« La
France doit être le premier soutien politique des Kurdes de Syrie »
ENTRETIEN.
Mazloum Abdi, chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), craint une
invasion turque et réclame un soutien plus franc de Washington et Paris.
POURVU QUE MACRON NE SE SENTE PAS COMME UN
SAUVEUR DE PAIX DANS CETTE REGION
EXPLOSIVE !?
Ferhat Abdi Sahin, plus connu sous son nom de guerre de Mazloum Abdi,
est depuis 2015 le commandant en chef des Forces démocratiques
syriennes (FDS), une coalition de combattants dominée par les Kurdes qui
constitue le principal allié sur le terrain de la coalition internationale en
lutte contre l'État islamique (Daech). Reconduit à son poste en 2022, il est
souvent perçu comme « l'homme des Américains » en Syrie. Âgé de
55 ans, le « général Mazloum » a rejoint dès 1990 les
rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la rébellion kurde en lutte
contre Ankara. Emprisonné à cinq reprises par le régime syrien d'Hafez
el-Assad (le père du dictateur actuel), il part combattre l'armée turque dans
les montagnes kurdes, puis il rejoint l'Europe, où il exerce de hautes
responsabilités au sein du mouvement entre 1997 et 2003. Après le
début de la guerre en Syrie, il y est envoyé en 2012 pour
organiser la résistance, notamment au cours du siège de sa ville natale,
Kobané, attaquée par les djihadistes de Daech.
Désormais à la tête d'une force de plusieurs dizaines de milliers d'hommes
et de femmes, il reste considéré comme un chef terroriste par la Turquie,
qui menace de l'éliminer. Dans une base ultrasécurisée du nord-est de la Syrie,
protégée par des militaires occidentaux, il a longuement répondu aux questions
du Point.
Le Point : Le Nord-Est syrien se trouve à nouveau sous la
menace d'une offensive armée de la Turquie. Quelle est la situation ?
Mazloum Abdi : Nous nous attendons à ce que la Turquie
passe à l'offensive au mois de février et cela va encore modifier la
configuration de la région. L'armée turque avait l'intention de nous attaquer
début décembre, elle a utilisé des drones et des tirs d'artillerie contre nous.
La Turquie voulait conquérir les villes de Manbij et de Tall Rifaat. Erdogan a
expliqué que le but était de prendre Kobané. Les réactions de la communauté
internationale l'en ont empêché jusqu'à maintenant. C'est pour continuer à
faire pression sur nos forces que les Turcs cherchent maintenant l'aide du régime
syrien de Bachar el-Assad et de la Russie.
Pourquoi en février ?
C'est le bon moment, car la Turquie doit organiser des élections en juin,
peut-être en mai s'ils anticipent la date, et Erdogan veut s'assurer qu'il
bénéficiera du vote de ses alliés nationalistes du MHP (Milliyetçi Hareket
Partisi, le Parti d'action nationaliste). C'est donc un timing idéal pour lui
qui cherche à tirer un bénéfice électoral de la situation. Les Turcs
veulent démanteler le système politique en place dans le nord-est de la Syrie.
S'ils ne rencontrent pas une forte opposition de la communauté internationale,
en particulier de la part des puissances qui font partie de la coalition en
Irak et en Syrie – États-Unis, France, Royaume-Uni –, ils passeront à
l'offensive.
2023,
année charnière pour la Turquie
À quel type d'opération vous attendez-vous de la part de l'armée
turque ?
Elle multiplie déjà les bombardements aériens et les tirs d'artillerie.
Je m'attends à une opération d'invasion terrestre, qui serait difficile à
contrer pour nous. Bien sûr, les attaques aériennes aussi sont problématiques
et le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a demandé à la Russie un feu
vert pour utiliser les F-16. Il a dit que les négociations se poursuivaient.
Le principal objectif est-il la ville de Kobané ?
Je pense que Kobané sera la première cible. La ville est un symbole
fort pour nous les Kurdes. Elle est aussi un symbole de notre alliance avec la
coalition internationale contre Daech. Et puis cela servirait la propagande
d'Erdogan. La Turquie, depuis 2017, a déjà envahi des zones qui se
trouvent à l'ouest et à l'est de Kobané, cela lui permettrait donc de
faire la jonction. Erdogan a également explicitement ciblé les villes de Manbij
et de Tall Rifaat. Mais, pour cette dernière, ce sera difficile car les troupes
du régime syrien y sont présentes.
Le rapprochement entre Ankara et Damas contrarie-t-il votre
stratégie ?
Erdogan veut rétablir des relations avec la Syrie pour plusieurs raisons.
D'abord, la Russie les pousse à se réconcilier. Ensuite, parce qu'il y a un
objectif électoral : les partis d'opposition en Turquie utilisent la carte
des réfugiés contre Erdogan et plaident pour un rapprochement avec Assad. Il
veut pouvoir dire à ses électeurs qu'il a résolu la question des réfugiés
et pouvoir en tirer profit lors du scrutin.
La menace d’une résurgence de Daech grossit.
L'accord signé en 2019 après l'invasion turque de la
région de Ras al-Aïn, qui instaurait des patrouilles russes le long de la route
M4, tient-il toujours ?
Nous l'avons respecté depuis 2019, mais ce n'est pas le cas de la Turquie,
qui cherche des excuses en affirmant que les Forces démocratiques
syriennes violent l'accord, ce qui est mensonger. Pour le moment, nous
n'avons pas de problème avec la présence de la Russie au Rojava, bien qu'elle
ait de bonnes relations avec la Turquie. Mais, si la guerre éclate, cela deviendra
un obstacle.
Sur l'autre front, vous continuez aussi à lutter contre les
djihadistes de l'État islamique… Où en est la menace ?
La menace d'une résurgence de Daech grossit, ils attendent une offensive
turque pour attaquer de nouveau les camps et les prisons, comme ce qui s'est
passé il y a un an dans la prison de Hassaké. Avec la coalition, nous essayons
de maintenir cette menace sous contrôle, mais je ne pense pas que nous
puissions éradiquer Daech de cette manière. Pour les détruire, nous avons besoin
d'un soutien économique et politique. Pour empêcher les gens de les rejoindre,
il faut que cette zone soit politiquement stable, donc nous avons besoin
du soutien à notre administration de la part de la coalition. Il y a des
milliers de jeunes sans emploi et Daech investit sur cette misère.
Votre alliance avec les États-Unis vous satisfait-elle ?
L'administration américaine a pour objectif que l'État islamique soit
totalement vaincu. Elle n'est plus celle de Donald Trump, qui avait ordonné le
retrait des troupes américaines des zones autour de Kobané. Nous voulons que la
coalition retourne dans ces régions, mais il n'y a, jusqu'à présent, pas de
décision en ce sens. Nous avons une excellente coopération avec les États-Unis
dans la guerre contre Daech, nous continuons de mener des opérations
conjointes, mais nous avons besoin que Washington soutienne plus fortement
notre administration.
Les Américains n’en font pas assez contre
Erdogan.
N'avez-vous pas eu le sentiment d'être trahi par ce retrait subit
des troupes de la coalition ?
Bien sûr, leur retrait de la région de Kobané nous met dans une
position de faiblesse. La décision prise par la précédente administration
américaine a été ressentie comme une trahison. Mais, maintenant, c'est l'équipe
de Joe Biden qui est au pouvoir. Ces derniers mois, les attaques de drones et
les bombardements ont considérablement augmenté et les États-Unis ne répondent
pas à nos demandes, ils n'en font pas assez contre Erdogan. S'ils laissent la
Turquie nous envahir, alors oui, on pourra parler de trahison.
Comment expliquez-vous cette tolérance à l'égard de la
Turquie ?
Nous voyons que Washington a pris position contre la Turquie, mais ce n'est
pas suffisant pour mettre fin aux menaces d'Erdogan. Nous l'avons exprimé
auprès de l'administration américaine et nous le redisons publiquement. Je
pense que c'est aussi lié à la guerre de la Russie en Ukraine. Dans une telle
période, les États-Unis ont besoin de la Turquie, ils ne veulent pas
« perdre » la Turquie, ils veulent éviter qu'elle se rapproche
un peu plus de la Russie.
Qu'attendez-vous de la France ?
Nous considérons la France comme un pays ami. Leur gouvernement a toujours
soutenu les Kurdes, particulièrement le Rojava et les Forces démocratiques
syriennes (FDS). J'ai parlé directement avec le président Macron à plusieurs
reprises et à chaque fois il nous a apporté son soutien, ce qui est positif.
Mais, maintenant, nous demandons à la France de prendre une position plus ferme
contre les attaques turques contre nous. L'armée française est présente ici
pour lutter contre Daech, nous menons des opérations communes. Mais nous
voulons aussi que la France apporte son soutien à notre administration
autonome. Étant donné les relations qui existent entre la France et les Kurdes,
nous attendons de la France qu'elle soit notre premier soutien
politique parmi les pays de la coalition.
La France doit faire la lumière sur l’affaire
de la rue d’Enghien.
Comment avez-vous réagi à l'assassinat
de trois militants kurdes à Paris le 23 décembre dernier ?
C'est un événement dramatique. Comme tous les Kurdes, nous voulons que cette
affaire soit tirée au clair car ce n'est pas la première fois. Il y a dix ans,
au même endroit, ils ont mené une attaque contre des dirigeantes kurdes et
maintenant, dix ans après, les mêmes événements se reproduisent. Nous demandons
donc à la France de faire la lumière sur cette affaire et sur les
commanditaires. Pour le Nouvel An, les autorités françaises nous ont envoyé
leurs condoléances après ces tristes événements et nous leur avons demandé
d'identifier les tueurs. Tous les Kurdes réclament que toutes les informations
sur cette tuerie soient révélées. Je crois que la France devrait prendre ces
demandes au sérieux. Sinon, nous répéterons nos critiques.
Assassinat
antikurde rue La Fayette : où en est l'enquête ?
Vous-même, vous avez été il y a plus de vingt ans le
responsable des organisations kurdes proches du PKK en Europe. Avez-vous été la
cible de tels actes ?
Oui, quand j'étais là-bas, les services de renseignements turcs, le MIT, ont
essayé de me tuer. Cela s'est passé aux Pays-Bas en 1999. Mais ils n'y sont pas
parvenus car nos amis européens l'ont empêché et m'ont alerté. Ce qui vient de
se passer me rappelle ces événements. Le MIT était déjà présent en Europe, il
l'est toujours, et il continue de cibler les responsables kurdes. C'est la
première fois que je raconte cette histoire… C'était la même année que la
capture d'Apo [surnom donné à Abdullah Öcalan, le leader du PKK, capturé à Nairobi
par les agents du MIT à l'issue d'une longue cavale, NDLR], ainsi que
d'autres camarades arrêtés en Moldavie.
Votre engagement de longue date au sein du PKK fait que vous êtes
considéré comme un« terroriste » par la Turquie. Le
regrettez-vous ?
Le problème kurde est le même dans les quatre parties du Kurdistan
[NDLR : en Turquie, en Syrie, en Iran, en Irak]. Comme moi, les Kurdes
luttent dans les quatre parties du territoire, et je n'ai aucun regret. C'est
aussi parce que nous avons mené cette lutte que les Kurdes nous ont
rejoints à Kobané dans la guerre contre Daech. Je pense que l'inscription du
PKK sur la liste des mouvements terroristes est une injustice et qu'elle
s'explique par les intérêts des pays. Mais, maintenant, il n'y a plus de lien
organique entre les Forces démocratiques syriennes et le PKK. C'est
pourquoi la coalition traite avec nous.
L'organisation au Rojava suit tout de même les principes d'Abdullah
Öcalan, le fondateur du PKK. Et vous aviez des liens très étroits…
Oui, beaucoup de gens au Rojava suivent l'idéologie d'Apo, comme au sein du
PKK. Mais être influencé par l'idéologie d'un leader ne signifie pas avoir une
organisation commune… Quant à moi, j'avais des liens familiaux étroits avec
Öcalan, je l'ai accompagné longtemps. Et je suis fier de ce temps passé en sa
compagnie, j'en ai tiré une grande expérience.
La paix entre la Turquie et les Kurdes reste-t-elle possible ?
Erdogan mène cette politique pour rester sur le trône. Comme vous le savez,
il y avait un accord de paix jusqu'en 2015, mais Erdogan a renversé la table et
cela fait longtemps qu'il essaye d'éliminer les Kurdes. C'est un échec car, en
Turquie, le vote en faveur des Kurdes n'a pas diminué. Aux prochaines
élections, ils vont encore peser fortement sur l'élection du
président. C'est pourquoi le dialogue est le seul moyen de résoudre la question
kurde. La seule manière d'y parvenir est de relancer les efforts de paix et cela
passe aussi par la libération d'Apo.
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Il ne faut surtout pas que la FRANCE se mêle de
ce conflit entre Kurdes Syrien voire Turquie (otanienne) et ERDOGAN et indirectement
la Russie poutinienne indirectement impliquée !
On a déjà assez à faire en Europe occidentale
et ses frontières !
Espérons que notre donneur de leçon MACRON bienpensant
ne s'en mêlera pas même en parole on a déjà assez de risques internationaux à
subir ou à assumer dans ce monde instable et nos colonies africaines ou on a
encore des soldats ou on n'a pas besoin de la petite France encore en paix !
Car c'est le monde entier qui devient une poudrière
par son instabilité que l'Europe occidentale reste en paix elle n'a déjà plus
les moyens de faire les redresseurs de torts pour le moyen orient on a déjà
donné assez !
On est entouré de pays et de peuples qui
deviennent de plus en plus fous !?
Jdeclef 16/01/2023 17h36
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