mercredi 18 mars 2020

Peut-être que la Chine ou l'Asie en général sont des lieux où naissent plus facilement ces virus, donc la Chine s'en méfie et réagit plus vite et avec plus de rigueur !?


Ces « sentinelles des pandémies » que nous n'avons pas voulu entendre

Pourquoi la Chine est-elle bien plus à l'affût des grandes épidémies que l'Occident ? L'anthropologue Frédéric Keck a mené l'enquête.

Il est des livres qui tombent à pic. Prévu pour sortir début avril, au moment où la France devrait connaître son pic épidémique du Covid-19, Les Sentinelles des pandémies* est de ceux-là. C'est pourtant le résultat d'une enquête de longue haleine, commencée au milieu des années 2000 par Frédéric Keck, directeur du laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France, disciple de Claude Lévi-Strauss et Philippe Descola.
Au temps du Sras (syndrome respiratoire aigu sévère, ancêtre du nouveau coronavirus) et de la grippe aviaire déjà, Français et Européens se riaient de la « psychose » épidémique qui s'emparait de l'Asie. Suivis et respectés dans leurs pays, les savants d'Extrême-Orient étaient pourtant persuadés de déceler les signes avant-coureurs de la prochaine grande pandémie dans les mutations des virus repérées chez les animaux sauvages.
Pourquoi un tel mépris ? La science des virologues et des épidémiologistes n'est-elle pourtant pas universelle ? De Paris à Hongkong et Singapour, l'anthropologue a passé plusieurs années à observer cette tribu des « chasseurs de virus ». Il détaille les raisons pour lesquelles il existe une différence culturelle aussi flagrante, qui a aujourd'hui des conséquences déterminantes dans nos réactions collectives à l'épidémie provoquée par le virus Sras-CoV-2. Entretien et extraits exclusifs.
Le Point : En 1968, la grippe de Hongkong a fait plus d'un million de morts dans le monde, mais seuls les spécialistes s'en souviennent. Pourquoi cette hécatombe est-elle passée inaperçue ?
Frédéric Keck : 1968, c'est en effet la dernière grande pandémie, causée par le virus de grippe H3N2, avant celle du H1N1 en 2009. Comme le coronavirus Sras-CoV-2, elle est partie de Chine. Mais, malgré son bilan meurtrier, elle n'a pas autant marqué les esprits, sans doute parce que 1968 est une année de mouvements sociaux, pas seulement en France mais partout dans le monde. L'obsession des États à ce moment n'est pas la santé publique mais le contrôle de l'ordre social. À Hongkong, où le H3N2 a été identifié, le gouvernement colonial britannique craignait davantage les grèves, qu'il soupçonnait d'être manipulées par le Parti communiste chinois. En France, il a tué 30 000 personnes dans l'indifférence générale. Le spécialiste de la grippe Claude Hannoun raconte qu'il participait alors à un congrès à Téhéran où les experts furent contaminés et diffusèrent la pandémie.
Coronavirus : les leçons (optimistes) de la peste noire
On a beaucoup plus entendu parler du Sras et de la grippe aviaire, qui ont fait pourtant beaucoup moins de morts. Qu'est-ce qui a changé entre-temps ?
Il y a d'abord une avancée scientifique dont je raconte l'histoire dans mon livre. Dans les années 1960, des chercheurs australiens découvrent qu'il y a une plus grande diversité de virus de grippe chez les oiseaux que chez les humains et forment l'hypothèse du « réservoir aviaire » de la grippe pour expliquer le caractère cyclique des pandémies de grippe (1918,1957, 1968). L'un d'eux, Kennedy Shortridge, ouvre un département de microbiologie à l'université de Hongkong pour collecter les virus de la grippe dans la région dans le but d'identifier la prochaine souche qui émergera en Chine avant qu'elle ne devienne pandémique. Et cela a marché en 1997 avec le H5N1, qui n'était pas très contagieux mais très létal. L'alarme tirée par Shortridge va ensuite être prise très au sérieux avec la crise du Sras en 2003. L'ironie est que ce n'est pas un virus de grippe des oiseaux, mais un coronavirus qui vient des chauves-souris. Cela confirme cependant que Hongkong est la sentinelle qui lance l'alerte sur les pandémies contemporaines à partir des réservoirs animaux.
Un autre point a évidemment changé entre la grippe de Hongkong et le Sras. En 1968, l'économie de la Chine ne pèse rien à l'échelle internationale. En 2003, elle représente déjà plus de 4 % du PIB mondial et près de 6 % des exportations. C'est le moment où l'on se rend compte que, si une épidémie perturbe l'atelier du monde chinois, cela peut provoquer une catastrophe économique. Et ce scénario se réalise aujourd'hui.
Les épidémies ont longtemps été traitées comme des fatalités. Quand a-t-on considéré qu'on pouvait se préparer et développer une politique de « biosécurité » ?
L'idée qu'une épidémie n'est pas une fatalité de la nature mais une menace que l'on peut combattre vient avec le concept de « maladies infectieuses émergentes » forgé par des virologues comme Joshua Lederberg et des historiens comme William McNeil, Emmanuel Le Roy Ladurie et Fernand Braudel, à l'époque où l'on découvre Ebola en République démocratique du Congo (en 1976). Ces réflexions et découvertes scientifiques ont petit à petit irrigué la réponse politique aux épidémies. Après la guerre froide, les États-Unis définissent la « menace générique », un ensemble de risques plus large que la menace nucléaire venue de l'Union soviétique : cela inclut les attentats, les catastrophes naturelles, et les épidémies. À la fin des années 1990, Bill Clinton investit donc massivement dans la « préparation aux maladies infectieuses émergentes ».
Une épidémie n'est pas une fatalité de la nature, mais une menace que l'on peut combattre.
La grippe aviaire a été vue en Occident comme une fausse alerte, mais pas en Asie. Comment expliquer cette différence ?
C'est le point de départ de mon enquête anthropologique. J'ai passé deux ans à observer des comités d'experts en microbiologie, en médecine vétérinaire et en risques alimentaires entre 2005 et 2007. L'opinion française ne prenait pas très au sérieux le risque de grippe aviaire, et les autorités sanitaires pensaient qu'il suffisait de protéger les éleveurs et de confiner les volailles. Le virus ne se transmettait pas d'humain à humain et on ne comprenait donc pas pourquoi les Chinois s'alarmaient autant.
Le risque de transmission des virus de grippe des oiseaux aux humains est en fait pris beaucoup plus au sérieux en Chine qu'en Europe, parce que les Chinois ont un rapport différent aux oiseaux. En Europe, à part pour quelques passionnés d'ornithologie, on a invisibilisé les oiseaux. Nos poulets sont parqués dans des élevages confinés, alors qu'à Hongkong et en Chine les volailles vivantes sont au cœur des marchés et les oiseaux sont sauvages très présents dans les villes. Les immigrants chinois qui s'installaient à Hongkong avaient jusqu'aux années 2000 un poulet de basse-cour, qu'ils considéraient comme une de leurs seules richesses. Et les Chinois aiment interagir avec des oiseaux en cage et comparer leurs chants. Si le Sras en 2003 a eu pour conséquence la régulation des marchés aux oiseaux de Hongkong, la grippe aviaire a montré que les oiseaux restaient au centre de l'espace public dans une ville ultramoderne comme Hongkong.
Les animaux sauvages sont désignés comme la « cause » des maladies infectieuses. Pourquoi n'accuse-t-on pas plutôt les hommes et leurs travers, mauvaise hygiène, urbanisation accélérée, braconnage, élevage intensif ?
Notre imaginaire négatif de la sauvagerie animale a été transformé par l'urbanisation. Comme on ne voit plus dans notre société que des animaux de compagnie, il nous est devenu difficile de penser les menaces venues des animaux. C'est dans ce contexte que les scientifiques ont senti le potentiel narratif et médiatique de ces chaînes de transmission virale remontant aux animaux : Ebola vient des chauves-souris et des singes, la vache folle vient du mouton à travers une forme de cannibalisme bovin, la grippe aviaire vient des oiseaux et des cochons… Ils insistent sur cette idée de la transmission d'une maladie des animaux aux humains parce qu'elle fait ressurgir les animaux dans l'espace public à une époque où ils en ont été exclus.
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Et aussi parce ces populations ne se nourrissent pas de la même façon, de culture différente et de rapport différents avec les animaux vivants que les occidentaux!

Mais le défaut des occidentaux, c'est peut-être leur arrogance croyant tout savoir et de ne pas quelquefois prendre au sérieux ces virus qui circulent et font pourtant des milliers de morts depuis des décennies, dont on ne parle pas ou peu !

D’ailleurs la réaction des certains dirigeants occidentaux (inutile de les citer) de pays riches et évolués soi-disant à la pointe du progrès mondial, dont nous faisons partie représentaient bien le peu de prise au sérieux de ce virus, comme ceux avant du passé !

Et donc logiquement la réaction de ceux-ci a été tardive et les peuples de leurs pays subissent de plein fouet, la crise et maintenant, ils courent comme « des chiens après leur queues » pour essayer de rattraper leurs laxismes et gabegies habituelles !

Donc après que cette pandémie sera passée, car elle s’éteindra plus ou moins rapidement selon les pays de ces mêmes dirigeants, ils en tireront les leçons (peut-être), mais même çà, ce n’est pas acquit, notamment avec nos politiciens élus médiocres, car avec eux « chassez le naturel il revient au galop » et certains continuent déjà à polémiquer incurables (mais ce n’est pas qu’en France !)

Ils nous restent nos scientifiques heureusement, (ils ne font pas de politique en principe?!)

Jdeclef 18/03/2020 16h05

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