EXCLUSIF.
Emmanuel Macron : « Je ne demande pas pardon à l’Algérie et
j’explique pourquoi »
ENTRETIEN. Colonialisme,
repentance, immigration… Le président a confié à l’écrivain Kamel Daoud sa
vision de la relation franco-algérienne.
RERETONS LE TOURNEZ ENFIN LA PAGE DE CETTE
DECOLONISATION AFRIQUE DU NORD ET AFRIQUES EX AOEF/AEF MR MACRON CAR LES FRANÇAIS
ON EN VRAIMENT MARRE ?!
Tous deux sont nés après la guerre de
décolonisation, après 1962 et les accords d'Évian. Tous deux sont des
« enfants des indépendances », selon l'expression poétique de Kamel
Daoud. L'écrivain, également chroniqueur au Point, a su
convaincre le président français de se confier à lui sur la complexe et
passionnelle relation entre la France et l'Algérie. Ils se sont entretenus à
Oran, lors du déplacement officiel du chef de l'État en Algérie, fin
août 2022, puis à l'Élysée dans les jours suivants. Mémoire,
reconnaissance, pardon, droit d'asile, francophonie, port du voile, islamisme… Emmanuel
Macron a longuement évoqué ces sujets qui ont parfois suscité des crispations
entre les deux pays. Animé par le souci de bâtir un avenir apaisé pour les
générations futures, il a, « en même temps », démontré à son
interlocuteur qu'il ne « craignait pas le dossier algérien ».
Entretien.
Le Point : Monsieur le président, quand je vous ai proposé cet
entretien, il m'a semblé percevoir une hésitation, l'exigence d'un temps long
de réflexion. Est-il difficile à un président français de parler de l'Algérie,
de parler avec l'Algérie ?
Emmanuel Macron : C'est toujours difficile. C'est un
champ de tiraillement, si je puis dire. Prendre la parole sur l'Algérie est
potentiellement périlleux mais indispensable. Au fond, c'est difficile parce
que c'est un sujet intime pour chacun. Et par cela je veux dire que c'est
toujours une question intérieure pour beaucoup en France, mais aussi une
question extérieure, vers l'Algérie, vers l'Histoire. Et que parler de
l'Algérie c'est à la fois parler à la France et parler de son histoire, parler
aux Français qui ont été militaires ou appelés du contingent, parler à celles
et ceux qui sont issus de l'immigration algérienne, parler aux binationaux, aux
harkis, aux rapatriés et à leurs enfants et parler à l'Algérie d'aujourd'hui.
Autant de mémoires qui ne sont pas synchronisées. Pourquoi ? Parce que
nous avons eu soixante-dix ans de traumatisme. Et, avant cela, plus d'un siècle
de colonisation. Nous portons un poids sur les épaules qui rend les approches
très compliquées – ce n'est pas à vous, le passionné d'Albert Camus, que je
vais rappeler le mythe de Sisyphe, cet homme qui doit pousser sans cesse et
sans raison un rocher, et quelles que soient les hypothèses camusiennes qui
veulent nous décrire un Sisyphe heureux malgré son sort.
Toute une génération politique française a
participé à l’oubli et s’est construite autour.
Tout cela nous plonge dans une dimension qui nous dépasse. La France a
colonisé l'Algérie par des choix militaires. L'acte d'une génération d'avant
les colonialismes « universalistes », si je puis dire, à l'époque des
luttes contre la piraterie. Ensuite, la France a colonisé d'une manière très
atypique, avec une perspective d'annexion et de peuplement, agissant
différemment de ce qu'elle a fait ailleurs dans d'autres territoires. Ce n'est
pas au président de la République de prétendre au bilan du colonialisme, par
ailleurs déjà largement fait, mais cela participe justement de cette manière
dont chacun joue cette symphonie, interprète l'Histoire, les faits, les récits.
Sauf qu'il y a eu ensuite la guerre, qui a créé une multitude de drames aux
histoires souvent irréconciliables. Puis advint, enfin, le silence après la
décolonisation. Il faut rappeler que durant les dernières décennies, malgré
diverses tentatives, une France s'est construite dans une forme d'impératif
d'oubli, comme après la guerre entre Sparte et Athènes : « Tu dois
oublier ! », et c'est ce qui s'est passé. On s'est refusé le droit
d'évoquer cette période. Toute une génération politique française a participé à
l'oubli et s'est construite autour.
Du côté algérien, l'indépendance s'est faite dans la lutte contre la France,
et le récit de l'Histoire n'a pas été revisité au-delà, refusant toute
réflexion, tout récit différent. Tragiquement, et aussi paradoxal que cela
puisse paraître, soixante-dix ans après, l'oubli parfait n'a pas fonctionné en
France et, pire encore, les refoulés sont venus se greffer et se nourrir sur
cette situation de départ. C'est pour cela que j'évoque ce caractère
d'intimité. C'est un travail politique qui rejoint le travail sur soi, les
siens, les autres.
La guerre d’Algérie constitue une référence du
traumatisme.
Côté algérien, le rapport à la France reste très traumatique. Ce trauma est
perceptible, on le voit, on peut y revenir aussi longtemps qu'on veut, mais je
ne veux pas m'enfermer là-dedans, justement, car, fait encourageant, je pense
qu'il y a une volonté réelle de la part du président, Abdelmadjid Tebboune,
d'entamer une nouvelle étape. Pour moi, il est très important de ne pas cacher
ce qui a été, ce qui a été vécu. Il y a nécessité d'accéder à une nouvelle
étape et de concilier ces récits divergents avec l'histoire contemporaine,
immédiate. Je me dois de rappeler encore que, du côté français, la guerre
d'Algérie est devenue la matrice de tous les ressentiments postcoloniaux à
l'égard de la France. Ce qui me frappe, y compris chez les générations qui
n'ont jamais vécu le fait colonial, qui sont originaires de pays où la
décolonisation s'est faite presque sans conflits, c'est que la guerre d'Algérie
constitue une référence du traumatisme.
C'est pour cette raison que parler de l'Algérie est nécessaire à plus d'un
titre, si on prétend mettre cela à plat, aller de l'avant. C'est ce travail que
les Français doivent avant tout faire pour eux-mêmes. Ce travail ne se résume
pas seulement à l'Histoire mais engage aussi la responsabilité politique. Il
est vital pour la France, pour la relation bilatérale, pour la relation avec le
continent africain. Apaiser ces mémoires diverses et contradictoires, c'est
rendre conciliables ces destins contraires et contrariés dans notre pays. La
capacité à traiter cette histoire dans le cadre d'une relation
franco-algérienne assainie, c'est la possibilité de fonder une relation
bilatérale normale et féconde avec le continent africain. L'avenir, c'est
revisiter autrement ce passé en commun. Ce fut l'un de mes messages durant mon
dernier voyage en Algérie, en août 2022.
À LIRE AUSSIEntre la France et l'Algérie, la
confiance retrouvée
Dans votre lettre de mission à Benjamin Stora, auteur du
rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie, vous
dites : « Je souhaite m'inscrire dans une volonté nouvelle de
réconciliation des peuples français et algérien. » À partir de quel moment
avez-vous pris conscience de cette nécessité ? Parce que vous pensiez que
pour guérir la France il faut la guérir de l'Algérie ? Ou que pour lutter
contre l'islamisme il faut réparer l'amnésie ?
D'abord, nous avons des millions de concitoyens qui vivent intimement la
relation franco-algérienne : les Algériens vivant en France avec un titre
de séjour, les binationaux, les Français issus de l'immigration ayant un parent
algérien, les harkis et leurs enfants, les rapatriés et leurs familles, ceux
qui se sont battus sur le sol algérien… On dépasse les 10 millions. Il
s'agit de mémoires divergentes, longtemps et sans doute aussi pour partie
irréconciliables, qui ont charpenté la vie politique. Historiquement, la gauche
française s'est structurée avec la « dénonciation » de la guerre
d'Algérie et avec beaucoup d'ambiguïté et de divisions entre communistes et
socialistes. L'OAS et ceux qui se sont retrouvés dans son sillage ont aussi
façonné la vie politique française. L'antigaullisme de l'extrême droite
française procède de la guerre d'Algérie. Cette guerre est une matrice des
familles politiques françaises, de leurs histoires, de leurs origines, de leur
identité et quelquefois de leur pensée politique actuelle. Notre vie politique contemporaine
est encore bâtie autour de cette histoire muette, de ces mémoires cloisonnées.
Cette mémoire désunie pèse aussi sur les liens de certains pays avec la
France. C'est un lieu de refoulé et de violence : je me souviens par
exemple que, pendant la campagne présidentielle en 2017, lors d'un
rassemblement à Toulon, après mon retour d'Algérie et mes déclarations sur la
colonisation, la violence des militants d'extrême droite mais aussi de
plusieurs personnes montrait combien ce sujet touche à une intimité qui fait
mal maintenant, qui n'est pas seulement de l'ordre de la mémoire ou de
l'Histoire mais du vécu présent. Ce sont toujours des blessures. C'est un
moment qui est une matrice identitaire pour beaucoup d'enfants issus de
l'immigration, ou d'origine africaine.
Travailler sur une “mémoire juste”, selon la
formule de Paul Ricœur.
J'ai donc essayé de bâtir un chemin. Et, contrairement à ce qui m'a été
reproché, ce chemin n'est pas celui, caricatural, d'un mauvais film qui
procéderait par des échanges d'otages et de rançons, en demandant aux Algériens
de faire la même progression que nous en France. Et il ne doit pas être
hypothéqué automatiquement, à chaque pas fait ici, par le geste d'un vis-à-vis
de l'autre côté. Ce chemin de reconnaissance et de douleur, nous devons d'abord
le commencer, l'accepter, pour nous-mêmes. Travailler sur une « mémoire
juste », selon la formule de Paul Ricœur. C'est dans cet esprit que le
rapport que j'ai demandé à Benjamin Stora a été pensé. Et c'est dans cet esprit
que j'ai imaginé les gestes accomplis avant ce rapport : reconnaître que
l'armée française avait torturé puis exécuté Maurice Audin, reconnaître la
responsabilité de la France dans la mort d'Ali Boumendjel, organiser la
restitution à l'Algérie des crânes des combattants algériens, rendre hommage à
toutes les victimes, des dizaines de manifestants algériens, au pont de
Bezons, soixante ans après la tragédie [la répression du 17 octobre
1961, NDLR], dire que c'était là une faute inexcusable pour la République.
Certes, il y a une volonté d'avancer de la part des Algériens et du
président Tebboune, mais cette volonté algérienne, parallèle à ce qui
s'accomplit en France, suit son propre chemin et son propre rythme.
Ce chemin suppose d'autres actes encore : avoir une Maison de l'Algérie
et de la France, un musée ; rouvrir la recherche académique sur cette
histoire commune et divisée ; et la décision, prise avec le président
Tebboune, d'ouvrir les archives de part et d'autre, de n'avoir aucun tabou sur
la question des crimes de la colonisation, depuis le début jusqu'aux essais
nucléaires, jusqu'aux disparus de la guerre d'Algérie – un sujet très important
pour beaucoup de familles – et, enfin, d'ouvrir une commission mixte
d'historiens. Ce chemin procède d'une nécessité intérieure, politique et
morale. Ce sont les premiers pas d'une voie commune. Je me souviens de la
rencontre que j'ai eue, fin septembre 2021, avec des jeunes Français, ici
à l'Élysée, qui était marquante et émouvante. Un moment que le rapport de
Benjamin Stora a rendu possible et qui a rassemblé la mosaïque des destins
français avec l'Algérie. J'ai pu entendre que cette génération des
« petits-enfants » de la guerre d'Algérie veut comprendre, veut
savoir mais veut vivre ensemble. Elle veut bâtir un avenir.
Nous sommes français et algérien, missionnés par nos aînés. Notre
rencontre n'échappera pas à une forme de théâtralisation, parce que nous sommes
soumis à un procès en loyauté permanent. Vous êtes, comme moi, né après les
décolonisations. De quoi sommes-nous coupables ? De quoi sommes-nous
innocents ? Sommes-nous les victimes du victimaire des deux côtés ?
[Long silence.] On porte notre passé, qu'on le veuille ou non. Et
la perception qu'en ont les contemporains dépend du récit construit sur ce
passé. Le passé est composé de faits mais aussi du récit que l'on s'en fait,
que l'on retient et auquel on participe. Je peux tenter d'ignorer ces faits,
cela n'empêche pas que la guerre d'Algérie, la colonisation produisent encore
du récit qui nous engage, nous emmêle à ce passé. Parce que ce vent continue à
souffler. Il nous porte et nous impose sa direction. Il me vient cette image de
l'ange qui pousse vers l'avenir mais qui regarde vers l'arrière avec un regard
effrayé. C'est l'Angelus novus, de Paul Klee, que Paul Ricœur avait
mis dans La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli. Cette image me rappelle
qu'on est pris dans le courant, pourtant ignoré, de ce passé. Comme nous tous,
l'ange est pris dans un souffle, et il ne va vers l'avenir qu'en regardant le
passé. La question est de savoir à partir de quel moment on considère que le
passé trame quelque chose de commun qui nous permet de construire ensemble et
de faire acte d'avenir, d'aller vers cette intimité, avec ces pardons
nécessaires ; ou, au contraire, à quel moment on considère que ce passé
est impossible, fait de mémoires irréconciliables, et qu'il nous séparera à
jamais.
Je crois que l'on s'est enfermé dans une théorie sans espérance qui fait
l'éloge de la séparation, de l'impossibilité de penser notre avenir. Une
dangereuse théorie de l'impuissance, de la démission. Le passé nous lie là même
où il nous divise. Je pense que l'Algérie ne peut pas se penser sans son
rapport à la France et que la France ne peut plus se penser sans son rapport à
l'Algérie. Ce lien suppose la confrontation mais est nécessaire à la
délivrance. Je crois qu'on a besoin de mettre cette relation dans un cadre intelligible
et humainement acceptable. Ce n'est pas seulement un cadre politique qui doit
être réfléchi ni une nécessité politique qui incombe à deux chefs d'État. Il
s'agit de plus intime, de plus spectaculaire et de plus immédiat pour tous
ceux-là qui vivent de part et d'autre de la Méditerranée.
Par le simple choix des mots, on est sommé de
choisir son camp ; par un seul adjectif, on colore cette histoire, on se
hasarde.
Une première difficulté est déjà là depuis longtemps : est-ce qu'on
peut qualifier cette relation entre l'Algérie et la France, entre le passé et
le présent, par un seul adjectif ? Cette question me préoccupe et peut
paralyser. Lors de mon voyage en Algérie, cet été, j'ai évoqué, lors d'un
discours à l'ambassade française, une histoire d'amour entre l'Algérie et la
France. Pas entre colonisés et colonisateurs, comme certains ont voulu le
comprendre pour relancer de vieilles et blessantes polémiques. Cela m'a rappelé
encore une fois combien la relation est en fait inqualifiable. Un adjectif ne
suffit pas à l'évoquer. Par ce simple choix des mots, on est sommé de choisir
son camp ; par un seul adjectif, on colore cette histoire, on se hasarde.
D'où l'extrême prudence que j'ai à vous répondre. À chaque mot, on serait
suspecté d'être d'un côté ou de l'autre. Ce lien n'est pas qualifiable, on ne
peut y trancher par l'usage d'une seule sentence. Cette relation se discute,
elle est discursive mais n'est pas qualifiable définitivement ; elle est
analysable mais on ne peut y trancher sans blesser. Pas encore du moins. Et je
ne sais pas si cette relation est normalisable dans l'immédiat.
La relation entre la France et l'Algérie est très méditerranéenne, brassant en
elle de grands mythes, de grands drames de la Méditerranée, faits de polarités.
Je crois beaucoup à l'idée d'une commission d'historiens, à un travail
d'histoire et d'historiographie commun, partagé, car il faut quand même des
faits, de l'objectivité sur ce passé. Le récit scientifique qui en sortira peut
servir de référence et conjurer les fantasmes. Ce rapport à la vérité va
libérer des récits, des imaginaires, de l'appropriation, car je pense qu'il y a
un immense potentiel narratif dans la relation.
Ces histoires, entre la France et l'Algérie, ne se sont pas conjuguées avec
les mêmes verbes, ne se sont pas écrites ensemble depuis 1962. Et la question
est de savoir comment provoquer du récit commun et comment encourager son
appropriation par les nouvelles générations. Vous m'avez beaucoup entendu
parler en Algérie de productions cinématographiques, de traductions ;
c'est parce que je pense qu'au-delà du travail libre et scientifique des
historiens il faut donner la possibilité aux jeunes de fabriquer de la fiction,
du récit et de s'approprier cet espace.
Commission
algéro-française sur la mémoire : Alger désigne ses historiens
En tant qu'Algérien, je suis coincé entre deux sollicitations
mémorielles : un devoir d'hypermnésie vis-à-vis d'une guerre de
décolonisation que je n'ai pas vécue et une obligation juridique d'amnésie sur
une guerre que j'ai vécue, la guerre des années 1990. Ma question est la
suivante : face à l'Algérie, un président français est-il un historien
empêché par la sanction des urnes et la perspective de sa réélection ?
L'Algérie est-elle un risque politique ?
Oui. Elle l'est. Et le candidat de 2017 que j'étais l'avait sans
doute sous-estimé. Mais, aujourd'hui, je suis détaché de cela. Dans le cas de
l'Algérie, on est sommé de choisir un camp, et pourtant, là, il n'y a pas que
le choix entre le déni et la repentance, la fierté nationale et la repentance.
Beaucoup se sont enfermés dans ces choix supposés indépassables, dans ces
représentations. On l'a vu avec les commentaires frappants sur les images de
mon voyage à Oran chez tous ceux qui répétaient que cela se passait mal et qui
voulaient le croire. Ce petit moment de rencontre avec la foule à Oran, et
comment il a été perçu, en dit long sur ce traumatisme. À Alger et même à Oran,
la foule a été tenue loin du président français parce que les autorités locales
ne voulaient pas prendre de risques. Pourtant, à un moment, je brise ce
protocole et je vais à la rencontre de la foule, qui a une réaction spontanée
et amicale. Les gens sont chaleureux, me lancent :
« Bienvenue ! » Les mots de la foule sont ceux de l'hospitalité.
Après, d'autres personnes rejoignent la foule avec un discours plus politique,
un homme lance une insulte, peut-être deux, et c'est ce détail qui devient
viral, retenu pour signifier toute la séquence.
Le “One, two, three, viva l’Algérie” n’est pas
un rejet mais signifie : “J’ai besoin de te dire qui je suis, d’où je
viens.”
Il y a toujours des gens qui insultent, partout, dans n'importe quel pays,
il y en a dans les rues de France, c'est inévitable quand on est un politique.
D'ailleurs, l'unanimité se conjugue mal avec la démocratie. Pour revenir à
Oran, le « One, two, three, viva l'Algérie » n'est pas un rejet mais
signifie : « J'ai besoin de te dire qui je suis, d'où je
viens. » L'extrême droite française est très vite allée sur le thème de
l'humiliation, répétant : « Il a accepté de se faire
humilier ! » Et encore une fois chacun veut retrouver le confort des
positions traditionnelles. On s'est habitué, dans le malheur, à ces postures.
Reste qu'il y a beaucoup de potentiel derrière ces cris, ces slogans, cette
rencontre et ces réactions. Et ce potentiel est dans cette foule qui ne
s'adresse pas à un colonialiste, qui le relance comme un supporteur soutient
une équipe de foot. Moi, j'ai trouvé ce moment très engageant. Parce que cette
foule voit aussi une autre génération.
C'est pour cette raison que j'ai fait halte à Disco Maghreb, le mythique
label du raï à Oran que DJ Snake a remis au goût du jour. Il faut parler
par d'autres truchements, en parallèle des discours. J'étais surtout très fier,
durant ce voyage, d'être accompagné par plusieurs binationaux de la diaspora.
C'est une reconnaissance, et elle libère un potentiel d'actions, d'imagination,
de pouvoir et d'invention. Parce que cette jeunesse franco-algérienne, on l'a
sommée de ne pas se souvenir pendant longtemps, car un bon Français n'a pas le
droit de parler de son héritage quand cet héritage n'est pas source de fierté.
C'est le combat politique que je mène, ce n'est pas le combat d'un historien,
c'est un combat de reconnaissance, et il est éminemment politique.
Les grands chantiers, on ne les achève jamais dans le temps où l'on préside.
Je suis arrivé maintenant à cette conviction. Les très grandes entreprises, en
démocratie, il est très ardu de les parachever durant un ou deux mandats. On
n'est plus au temps des rois qui régnaient des décennies. Mais je pense qu'on
conjure cette impuissance face au temps, aux délais courts, quand on épouse
l'esprit de l'époque et qu'on crée de l'irréversible. Ce que je veux pouvoir
réaliser, ce n'est pas quelque chose qui va produire tous ses effets là, dans
l'immédiat, c'est impossible. Il y a des gens qui ne sont pas convaincus, mais
quelque chose commence à agir, en profondeur, et profondément fécond.
Il faut reprendre cette histoire par son début, construire une
« mémoire juste », se raconter les uns aux autres ces récits. Vous
avez raison. Il y a eu par exemple des propos rapportés par un journal en
France,à
l'origine d'une grande polémique il y a un an, quand j'avais parlé de la rente
mémorielle du régime algérien. C'est peut-être une phrase maladroite et qui
a pu blesser. C'est la question de « Quand la nation algérienne est-elle
née ? » qui était au centre de la réaction. Le propos a été rapporté
d'une manière rapide et ce n'est pas exactement ce que j'avais dit. Mais,
derrière cette tension, il y a des pistes qui s'ouvrent. Il faudrait
s'interroger sur l'État-nation en dehors de l'Europe et de son histoire propre,
sur ce que signifie ce concept dans d'autres pays, en Afrique, où il fait
barrage au fait ethnique et religieux. Il faudrait aussi que la France et
l'Algérie pensent l'histoire de l'Algérie en dehors de la colonisation, non
seulement après, mais surtout avant.
ARCHIVESAlger acte la désescalade après le
« premier pas » de Paris
Avez-vous été surpris par l'ampleur de la réaction algérienne ?
Oui ! Je ne pensais pas que cela allait prendre cette importance. Mais
c'est intéressant par ce que ces moments de tension nous apprennent. C'est
impossible de réussir si on n'apprend pas de ces tensions. Il faut du coup
savoir se retendre la main et s'engager, ce que nous avons su faire avec le
président Tebboune.
Du côté algérien, la demande d'excuses sert à valider un récit
national uniforme, sans travail sur soi : on pense que, si la France
s'excuse, cela valide le récit national algérien dans sa totalité artificielle.
Cela nous dispensera de la reconnaissance de l'Histoire dans sa complexité, ses
milliers de morts entre Algériens durant cette période. La demande d'excuses à
la France sert parfois à se dérober à la vérité et arbitre faussement
l'Histoire. En France, comment est perçue cette demande, formulée tardivement
en Algérie ?
Vous, vous pouvez le dire ainsi, mais pas moi. Il y a eu une guerre. Excuses
ou pas excuses, cela ne répare rien. Il faut revenir au fait générateur, à l'Histoire,
la qualifier.
Mais cette demande n'existait pas avant, il y a quelques décennies.
Mais non. Parce que, comme je vous le dis, c'est le retour du refoulé. Au
début, ce silence empêche tout. C'est d'ailleurs le danger de ces moments où
soit on cède à ces demandes, soit on se cabre en répétant : « Je n'ai
rien à dire, rien à faire. » Et c'est le « On n'a rien à faire
ensemble » qui est le pire alors dans cette histoire commune. Aujourd'hui,
ces moments de tension bilatéraux nous prennent beaucoup de temps, et ce n'est
pas si grave. Il y a là le début d'une discussion. C'est une conversation qui
doit se poursuivre. C'est ce qui m'intéresse plus.
Je n’ai pas à demander pardon, ce n’est pas le
sujet, le mot romprait tous les liens.
Le pire serait de conclure : « On s'excuse et chacun reprend son
chemin. » Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que,
dans ce cas, ce n'est pas la vraie reconnaissance. C'est le solde de tout
compte. Le travail de mémoire et d'histoire n'est pas un solde de tout compte.
C'est, bien au contraire, soutenir que dedans il y a de l'inqualifiable, de
l'incompris, de l'indécidable peut-être, de l'impardonnable. Je n'ai pas à
demander pardon, ce n'est pas le sujet, le mot romprait tous les liens. Je ne
demande pas pardon à l'Algérie et j'explique pourquoi.
Le seul pardon collectif que j'ai demandé, c'est aux harkis. Parce qu'une
parole avait été donnée par la République qu'elle avait trahie plusieurs fois.
Celle de les protéger, de les accueillir. Là, oui. J'ai demandé pardon, aussi,
à la famille de Maurice Audin et aux
petits-enfants d'Ali Boumendjel car, à travers ces destins singuliers, une
responsabilité, de certains gouvernements, d'un système et, à travers eux, de
la France, était manifeste. Une faute chaque fois spécifique et indiscutable.
Pour le reste, c'est un chemin. Qui laisse à voir une réalité, celle qui veut
que l'identité soit une narration, un récit qui continue. Aujourd'hui, ces
récits se regardent encore en miroir, malheureusement.
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prononce son « discours du Vél' d'Hiv »
Imaginez-vous la possibilité d'une cérémonie de recueillement du
président algérien sur les vingt-cinq sépultures des membres de la suite d'Abd el-Kader
enterrés au château d'Amboise ?
Je pense que cela serait un très beau et très fort moment, et je le
souhaite. J'espère d'ailleurs que le président Tebboune pourra venir
en 2023 en France. Je crois que cela fera sens dans l'histoire du
peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l'occasion de comprendre des
réalités souvent cachées. Ce sera aussi un moment pour regarder notre histoire
en face sans nous enfermer dans un pan de cette histoire au prétexte qu'une
bonne partie de ses acteurs sont toujours vivants ; et poursuivre avec le
président Tebboune un travail d'amitié que je crois inédit entre nos deux pays.
Nous avons, de par notre histoire, de par la Convention européenne des
droits de l'homme et notre Constitution, ce devoir d'accueil et de protection
envers ceux et celles qui se battent pour leurs idées et qui peuvent être
menacés pour celles-ci dans leur pays. C'est le droit d'asile. Il y a des
femmes et des hommes qui ont pu bénéficier de l'asile en France, qui venaient
d'Algérie et qui, en raison de leur combat politique, pouvaient être menacés.
Il y en a d'autres qui sont en instance pour obtenir ce statut. Je n'ai pas à
me prononcer sur leur cas parce qu'il s'agit de décisions qui relèvent du
contrôle du juge. C'est justement la grande difficulté que nous avons avec de
nombreux pays à expliquer cette indépendance du juge.
Maintenant, l'équilibre que nous devons trouver, c'est que, tout en respectant
notre Constitution et notre droit pour que des femmes et des hommes puissent
librement défendre leurs idées, il ne faut pas participer à l'injure à l'égard
des responsables politiques de ces pays ni l'encourager, et ne pas rendre
impossible la relation bilatérale par cela. Nous devons rappeler qu'il ne faut
pas non plus que ce soit un objet de fixation de la relation bilatérale parce
que ce n'est pas un sujet « politique », justement, et que ce n'est
pas le gouvernement français qui décide dans ces cas : c'est encore une
fois notre Constitution et son application par nos juges. Il faut aussi que
celles et ceux qui parfois bénéficient de cette protection en fassent bon
usage. Avoir l'asile donne des droits et des devoirs : défendre -librement
ses idées, mener ses combats politiques avec dignité et liberté dans un pays
qui vous -protège, mais le faire en respectant les individus, en gardant les
civilités qui vont avec, en ne rendant pas, en quelque sorte, la relation
bilatérale impossible.
L'invasion de l'Ukraine nous rappelle que l'impensable est possible,
le retour de la guerre en Europe. La guerre est-elle possible au Maghreb ?
La question est importante. Je ne veux pas le croire, le penser. Parce que
ni l'Algérie ni le Maroc ne sont des puissances irrationnelles. Pour ce qui est
de l'Ukraine, il s'agit de la conséquence d'un processus politique qui vient de
loin, qui repose d'ailleurs sur un puissant ressentiment des Russes. Mais c'est
aussi le non-respect de l'intégrité territoriale d'un peuple aux confins de
l'Europe par une puissance impérialiste. C'est ce qui m'amène à répéter à mes
homologues africains : vous ne pouvez pas soutenir la Russie ou être
ambigus sur cette invasion, parce qu'ontologiquement c'est ce que vous
combattez depuis toujours.
Pour revenir à votre question, je ne crois pas que le Maroc, l'Algérie aient
cette perspective de guerre. La tension entre les deux pays est là, réelle, et,
ce qui est alarmant, c'est quand la tension devient structurante du fait
national et de la vie politique de part et d'autre. Pour l'Algérie, pour le
Maroc et pour la France, l'apaisement entre les deux est très important. Je ne
crois pas que la guerre soit une réalité qui va survenir ; par contre je
vois la spéculation chez les uns, le fantasme chez les autres et même la
volonté de guerre chez certains, et je vois la distance que cela crée.
À LIRE AUSSIL'escalade du conflit entre
l'Algérie et le Maroc
Est-ce que les femmes d'Iran aujourd'hui donnent raison à ceux qui
luttent contre l'islamisme en France et ailleurs ? À ceux qui dénoncent le
voilement des femmes ? Est-ce que le combat des femmes iraniennes est une
leçon pour ceux qui accusent, par calcul ou par facilité, la France
d'islamophobie ?
D'abord, je me garderai bien d'essayer de récupérer le combat des femmes
iraniennes. Il est tellement héroïque. Je pense que c'est à nous, en France, de
gagner ce combat intellectuel, d'expliquer ce qu'est la France, la laïcité, sa
lutte. Un combat que moi je crois fondamental, dont je défends le caractère à
la fois existentiel dans notre pays et profondément moderne, contemporain.
C'est l'essence même de l'universalisme. Mais je pense que ces femmes
iraniennes ont leur combat propre aussi. Il y a quelque chose de singulier et
d'irréductible par rapport à d'autres pays, mais c'est aussi le moment
universel où l'arbitraire devient insupportable et fait réagir. En Iran, une
partie du pays reconnaît cet « abus d'obéissance », expression que
vous avez déjà employée, et se demande s'il peut désormais le cautionner.
Le combat de ces femmes, qui est aussi devenu celui de nombreux hommes et
d'une large partie de la jeunesse, est un combat contre l'oppression
évidemment, l'usage qui est fait d'une religion, d'un sexe sur l'autre, et, au
fond, d'un déni de reconnaissance. Je pense que ce combat a quelque chose de
fondateur, parce qu'un peuple ne peut se libérer du joug de ses dirigeants que
par lui-même. Ces femmes qui vont les cheveux au vent face aux fusils, leur
sacrifice est bouleversant. Leurs capacités de défi et d'exemplarité sont
absolument stupéfiantes. J'espère que cela fait réfléchir, ici en France et
ailleurs, les jeunes femmes et les jeunes hommes sur leur approche du voile,
sur cette force que porte le geste des Iraniennes. C'est le plus
important : c'est l'impact sur les consciences. Par ailleurs, il y a une
chose très difficile à comprendre dans nos sociétés et que je trouve nietzschéen :
ces femmes iraniennes ont déjà gagné ! Justement parce qu'elles n'ont pas
peur de mourir. Et, à la fin, c'est le défi porté à l'Occident dans ce
geste : à nous tous est posée la question de savoir qui n'a pas peur de
mourir pour ses valeurs. Avec l'Iran, il nous est rappelé que les grands choix
dans la vie des nations et des individus sont là.
À LIRE AUSSIMassi Kamari, menacée par l'Iran
pour avoir manifesté en France
En même temps, quoi qu'on en dise, le voile ôté par ces femmes en
Iran est un message très fort et impacte tous les débats : l'islamisme et
la condition de la femme partout, y compris en France.
En tant que président de la République, je veux dire mon admiration pour ces
femmes. Ensuite, c'est dans le dialogue de conscience de cette femme iranienne
avec une jeune fille, en France ou ailleurs, qui porte le voile que l'échange
est le plus puissant. Parce que d'abord elles peuvent s'associer, se
comprendre, s'identifier. Je pense que ces femmes viennent par des chemins à
quelque chose d'universel, la promesse faite par la République et qui est sa
plus grande force. Ce geste des Iraniennes interpelle celles qui en France
s'interrogent parfois, car il réaffirme le droit légitime des femmes d'être
libres de leur corps et d'être les égales des hommes.
Pour ce qui est du voile en France, comment est-ce que je vois les
choses ? Je suis d'abord intraitable quant aux tentatives
de voiler les jeunes filles à l'école. Parce que l'école est le lieu de
formation des consciences. Là, la religion, le poids de la famille restent à la
porte. Et il est hors de question que des concessions soient faites. Avec le
voile intégral ou autre, c'est surtout la loi de 1905 et sa
jurisprudence et la loi de 2004 qui sont visées, qu'il faut défendre,
rappeler et mettre en œuvre, pour contrer la menace. Sur ce sujet, il ne faut
rien céder, tout en expliquant à toutes ces familles, ces mères parfois, ces
pères plus souvent encore, ces frères quelquefois et ces jeunes filles surtout,
que cette liberté de conscience que l'on défend par la loi est le plus grand
signe de respect. Ici, il s'agit de rappeler que l'égalité est là, qui que vous
soyez, d'où que vous veniez, que vous y êtes pour forger une conscience libre
car je considère que les choix que vous ferez là, à l'école, à cet âge, ne sont
pas les vôtres. Que je vous mets en capacité d'armer votre conscience et de la
rendre vraiment libre.
À LIRE AUSSIDjemila Benhabib : « Le
voile participe à façonner un ordre social phallocrate »
Elle choisira plus tard de le porter ?
Ou pas. Et ce n'est pas nier une religion ou s'attaquer à une religion.
Après, je regarde la réalité de ce qu'est le voile dans notre pays. Dans le
voile, il y a parfois une manipulation religieuse de groupes séparatistes –
c'est le terme que j'emploie – qui veulent bousculer la République et
promeuvent un islam politique. Le voile est là encore un élément de combat
idéologique. La bonne réponse à mes yeux est la
loi annoncée au discours des Mureaux et ce qui a suivi [loi confortant
le respect des principes de la République, NDLR]. Nos lois visent la
racine de ce phénomène, en s'attaquant ainsi aux associations, aux structures
qui nient les principes fondamentaux de notre République, en particulier
l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais l'interdiction absolue du voile
dans l'espace public n'aurait pas de sens à mes yeux et ne serait pas conforme
à la laïcité républicaine. Si une femme fait librement ce choix, nous n'avons
pas le droit de l'en empêcher, mais il nous faut tout faire pour que ce ne soit
pas un instrument de domination sociale, qu'elle choisisse vraiment.
Au demeurant, aucun pays au monde n'interdit le voile dans l'espace public.
Nous sommes le pays qui va le plus loin dans cette direction, et je le défends
en expliquant que c'est ce qui différencie un modèle universaliste comme le
nôtre en France et un autre modèle multiculturel ou racialiste quel qu'il soit.
Aujourd'hui, et c'est un défi qui nous est posé, la société dans son
fonctionnement ne doit pas instaurer ces différences ni donner le sentiment à
des gens qu'ils sont assignés à résidence en raison de leur religion ou de leur
origine. Il s'agit à la fois de défendre le respect du religieux, du fait
religieux sous toutes ses formes, et d'une capacité à tenir la promesse
d'émancipation par l'éducation, le travail et l'économie.
Il y a quelques générations, ce sont les mères qui ont fait tomber le voile
lorsqu'elles sont arrivées en France. Aujourd'hui, leurs filles le
remettent ! Parce qu'elles se disent que cette République ne les aime pas,
que leur père n'a pas été reconnu, que leur frère n'arrive pas à avoir un
travail. Quelle est alors la meilleure façon de refuser cette République qui
vous refuse ? Elles l'ont compris : c'est mettre le voile. Vous le
voyez, il y a derrière le voile tout à la fois du religieux et le retour d'un
conservatisme religieux que l'on combat dans nombre de pays et auquel nous
mettons en France une limite claire : le respect complet des règles de la
République et pas d'islam politique ; et il y aussi comme une
contre-culture.
À LIRE AUSSILaïcité : pourquoi
le ministre de l'Éducation devrait s'inquiéter
Comment trouver l'équilibre entre le besoin des Français qui font le
lien entre insécurité et immigration, qui veulent une France qui se referme, et
la nécessité pour la France de garder vive la francophonie, de ne pas perdre le
soutien des élites du Sud, leur marché, leurs apports ? Je veux
dire : comment restreindre les visas et garder de l'influence ?
Il y a un problème de délinquance qui est lié à une immigration mal
maîtrisée à nos frontières et dans la répartition sur notre sol. La France a toujours
été une terre d'immigration et nous en avons besoin. Mais les migrations se
sont accélérées ces dernières années du fait de la pression sur l'Europe venue
du Sud et de l'Est, liée aussi aux flux secondaires au sein de l'Europe. Ce
phénomène est lié aux crises et aux guerres au Proche et au Moyen-Orient et
dans la Corne de l'Afrique, mais aussi au manque d'opportunités économiques
dans nombre de pays en développement. La solution passe d'abord par la
coopération responsable avec les pays d'origine et de transit, et c'est pour
cela que nous avons augmenté de manière inédite l'aide publique au
développement. C'est pour cela, aussi, qu'il faut structurer un dialogue
politique, développer l'investissement solidaire, permettre la mobilité des
talents par une réforme de notre politique de visas que nous allons lancer,
mais la solution passe également par des coopérations avec les pays d'origine
pour lutter contre l'immigration illégale, démanteler les réseaux de passeurs
et reprendre les individus qui doivent l'être.
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visite de Darmanin à Alger
Il y a aussi l'enjeu de la francophonie. Un ami me disait récemment
que, dans cinq ans, la France ne trouvera pas un ministre, dans le Maghreb,
pour tenir une conversation en français.
Je ne pense pas que le problème de la francophonie soit lié à ce qui précède.
Le sujet de la francophonie vient de plus loin, et la francophonie s'affaiblit
depuis une quinzaine d'années. On le sait tous, et on le sait bien.
Pourquoi ? D'abord, il y a dans les pays francophones d'Afrique un effet
de mode de la langue anglaise, qui promet en quelque sorte un pouvoir de
circulation plus grand, d'accès à d'autres mondes. L'anglais est considéré dans
ces pays comme la vraie altérité, et surtout ce n'est pas l'altérité qui est
assimilée à de la domination dans certains pays autrefois colonisés par la
France. Souvenons-nous : il y a quelque temps, la langue française a connu
un énorme succès chez les non-alignés quand l'anglais ou l'américain
signifiaient le choix d'un camp. Aujourd'hui, il y a un retour du refoulé de la
mémoire sur la colonisation, qui s'exprime aussi, parfois, par le rejet de la
langue française. Sauf qu'on a assimilé, dans ce mouvement, la langue française
et la France, et le rejet de l'un touche l'autre.
On arrivera à faire évoluer la relation,
profondément. On arrivera à réconcilier.
Par ailleurs, ce rejet de la France a été nourri par une stratégie
méthodique de plusieurs puissances impériales pour que la France soit repoussée
hors de l'Afrique. Il y a aujourd'hui des stratégies néo-impérialistes
utilisant ouvertement l'anticolonialisme. Le rejet de la France a été nourri
par les mouvements islamistes, parce que l'islam politique voit dans la France
son pire ennemi compte tenu de l'universalisme qu'elle porte et la laïcité qui
va avec. Et il a également été nourri par les diasporas, depuis la France, et
par les frustrations à l'égard de l'ineffectivité de la République à les
intégrer. Le mouvement s'est aujourd'hui accéléré, alors même que j'ai changé
de politique depuis le discours de Ouagadougou en novembre 2017. Et je
vais continuer, car je pense qu'à la fin on arrivera à faire évoluer la
relation, profondément. On arrivera à réconcilier.
Je pense enfin que ceux qui doivent défendre la langue française, ce sont
les écrivains d'expression française. Et la France doit les aider et les mettre
en capacité de le faire. Mais c'est vous, c'est Leïla Slimani, c'est Alain
Mabanckou… La réalité, c'est que la créativité de la langue française est en
Afrique, en Asie, dans les Caraïbes, dans le Pacifique. Je veux, dans les années
qui viennent, permettre à la francophonie de redevenir un espace d'inventivité,
de création, de circulation. Le sommet de la Francophonie que nous organisons
en 2024 à Villers-Cotterêts sera un moment important à ce titre aussi
pour la création, la traduction, les échanges économiques. Nous devrons
multiplier nos efforts dans cette perspective.
À LIRE AUSSIAlain Mabanckou en toutes
lettres
Mais ça va au-delà. Quand il y a des élections législatives dans nos
pays, nos communautés en France ou en Europe votent souvent pour les
islamistes. Le vote conservateur est celui de nos ressortissants du Maghreb
établis en Occident. Ceux qui jouissent des libertés en Occident sont des
électeurs conservateurs chez nous.
Ceux qui aiment l'islamisme politique sont ceux qui ne vivent pas sous son
joug. En France, tous ceux qui plaident pour cet islamisme le font en ayant des
droits sociaux qu'aucun régime d'islam politique ne donne, des libertés réelles
qu'aucun régime d'islam politique ne donne. C'est un rejet de la République
alors même qu'on en prend l'argent et les droits. Il faut rompre avec cette
hypocrisie.
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Ce petit Monsieur MACRON est vraiment un
président qui s'enferme dans ses procrastinations et qui se soule dans ses
discours alambiqués ou écrits fleuves ou il se noie en voulant essayer de plaire
à tout le monde sans y arriver car pour le problème de l'ALGERIE il faudrait déjà
qu'il est vécu l'indépendance et cette guerre inutile faite à ce pays pendant 7
ans 1954/1962 !
Ce fossé et cette fracture avec ce pays et les algériens
ne peut être comblé et ce n'est pas lui qui changera cela car la rancœur de algériens
est tenace que ce soit ses dirigeants et même du peuple qui n'a pas connu cette
guerre entre la France ex colonisatrice qui a commis l'erreur de vouloir en
faire un département Français ce que l'Algérie ne voulait pas mais surtout les Algériens
pour avoir un vrai pays !
D'ailleurs le Maghreb TUNISIE et MAROC étaient
dans le même état d'esprit il faut considérer très vite cette Afrique du nord
comme des pays étrangers normaux et les traiter comme tels et tourner
maintenant définitivement la page des décolonisations de l'ancien empire
colonial Français rapidement il est plus que temps car le monde entier change
les Anglais font de même plus facilement avec leur Commonwealth contraint et
forcé depuis leur brexit et le décès de leur reine Elisabeth II !?
Jdeclef 11/01/2023 18h47
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