mercredi 11 janvier 2023

Notre Président trop novice ne comprend rien à l’ALGERIE et c’est logique car l’Algérie et les Algériens ne veulent pas être sous tutelle des grands frères Français qu’ils ne considèrent pas comme tels après 60 ans d’Indépendance et de leur rancœur à cette guerre faite contre eux !

 

EXCLUSIF. Emmanuel Macron : « Je ne demande pas pardon à l’Algérie et j’explique pourquoi »

ENTRETIEN. Colonialisme, repentance, immigration… Le président a confié à l’écrivain Kamel Daoud sa vision de la relation franco-algérienne.

RERETONS LE TOURNEZ ENFIN LA PAGE DE CETTE DECOLONISATION AFRIQUE DU NORD ET AFRIQUES EX AOEF/AEF MR MACRON CAR LES FRANÇAIS ON EN VRAIMENT MARRE ?!

Tous deux sont nés après la guerre de décolonisation, après 1962 et les accords d'Évian. Tous deux sont des « enfants des indépendances », selon l'expression poétique de Kamel Daoud. L'écrivain, également chroniqueur au Point, a su convaincre le président français de se confier à lui sur la complexe et passionnelle relation entre la France et l'Algérie. Ils se sont entretenus à Oran, lors du déplacement officiel du chef de l'État en Algérie, fin août 2022, puis à l'Élysée dans les jours suivants. Mémoire, reconnaissance, pardon, droit d'asile, francophonie, port du voile, islamisme… Emmanuel Macron a longuement évoqué ces sujets qui ont parfois suscité des crispations entre les deux pays. Animé par le souci de bâtir un avenir apaisé pour les générations futures, il a, « en même temps », démontré à son interlocuteur qu'il ne « craignait pas le dossier algérien ». Entretien.

Le Point : Monsieur le président, quand je vous ai proposé cet entretien, il m'a semblé percevoir une hésitation, l'exigence d'un temps long de réflexion. Est-il difficile à un président français de parler de l'Algérie, de parler avec l'Algérie ?

Emmanuel Macron : C'est toujours difficile. C'est un champ de tiraillement, si je puis dire. Prendre la parole sur l'Algérie est potentiellement périlleux mais indispensable. Au fond, c'est difficile parce que c'est un sujet intime pour chacun. Et par cela je veux dire que c'est toujours une question intérieure pour beaucoup en France, mais aussi une question extérieure, vers l'Algérie, vers l'Histoire. Et que parler de l'Algérie c'est à la fois parler à la France et parler de son histoire, parler aux Français qui ont été militaires ou appelés du contingent, parler à celles et ceux qui sont issus de l'immigration algérienne, parler aux binationaux, aux harkis, aux rapatriés et à leurs enfants et parler à l'Algérie d'aujourd'hui. Autant de mémoires qui ne sont pas synchronisées. Pourquoi ? Parce que nous avons eu soixante-dix ans de traumatisme. Et, avant cela, plus d'un siècle de colonisation. Nous portons un poids sur les épaules qui rend les approches très compliquées – ce n'est pas à vous, le passionné d'Albert Camus, que je vais rappeler le mythe de Sisyphe, cet homme qui doit pousser sans cesse et sans raison un rocher, et quelles que soient les hypothèses camusiennes qui veulent nous décrire un Sisyphe heureux malgré son sort.

Toute une génération politique française a participé à l’oubli et s’est construite autour.

Tout cela nous plonge dans une dimension qui nous dépasse. La France a colonisé l'Algérie par des choix militaires. L'acte d'une génération d'avant les colonialismes « universalistes », si je puis dire, à l'époque des luttes contre la piraterie. Ensuite, la France a colonisé d'une manière très atypique, avec une perspective d'annexion et de peuplement, agissant différemment de ce qu'elle a fait ailleurs dans d'autres territoires. Ce n'est pas au président de la République de prétendre au bilan du colonialisme, par ailleurs déjà largement fait, mais cela participe justement de cette manière dont chacun joue cette symphonie, interprète l'Histoire, les faits, les récits. Sauf qu'il y a eu ensuite la guerre, qui a créé une multitude de drames aux histoires souvent irréconciliables. Puis advint, enfin, le silence après la décolonisation. Il faut rappeler que durant les dernières décennies, malgré diverses tentatives, une France s'est construite dans une forme d'impératif d'oubli, comme après la guerre entre Sparte et Athènes : « Tu dois oublier ! », et c'est ce qui s'est passé. On s'est refusé le droit d'évoquer cette période. Toute une génération politique française a participé à l'oubli et s'est construite autour.

Du côté algérien, l'indépendance s'est faite dans la lutte contre la France, et le récit de l'Histoire n'a pas été revisité au-delà, refusant toute réflexion, tout récit différent. Tragiquement, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, soixante-dix ans après, l'oubli parfait n'a pas fonctionné en France et, pire encore, les refoulés sont venus se greffer et se nourrir sur cette situation de départ. C'est pour cela que j'évoque ce caractère d'intimité. C'est un travail politique qui rejoint le travail sur soi, les siens, les autres.

La guerre d’Algérie constitue une référence du traumatisme.

Côté algérien, le rapport à la France reste très traumatique. Ce trauma est perceptible, on le voit, on peut y revenir aussi longtemps qu'on veut, mais je ne veux pas m'enfermer là-dedans, justement, car, fait encourageant, je pense qu'il y a une volonté réelle de la part du président, Abdelmadjid Tebboune, d'entamer une nouvelle étape. Pour moi, il est très important de ne pas cacher ce qui a été, ce qui a été vécu. Il y a nécessité d'accéder à une nouvelle étape et de concilier ces récits divergents avec l'histoire contemporaine, immédiate. Je me dois de rappeler encore que, du côté français, la guerre d'Algérie est devenue la matrice de tous les ressentiments postcoloniaux à l'égard de la France. Ce qui me frappe, y compris chez les générations qui n'ont jamais vécu le fait colonial, qui sont originaires de pays où la décolonisation s'est faite presque sans conflits, c'est que la guerre d'Algérie constitue une référence du traumatisme.

C'est pour cette raison que parler de l'Algérie est nécessaire à plus d'un titre, si on prétend mettre cela à plat, aller de l'avant. C'est ce travail que les Français doivent avant tout faire pour eux-mêmes. Ce travail ne se résume pas seulement à l'Histoire mais engage aussi la responsabilité politique. Il est vital pour la France, pour la relation bilatérale, pour la relation avec le continent africain. Apaiser ces mémoires diverses et contradictoires, c'est rendre conciliables ces destins contraires et contrariés dans notre pays. La capacité à traiter cette histoire dans le cadre d'une relation franco-algérienne assainie, c'est la possibilité de fonder une relation bilatérale normale et féconde avec le continent africain. L'avenir, c'est revisiter autrement ce passé en commun. Ce fut l'un de mes messages durant mon dernier voyage en Algérie, en août 2022.

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Dans votre lettre de mission à Benjamin Stora, auteur du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie, vous dites : « Je souhaite m'inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algérien. » À partir de quel moment avez-vous pris conscience de cette nécessité ? Parce que vous pensiez que pour guérir la France il faut la guérir de l'Algérie ? Ou que pour lutter contre l'islamisme il faut réparer l'amnésie ?

D'abord, nous avons des millions de concitoyens qui vivent intimement la relation franco-algérienne : les Algériens vivant en France avec un titre de séjour, les binationaux, les Français issus de l'immigration ayant un parent algérien, les harkis et leurs enfants, les rapatriés et leurs familles, ceux qui se sont battus sur le sol algérien… On dépasse les 10 millions. Il s'agit de mémoires divergentes, longtemps et sans doute aussi pour partie irréconciliables, qui ont charpenté la vie politique. Historiquement, la gauche française s'est structurée avec la « dénonciation » de la guerre d'Algérie et avec beaucoup d'ambiguïté et de divisions entre communistes et socialistes. L'OAS et ceux qui se sont retrouvés dans son sillage ont aussi façonné la vie politique française. L'antigaullisme de l'extrême droite française procède de la guerre d'Algérie. Cette guerre est une matrice des familles politiques françaises, de leurs histoires, de leurs origines, de leur identité et quelquefois de leur pensée politique actuelle. Notre vie politique contemporaine est encore bâtie autour de cette histoire muette, de ces mémoires cloisonnées.

Cette mémoire désunie pèse aussi sur les liens de certains pays avec la France. C'est un lieu de refoulé et de violence : je me souviens par exemple que, pendant la campagne présidentielle en 2017, lors d'un rassemblement à Toulon, après mon retour d'Algérie et mes déclarations sur la colonisation, la violence des militants d'extrême droite mais aussi de plusieurs personnes montrait combien ce sujet touche à une intimité qui fait mal maintenant, qui n'est pas seulement de l'ordre de la mémoire ou de l'Histoire mais du vécu présent. Ce sont toujours des blessures. C'est un moment qui est une matrice identitaire pour beaucoup d'enfants issus de l'immigration, ou d'origine africaine.

Travailler sur une “mémoire juste”, selon la formule de Paul Ricœur.

J'ai donc essayé de bâtir un chemin. Et, contrairement à ce qui m'a été reproché, ce chemin n'est pas celui, caricatural, d'un mauvais film qui procéderait par des échanges d'otages et de rançons, en demandant aux Algériens de faire la même progression que nous en France. Et il ne doit pas être hypothéqué automatiquement, à chaque pas fait ici, par le geste d'un vis-à-vis de l'autre côté. Ce chemin de reconnaissance et de douleur, nous devons d'abord le commencer, l'accepter, pour nous-mêmes. Travailler sur une « mémoire juste », selon la formule de Paul Ricœur. C'est dans cet esprit que le rapport que j'ai demandé à Benjamin Stora a été pensé. Et c'est dans cet esprit que j'ai imaginé les gestes accomplis avant ce rapport : reconnaître que l'armée française avait torturé puis exécuté Maurice Audin, reconnaître la responsabilité de la France dans la mort d'Ali Boumendjel, organiser la restitution à l'Algérie des crânes des combattants algériens, rendre hommage à toutes les victimes, des dizaines de manifestants algériens, au pont de Bezons, soixante ans après la tragédie [la répression du 17 octobre 1961, NDLR], dire que c'était là une faute inexcusable pour la République.

Certes, il y a une volonté d'avancer de la part des Algériens et du président Tebboune, mais cette volonté algérienne, parallèle à ce qui s'accomplit en France, suit son propre chemin et son propre rythme.

Ce chemin suppose d'autres actes encore : avoir une Maison de l'Algérie et de la France, un musée ; rouvrir la recherche académique sur cette histoire commune et divisée ; et la décision, prise avec le président Tebboune, d'ouvrir les archives de part et d'autre, de n'avoir aucun tabou sur la question des crimes de la colonisation, depuis le début jusqu'aux essais nucléaires, jusqu'aux disparus de la guerre d'Algérie – un sujet très important pour beaucoup de familles – et, enfin, d'ouvrir une commission mixte d'historiens. Ce chemin procède d'une nécessité intérieure, politique et morale. Ce sont les premiers pas d'une voie commune. Je me souviens de la rencontre que j'ai eue, fin septembre 2021, avec des jeunes Français, ici à l'Élysée, qui était marquante et émouvante. Un moment que le rapport de Benjamin Stora a rendu possible et qui a rassemblé la mosaïque des destins français avec l'Algérie. J'ai pu entendre que cette génération des « petits-enfants » de la guerre d'Algérie veut comprendre, veut savoir mais veut vivre ensemble. Elle veut bâtir un avenir.

Le chef de l’État remet la grand-croix de la Légion d’honneur au général François Meyer, le 20 septembre 2021. Cet officier, décédé en 2022, avait sauvé des harkis, abandonnés par la France et condamnés au massacre. © GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Nous sommes français et algérien, missionnés par nos aînés. Notre rencontre n'échappera pas à une forme de théâtralisation, parce que nous sommes soumis à un procès en loyauté permanent. Vous êtes, comme moi, né après les décolonisations. De quoi sommes-nous coupables ? De quoi sommes-nous innocents ? Sommes-nous les victimes du victimaire des deux côtés ?

[Long silence.] On porte notre passé, qu'on le veuille ou non. Et la perception qu'en ont les contemporains dépend du récit construit sur ce passé. Le passé est composé de faits mais aussi du récit que l'on s'en fait, que l'on retient et auquel on participe. Je peux tenter d'ignorer ces faits, cela n'empêche pas que la guerre d'Algérie, la colonisation produisent encore du récit qui nous engage, nous emmêle à ce passé. Parce que ce vent continue à souffler. Il nous porte et nous impose sa direction. Il me vient cette image de l'ange qui pousse vers l'avenir mais qui regarde vers l'arrière avec un regard effrayé. C'est l'Angelus novus, de Paul Klee, que Paul Ricœur avait mis dans La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli. Cette image me rappelle qu'on est pris dans le courant, pourtant ignoré, de ce passé. Comme nous tous, l'ange est pris dans un souffle, et il ne va vers l'avenir qu'en regardant le passé. La question est de savoir à partir de quel moment on considère que le passé trame quelque chose de commun qui nous permet de construire ensemble et de faire acte d'avenir, d'aller vers cette intimité, avec ces pardons nécessaires ; ou, au contraire, à quel moment on considère que ce passé est impossible, fait de mémoires irréconciliables, et qu'il nous séparera à jamais.

Je crois que l'on s'est enfermé dans une théorie sans espérance qui fait l'éloge de la séparation, de l'impossibilité de penser notre avenir. Une dangereuse théorie de l'impuissance, de la démission. Le passé nous lie là même où il nous divise. Je pense que l'Algérie ne peut pas se penser sans son rapport à la France et que la France ne peut plus se penser sans son rapport à l'Algérie. Ce lien suppose la confrontation mais est nécessaire à la délivrance. Je crois qu'on a besoin de mettre cette relation dans un cadre intelligible et humainement acceptable. Ce n'est pas seulement un cadre politique qui doit être réfléchi ni une nécessité politique qui incombe à deux chefs d'État. Il s'agit de plus intime, de plus spectaculaire et de plus immédiat pour tous ceux-là qui vivent de part et d'autre de la Méditerranée.

Par le simple choix des mots, on est sommé de choisir son camp ; par un seul adjectif, on colore cette histoire, on se hasarde.

Une première difficulté est déjà là depuis longtemps : est-ce qu'on peut qualifier cette relation entre l'Algérie et la France, entre le passé et le présent, par un seul adjectif ? Cette question me préoccupe et peut paralyser. Lors de mon voyage en Algérie, cet été, j'ai évoqué, lors d'un discours à l'ambassade française, une histoire d'amour entre l'Algérie et la France. Pas entre colonisés et colonisateurs, comme certains ont voulu le comprendre pour relancer de vieilles et blessantes polémiques. Cela m'a rappelé encore une fois combien la relation est en fait inqualifiable. Un adjectif ne suffit pas à l'évoquer. Par ce simple choix des mots, on est sommé de choisir son camp ; par un seul adjectif, on colore cette histoire, on se hasarde. D'où l'extrême prudence que j'ai à vous répondre. À chaque mot, on serait suspecté d'être d'un côté ou de l'autre. Ce lien n'est pas qualifiable, on ne peut y trancher par l'usage d'une seule sentence. Cette relation se discute, elle est discursive mais n'est pas qualifiable définitivement ; elle est analysable mais on ne peut y trancher sans blesser. Pas encore du moins. Et je ne sais pas si cette relation est normalisable dans l'immédiat.

 La relation entre la France et l'Algérie est très méditerranéenne, brassant en elle de grands mythes, de grands drames de la Méditerranée, faits de polarités. Je crois beaucoup à l'idée d'une commission d'historiens, à un travail d'histoire et d'historiographie commun, partagé, car il faut quand même des faits, de l'objectivité sur ce passé. Le récit scientifique qui en sortira peut servir de référence et conjurer les fantasmes. Ce rapport à la vérité va libérer des récits, des imaginaires, de l'appropriation, car je pense qu'il y a un immense potentiel narratif dans la relation.

Ces histoires, entre la France et l'Algérie, ne se sont pas conjuguées avec les mêmes verbes, ne se sont pas écrites ensemble depuis 1962. Et la question est de savoir comment provoquer du récit commun et comment encourager son appropriation par les nouvelles générations. Vous m'avez beaucoup entendu parler en Algérie de productions cinématographiques, de traductions ; c'est parce que je pense qu'au-delà du travail libre et scientifique des historiens il faut donner la possibilité aux jeunes de fabriquer de la fiction, du récit et de s'approprier cet espace.

Commission algéro-française sur la mémoire : Alger désigne ses historiens

En tant qu'Algérien, je suis coincé entre deux sollicitations mémorielles : un devoir d'hypermnésie vis-à-vis d'une guerre de décolonisation que je n'ai pas vécue et une obligation juridique d'amnésie sur une guerre que j'ai vécue, la guerre des années 1990. Ma question est la suivante : face à l'Algérie, un président français est-il un historien empêché par la sanction des urnes et la perspective de sa réélection ? L'Algérie est-elle un risque politique ?

Oui. Elle l'est. Et le candidat de 2017 que j'étais l'avait sans doute sous-estimé. Mais, aujourd'hui, je suis détaché de cela. Dans le cas de l'Algérie, on est sommé de choisir un camp, et pourtant, là, il n'y a pas que le choix entre le déni et la repentance, la fierté nationale et la repentance. Beaucoup se sont enfermés dans ces choix supposés indépassables, dans ces représentations. On l'a vu avec les commentaires frappants sur les images de mon voyage à Oran chez tous ceux qui répétaient que cela se passait mal et qui voulaient le croire. Ce petit moment de rencontre avec la foule à Oran, et comment il a été perçu, en dit long sur ce traumatisme. À Alger et même à Oran, la foule a été tenue loin du président français parce que les autorités locales ne voulaient pas prendre de risques. Pourtant, à un moment, je brise ce protocole et je vais à la rencontre de la foule, qui a une réaction spontanée et amicale. Les gens sont chaleureux, me lancent : « Bienvenue ! » Les mots de la foule sont ceux de l'hospitalité. Après, d'autres personnes rejoignent la foule avec un discours plus politique, un homme lance une insulte, peut-être deux, et c'est ce détail qui devient viral, retenu pour signifier toute la séquence.

Le “One, two, three, viva l’Algérie” n’est pas un rejet mais signifie : “J’ai besoin de te dire qui je suis, d’où je viens.”

Il y a toujours des gens qui insultent, partout, dans n'importe quel pays, il y en a dans les rues de France, c'est inévitable quand on est un politique. D'ailleurs, l'unanimité se conjugue mal avec la démocratie. Pour revenir à Oran, le « One, two, three, viva l'Algérie » n'est pas un rejet mais signifie : « J'ai besoin de te dire qui je suis, d'où je viens. » L'extrême droite française est très vite allée sur le thème de l'humiliation, répétant : « Il a accepté de se faire humilier ! » Et encore une fois chacun veut retrouver le confort des positions traditionnelles. On s'est habitué, dans le malheur, à ces postures. Reste qu'il y a beaucoup de potentiel derrière ces cris, ces slogans, cette rencontre et ces réactions. Et ce potentiel est dans cette foule qui ne s'adresse pas à un colonialiste, qui le relance comme un supporteur soutient une équipe de foot. Moi, j'ai trouvé ce moment très engageant. Parce que cette foule voit aussi une autre génération.

C'est pour cette raison que j'ai fait halte à Disco Maghreb, le mythique label du raï à Oran que DJ Snake a remis au goût du jour. Il faut parler par d'autres truchements, en parallèle des discours. J'étais surtout très fier, durant ce voyage, d'être accompagné par plusieurs binationaux de la diaspora. C'est une reconnaissance, et elle libère un potentiel d'actions, d'imagination, de pouvoir et d'invention. Parce que cette jeunesse franco-algérienne, on l'a sommée de ne pas se souvenir pendant longtemps, car un bon Français n'a pas le droit de parler de son héritage quand cet héritage n'est pas source de fierté. C'est le combat politique que je mène, ce n'est pas le combat d'un historien, c'est un combat de reconnaissance, et il est éminemment politique.

Mais, dans ce cas, on a l'impression que vous êtes un président jeune qui manque de temps. Est-ce que vous aurez le temps ? Parce que le temps est nécessaire pour authentifier la réponse.

Les grands chantiers, on ne les achève jamais dans le temps où l'on préside. Je suis arrivé maintenant à cette conviction. Les très grandes entreprises, en démocratie, il est très ardu de les parachever durant un ou deux mandats. On n'est plus au temps des rois qui régnaient des décennies. Mais je pense qu'on conjure cette impuissance face au temps, aux délais courts, quand on épouse l'esprit de l'époque et qu'on crée de l'irréversible. Ce que je veux pouvoir réaliser, ce n'est pas quelque chose qui va produire tous ses effets là, dans l'immédiat, c'est impossible. Il y a des gens qui ne sont pas convaincus, mais quelque chose commence à agir, en profondeur, et profondément fécond.

Il faut reprendre cette histoire par son début, construire une « mémoire juste », se raconter les uns aux autres ces récits. Vous avez raison. Il y a eu par exemple des propos rapportés par un journal en France,à l'origine d'une grande polémique il y a un an, quand j'avais parlé de la rente mémorielle du régime algérien. C'est peut-être une phrase maladroite et qui a pu blesser. C'est la question de « Quand la nation algérienne est-elle née ? » qui était au centre de la réaction. Le propos a été rapporté d'une manière rapide et ce n'est pas exactement ce que j'avais dit. Mais, derrière cette tension, il y a des pistes qui s'ouvrent. Il faudrait s'interroger sur l'État-nation en dehors de l'Europe et de son histoire propre, sur ce que signifie ce concept dans d'autres pays, en Afrique, où il fait barrage au fait ethnique et religieux. Il faudrait aussi que la France et l'Algérie pensent l'histoire de l'Algérie en dehors de la colonisation, non seulement après, mais surtout avant.

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Avez-vous été surpris par l'ampleur de la réaction algérienne ?

Oui ! Je ne pensais pas que cela allait prendre cette importance. Mais c'est intéressant par ce que ces moments de tension nous apprennent. C'est impossible de réussir si on n'apprend pas de ces tensions. Il faut du coup savoir se retendre la main et s'engager, ce que nous avons su faire avec le président Tebboune.

Du côté algérien, la demande d'excuses sert à valider un récit national uniforme, sans travail sur soi : on pense que, si la France s'excuse, cela valide le récit national algérien dans sa totalité artificielle. Cela nous dispensera de la reconnaissance de l'Histoire dans sa complexité, ses milliers de morts entre Algériens durant cette période. La demande d'excuses à la France sert parfois à se dérober à la vérité et arbitre faussement l'Histoire. En France, comment est perçue cette demande, formulée tardivement en Algérie ?

Vous, vous pouvez le dire ainsi, mais pas moi. Il y a eu une guerre. Excuses ou pas excuses, cela ne répare rien. Il faut revenir au fait générateur, à l'Histoire, la qualifier.

Mais cette demande n'existait pas avant, il y a quelques décennies.

Mais non. Parce que, comme je vous le dis, c'est le retour du refoulé. Au début, ce silence empêche tout. C'est d'ailleurs le danger de ces moments où soit on cède à ces demandes, soit on se cabre en répétant : « Je n'ai rien à dire, rien à faire. » Et c'est le « On n'a rien à faire ensemble » qui est le pire alors dans cette histoire commune. Aujourd'hui, ces moments de tension bilatéraux nous prennent beaucoup de temps, et ce n'est pas si grave. Il y a là le début d'une discussion. C'est une conversation qui doit se poursuivre. C'est ce qui m'intéresse plus.

Je n’ai pas à demander pardon, ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens.

Le pire serait de conclure : « On s'excuse et chacun reprend son chemin. » Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que, dans ce cas, ce n'est pas la vraie reconnaissance. C'est le solde de tout compte. Le travail de mémoire et d'histoire n'est pas un solde de tout compte. C'est, bien au contraire, soutenir que dedans il y a de l'inqualifiable, de l'incompris, de l'indécidable peut-être, de l'impardonnable. Je n'ai pas à demander pardon, ce n'est pas le sujet, le mot romprait tous les liens. Je ne demande pas pardon à l'Algérie et j'explique pourquoi.

Le seul pardon collectif que j'ai demandé, c'est aux harkis. Parce qu'une parole avait été donnée par la République qu'elle avait trahie plusieurs fois. Celle de les protéger, de les accueillir. Là, oui. J'ai demandé pardon, aussi, à la famille de Maurice Audin et aux petits-enfants d'Ali Boumendjel car, à travers ces destins singuliers, une responsabilité, de certains gouvernements, d'un système et, à travers eux, de la France, était manifeste. Une faute chaque fois spécifique et indiscutable. Pour le reste, c'est un chemin. Qui laisse à voir une réalité, celle qui veut que l'identité soit une narration, un récit qui continue. Aujourd'hui, ces récits se regardent encore en miroir, malheureusement.

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Imaginez-vous la possibilité d'une cérémonie de recueillement du président algérien sur les vingt-cinq sépultures des membres de la suite d'Abd el-Kader enterrés au château d'Amboise ?

Je pense que cela serait un très beau et très fort moment, et je le souhaite. J'espère d'ailleurs que le président Tebboune pourra venir en 2023 en France. Je crois que cela fera sens dans l'histoire du peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l'occasion de comprendre des réalités souvent cachées. Ce sera aussi un moment pour regarder notre histoire en face sans nous enfermer dans un pan de cette histoire au prétexte qu'une bonne partie de ses acteurs sont toujours vivants ; et poursuivre avec le président Tebboune un travail d'amitié que je crois inédit entre nos deux pays.

La France héberge des opposants algériens selon les uns, des agitateurs sur les réseaux sociaux selon les autres, et dont l'Algérie veut l'extradition pour assainir les relations bilatérales. Où en est-on sur ce dossier ?

Nous avons, de par notre histoire, de par la Convention européenne des droits de l'homme et notre Constitution, ce devoir d'accueil et de protection envers ceux et celles qui se battent pour leurs idées et qui peuvent être menacés pour celles-ci dans leur pays. C'est le droit d'asile. Il y a des femmes et des hommes qui ont pu bénéficier de l'asile en France, qui venaient d'Algérie et qui, en raison de leur combat politique, pouvaient être menacés. Il y en a d'autres qui sont en instance pour obtenir ce statut. Je n'ai pas à me prononcer sur leur cas parce qu'il s'agit de décisions qui relèvent du contrôle du juge. C'est justement la grande difficulté que nous avons avec de nombreux pays à expliquer cette indépendance du juge.

Maintenant, l'équilibre que nous devons trouver, c'est que, tout en respectant notre Constitution et notre droit pour que des femmes et des hommes puissent librement défendre leurs idées, il ne faut pas participer à l'injure à l'égard des responsables politiques de ces pays ni l'encourager, et ne pas rendre impossible la relation bilatérale par cela. Nous devons rappeler qu'il ne faut pas non plus que ce soit un objet de fixation de la relation bilatérale parce que ce n'est pas un sujet « politique », justement, et que ce n'est pas le gouvernement français qui décide dans ces cas : c'est encore une fois notre Constitution et son application par nos juges. Il faut aussi que celles et ceux qui parfois bénéficient de cette protection en fassent bon usage. Avoir l'asile donne des droits et des devoirs : défendre -librement ses idées, mener ses combats politiques avec dignité et liberté dans un pays qui vous -protège, mais le faire en respectant les individus, en gardant les civilités qui vont avec, en ne rendant pas, en quelque sorte, la relation bilatérale impossible.

L'invasion de l'Ukraine nous rappelle que l'impensable est possible, le retour de la guerre en Europe. La guerre est-elle possible au Maghreb ?

La question est importante. Je ne veux pas le croire, le penser. Parce que ni l'Algérie ni le Maroc ne sont des puissances irrationnelles. Pour ce qui est de l'Ukraine, il s'agit de la conséquence d'un processus politique qui vient de loin, qui repose d'ailleurs sur un puissant ressentiment des Russes. Mais c'est aussi le non-respect de l'intégrité territoriale d'un peuple aux confins de l'Europe par une puissance impérialiste. C'est ce qui m'amène à répéter à mes homologues africains : vous ne pouvez pas soutenir la Russie ou être ambigus sur cette invasion, parce qu'ontologiquement c'est ce que vous combattez depuis toujours.

Pour revenir à votre question, je ne crois pas que le Maroc, l'Algérie aient cette perspective de guerre. La tension entre les deux pays est là, réelle, et, ce qui est alarmant, c'est quand la tension devient structurante du fait national et de la vie politique de part et d'autre. Pour l'Algérie, pour le Maroc et pour la France, l'apaisement entre les deux est très important. Je ne crois pas que la guerre soit une réalité qui va survenir ; par contre je vois la spéculation chez les uns, le fantasme chez les autres et même la volonté de guerre chez certains, et je vois la distance que cela crée.

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Est-ce que les femmes d'Iran aujourd'hui donnent raison à ceux qui luttent contre l'islamisme en France et ailleurs ? À ceux qui dénoncent le voilement des femmes ? Est-ce que le combat des femmes iraniennes est une leçon pour ceux qui accusent, par calcul ou par facilité, la France d'islamophobie ?

D'abord, je me garderai bien d'essayer de récupérer le combat des femmes iraniennes. Il est tellement héroïque. Je pense que c'est à nous, en France, de gagner ce combat intellectuel, d'expliquer ce qu'est la France, la laïcité, sa lutte. Un combat que moi je crois fondamental, dont je défends le caractère à la fois existentiel dans notre pays et profondément moderne, contemporain. C'est l'essence même de l'universalisme. Mais je pense que ces femmes iraniennes ont leur combat propre aussi. Il y a quelque chose de singulier et d'irréductible par rapport à d'autres pays, mais c'est aussi le moment universel où l'arbitraire devient insupportable et fait réagir. En Iran, une partie du pays reconnaît cet « abus d'obéissance », expression que vous avez déjà employée, et se demande s'il peut désormais le cautionner.

Le combat de ces femmes, qui est aussi devenu celui de nombreux hommes et d'une large partie de la jeunesse, est un combat contre l'oppression évidemment, l'usage qui est fait d'une religion, d'un sexe sur l'autre, et, au fond, d'un déni de reconnaissance. Je pense que ce combat a quelque chose de fondateur, parce qu'un peuple ne peut se libérer du joug de ses dirigeants que par lui-même. Ces femmes qui vont les cheveux au vent face aux fusils, leur sacrifice est bouleversant. Leurs capacités de défi et d'exemplarité sont absolument stupéfiantes. J'espère que cela fait réfléchir, ici en France et ailleurs, les jeunes femmes et les jeunes hommes sur leur approche du voile, sur cette force que porte le geste des Iraniennes. C'est le plus important : c'est l'impact sur les consciences. Par ailleurs, il y a une chose très difficile à comprendre dans nos sociétés et que je trouve nietzschéen : ces femmes iraniennes ont déjà gagné ! Justement parce qu'elles n'ont pas peur de mourir. Et, à la fin, c'est le défi porté à l'Occident dans ce geste : à nous tous est posée la question de savoir qui n'a pas peur de mourir pour ses valeurs. Avec l'Iran, il nous est rappelé que les grands choix dans la vie des nations et des individus sont là.

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En même temps, quoi qu'on en dise, le voile ôté par ces femmes en Iran est un message très fort et impacte tous les débats : l'islamisme et la condition de la femme partout, y compris en France.

En tant que président de la République, je veux dire mon admiration pour ces femmes. Ensuite, c'est dans le dialogue de conscience de cette femme iranienne avec une jeune fille, en France ou ailleurs, qui porte le voile que l'échange est le plus puissant. Parce que d'abord elles peuvent s'associer, se comprendre, s'identifier. Je pense que ces femmes viennent par des chemins à quelque chose d'universel, la promesse faite par la République et qui est sa plus grande force. Ce geste des Iraniennes interpelle celles qui en France s'interrogent parfois, car il réaffirme le droit légitime des femmes d'être libres de leur corps et d'être les égales des hommes.

Pour ce qui est du voile en France, comment est-ce que je vois les choses ? Je suis d'abord intraitable quant aux tentatives de voiler les jeunes filles à l'école. Parce que l'école est le lieu de formation des consciences. Là, la religion, le poids de la famille restent à la porte. Et il est hors de question que des concessions soient faites. Avec le voile intégral ou autre, c'est surtout la loi de 1905 et sa jurisprudence et la loi de 2004 qui sont visées, qu'il faut défendre, rappeler et mettre en œuvre, pour contrer la menace. Sur ce sujet, il ne faut rien céder, tout en expliquant à toutes ces familles, ces mères parfois, ces pères plus souvent encore, ces frères quelquefois et ces jeunes filles surtout, que cette liberté de conscience que l'on défend par la loi est le plus grand signe de respect. Ici, il s'agit de rappeler que l'égalité est là, qui que vous soyez, d'où que vous veniez, que vous y êtes pour forger une conscience libre car je considère que les choix que vous ferez là, à l'école, à cet âge, ne sont pas les vôtres. Que je vous mets en capacité d'armer votre conscience et de la rendre vraiment libre.

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Elle choisira plus tard de le porter ?

Ou pas. Et ce n'est pas nier une religion ou s'attaquer à une religion. Après, je regarde la réalité de ce qu'est le voile dans notre pays. Dans le voile, il y a parfois une manipulation religieuse de groupes séparatistes – c'est le terme que j'emploie – qui veulent bousculer la République et promeuvent un islam politique. Le voile est là encore un élément de combat idéologique. La bonne réponse à mes yeux est la loi annoncée au discours des Mureaux et ce qui a suivi [loi confortant le respect des principes de la République, NDLR]. Nos lois visent la racine de ce phénomène, en s'attaquant ainsi aux associations, aux structures qui nient les principes fondamentaux de notre République, en particulier l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais l'interdiction absolue du voile dans l'espace public n'aurait pas de sens à mes yeux et ne serait pas conforme à la laïcité républicaine. Si une femme fait librement ce choix, nous n'avons pas le droit de l'en empêcher, mais il nous faut tout faire pour que ce ne soit pas un instrument de domination sociale, qu'elle choisisse vraiment.

Au demeurant, aucun pays au monde n'interdit le voile dans l'espace public. Nous sommes le pays qui va le plus loin dans cette direction, et je le défends en expliquant que c'est ce qui différencie un modèle universaliste comme le nôtre en France et un autre modèle multiculturel ou racialiste quel qu'il soit. Aujourd'hui, et c'est un défi qui nous est posé, la société dans son fonctionnement ne doit pas instaurer ces différences ni donner le sentiment à des gens qu'ils sont assignés à résidence en raison de leur religion ou de leur origine. Il s'agit à la fois de défendre le respect du religieux, du fait religieux sous toutes ses formes, et d'une capacité à tenir la promesse d'émancipation par l'éducation, le travail et l'économie.

Il y a quelques générations, ce sont les mères qui ont fait tomber le voile lorsqu'elles sont arrivées en France. Aujourd'hui, leurs filles le remettent ! Parce qu'elles se disent que cette République ne les aime pas, que leur père n'a pas été reconnu, que leur frère n'arrive pas à avoir un travail. Quelle est alors la meilleure façon de refuser cette République qui vous refuse ? Elles l'ont compris : c'est mettre le voile. Vous le voyez, il y a derrière le voile tout à la fois du religieux et le retour d'un conservatisme religieux que l'on combat dans nombre de pays et auquel nous mettons en France une limite claire : le respect complet des règles de la République et pas d'islam politique ; et il y aussi comme une contre-culture.

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Comment trouver l'équilibre entre le besoin des Français qui font le lien entre insécurité et immigration, qui veulent une France qui se referme, et la nécessité pour la France de garder vive la francophonie, de ne pas perdre le soutien des élites du Sud, leur marché, leurs apports ? Je veux dire : comment restreindre les visas et garder de l'influence ?

Il y a un problème de délinquance qui est lié à une immigration mal maîtrisée à nos frontières et dans la répartition sur notre sol. La France a toujours été une terre d'immigration et nous en avons besoin. Mais les migrations se sont accélérées ces dernières années du fait de la pression sur l'Europe venue du Sud et de l'Est, liée aussi aux flux secondaires au sein de l'Europe. Ce phénomène est lié aux crises et aux guerres au Proche et au Moyen-Orient et dans la Corne de l'Afrique, mais aussi au manque d'opportunités économiques dans nombre de pays en développement. La solution passe d'abord par la coopération responsable avec les pays d'origine et de transit, et c'est pour cela que nous avons augmenté de manière inédite l'aide publique au développement. C'est pour cela, aussi, qu'il faut structurer un dialogue politique, développer l'investissement solidaire, permettre la mobilité des talents par une réforme de notre politique de visas que nous allons lancer, mais la solution passe également par des coopérations avec les pays d'origine pour lutter contre l'immigration illégale, démanteler les réseaux de passeurs et reprendre les individus qui doivent l'être.

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Il y a aussi l'enjeu de la francophonie. Un ami me disait récemment que, dans cinq ans, la France ne trouvera pas un ministre, dans le Maghreb, pour tenir une conversation en français.

Je ne pense pas que le problème de la francophonie soit lié à ce qui précède. Le sujet de la francophonie vient de plus loin, et la francophonie s'affaiblit depuis une quinzaine d'années. On le sait tous, et on le sait bien. Pourquoi ? D'abord, il y a dans les pays francophones d'Afrique un effet de mode de la langue anglaise, qui promet en quelque sorte un pouvoir de circulation plus grand, d'accès à d'autres mondes. L'anglais est considéré dans ces pays comme la vraie altérité, et surtout ce n'est pas l'altérité qui est assimilée à de la domination dans certains pays autrefois colonisés par la France. Souvenons-nous : il y a quelque temps, la langue française a connu un énorme succès chez les non-alignés quand l'anglais ou l'américain signifiaient le choix d'un camp. Aujourd'hui, il y a un retour du refoulé de la mémoire sur la colonisation, qui s'exprime aussi, parfois, par le rejet de la langue française. Sauf qu'on a assimilé, dans ce mouvement, la langue française et la France, et le rejet de l'un touche l'autre.

On arrivera à faire évoluer la relation, profondément. On arrivera à réconcilier.

Par ailleurs, ce rejet de la France a été nourri par une stratégie méthodique de plusieurs puissances impériales pour que la France soit repoussée hors de l'Afrique. Il y a aujourd'hui des stratégies néo-impérialistes utilisant ouvertement l'anticolonialisme. Le rejet de la France a été nourri par les mouvements islamistes, parce que l'islam politique voit dans la France son pire ennemi compte tenu de l'universalisme qu'elle porte et la laïcité qui va avec. Et il a également été nourri par les diasporas, depuis la France, et par les frustrations à l'égard de l'ineffectivité de la République à les intégrer. Le mouvement s'est aujourd'hui accéléré, alors même que j'ai changé de politique depuis le discours de Ouagadougou en novembre 2017. Et je vais continuer, car je pense qu'à la fin on arrivera à faire évoluer la relation, profondément. On arrivera à réconcilier.

Je pense enfin que ceux qui doivent défendre la langue française, ce sont les écrivains d'expression française. Et la France doit les aider et les mettre en capacité de le faire. Mais c'est vous, c'est Leïla Slimani, c'est Alain Mabanckou… La réalité, c'est que la créativité de la langue française est en Afrique, en Asie, dans les Caraïbes, dans le Pacifique. Je veux, dans les années qui viennent, permettre à la francophonie de redevenir un espace d'inventivité, de création, de circulation. Le sommet de la Francophonie que nous organisons en 2024 à Villers-Cotterêts sera un moment important à ce titre aussi pour la création, la traduction, les échanges économiques. Nous devrons multiplier nos efforts dans cette perspective.

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Mais ça va au-delà. Quand il y a des élections législatives dans nos pays, nos communautés en France ou en Europe votent souvent pour les islamistes. Le vote conservateur est celui de nos ressortissants du Maghreb établis en Occident. Ceux qui jouissent des libertés en Occident sont des électeurs conservateurs chez nous.

Ceux qui aiment l'islamisme politique sont ceux qui ne vivent pas sous son joug. En France, tous ceux qui plaident pour cet islamisme le font en ayant des droits sociaux qu'aucun régime d'islam politique ne donne, des libertés réelles qu'aucun régime d'islam politique ne donne. C'est un rejet de la République alors même qu'on en prend l'argent et les droits. Il faut rompre avec cette hypocrisie.

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Ce petit Monsieur MACRON est vraiment un président qui s'enferme dans ses procrastinations et qui se soule dans ses discours alambiqués ou écrits fleuves ou il se noie en voulant essayer de plaire à tout le monde sans y arriver car pour le problème de l'ALGERIE il faudrait déjà qu'il est vécu l'indépendance et cette guerre inutile faite à ce pays pendant 7 ans 1954/1962 !

Ce fossé et cette fracture avec ce pays et les algériens ne peut être comblé et ce n'est pas lui qui changera cela car la rancœur de algériens est tenace que ce soit ses dirigeants et même du peuple qui n'a pas connu cette guerre entre la France ex colonisatrice qui a commis l'erreur de vouloir en faire un département Français ce que l'Algérie ne voulait pas mais surtout les Algériens pour avoir un vrai pays !

D'ailleurs le Maghreb TUNISIE et MAROC étaient dans le même état d'esprit il faut considérer très vite cette Afrique du nord comme des pays étrangers normaux et les traiter comme tels et tourner maintenant définitivement la page des décolonisations de l'ancien empire colonial Français rapidement il est plus que temps car le monde entier change les Anglais font de même plus facilement avec leur Commonwealth contraint et forcé depuis leur brexit et le décès de leur reine Elisabeth II !?

Jdeclef 11/01/2023 18h47

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