte (inflation
galopante) et le danger qui peut se déclencher à tout instant !
Jdeclef 06/04/2022 13h25
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